AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : N° RG 18/04998 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LZ4R
[S]
C/
URSSAF RHÔNE ALPES
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON
du 19 Juin 2018
RG : 20142422
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 21 JUIN 2022
APPELANT :
[J] [S]
né le 23 Mars 1973 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne
INTIMÉE :
URSSAF RHÔNE ALPES
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Mme [M] [D] , munie d'un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nathalie PALLE, Présidente
Bénédicte LECHARNY, Conseiller
Thierry GAUTHIER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 13 août 2014, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Rhône-Alpes (l'URSSAF de Rhône-Alpes) a délivré à M. [J] [S] (le cotisant), qui exerce une activité médicale non salariée, une mise en demeure d'avoir à régler la somme de 12 130 euros au titre de cotisations et majorations de retard afférentes au 3e trimestre 2014.
Par lettre recommandée du 12 novembre 2014, le cotisant a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon d'une contestation de la décision de la commission de recours amiable rejetant sa demande d'annulation de la mise en demeure.
Par jugement du 19 juin 2018 (n°20142422), le tribunal s'est déclaré compétent pour connaître du recours formé par le cotisant et a :
- rejeté la demande de sursis à statuer,
- déclaré le recours recevable mais mal fondé,
- confirmé l'affiliation obligatoire du cotisant à l'URSSAF de Rhône-Alpes,
- déclaré régulière la mise en demeure du 13 août 2014 portant recouvrement de la somme de 12'130 euros pour la période du 3e trimestre 2014,
- condamné le cotisant à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes la somme de 4 334 euros au titre des cotisations et majorations de retard réclamées par mise en demeure du 13 août 2014,
- condamné le cotisant à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le cotisant à payer la somme de 260,04 euros en application de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- débouté le cotisant de ses autres demandes.
Par lettre recommandée du 7 juillet 2018, le cotisant a relevé appel du jugement.
Le cotisant a déposé, le 24 novembre 2020, une requête en récusation d'un magistrat de la cour et de renvoi pour suspicion légitime. Dans le cadre de cette procédure, il a sollicité la transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité. Par deux ordonnances du 18 janvier 2021, le premier président de la cour d'appel de Lyon a déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité soulevée et a rejeté la requête aux fins de récusation, déclarant sans objet la demande corrélative de renvoi pour suspicion légitime.
Dans ses écritures adressées à la cour le 7 septembre 2020 et développées à l'audience du 22 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, le cotisant demande à la cour de :
- le déclarer recevable et fondé en son appel,
- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau :
- constater que l'URSSAF de Rhône-Alpes ne justifie pas de sa forme juridique et en conséquence :
- enjoindre à l'URSSAF de Rhône-Alpes de :
* justifier, à l'appui de tout document de force probante, de sa forme juridique,
* produire ses statuts de création datés, signés de ses membres fondateurs et approuvés par l'autorité compétente,
* produire la forme juridique et les statuts de création datés, signés de ses membres fondateurs et approuvés par l'autorité compétente de l'époque, des unions qu'elle a fusionnées,
* produire la forme juridique et les statuts de création datés, signés de ses membres fondateurs et approuvés par l'autorité compétente de l'époque, les caisses composant ses premières unions,
* produire la forme juridique et les statuts de création datés, signés de ses membres fondateurs et approuvés par l'autorité compétente de l'époque, de la caisse URSSAF Auvergne telle qu'apparaissant sur le répertoire Sirene mais n'apparaissant pas sur son arrêté portant création,
* produire la forme juridique et les statuts de création datés, signés de ses membres fondateurs et approuvés par l'autorité compétente de l'époque, de la caisse départementale du [7] et [6],
- juger que le jugement de première instance encourt la nullité pour l'ensemble des motifs exposés :
- prendre acte que la personne se présentant au nom de l'URSSAF de Rhône-Alpes en première instance n'avait ni communiqué son identité ni produit préalablement à l'audience de mandat de représentation au cotisant qu'il ce fait n'a pu vérifier si les règles de représentation sont respectées,
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il n'a pas jugé irrecevables l'ensemble des demandes de l'URSSAF de Rhône-Alpes formulées en première instance et rappeler que le simple dépôt de conclusions écrites de l'URSSAF de Rhône-Alpes devant le tribunal des affaires de sécurité sociale n'ayant pas été intégralement soutenues oralement à l'audience par une personne dûment mandatée et légalement habilitée à représenter cet organisme n'étaient pas recevables,
- accueillir l'exception présentée par le cotisant en ce qui concerne l'absence de forme juridique, de capacité juridique d'intérêt à agir de l'URSSAF de Rhône-Alpes,
