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24/06/2022 | FRANCE | N°19/02396

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 24 juin 2022, 19/02396


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/02396 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MJJ6





SARL ORIENT EXPRESS



C/

[N]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Oyonnax

du 11 Mars 2019

RG : 17/00022











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 24 JUIN 2022







APPELANTE :



SARL ORIENT EXPRESS

[Adresse 2]

[Loca

lité 1]



représentée par Me Carole DELAY, avocat au barreau D'AIN





INTIMÉ :



[H] [N]

né le 18 Décembre 1973 à [Localité 4] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Localité 1]



représenté par Me Damien VIGUIER, avocat au barreau D'AIN







DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/02396 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MJJ6

SARL ORIENT EXPRESS

C/

[N]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Oyonnax

du 11 Mars 2019

RG : 17/00022

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 24 JUIN 2022

APPELANTE :

SARL ORIENT EXPRESS

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Carole DELAY, avocat au barreau D'AIN

INTIMÉ :

[H] [N]

né le 18 Décembre 1973 à [Localité 4] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Damien VIGUIER, avocat au barreau D'AIN

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Mai 2022

Présidée par Sophie NOIR, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Sophie NOIR, conseiller

- Catherine CHANEZ, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Orient Express exploite un commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisé.

Elle applique la convention collective de la boucherie.

M. [N] a été embauché par la société Orient Express selon un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel au poste de boucher à compter du 1er juin 2016 et jusqu'au 31 mai 2017 en contrepartie d'une rémunération mensuelle de 1.200 euros bruts correspondant à 28 heures de travail par semaine.

Le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie du 2 au 11 septembre 2016 puis du 14 au 25 septembre 2016.

Par courrier du 6 septembre 2016, la société Orient Express l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 13 septembre 2016.

Par courrier du 17 septembre 2016, l'employeur a adressé au salarié une mise en demeure de justifier son absence du 13 septembre 2016 à 8 heures

Le 27 septembre 2016, la société Orient Express a notifié à M. [H] [N] une mise à pied à titre conservatoire et l'a convoqué par courrier à un entretien préalable fixé au 11 octobre 2016.

Le contrat de travail a été rompu par par courrier du 21 octobre 2016 rédigé ainsi :

« Vous avez eu une conduite constitutive d'une faute grave. En effet :

1. Absence injustifiée et non autorisée le 13 septembre 2016, vous étiez censé être présent à votre poste de travail de 8 heures à 13 heures, nous vous avons envoyé un courrier le 17 septembre 2016 à fin de justifier votre absence.

Je vous informe que vous n'avez pas respecté votre contrat de travail, vous êtes parti travailler chez une autre personne pendant vos heures de travail, et sans autorisation de notre part, je vous rappelle que vous êtes tenu d'exécuter les obligations fixées par votre contrat de travail, en cas d'absence le salarié a des obligations envers son employeur :

a) Il doit prévenir son employeur dans un délai maximal de 24 heures. Cette obligation n'étant pas référencée dans le code du travail est basée sur le principe de loyauté.

b) le salarié doit justifier son absence par un certificat médical à remettre à son employeur. Ce certificat donne droit au versement des indemnités complémentaires aux indemnités journalières.

c) le salarié a l'obligation de rester chez lui hors période des heures de sorties précisées dans le certificat médical.

2. Le 20 août 2016, avant de quitter votre poste de travail à 15 heures, vous êtes servi dans le magasin sans payer, non-respect règlement intérieur : en cas de disparition renouvelée et rapprochée de matériels, marchandises ou objets appartenant à l'entreprise.

3. A la fin du Ramadan, j'ai offert une semaine à tous les salariés de l'entreprise pour se reposer, malheureusement pendant cette semaine, vous avez préféré aller travailler chez un concurrent sans autorisation.

le salarié est par ailleurs redevable d'un devoir de loyauté. Il ne doit pas porter atteinte aux intérêts de l'entreprise en commettant des actes de concurrence déloyale.

le salarié est tenu d'obligation. Cette obligation s'applique envers des informations présentant de manière objective un caractère confidentiel (secret de préparation, la marge etc).

Pour le salarié, cette obligation consiste donc de façon générale à ne pas nuire à la réputation ou au bon fonctionnement de la société employeur durant toute l'exécution du contrat de travail, notamment par des actes de dénigrement ou de concurrence contraires à l'intérêt de l'entreprise.

En application de ce principe, le salarié qui blogue en dehors de ses heures de travail ne doit pas évoquer de manière négative l'entreprise qui l'emploie. Cette obligation empêche aussi le salarié d'exercer une activité concurrente à celle de son employeur.

