La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2022 | FRANCE | N°21/01619

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 17 juin 2022, 21/01619


AFFAIRE BAUX RURAUX



COLLÉGIALE





N° RG 21/01619 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOBG





GAEC DE [Localité 17]



C/



[G]

[D]

[D]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal paritaire des baux ruraux de ROANNE

du 09 Février 2021

RG : 51-19-000002



COUR D'APPEL DE LYON



BAUX RURAUX



ARRÊT DU 17 JUIN 2022





APPELANT :



GAEC DE [Localité 17]

[Localité 17]

[Localité 11]





Représenté par M. [T] [O] en vertu d'un pouvoir spécial, et M. [H] [X] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMÉS :



[B] [G] épouse [D]

née le 13 Mars 1957 à [Localité 27]

[Adresse 22]

[R] [D]

né le 05 Avril 1984 à [Localité 25]

[Adresse 23]

[Locali...

AFFAIRE BAUX RURAUX

COLLÉGIALE

N° RG 21/01619 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOBG

GAEC DE [Localité 17]

C/

[G]

[D]

[D]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal paritaire des baux ruraux de ROANNE

du 09 Février 2021

RG : 51-19-000002

COUR D'APPEL DE LYON

BAUX RURAUX

ARRÊT DU 17 JUIN 2022

APPELANT :

GAEC DE [Localité 17]

[Localité 17]

[Localité 11]

Représenté par M. [T] [O] en vertu d'un pouvoir spécial, et M. [H] [X] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉS :

[B] [G] épouse [D]

née le 13 Mars 1957 à [Localité 27]

[Adresse 22]

[R] [D]

né le 05 Avril 1984 à [Localité 25]

[Adresse 23]

[Localité 10]

comparants en personne, assistés de Me Sylvain SENGEL de la SELARL SELARL AD JUSTITIAM, avocat au barreau de ROANNE

[S] [D]

né le 03 Décembre 1960 à [Localité 25]

[Adresse 22]

[Localité 10]

Non comparant, représenté par Me Sylvain SENGEL de la SELARL SELARL AD JUSTITIAM, avocat au barreau de ROANNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Sophie NOIR, conseiller

- Catherine CHANEZ, conseiller

Assistées pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************************

EXPOSE DU LITIGE

Par trois contrats verbaux du 1er novembre 1985, plusieurs parcelles de terre ont été données à bail au GAEC de [Localité 17].

Mme [B] [D] a donné à bail les parcelles A [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], et [Cadastre 6], sises lieudit [Localité 20], soit une surface totale de 2ha, 97a ;

Mme [B] [D] et M. [P] [D] ont donné à bail les parcelles A [Cadastre 2], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15], sises lieudit [Localité 21] et A [Cadastre 12] sise lieudit Chez [Localité 24], soit une surface totale de 2ha et 79a ;

M. [R] [D] a donné à bail les parcelles A [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 16], sises lieudit [Localité 19] et A [Cadastre 7], et [Cadastre 1] sises lieudit [Localité 18], soit une surface totale de 4ha et 58a.

Par acte d'huissier du 3 mai 2017, Mme [D] a fait signifier au GAEC de [Localité 17] un congé pour le 31 décembre 2019, terme du bail, portant sur la parcelle cadastrée A[Cadastre 3], aux fins de reprise par son fils [R].

Par requête reçue le 21 juillet suivant, le GAEC a entendu contester ce congé. Mme [D] a renoncé à son congé suivant procès-verbal de conciliation totale.

Par acte d'huissier du 29 avril 2019, les consorts [D] ont fait signifier au GAEC de [Localité 17] un congé pour le 31 octobre 2021, terme du bail, portant sur l'ensemble des parcelles, afin que M. [R] [D] les exploite lui-même.

Par requête du 6 juin 2019, le GAEC a saisi le tribunal partiaire des baux ruraux de Roanne afin de contester ces congés.

Par jugement rendu le 9 février 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

-débouté le GAEC de [Localité 17] de ses demandes de contestation des congés délivrés le 29 avril 2019 et déclaré ces congés valables ;

-dit que le GAEC de [Localité 17] devrait libérer spontanément les parcelles, et que faute de l'avoir fait, il pourrait être expulsé ainsi que tous les occupants de son chef ;

-condamné le GAEC de [Localité 17] à verser aux consorts [D] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné le GAEC de [Localité 17] aux dépens ;

-débouté les parties de leurs plus amples demandes.

Par déclaration du 2 mars 2021, le GAEC de [Localité 17] a interjeté appel de ce jugement.

Par assignation en référé du 12 mai 2021, le GAEC de [Localité 17] a saisi le premier président de la cour d'appel de Lyon afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 9 février 2021.

Par ordonnance de référé du 21 juin 2021, le magistrat délégué par le premier président a fait droit à cette demande.