- Surseoir à statuer afin de poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
* « Convient-il d'interpréter l'article 3, paragraphe 1, lu en combinaison avec l'article 2, sous d), de la directive sur les pratiques commerciales déloyales (directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur) en ce sens que l'action des caisses et organismes d'assurance maladie légale française -et notamment le fait pour certaines caisses d'assurance maladie légale française de donner à ses affiliés des informations (potentiellement trompeuses) sur les sanctions que ces derniers auraient à subir en cas d'affiliation à une autre caisse d'assurance maladie légale d'un autre État de l'Union - constitue également une action de professionnel (laquelle se présente comme une pratique commerciale d'une entreprise vis-à-vis des consommateurs) ' »
* « Le fait que les juridictions nationales françaises, par leur interprétation constante du droit de l'Union au jour de la présente question,
- refusent de réaliser une approche réaliste visant à vérifier la mise en 'uvre effective du principe de solidarité et la nature du contrôle de l'État,
- mais procèdent par des attendus de principe pour affirmer que les caisses et organismes d'assurance maladie légale française sont «' instituées en vue de répondre à une mission exclusivement sociale fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif »,
- pour en déduire que ces caisses et organismes ne constitueraient pas des entreprises au sens des règles européennes de la concurrence,
est-il conforme à l'interprétation du Traité que la jurisprudence constante (notamment CJUE 3 octobre 2013 aff. 59/12, 1e ch., BKK Mobil Oil Körperschaft des öffentlichen rechts ; arrêt Höffner CJUE, 23 avr. 1991, aff. C-41/90 ; décision du 5/2/2018 du tribunal de première instance des Communautés européennes, affaire T-216/15) interprète en ce sens que la finalité sociale d'un régime d'assurance maladie n'est pas en soi suffisante pour exclure la qualification d'activité économique, de conditions supplémentaires étant exigées, impliquant ainsi nécessairement une appréciation réaliste in concreto de la mise en 'uvre effective du principe de solidarité et de la nature du contrôle de l'État ' »
- ordonner, en tant que de besoin, la nomination d'un expert aux fins de réaliser un audit du fonctionnement concret de l'organisme, afin de pouvoir appréhender si l'organisme met effectivement en 'uvre le principe de solidarité sans aucun aspect de lucrativité, si le contrôle de l'État peut être considéré comme suffisant et adapté pour répondre aux exigences communautaires,
Sur le fond :
- dire et juger au vu de son fonctionnement concret, que l'URSSAF de Rhône-Alpes constitue une « entreprise » au sens du traité de Rome et du code des marchés publics, qui à ce titre entre dans le champ d'application des directives concernant la concurrence en matière d'assurance, et en tirer toutes conséquences de droit,
- dire et juger que la procédure de recouvrement est nulle en raison de l'incertitude des créances ne permettant pas au cotisant de comprendre la cause et la nature de l'obligation, et de l'irrégularité de forme et de fond des mises en demeure et des contraintes délivrées par l'URSSAF de Rhône-Alpes,
- condamner l'URSSAF de Rhône-Alpes à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter l'URSSAF de Rhône-Alpes de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
A l'appui de ses prétentions, le cotisant fait valoir en substance :
* Sur la nullité du jugement :
- que l'URSSAF de Rhône-Alpes n'était pas représentée régulièrement devant la juridiction de première instance, que la personne se présentant au nom de l'URSSAF de Rhône-Alpes en première instance n'avait pas communiqué son identité et ne lui a pas produit de mandat de représentation, si bien qu'il n'a pu vérifier si les règles de représentation étaient respectées,
- que le principe de l'oralité des débats a été violé, la personne prétendant représenter l'URSSAF de Rhône-Alpes n'ayant pas soutenu oralement ses conclusions écrites ni même allégué reprendre ses écrits,
- que le tribunal a manqué aux principes d'impartialité et de procès équitable issus de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il a eu un parti pris très favorable à l'URSSAF de Rhône-Alpes,
* Sur le fond :
- qu'il est régulièrement assuré auprès d'une compagnie étrangère,
- que les règles applicables en la matière, tant nationales que communautaires, dont il souligne la complexité, lui permettent, notamment suite au plus récent arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne « BKK » du 3 octobre 2013, une telle affiliation sans contrevenir au droit français, lequel se doit de respecter les normes communautaires,
- que la position des juridictions nationales procède d'une interprétation très réductrice du droit et de la jurisprudence communautaires, l'analyse de ceux-ci montrant que la finalité sociale d'un régime d'assurance maladie n'est pas en soi suffisante pour exclure la qualification d'activité économique, deux conditions supplémentaires étant exigées, à savoir la mise en oeuvre (et non la simple invocation) du principe de solidarité et le contrôle de l'Etat, impliquant une appréciation in concreto,