Une violation de ces devoirs ou obligations peut entraîner le licenciement du salarié.

4. Pourboires, non-respect du règlement intérieur : les salariés partagent les pourboires avec des collègues.

Un travailleur embauché dans un établissement où une convention de partage des pourboires est déjà en place est obligé d'y adhérer.

5. Le 20 septembre 2016 à 19h30, à la fermeture du magasin vous êtes venus nous voir pour nous informer que vous n'êtes pas content suite à la réception de la lettre de mise en demeure suite à votre absence injustifiée, vous avez menacé le gérant de l'entreprise en lui disant que vous allez fermer le magasin définitivement.

Ces faits ont gravement mi en cause la bonne marche de l'entreprise. C'est pourquoi, compte tenu de leur gravité et malgré vos explications lors de notre entretien préalable, nous sommes au regret de devoir procéder à votre licenciement pour faute grave.

Pour ces mêmes raisons, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris durant la période de préavis. Votre licenciement prend donc effet à compter de la première présentation de cette lettre, sans indemnité de licenciement ni de préavis.

Nous vous rappelons que vous faites également l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent la période non travaillée du 27 septembre 2016 au 24 octobre 2016 ne sera pas rémunérée' »

Le 9 mars 2017 M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes d'Oyonnax d'une contestation de cette rupture ainsi que de diverses demandes à caractère indemnitaire.

Par jugement en date du 11 mars 2019, le conseil de prud'hommes d'Oyonnax a:

- déclaré que le licenciement de M. [N] prononcé le 24 septembre 2016 était sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Orient Express à verser à M. [N] la somme de 8.400 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Orient Express à verser à M. [N] la somme de 923 euros au titre de dommages et intérêts pour la période du 25 septembre au 24 octobre 2016 ;

- condamné la société Orient Express à verser à M. [N] la somme de 276 euros au titre dommage et intérêt pour la période de la mise à pied ;

- condamné la société Orient Express à verser à M. [N] la somme de 276 euros au titre de dommages et intérêts pour la période du 25 au 31 octobre ;

- débouté M. [N] de sa demande 55 euros au titre de rappel de salaire pour le 13 septembre 2016 ;

- débouté M. [N] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- débouté M. [N] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel ;

- condamné la société Orient Express à verser à M. [N] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté la société Orient Express de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamne aux entiers dépens ;

- constaté que la moyenne des trois derniers salaires est de 1.200 euros.

La société Orient Express a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 5 avril 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 juillet 2019, la société Orient Express demande à la cour de :

- recevoir la société Orient Express en ses fins, conclusions et prétentions ;

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Oyonnax le 11 mars 2019 en ce qu'il a considéré le licenciement de M. [N] sans cause réelle et sérieuse ;

- constater que le licenciement de M. [N] repose sur une faute grave ;

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [N] à payer à la société Orient Express la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du 27 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions et pièces notifiées par M. [H] [N] le 16 octobre 2019 ainsi que toutes les pièces et conclusions notifiées ultérieurement par cette partie.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de la partie appelante, à ses conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

En l'espèce, il résulte des termes du courrier du 21 octobre 2016 retranscrits ci-dessus que le contrat de travail a été rompu en raison d'une faute grave caractérisée par les faits suivants :

- une absence injustifiée et non autorisée du salarié le 13 septembre 2016 de 8 heures à 13 heures

- être parti travailler chez une autre personne pendant ses heures de travail et sans autorisation de l'employeur

- avoir travaillé chez un concurrent sans autorisation durant la semaine offerte par l'entreprise à tous les salariés à la fin du Ramadan pour leur permettre de se reposer

- s'être servi dans le magasin sans payer le 20 août 2016, ce en violation du règlement intérieur

- ne pas avoir partagé les pourboires avec ses collègues en violation du règlement intérieur

- avoir menacé le gérant de l'entreprise suite à la réception de la lettre de mise en demeure en lui disant qu'il allait fermer le magasin définitivement le 20 septembre 2016.

S'agissant de l'absence du 13 septembre 2016, les premiers juges ont estimé que ce fait n'était pas matériellement établi après avoir écarté l'attestation produite en pièce 14.2 par l'employeur au motif d'une absence de mention manuscrite qui ne permet pas de s'assurer que son rédacteur a bien eu connaissance des sanctions auxquelles il s'expose en cas de fausse déclaration.

Ils ont également estimé que 'la fonction de sacrificateur exercée par M. [H] [N] était de notoriété publique dans la communauté musulmane et que par conséquent la convocation de M. [N] à un entretien préalable ce jour-là était fortuite car la Sarl Orient-Express avait connaissance que M. [N] ne pourrait être présent. la connaissance à l'avance de cette absence permettant de justifier l'absence de désorganisation de l'entreprise ce jour-là.'