Aux termes de ses conclusions reçues par voie postale le 25 mars 2022, le GAEC de [Localité 17] demande à la cour de :

-dire que les 3 congés délivrés par les consorts [D] ne sont pas valables sur le fond ;

-à titre subsidiaire, désigner un expert foncier agricole pour vérifier la viabilité économique et technique du projet de M. [D] et pour évaluer le préjudice subi par le GAEC suite à la perte de 10 ha ;

-annuler ces congés ;

-dire que les 3 baux se renouvelleront pour 9 ans à compter du 1er novembre 2021 ;

-rejeter toutes les demandes des bailleurs ;

-subsidiairement, mettre fin à la location à la fin de l'année culturale en cours, soit au 11 novembre 2022 ;

-condamner solidairement les bailleurs aux dépens et à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs conclusions reçus par voie postale le 30 mars 2022, les consorts [D] demandent à la cour de confirmer le jugement et subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive d'exploiter, de débouter le GAEC de [Localité 17] de sa demande d'expertise, de le condamner à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux dépens.

A l'audience du 7 avril 2022, les parties ont développé leurs conclusions sans rien y retrancher ni ajouter.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de " constatations " ou de " dire " qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

Sur la validité des congés délivrés le 29 avril 2019

L'article L411-58 du code rural dispose que : " Le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé...

Si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre III du livre III relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, le tribunal paritaire peut, à la demande d'une des parties ou d'office, surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive.

Toutefois, le sursis à statuer est de droit si l'autorisation a été suspendue dans le cadre d'une procédure de référé.

Lorsque le sursis à statuer a été ordonné, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle l'autorisation devient définitive. Si celle-ci intervient dans les deux derniers mois de l'année culturale en cours, le bail est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale suivante.

Lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d'une société et si l'opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société'"

L'article L411-59 du même code indique que : " Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.

Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.

Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions. "

Selon l'article L331-2 du même code,

" I. Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :

1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. La constitution d'une société n'est toutefois pas soumise à autorisation préalable lorsqu'elle résulte de la transformation, sans autre modification, d'une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient l'unique associé exploitant ou lorsqu'elle résulte de l'apport d'exploitations individuelles détenues par deux époux ou deux personnes liées par un pacte civil de solidarité qui en deviennent les seuls associés exploitants ;

2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence :

a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède le seuil mentionné au 1° ou de ramener la superficie d'une exploitation en deçà de ce seuil ;

b) De priver une exploitation agricole d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s'il est reconstruit ou remplacé ;

3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole :

a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle fixées par voie réglementaire ;

b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant ;

c) Lorsque l'exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive, au sens de l'article L. 330-2 ;

4° Lorsque le schéma directeur régional des exploitations agricoles le prévoit, les agrandissements ou réunions d'exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à un maximum qu'il fixe ;

5° Les créations ou extensions de capacité des ateliers de production hors sol au-delà d'un seuil de production fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.

II. Les opérations soumises à autorisation en application du I sont, par dérogation à ce même I, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies :

1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au a du 3° du I ;

2° Les biens sont libres de location ;

3° Les biens sont détenus par un parent ou allié, au sens du premier alinéa du présent II, depuis neuf ans au moins ;

4° Les biens sont destinés à l'installation d'un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l'exploitation du déclarant, dès lors que la surface totale de celle-ci après consolidation n'excède pas le seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du II de l'article L. 312-1.

Pour l'application du présent II, les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille sont assimilées aux biens qu'elles représentent.

III. Lorsque la mise en valeur de biens agricoles par le candidat auquel la société d'aménagement foncier et d'établissement rural entend les rétrocéder est soumise à autorisation d'exploiter en application du I, l'avis favorable donné à la rétrocession par le commissaire du Gouvernement représentant le ministre chargé de l'agriculture tient lieu de cette autorisation.

Dans ce cas, la publicité du projet de rétrocession tient lieu de la publicité prévue au premier alinéa de l'article L. 331-3.

S'il estime que, compte tenu des autres candidatures à la rétrocession ou à la mise en valeur des biens et des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, le candidat à la rétrocession ne doit pas être autorisé à exploiter les biens qu'il envisage d'acquérir, le commissaire du Gouvernement en fait expressément mention dans son avis. Cette mention tient lieu de refus de l'autorisation d'exploiter mentionnée à l'article L. 331-2. "

Enfin, l'article L411-62 dispose que " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 411-57, le bailleur ne peut reprendre une partie des biens qu'il a loués si cette reprise partielle est de nature à porter gravement atteinte à l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation assurée par le preneur.