- que l'URSSAF de Rhône-Alpes est une mutuelle et qu'à défaut de justifier de son immatriculation, de ses statuts, de l'avis préalable du conseil supérieur de la mutualité et de l'agrément délivré par l'autorité administrative compétente, elle ne dispose pas de la capacité juridique et est dépourvue du droit d'agir,
- que l'URSSAF de Rhône-Alpes qui est une entreprise au sens des articles 81 et suivants du Traité de Rome fournissant une prestation de nature économique, aurait dû respecter le droit de la concurrence,
- que l'attribution du marché public de la sécurité sociale à l'URSSAF de Rhône-Alpes est irrégulier et doit être annulé au regard des dispositions communautaires,
- que toute personne résidant en France a le droit de s'assurer pour l'ensemble des risques sociaux auprès de n'importe quel organisme de prévoyance, entreprise d'assurance ou mutuelle ayant son siège dans un Etat membre de l'Union européenne et que le caractère obligatoire de l'affiliation des professionnels exerçant à titre libéral auprès de l'URSSAF ne peut plus se justifier,
- que les régimes français de sécurité sociale sont des régimes dits « professionnels », c'est-à-dire qu'ils ne concernent qu'une partie de la population et ne correspondant pas à un régime légal de sécurité sociale, tel que visé par la directive 73/239,
- que les URSSAF peuvent fonctionner selon une pure logique de marché et que leur fonctionnement peut révéler un aspect lucratif et même illégal,
- qu'enfin, la mise en demeure qui lui a été délivrée encoure la nullité car elle ne répond pas à l'obligation de motivation et ne lui a pas permis d'identifier clairement la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elle se rapporte.
Par conclusions adressées à la cour le 9 juillet 2019 et maintenues à l'audience du 22 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, l'URSSAF de Rhône-Alpes demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter le cotisant de l'ensemble de ses prétentions,
- le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient essentiellement :
* Sur sa représentation devant les juridictions :
- qu'elle a justifié d'un pouvoir de représentation donné par Mme [R] [V] à Mme [I] [P], agent de l'URSSAF de Rhône-Alpes, le 11 décembre 2017 au titre de l'année 2018 et déposé auprès de la juridiction, et que le contrôle des pouvoirs de représentation appartient aux juridictions,
- que les principes du contradictoire et de l'oralité des débats ont été parfaitement respectés puisqu'elle s'est référée à ses écritures transmises tant au tribunal qu'au cotisant et les a complétées oralement à l'audience,
* sur l'obligation d'affiliation :
- que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des Etats membres de l'Union européenne pour aménager leur système de sécurité sociale et a jugé que les organismes gestionnaires des régimes de base de sécurité sociale ne sont pas des entreprises au sens des articles 85 et 86 du Traité dès lors qu'ils poursuivent un objectif social et qu'ils obéissent à un principe de solidarité nationale dénué de tout but lucratif,
- que toute personne travaillant et résidant en France est obligatoirement affiliée au régime de sécurité sociale dont elle relève au titre de son activité et est ainsi assujettie aux cotisations sociales et aux contributions CSG-CRDS et que les couvertures complémentaires facultatives souscrites auprès d'entreprises d'assurance, de mutuelles, d'institutions de prévoyance ou d'organismes assureurs établis dans un autre Etat de l'Union européenne s'ajoutent à la sécurité sociale obligatoire mais ne peuvent s'y substituer,
- que les régimes légaux obligatoires de sécurité sociale sont régis par un principe de solidarité nationale fonctionnant sur la répartition et non la capitalisation et que les caisses gestionnaires de ces régimes ne constituent pas des entreprises au sens des articles 85 et 86 du traité CE et ne peuvent se voir appliquer les directives européennes 92/49 du 18 juin 1992 et 92/96 du 10 novembre 1992 relatives au droit de la concurrence dans le domaine des assurances
- que les juridictions nationales qui ne statuent pas en dernier ressort n'ont pas l'obligation de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle et que la question posée ne porte ni sur l'interprétation, ni sur la validité du droit communautaire puisqu'elle est relative à l'appréciation ou à la régularité d'une disposition nationale et qu'elle ne relève pas dès lors de la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne,
- qu'elle n'a pas à justifier de son statut et dispose d'une compétence pleine et entière pour recouvrer les cotisations, la preuve de son existence relevant de la loi,
* Sur le bien-fondé de sa créance :
- que les sommes visées dans la mise en demeure procèdent de l'application des textes dont les modalités sont connues de tous car publiées et que la mise en demeure du 20 février 2014 est régulière,
- qu'en cause d'appel, le cotisant n'émet aucun grief à l'encontre du calcul de ses cotisations.