L'employeur soutient que le magasin était fermé aux clients le 13 septembre 2016, pour cause de nettoyage, de sorte que le salarié devait quand même être présent ce jour-là.

Il ajoute avoir appris le même jour que M. [H] [N] travaillait pour l'abattoir ambulant de [Localité 5].

Il considère que le salarié aurait dû demander un jour de repos pour exercer sa fonction de sacrificateur durant la fête de l'Aïd car il n'a pas à supporter les conséquences de cette absence non autorisée.

Dans son courrier de contestation de la mise en demeure adressée le 17 septembre 2016, daté du du 20 septembre 2016, M. [N] n'a pas discuté avoir été absent le 13 septembre 2016 et indique que le gérant avait décidé de fermer boutique ce jour-là en raison de la fête annuelle de l'Aïd, ce jusqu'au vendredi 16 septembre 2016.

La cour relève cependant que le salarié a reçu le 9 septembre 2016 une convocation à un entretien préalable sur son lieu de travail fixé au 13 septembre 2016 et qu'il n'a, à ce moment-là, pas fait état d'un motif lui interdisant de pouvoir être présent, notamment par suite de l'autorisation d'absence de l'employeur consécutive à une fermeture du magasin.

Il est également constant qu'aucun justificatif d'absence n'a été transmis par le salarié.

La matérialité de ce fait est donc établie.

S'agissant du travail pour une société concurrente, les premiers juges ont estimé que l'attestation produite en pièce 14 ne constitue pas une preuve suffisante et ont relevé que le contrat de travail à temps partiel ne comporte aucune stipulation d'une clause de non concurrence ou interdiction d'exercer un complément horaire dans un autre établissement, y compris dans une boucherie.

L'employeur verse aux débats en pièces 13, 13.1, 14, 14.1, 15 et 15.1 les attestations de trois salariés : M. [B], M. [X] et M. [K] indiquant avoir vu M. [H] [N] quitter son poste de travail pour aller travailler pour un autre employeur.

Toutefois, aucun de ces témoins ne mentionne l'identité de cet employeur ni les circonstances dans lesquelles ils ont été amenés à constater les faits.

Ces attestations insuffisamment circonstanciées ne permettent pas d'établir la matérialité de ce grief.

S'agissant du vol du 20 août 2016 reproché au salarié, les premiers juges ont estimé que les attestations versées aux débats devaient être écartées des débats aux motifs :

- que celles numérotées 13.2, 14.2 et 15.2 ne sont pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile, sans plus de précision

- que l'attestation numérotée 14 ne constitue pas, à elle seule, une preuve suffisante du vol reproché à M. [H] [N].

La société Orient Express répond que le salarié a reconnu à la barre du conseil des prud'hommes avoir pris de la marchandise car celle-ci était trop pimentée et ne pouvait être vendue à la clientèle.

Elle ajoute que M. [N] a agi ainsi sans aucune autorisations et qu'il n'a pas payé la marchandise.

Il ne ressort pas de la note d'audience du conseil des prud'hommes d'Oyonnax établie le 11 février 2019 que le salarié a reconnu les faits et il ressort au contraire de son courrier adressé à la société Orient Express le 9 novembre 2016 qu'il les conteste.

Si M. [X] atteste avoir vu M. [H] [N] prendre des marchandises dans le magasin sans les payer, il ne précise aucunement la date.

Enfin, l'employeur n'explique pas pour quelle raison, au regard de la gravité des faits, il a attendu plusieurs semaines pour sanctionner le salarié.

Au vu ces éléments, la cour juge que la matérialité de ce fait n'est pas établie.

S'agissant du partage des pourboires, le conseil des prud'hommes n'a pas examiné ce grief.

La société Orient Express soutient que la seule réponse de M. [H] [N] pour justifier de l'absence de partage des pourboires est de prétendre que les autres salariés faisaient de même et qu'après la réunion organisée par le gérant de l'entreprise avec l'ensemble des salariés pour 'évoquer le problème', M. [H] [N] 'était en arrêt maladie pendant deux semaines'.

Le placement en arrêt maladie du salarié ne constitue pas une preuve de l'existence des faits.

S'agissant du partage des pourboires avec les collègues, la lettre de licenciement ne comporte aucune précision sur la date des faits reprochés au salarié et sur le montant des sommes non partagées.

Les attestations de M. [B] et de M. [X] sont également muettes à ce sujet.

