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16/06/2022 | FRANCE | N°19/08020

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 16 juin 2022, 19/08020


N° RG 19/08020

N° Portalis DBVX-V-B7D-MWTZ









Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 07 juin 2019



RG : 2018/05872







[O]



C/



SA LYONNAISE DE BANQUE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 16 Juin 2022







APPELANTE :



Mme [D] [O]

née le [Date naissance

2] 1968 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant, la SELARL BLANC LARMARAUD BOGUE GOSSWEILER, avocat au barreau d...

N° RG 19/08020

N° Portalis DBVX-V-B7D-MWTZ

Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 07 juin 2019

RG : 2018/05872

[O]

C/

SA LYONNAISE DE BANQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 16 Juin 2022

APPELANTE :

Mme [D] [O]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant, la SELARL BLANC LARMARAUD BOGUE GOSSWEILER, avocat au barreau de l'AIN

INTIMEE :

SA LYONNAISE DE BANQUE

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Jacques BERNASCONI de la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST, avocat au barreau de l'AIN

******

Date de clôture de l'instruction : 09 Juillet 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Mai 2022

Date de mise à disposition : 16 Juin 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l'audience, Marie CHATELAIN a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 14 janvier 2011, la SARL Seirên, a conclu avec la SA CIC-Lyonnaise de Banque (ci-après toujours dénommée «'la Banque'») un prêt n°10096 18034 00048740802 d'un montant de 200'000'€, remboursable en 7 échéances annuelles de 32'916,72'€ au taux de 3,67%, aux fins de procéder à l'achat de 99,8% des actions de la SAS AMB Immobilier. Ce prêt a été consenti en considération d'un engagement de caution solidaire donné par Mme [D] [O], gérante de la société Seirên, dans la limite de la somme de 96'000'€ et pour une durée de 108 mois, suivant engagement manuscrit inséré à l'acte. Le contrat de prêt prévoyait également une garantie OSEO à hauteur de 50%

Par un avenant au contrat de prêt, signé le 23 juin 2015, la Banque et la société Seirên ont augmenté la durée initiale du prêt et du cautionnement de 12 mois, Mme [O], en sa qualité de caution ayant donné son accord exprès pour ces modifications.

Par courrier du 5 octobre 2017, la Banque a fait état des trois échéances impayées (juillet, août et septembre 2017) et proposé de transformer ces impayés en prorogés, majorés des frais et intérêts y relatifs.

Par jugement du 28 mars 2018, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a placé la société AMB Immobilier en liquidation judiciaire simplifiée. Le 23 mai 2018, la Banque a déclaré sa créance au passif de la procédure collective pour la somme de 113'405,04'€ au titre du prêt n°10096 18034 00048740802.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 mai 2018, la Banque a mis en demeure Mme [O] de lui régler la somme de 45 362,01 € au titre de son engagement de caution.

Cette mise en demeure étant restée vaine, par exploit d'huissier en date du 3 août 2018, la Banque a fait assigner Mme [O] en paiement devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse.

Par jugement du 7 juin 2019, ce tribunal a:

déclaré la Banque recevable dans ses demandes à l'encontre de Mme [O],

condamné Mme [O] à payer à la Banque la somme de 45'362,01'€ outre les intérêts au taux conventionnel de 3,67% l'an à compter du 30 mai 2018 soit 40% du montant de la créance de 113'405,04'€ à compter du 30 mai 2018 jusqu'à parfait règlement,

condamné Mme [O] à payer à la Banque la somme de 1'000'€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté Mme [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

rejeté l'exécution provisoire et toutes autres demandes,

condamné Mme [O] en tous les dépens.