À l'audience, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur les conséquences de l'abrogation de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale au regard de la condamnation du cotisant au paiement d'une amende civile.
L'URSSAF de Rhône-Alpes n'a pas présenté d'observations et le cotisant a indiqué ne pas être en mesure d'en présenter, s'agissant d'un point juridique.
L'affaire a été mise en délibéré au 21 juin 2022.
Par note en délibéré du 1er avril 2022, la cour a invité l'URSSAF de Rhône-Alpes à communiquer au cotisant, par lettre recommandée avec avis de réception, avant le 22 avril 2022, une copie du pouvoir de représentation devant la cour d'appel, donné le 10 décembre 2021 par la directrice de l'URSSAF à Mme [M] [D] et produit à la cour pour l'année 2022.
Par courrier adressé à la cour le 21 avril 2022, le cotisant a confirmé avoir reçu le document et a sollicité la réouverture des débats, considérant que « le pouvoir de l'URSSAF n'est pas régulier, pour de multiples motifs » et demandant qu'il soit ordonné à l'URSSAF de Rhône-Alpes de produire le mandat de son représentant lors des débats en première instance et les mandats relatifs aux années 2019, 2020 et 2021 devant la cour.
MOTIVATION
1. Sur la demande de réouverture des débats
En application des dispositions combinées des articles 117 et 121 du code de procédure civile, l'irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir du représentant d'une partie en justice peut être couverte jusqu'au moment où le juge statue.
Il en résulte, en l'espèce, qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la réouverture des débats et d'enjoindre à l'URSSAF de Rhône-Alpes de produire les mandats relatifs aux années 2019, 2020 et 2021 devant la cour, dès lors que le mandat relatif à l'année 2022, date à laquelle la cour statue, a bien été produit et communiqué au cotisant.
Il n'y a pas davantage lieu d'ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de discuter du caractère régulier du pouvoir général de représentation de l'URSSAF de Rhône-Alpes pour l'année 2022, dès lors que si le cotisant soulève l'existence de « multiples motifs » d'irrégularités, il n'en évoque aucun dans son courrier.
Enfin, s'agissant de la demande de production du mandat de représentation de l'URSSAF de Rhône-Alpes lors des débats en première instance, la cour constate que les premiers juges se sont prononcés sur la régularité du pouvoir, en page 5 du jugement, et qu'ils ont débouté le cotisant de ses autres demandes, ce qui implique nécessairement le rejet de la demande de communication du pouvoir. La demande de production du mandat ayant été rejetée par le jugement dont appel, il n'y a pas lieu d'ordonner, en cause d'appel, la réouverture des débats sur ce point.
2. Sur la régularité du mandat de représentation
En application de l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale, un organisme de sécurité sociale est représenté en justice par son directeur général ou son directeur qui peut donner mandat à cet effet à certains de ses agents.
Il en résulte que l'organisme se défend lui-même au sens de l'article 931 du code de procédure civile par la comparution d'un agent titulaire d'un tel mandat, sans qu'il soit besoin que celui-ci justifie d'un pouvoir spécial.
En l'espèce, Mme [D] était titulaire, lors de la comparution en appel, d'un mandat général de représentation en justice de l'URSSAF de Rhône-Alpes pour les instances devant la cour d'appel de Lyon au cours de l'année 2022, donné le 10 décembre 2021 par la directrice générale de cet organisme.