Par dérogation aux conditions prévues au présent article et aux articles L. 411-58 à L. 411-61, L. 411-63 et L. 411-67, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail pour une partie seulement des biens qu'il a loués, si l'exercice de ce droit a pour objet d'agrandir, dans la limite du seuil de superficie défini en application du I (1°) de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, une autre exploitation également donnée à bail par lui et sans que l'équilibre économique de l'exploitation ainsi réduite en soit gravement compromis.

Dans les cas prévus aux deux alinéas ci-dessus, le preneur a la faculté de notifier au bailleur, jusqu'à l'expiration du bail en cours, sa décision de ne pas renouveler le bail. "

A l'appui de la contestation des congés délivrés par les consorts [D], le GAEC de [Localité 17] fait valoir que M. [R] [D] ne remplit pas les conditions posées par les articles L411-58 alinéa 4 et L411-59 du code rural.

Sur le premier de ces deux articles, le GAEC, soutient que M. [R] [D] aurait dû déposer une demande d'autorisation d'exploiter dans la mesure où il est soumis au contrôle des structures, la reprise ayant pour conséquence de faire passer la surface exploitée par le GAEC en dessous du seuil de 59ha par exploitant.

Si la cour considère qu'une simple déclaration suffit, le GAEC ajoute que l'intéressé ne démontre pas que les biens repris sont destinés à l'installation d'un nouvel agriculteur.

Sur le non-respect du second article, le GAEC soutient que M. [R] [D] n'a jamais justifié d'un projet agricole cohérent, réfléchi, mûri et nécessitant la reprise de plus de 10ha. L'appelant affirme que le projet allégué est déficitaire, que M. [D] confond produit et marge nette dans ses calculs et qu'l omet de nombreuses charges.

Pour le GAEC, M. [D] ne prouve pas que son projet est compatible avec son entreprise de charpente alors qu'il est censé exploiter personnellement les biens repris et qu'il n'envisage pas de procéder à des recrutements malgré l'importante main d''uvre dont il aurait besoin.

Le GAEC fait valoir que M. [D] ne justifie pas s'être installé comme exploitant agricole et que sa demande d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs (DJA) est caduque. Il fait remarquer que les parents du repreneur sont propriétaires d'autres parcelles partiellement libres de location sur la commune de [Localité 26] d'une superficie de plus de 4ha sur lesquelles il aurait pu commencer à mettre en 'uvre son projet.

Par ailleurs, M. [R] [D] ne démontrerait pas être en possession du cheptel et des moyens matériels permettant une exploitation agricole viable, ni des moyens permettant de les acquérir. Ainsi, dans la liste du matériel qu'il produit, seuls 2 outils lui seraient utiles pour une activité d'élevage : le broyeur à végétaux et le tracteur, le reste ressortissant en réalité à son activité de charpentier. Il ne disposerait que de deux b'ufs et n'aurait pas prévu de construire un bâtiment aux normes pour héberger son cheptel.

Le GAEC remarque que M. [R] [D] ne justifie pas se situer dans le parcours qui lui permettrait d'obtenir la DJA et que d'ailleurs, les revenus qu'il tire de son activité de charpentier sont trop importants pour que son revenu agricole futur leur soit supérieur, ce qui l'exclurait du dispositif.

La reprise par M. [R] [D] serait lourdement préjudiciable tant pour le GAEC, qui perdrait plus de 10% de son exploitation, soit 14 000 euros de revenus par an, que pour les nouveaux agriculteurs l'ayant intégré et dont la DJA pourrait être remise en cause par la perte de 10 ha d'exploitation.

Le GAEC fait enfin valoir que les parcelles A237 et A[Cadastre 1], objet du congé, sont enclavées dans les terres lui appartenant et qu'il exploite.

Subsidiairement, le GAEC demande à la cour de désigner un expert foncier afin qu'il évalue tant la viabilité du projet agricole de M. [R] [D] que le caractère préjudiciable de la perte de 10ha d'exploitation pour lui-même.

Concernant les parcelles louées qu'il n'exploiterait pas, le GAEC réplique que pour certaines, il s'agit de haies, indispensables à l'agriculture biologique dont il a fait le choix, et que pour d'autres, il a procédé à un échange avec le centre équestre " Les écuries de la licorne " car elles sont inexploitables par lui. En tout état de cause, en présence de congés pour reprise, et non de congés pour agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, ce moyen lui apparait inopérant.

Les consorts [D] répliquent que les congés et la reprise de l'exploitation sont réguliers et font valoir qu'aucune autorisation d'exploiter n'est requise, en application de l'article L331-2 du code rural, et ce d'autant que les biens doivent à présent être considérés comme libres et qu'ils sont reçus par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au 3ème degré inclus.

En tout état de cause, si la cour exigeait une autorisation d'exploiter, les consorts [D] sollicitent un sursis à statuer dans l'attente de son obtention.