Par acte du 21 novembre 2019, Mme [O] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par conclusions du 18 février 2020, fondées sur les articles 9, 12 et 32 du code de procédure civile ainsi que sur l'article L.643-1 du code de commerce, Mme [O] demande à la cour de :

juger recevable et fondée l'argumentation qu'elle a développée,

en conséquence,

réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

y substituant,

in limine litis,

juger irrecevables les demandes formulées par la Banque à son encontre pour défaut de qualité à défendre, étant donné qu'elle a souscrit un cautionnement de la société Seirên et non de la SARL AMB Immobilier,

si par impossible, la Cour d'appel de céans devait déclarer recevable l'action intentée par la Banque :

juger que la Banque ne justifie en aucun cas de la mise en 'uvre de son devoir de mise en garde du dirigeant dans l'information de la caution et de toutes explications relatives à la mise en 'uvre de la garantie de 50% par OSEO,

juger que le cautionnement que la Banque lui a fait souscrire est disproportionné eu égard a ses facultés de remboursement,

en conséquence,

juger que la Banque a commis un dol à l'égard de la caution, justifiant l'annulation du cautionnement,

en tout état de cause,

juger que la Banque ne rapporte pas la preuve de l'admission de sa créance au passif de la liquidation,

en conséquence,

débouter la Banque de l'ensemble de ses demandes,

condamner la Banque à lui verser une indemnité de 3'000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 15 mai 2020, fondées sur l'article 122 du code de procédure civile, la Banque demande à la cour de':

confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

condamner Mme [O] au paiement de la somme de 1'500'€ au titre des disposions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel avec application, au profit de la SELARL Bernasconi Rozet Monnet-Suety Forest De Boysson, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes de la Banque

En vertu de l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise ou contre une personne dépourvue du droit à agir.

L'article 31 dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit à agir aux seules personnes qu'elle a qualité pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

Faisant valoir qu'elle s'est portée caution d'un prêt contracté par la société Serêin et non par la société AMB Immobilier, Mme [O] soutient que la Banque est irrecevable à agir à son encontre aux fins d'obtenir le paiement d'un prêt concernant la société AMB Immobilier.

La Banque réplique justement qu'il s'agit d'une seule et même société ayant changé de dénomination sociale et que le numéro d'inscription au RCS de la société Serêin à laquelle le prêt a été consenti est identique à celui de la société AMB Immobilier.

Il résulte en effet du procès verbal des décisions de l'associée unique de la société Serêin du 31 juillet 2015, qu'à compter de cette date, et à la suite de la transmission universelle du patrimoine de la société Agence Michel Boudon Immobilier au profit de la société Serêin, cette dernière a changé de dénomination sociale pour devenir AMB Immobilier. La cour observe que Mme [O] étant l'associée unique de cette société ayant procédé à cette modification des statuts, elle ne pouvait ignorer le changement de dénomination sociale et qu'elle est ainsi particulièrement mal fondée à conclure que la Banque ne démontre pas le lien entre les deux sociétés.

La Banque a donc un intérêt à agir à l'encontre de Mme [O] en sa qualité de caution du prêt consenti à la société Serêin, dont la dénomination sociale est devenue AMB Immobilier depuis le 31 juillet 2015 et ses demandes sont dès lors recevables.

Sur le fond

Mme [O] fait valoir que la Banque a manqué à son obligation de conseil et d'information à l'égard de la caution. Elle soutient tout d'abord que la Banque n'a pas attiré son attention sur le risque d'endettement, et considère que les réaménagements opérés par la Banque démontrent que celle-ci avait conscience de ses difficultés financières et de celles de la société dont elle garantissait le prêt, et qu'elle avait par ailleurs connaissance de la dégradation de son état de santé. Elle affirme ensuite qu'elle pouvait légitimement penser que la garantie OSEO était de nature à éviter son engagement en tant que caution, et conclut à la nullité du cautionnement sur le fondement du dol au vu de l'absence d'explications de la Banque.

En vertu de l'article 1116 ancien du code civil applicable en l'espèce, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le banquier dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur. La charge de la preuve d'un manquement de la banque à ce titre incombe à la caution qui l'invoque.

A l'égard de la caution avertie, le banquier n'est tenu d'un tel devoir que s'il avait sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération cautionnée, des informations que la caution ignorait.