Ce mandat général de représentation étant régulier, il y a lieu de considérer que l'URSSAF de Rhône-Alpes était valablement représentée à l'audience devant la cour.
3. Sur la demande de communication des pièces justificatives de la forme juridique de l'URSSAF de Rhône-Alpes
Il résulte des dispositions des articles L. 111-1, R. 111-2-1, L. 111-2-2 et L. 213-1 du code de la sécurité sociale, que les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales sont des organismes légaux de sécurité sociale qui disposent de la personnalité morale et qui tiennent de la loi, dès leur création par l'arrêté prévu par l'article D. 213-1 du même code, la capacité et la qualité pour agir pour l'exécution des missions qui leur sont confiées, ce qui les exonère, par ailleurs, de toute obligation de déposer leurs statuts en préfecture et de justifier, devant les juridictions, de leur forme juridique et de leur capacité à ester en justice.
Ces unions sont habilitées légalement au recouvrement des cotisations et à assurer le contentieux qui en découle. Elles revêtent le caractère d'un organisme chargé d'une mission de service public placé sous la tutelle de l'Etat ou sous son contrôle, ainsi que cela résulte de la décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990 du Conseil constitutionnel.
Les dispositions qui régissent le fonctionnement de ces unions sont issues du code de la sécurité sociale et non du code de la mutualité comme le soutient l'appelant.
L'article L. 111-1 du code de la mutualité définit les mutuelles comme des personnes morales de droit privé à but non lucratif et précise qu'elles sont soumises aux dispositions de ce code à dater de leur immatriculation. Il énumère les objets possibles des mutuelles et notamment celui «4° de participer à la gestion d'un régime légal d'assurance maladie et maternité en application des articles [....] L. 611-3 [...] du code de la sécurité sociale [....] et d'assurer la gestion d'activités et de prestations sociales pour le compte de l'Etat ou d'autres collectivités publiques».
Il résulte de ces dispositions que les mutuelles participent à la gestion d'un régime légal de sécurité sociale alors que les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales sont chargées du recouvrement des cotisations des régimes obligatoires de sécurité sociale.
En conséquence, dans la mesure où elle ne constitue pas une mutuelle au sens de l'article L.111-1 du code de la mutualité, l'URSSAF de Rhône-Alpes n'est pas concernée par l'immatriculation au registre prévu par l'article L. 414-1 du même code.
Il convient donc de rejeter la demande du cotisant tendant à la communication de la preuve de la forme juridique de l'URSSAF de Rhône-Alpes, de sa personnalité morale et de ses statuts de création.
4. Sur la nullité du jugement de première instance et l'irrecevabilité des demandes de l'URSSAF de Rhône-Alpes
Ainsi qu'il a été rappelé plus avant, un organisme de sécurité sociale est représenté en justice par son directeur général ou son directeur qui peut donner mandat à cet effet à certains de ses agents, sans qu'il soit besoin que ceux-ci justifient d'un pouvoir spécial.
En l'espèce, il ressort des énonciations du jugement attaqué que Mme [I] [P], inspectrice du contentieux, était titulaire, lors de la comparution en première instance, d'un mandat général de représentation en justice de l'URSSAF de Rhône-Alpes pour les instances devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon au cours de l'année 2018, donné le 11 décembre 2017 par Mme [R] [V], directrice de l'organisme.
Il en résulte que l'URSSAF de Rhône-Alpes était valablement représentée.
Alors qu'en procédure orale la juridiction est valablement saisie des écritures déposées par une partie ayant comparu et qu'il ressort des énonciations du jugement critiqué que la caisse, partie comparante, a soutenu oralement ses conclusions, le moyen tiré de la violation du principe de l'oralité des débats au motif que les conclusions n'ont pas été intégralement soutenues à l'audience n'est pas fondé.
En outre, la circonstance que le même magistrat ait présidé la formation de jugement ayant déjà statué entre les mêmes parties dans des litiges analogues ou voisins ne constitue pas une circonstance qui permette objectivement de suspecter l'impartialité de cette juridiction.
Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la demande du cotisant tendant à la nullité du jugement et de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir des demandes de l'URSSAF de Rhône-Alpes formulées en première instance.
5. Sur l'absence de capacité juridique de l'URSSAF de Rhône-Alpes
Ainsi qu'il a été énoncé plus avant, les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales disposent de la personnalité morale dès leur création et tiennent de la loi leur capacité juridique pour agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées.