Sur la viabilité du projet, les consorts [D] rappellent que M. [R] [D] a obtenu un BTSA option analyse et conduite de système d'exploitation en juin 2011, qu'il s'est immédiatement déclaré comme exploitant agricole et que cette activité, si elle reste secondaire à son activité de charpentier, appelée à décliner, est néanmoins existante.

Ils affirment que son projet d'élevage peut permettre l'obtention d'une demi-dotation jeune agriculteur et qu'un dossier a déjà été déposé à cette fin, dossier dont il n'appartiendrait pas à la cour de juger de sa recevabilité. Le projet serait viable, rentable, ne nécessiterait pas de structures immobilières supplémentaires, la capacité de logement actuelle étant de 15 gros bovins.

M. [R] [D] ne disposerait pour l'heure que de deux b'ufs et exploiterait de petits bouts de terrains en prêt à usage.

Les consorts [D] affirment que celui-ci a les moyens d'acquérir le cheptel et dispose déjà du matériel nécessaire. Il aurait déjà acquis les clôtures et fait le nécessaire en vue de la réhabilitation de la source.

Sur les autres terrains dont sont propriétaires les époux [D], ils seraient soit loués soit inexploitables comme classés Natura 2000 ou boisés.

Enfin, les intimés soutiennent que le GAEC de [Localité 17] ne démontre pas le déséquilibre économique que lui causerait la reprise, d'autant qu'il n'exploite pas la totalité des terrains loués ou possédés par lui et que les consorts [O], actionnaires du GAEC, se sont portés récemment acquéreurs de nombreux terrains. Le GAEC de [Localité 17] ne démontrerait pas davantage que la reprise risquerait d'affecter la dotation aux jeunes agriculteurs octroyée à M. [O] lors de son installation. Les consorts [D] font d'ailleurs remarquer que celui-ci avait connaissance des congés lorsqu'il a intégré des terrains au GAEC, de même que M. [I].

Ils contestent l'état d'enclavement des parcelles A[Cadastre 7] et A[Cadastre 1].

Subsidiairement, les intimés s'opposent à la désignation d'un expert au motif qu'elle ne viserait qu'à suppléer la carence probatoire de l'appelant.

M. [R] [D] communique deux projets, un assez rudimentaire et un plus élaboré dont les intimés indiquent qu'il a été rédigé avec l'aide de la chambre d'agriculture.

Il en résulte qu'il envisage d'exploiter 10 mères à veaux et d'aménager un atelier d'engraissement de 3 veaux pour commencer. Des porcs seraient également introduits dès la deuxième année.

L'abattage et la découpe seraient confiés à un tiers, mais la vente de la viande se ferait sur place.

Le projet nécessite donc de financer l'installation d'une chambre froide, estimée par M. [R] [D] à 7 000 euros, l'acquisition du cheptel pour 4 000 euros et divers consommables et matériaux, dont des clôtures, pour 7 600 euros. Ce dernier a donc besoin de mobiliser 18 600 euros avant de démarrer son exploitation, sachant que ce montant ne comprend pas le coût de la machine de mise sous vide dont il est pourtant question également. Quant à l'outillage, ainsi que l'indique le GAEC, le bénéficiaire de la reprise produit la facture de réparation d'un tracteur dont l'identité du propriétaire n'est pas précisée, et une liste qui contient de toute évidence essentiellement des outils destinés à son entreprise de charpente, exception faite de la débroussailleuse et du broyeur à végétaux. M. [R] [D] n'indique pas avec quel matériel il mènerait à bien son exploitation fourragère.

Les consorts [D] affirment que la clôture a d'ores et déjà été financée, mais ne produisent qu'un devis et un bon de commande.

M. [R] [D] n'indique dans son projet aucune autre source de financement que la demi DJA qu'il justifie avoir sollicitée et dont le montant serait de 12 200 euros.

Le projet d'installation est donc non seulement très flou, mais surtout dépourvu des fonds nécessaires au démarrage de l'exploitation tel que l'exploitant lui-même l'envisage.

L'article L411-59 du code rural exige pourtant du bénéficiaire de la reprise qu'il justifie " posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut les moyens de les acquérir ", à la date d'effet du congé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et ce à peine de nullité dudit congé.

Le jugement sera donc infirmé et les congés annulés.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les consorts [D] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de les condamner à payer au GAEC la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'instance devant le tribunal paritaire des baux ruraux et l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement prononcé le 9 février 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Roanne en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Annule les congés délivrés le 29 avril 2019 au GAEC de [Localité 17] par les consorts [D] ;

Condamne les consorts [D] aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne les consorts [D] à payer au GAEC de [Localité 17] la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le GreffierLa Présidente

Gaétan PILLIEPatricia GONZALEZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 21/01619
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;21.01619 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award