Une caution est considérée comme avertie si elle dispose de connaissances et d'une conscience suffisantes pour appréhender le risque de se porter caution, ce qui doit s'évincer de circonstances particulières, étant rappelé que le fait que la caution soit le dirigeant et/ou l'associé de la personne morale emprunteuse ne suffit pas à caractériser sa qualité d'avertie.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que Mme [O] a exercé les fonctions de gérante de la société AMB Immobilier, exerçant une activité d'agence immobilière «'toutes transactions sur immeubles et fonds de commerce'», depuis au moins l'année 2010 au vu du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 30 octobre 2010 de cette société. Elle a par ailleurs été nommée présidente de la société au cours de cette assemblée générale extraordinaire. Ainsi, outre le fait qu'elle a occupé des fonctions de dirigeante pendant plusieurs années, Mme [O] a exercé une activité dans le domaine de l'immobilier, secteur dans lequel les transactions financières nécessitent quasi systématiquement le recours à des prêts bancaires. Mme [O] était donc nécessairement familière avec le fonctionnement des crédits et des cautions et doit ainsi être considérée comme une caution avertie.

Or en l'espèce, il n'est ni démontré, ni soutenu que le banquier aurait eu, sur les revenus de l'emprunteur, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération cautionnée, des informations que la caution ignorait, étant au surplus rappelé que la caution était dirigeante de la société bénéficiaire du prêt.

La Banque n'était donc pas tenue d'une obligation de conseil et d'information à l'égard de la caution. Elle n'avait donc pas à attirer l'attention de cette dernière, ni sur les modalités d'intervention de la garantie OSEO, ni sur un éventuel risque d'endettement, lequel n'apparaît en tout état de cause pas caractérisé, Mme [O] ayant renseigné le 14 janvier 2011 des revenus (30 000 € par an) et une épargne (130 000 €) lui permettant de faire face à son engagement de 96 000€.

La cour observe enfin que les pièces ayant trait à la santé de Mme [O], toutes postérieures à la signature de l'acte de caution du 23 janvier 2011 et de l'avenant du 23 juin 2015, ne sont pas de nature à mettre à la charge de la Banque une obligation de conseil et d'information.

Surabondamment, il est rappelé que le manquement de la banque à son devoir de mise en garde et d'information donne lieu à l'octroi de dommages et intérêts, mais n'est pas susceptible d'entraîner la nullité de l'acte de cautionnement tel que sollicitée par Mme [O].

Il résulte de ce qui précède que l'appelante ne démontre pas l'existence de man'uvres dolosives de la Banque ayant déterminé son consentement de nature à entraîner la nullité de l'acte de cautionnement.

Sur l'admission de la créance de la Banque au passif de la société

Mme [O] soutient qu'il appartient à la Banque, qui verse uniquement sa déclaration de créance adressée par lettre recommandée au liquidateur judiciaire le 28 mai 2018, de justifier de l'admission de cette créance au passif de la société en liquidation.

S'il est vrai que la décision du juge de la procédure collective rendue dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal s'impose à la caution, il n'en demeure pas moins que le créancier peut poursuivre et obtenir la condamnation de la caution devant le juge du cautionnement avant toute déclaration de créance ou, si la déclaration a été faite, avant toute admission, en établissant l'existence et le montant de sa créance selon les règles du droit commun.

En l'espèce, la créance de la banque n'étant discutée ni dans son principe ni dans son montant, le débat instauré par la caution sur la preuve de l'admission de cette créance est inopérant.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de la Banque et condamné Mme [O] à payer celle-ci la somme de 45'362,01'€ outre les intérêts au taux conventionnel de 3,67% l'an à compter du 30 mai 2018.

Sur les autres demandes

Mme [O] doit supporter la charge de tous les dépens ainsi que l'intégralité de ses frais irrépétibles et pour des considérations d'équité, elle est déchargée de l'obligation de payer à la Banque une indemnité de procédure tant pour la première instance que la cause d'appel, les dispositions du jugement ayant mis à sa charge une telle indemnité étant dès lors infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné Mme [D] [O] à une indemnité de procédure,

Statuant à nouveau de ce chef, et ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes d'indemnités de procédure y compris en appel,

Condamne Mme [D] [O] aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/08020
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;19.08020 ?
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