L'URSSAF de Rhône-Alpes a été créée par arrêté du 25 juillet 2013. Elle disposait dès lors, dès cette date, de la personnalité morale et de la capacité juridique pour ester en justice.
Aussi convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le cotisant.
6. Sur la demande de renvoi préjudiciel
Selon l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :
a) sur l'interprétation des traités,
b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.
Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.
Le code de la sécurité sociale pose en principe la solidarité nationale sur laquelle repose le système, avec une obligation d'affiliation des personnes exerçant en France une activité, salariée ou non.
Cette obligation d'affiliation a été confirmée par la jurisprudence européenne, afin de garantir le principe de solidarité ainsi que l'équilibre financier du système de couverture sociale, et le droit européen ne fait pas obstacle à la compétence des États pour aménager un système de sécurité sociale dont il conserve l'entière maîtrise.
La législation française est par ailleurs en accord avec la réglementation européenne sur la coordination des législations nationales de sécurité sociale qui ne permettent nullement aux personnes de choisir librement leur sécurité sociale parmi les différentes législations des États membres de l'Union Européenne.
Si chacun peut librement souscrire, dans le but d'améliorer sa protection sociale, des couvertures additionnelles au régime obligatoire auprès des entreprises d'assurance, de mutuelles ou d'institutions de prévoyance, ces couvertures complémentaires ne sauraient se substituer aux garanties des régimes obligatoires de sécurité sociale.
Comme cela résulte d'une jurisprudence européenne constante (depuis les arrêts Poucet et Pistre, 17 février 1993, aff. C-159/91 et C-160-91), les caisses d'assurance maladie et les organismes qui concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale en remplissant une fonction de caractère exclusivement social fondée sur le principe de solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif, ce qui est le cas des organismes de sécurité sociale, ne constituent pas des entreprises au sens des articles 85 et 86 du Traité. En conséquence, les dispositions des directives européennes 92/96 et 92/49, qui concernent le secteur de l'assurance, ne sont pas applicables à ces caisses ou organismes (CJCE, Garcia, 26 mars 1996 ; Koll, aff. C-238/94, 28 avril 1998, C-158/96). Il résulte en outre que les dispositions critiquées instaurent un régime légal et non professionnel.
S'il a pu être jugé le 3 octobre 2013 par la CJUE que la directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales s'appliquait à un organisme de droit public en charge d'une mission d'intérêt général tel que la gestion d'un régime légal d'assurance maladie, cette assimilation, qui concernait, dans le cadre d'une question préjudicielle, la notion de « professionnel », doit cependant être circonscrite à la directive sur les pratiques commerciales déloyales stricto sensu et ne peut signifier l'application des règles de concurrence aux régimes légaux de protection sociale. En outre, cette affaire concernait un organisme de droit public en charge d'une mission d'intérêt général menant, à titre subsidiaire, des opérations commerciales, ce qui n'est pas le cas des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. Cette décision n'a, en conséquence, pas remis en cause l'obligation de s'affilier et de cotiser à la sécurité sociale française.
Il résulte de ce qui précède que l'obligation d'affiliation instaurée par les textes français n'est pas supprimée par les textes européens et que le marché commun des assurances complémentaires mis en place depuis 1992 n'implique en aucun cas le renoncement aux systèmes légaux de protection sociale des États membres, pas plus que la modification de leur organisation.
Encore, les premiers juges ont justement observé que la décision rendue le 5 février 2018 par le Tribunal de première instance des Communautés européennes ne pouvait être utilement invoqué par le cotisant, dès lors que, si cette décision rappelle que la finalité sociale d'un régime d'assurance maladie n'est pas en soi suffisante pour exclure la qualification d'activité économique, elle précise qu'en l'espèce, le régime d'assurance maladie slovaque poursuit une finalité lucrative, eu égard à la possibilité pour les sociétés d'assurance maladie slovaques de rechercher et de réaliser des bénéfices, dans un contexte d'intense concurrence sur la qualité et l'offre de services, ce qui n'est nullement le cas du système de sécurité sociale français.
Ils ont enfin justement énoncé que le recouvrement selon les règles d'ordre public du code de la sécurité sociale des cotisations et contributions dues par une personne assujettie à titre obligatoire au régime de protection sociale des travailleurs indépendants ne revêt pas le caractère d'une pratique commerciale au sens de la directive 2005/29 CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur.