Seul M. [K] indique que 'le gérant de la société a pris sur le faite le 1er septembre 2016

que Mr [N] ayant pris le pourboire dans sa poche pour se défendre il raconta que nous faisions pareil'.

Dans son courrier du 9 novembre 2016 M. [H] [N] reconnaît qu' 'en effet une fidèle cliente qui sollicitait mes services m'a donné la somme de 50 euros pour me remercier personnellement'.

Cependant, il ajoute immédiatement : 'jamais durant toute ma période de travail je n'ai constaté le moindre 'partage de pourboires !'. J'aurai été néanmoins et évidemment parfaitement d'accord avec cette règle si un quelconque règlement le stipulait'.

L'employeur a accusé réception de ce courrier sans contredire le salarié sur l'absence de disposition prescrivant le partage des pourboires et il ne justifie pas avoir porté à la connaissance des salariés le règlement intérieur daté du 3 avril 2014 versé aux débats, lequel stipule au chapitre intitulé 'vols dans l'entreprise' que 'les salariés partagent leurs pourboires avec des collègues'.

Dans ces conditions, la matérialité des faits ici reprochés à M. [H] [N] n'est pas établie.

S'agissant enfin des menaces du 20 septembre 2016 reprochées au salarié, les premiers juges ont retenu que l'employeur n'en rapportait pas la preuve.

En cause d'appel, la société Orient Express ne produit aucun élément de preuve de ce fait.

A l'issue de cette analyse il apparaît que, parmi tous les faits reprochés à M. [H] [N], seule l'absence injustifiée et non autorisée est démontrée.

S'agissant d'un fait unique et l'employeur ne justifiant pas non plus des graves perturbations occasionnées au bon fonctionnement de l'entreprise, il ne constitue pas une faute grave.

Il est constant que les parties sont liées, non pas par un contrat de travail à durée indéterminée mais par un contrat de travail à durée déterminée ayant pour terme le 31 mai 2017.

Or, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée obéit à des règles particulières fixées aux articles L 1243-1 et suivants du code du travail ce dont il résulte que, même prononcée en raison de la faute grave commise par l'employeur, une telle rupture ne constitue pas un licenciement.

Dans ces conditions, les premiers juges ne pouvaient déclarer 'le licenciement de Monsieur [N] prononcé le 24 septembre 2016 est sans cause réelle et sérieuse'.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Les dispositions relatives au préavis n'étant pas applicables à la rupture anticipée du CDD, le jugement sera également infirmé en ce qu'il a condamné la société Orient Express à payer à M. [H] [N] la somme de 923 euros à ce titre.

Si les motifs du jugement précisent bien que la somme de 8400 euros est accordée sur le fondement des dispositions de l'article L1243-4 alinéa 1du code du travail selon lequel : ' La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8" le dispositif, en revanche, condamne l'employeur au paiement de la somme de 8400 euros 'au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse'.

Or, ainsi qu'il est jugé plus haut, la rupture d'un CDD n'est pas un licenciement.

En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, condamne la société Orient Express à payer à M. [H] [N] la somme de 8400 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du CDD, cette somme correspondant bien aux rémunérations que M. [H] [N] aurait perçues entre le 21 octobre 2016, date de la rupture, et le terme du CDD.

Les premiers juges ont également condamné la société Orient Express au paiement d'une somme de 276 euros à titre de 'dommages et intérêts pour la période du 25 au 31 octobre' sur le fondement de l'article L1243-4 alinéa 1 du code du travail.

Cependant, cette période est déjà prise en compte dans la condamnation au paiement de la somme de 8400 euros prononcée ci-dessus.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

La mise à pied à titre conservatoire n'étant pas justifiée, la société Orient Express sera condamnée à payer à M. [H] [N] la somme de 276 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire.

Le jugement, qui a condamné l'employeur au paiement de 'dommages et intérêts pour la période de mise à pied', alors que cela ne lui était pas demandé et qu'il ne s'agit pas là d'indemniser un préjudice mais de rembourser les salaires impayés, sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires:

Partie perdante, la société Orient Express supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, M. [H] [N] a dû pour la procédure de première instance supporter des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Orient Express à lui payer la somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande présentée par la partie appelante sur ce fondement au titre de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné la société Orient Express à payer à M. [H] [N] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Orient Express de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour la période du 25 septembre au 24 octobre 2016 ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour la période du 25 au 31 octobre 2016 ;

CONDAMNE la société Orient Express à payer à M. [H] [N] les sommes suivantes :

- 8400 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du CDD ;

- 276 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire ;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

CONDAMNE la société Orient Express aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

REJETTE la demande de la société Orient Express présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La greffièreLa présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/02396
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;19.02396 ?
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