Au vu de ce qui précède, les questions posées ne paraissent pas nécessaires pour trancher le litige pendant devant la présente cour d'appel, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les poser à la CJUE et de surseoir à statuer.
7. Sur le fond
La cour rappelle que les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales disposent de la personnalité morale dès leur création et tiennent de la loi leur capacité juridique pour agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées.
En l'espèce, l'URSSAF de Rhône-Alpes a été créée par arrêté du 25 juillet 2013 et qu'elle disposait dès lors, dès cette date, de la personnalité morale et de la capacité juridique pour procéder au recouvrement des dettes de cotisations sociales dues par la cotisante.
La cour rappelle encore que les caisses d'assurance maladie et les organismes qui concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale en remplissant une fonction de caractère exclusivement social fondée sur le principe de solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif, ce qui est le cas des organismes de sécurité sociale, ne constituent pas des entreprises au sens des articles 85 et 86 du Traité, de sorte que les dispositions des directives européennes 92/96 et 92/49, qui concernent le secteur de l'assurance, ne sont pas applicables à ces caisses ou organismes.
Elle rappelle, enfin, que si chacun peut librement souscrire, dans le but d'améliorer sa protection sociale, des couvertures additionnelles au régime obligatoire auprès des entreprises d'assurance, de mutuelles ou d'institutions de prévoyance, ces couvertures complémentaires ne sauraient se substituer aux garanties des régimes obligatoires de sécurité sociale, de sorte que le cotisant ne peut, pour s'opposer au paiement des cotisations réclamées, tirer argument du fait qu'il est régulièrement assuré auprès d'une compagnie étrangère.
S'agissant de la validité de la mise en demeure, l'examen de la mise en demeure permet à la cour de constater, comme l'ont fait les premiers juges, que le cotisant était informé de la cause, qui résultait en l'espèce de l'absence de versements, de la nature, soit en l'espèce les cotisations d'allocations familiales et les contributions des travailleurs indépendants, et du montant des sommes réclamées, des majorations et pénalités qui s'y appliquent, ainsi que de la période à laquelle elles se rapportaient, en l'espèce pour le 3e trimestre 2014, étant rappelé qu'il ne résulte pas de l'application de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale que la mise en demeure doive indiquer les bases et modes de calcul.
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré régulière la mise en demeure du 13 août 2014 portant recouvrement de la somme de 12'130 euros pour la période du 3e trimestre 2014 et a condamné le cotisant à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes la somme de 4 334 euros au titre des cotisations et majorations de retard réclamées.
8. Sur l'amende civile
Le tribunal a condamné le cotisant à une amende civile égale à 6 % des sommes dues au titre de la mise en demeure, soit la somme de 260,04 euros, sur le fondement de l'article R. 144-10, alinéa 5, du code de la sécurité sociale qui dispose qu'à occasion des litiges qui portent sur le recouvrement de cotisations ou de majorations de retard et lorsque la procédure est jugée dilatoire ou abusive, le demandeur ou, en cas d'opposition à contrainte, la partie qui succombe, soit en première instance, soit en appel, est condamnée au paiement d'une amende fixée à 6 % des sommes dues, en vertu du jugement rendu, avec minimum de 150 euros par instance.
Toutefois, l'article précité a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et n'a plus vocation à s'appliquer à l'instance conformément à l'article 17, III, du décret qui précise que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.
Aussi convient-il d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné le cotisant à payer la somme de 260,04 euros en application de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.
9. Sur les demandes accessoires
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
En cause d'appel, le cotisant, partie perdante, est débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et est condamné aux dépens et à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû engager.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
DIT n'y avoir lieu à réouverture des débats,
DÉBOUTE M. [J] [S] de ses demandes de communication de pièces,
REJETTE la demande de M. [J] [S] tendant à la nullité du jugement,
DIT n'y avoir lieu à soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles posées par M. [J] [S],
DIT n'y avoir lieu à surseoir à statuer,
CONFIRME le jugement déféré sauf en celle de ses dispositions ayant condamné M. [J] [S] à payer la somme de 260,04 euros en application de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à condamner M. [J] [S] au paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale,
DÉBOUTE M. [J] [S] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
LE CONDAMNE à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes la somme de 1 000 euros sur le même fondement,
LE CONDAMNE aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE