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16/06/2022 | FRANCE | N°18/01308

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 16 juin 2022, 18/01308


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 18/01308 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LRKM





[K]



C/

Société SOCIETE TRANSPORTS DUMAINE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Janvier 2018

RG : F 15/01995



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 16 JUIN 2022







APPELANTE :



[S] [K]

née le 19 Février 1964 à [Localité 5] (69)r>
[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Carole CODACCIONI de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON,

ayant pour avocats plaidants Me Christophe LEITE DA SILVA, avocat au barreau de PARIS et Me Aurore TIXIER MERJANYAN, avoca...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 18/01308 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LRKM

[K]

C/

Société SOCIETE TRANSPORTS DUMAINE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Janvier 2018

RG : F 15/01995

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

APPELANTE :

[S] [K]

née le 19 Février 1964 à [Localité 5] (69)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Carole CODACCIONI de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON,

ayant pour avocats plaidants Me Christophe LEITE DA SILVA, avocat au barreau de PARIS et Me Aurore TIXIER MERJANYAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SOCIETE TRANSPORTS DUMAINE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par, Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Nicolas FANGET de la SELARL VEBER ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Janvier 2022

Présidée par Nathalie PALLE, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nathalie PALLE, président

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [K] (la salariée) a été embauchée par la société Transports Dumaine (la société) par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 13 décembre 2010, en qualité de responsable du service affrètement, statut cadre, groupe 1, coefficient 100 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée percevait une rémunération brute mensuelle de 6'906,56 euros, se composant d'une partie fixe et d'une partie variable.

Par courrier du 30 avril 2014, la salariée a adressé à la société sa démission.

Le 27 mai 2015, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir juger que sa démission s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société à lui verser des dommages-intérêts à ce titre, outre une somme au titre de rappel de salaires relatifs aux années 2012 et 2013 et des congés payés afférents. Au dernier état de ses demandes, la salariée a sollicité le prononcé de la nullité de la convention de forfait annuel en jours, la condamnation de la société à lui payer des dommages-intérêts pour déloyauté dans l'exécution de la convention de forfait annuel en jours ainsi que des rappels de salaires pour heures supplémentaires et congés payés afférents.

Par jugement du 25 janvier 2018, le conseil de prud'hommes a':

- jugé que la démission de la salariée est claire et non équivoque,

- débouté la salariée de la totalité de ses demandes,

- condamné la salariée aux dépens

- condamné la salariée à verser à l'employeur la somme de 1'600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La salariée a relevé appel de ce jugement, le 22 février 2018.

Dans ses conclusions, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la salariée demande à la cour'de':

- infirmer le jugement,

Statuant à nouveau':

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes:

- 16'706,64 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 1'607,36 euros de congés payés afférents,

- 35'006,21 euros de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

- 29'782 euros à titre de rappel de salaires sur primes sur objectifs, outre 2'978.20 euros de congés payés afférents,

outre intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les rappels de salaires et congés payés afférents avec capitalisation des intérêts,

- condamner la société à lui payer la somme de 4'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

Au soutien de son recours, la salarié fait essentiellement valoir'que :

- la convention individuelle de forfait n'a pas été mise en conformité avec les dispositions applicables ; son contrat de travail n'a pas repris les dispositions nécessaires à la validité d'une telle convention et les garanties prévues par les dispositions relatives à la durée maximale de travail, aux temps de repos, à la tenue d'un entretien annuel ainsi qu'à l'élaboration d'un document récapitulatif et contradictoire des journées travaillées n'ont jamais été effectives, de sorte que la convention individuelle de forfait annuel en jours à laquelle elle était soumise est nulle.

- en l'absence de convention individuelle de forfait annuel en jours valable, elle est fondée à décompter son temps de travail sur la base de la durée légale du travail, soit 151,67 heures mensuelles. En 2012, 2013 et 2014, elle a effectué un total de 405 heures supplémentaires, comprenant 216 heures majorées à 25% et 189 heures majorées à 50% ; le décompte de ces heures supplémentaires est justifié par un relevé mensuel précis ainsi que par plusieurs témoignages tandis que la société n'apporte pour sa part aucun élément de preuve contraire,

- au regard de l'importance du volume de ces heures supplémentaires la société ne saurait prétendre qu'elle ignorait tout de leur accomplissement et n'y aurait en outre jamais consenti,

- compte tenu de la nullité de la convention individuelle de forfait annuel en jours, dont la société ne pouvait ignorer l'absence totale de valeur, de l'importance du volume d'heures supplémentaires effectuées, de l'absence de suivi de la durée de travail qu'elle accomplissait, son employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat et elle est fondée en conséquence à solliciter une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- son contrat de travail prévoyait une part de sa rémunération variable en fonction d'objectifs chiffrés prédéfinis ; que la société prétend qu'elle avait convenu avec l'une de ses collègues de travail de mutualiser ses objectifs aux siens puis de diviser les primes en deux parts égales alors que cette allégation est fausse et n'est étayée par aucun élément de preuve ; que sur les années 2011 à 2013 les objectifs ont été largement dépassés ce qui fonde sa demande de rappel de salaire sur primes d'objectifs et de congés payés afférents,

- l'absence de dénonciation de son solde de tout compte n'a aucune conséquence sur sa demande de rappel de salaires sur primes puisque celui-ci ne mentionnait pas les primes d'objectifs auxquelles elle pouvait prétendre et le caractère libératoire du solde de tout compte signé par la salariée ne vaut que pour les sommes qui y sont expressément mentionnées,

Dans ses conclusions récapitulatives, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour'de :

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement,

- débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la salariée au paiement de la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

La société fait essentiellement valoir que':

- l'action prud'homale de la salariée fait immédiatement suite à la révélation d'actes de concurrence déloyale qu'elle a commis et n'a été introduite que dans le but de tenter de justifier son départ de la société par un autre motif que ces actes de concurrence déloyale; que les demandes initiales de la salariée se limitaient à remettre en cause le caractère clair et non équivoque de sa démission au prétexte que ses primes de résultat ne lui auraient pas été intégralement versées,

- la salariée renonce en appel à se prévaloir d'une prétendue déloyauté'dans l'exécution de sa convention de forfait annuel, et invoque pour la première fois un prétendu travail dissimulé dont se serait rendue coupable la société qui ne sert qu'à compenser financièrement l'abandon du moyen fondé sur la déloyauté,

- la convention de forfait annuel en jours à laquelle elle était soumise est parfaitement valable ; que la seule disposition légale qui doit obligatoirement figurer dans la convention individuelle de forfait est celle définissant le nombre de jours de travail à effectuer et qu'elle y figurait effectivement ; que la salariée n'a produit qu'une version tronquée de son contrat de travail dont la page 2 qui mentionnait cet élément ; que l'avenant n°3 du 10 juillet 2012 qui fixerait, selon elle, d'autres dispositions obligatoires n'est pas applicable à son contrat de travail qui est antérieur à cet avenant,

- elle a respecté ses obligations en matière de sécurité et de santé de la salariée ; que celle-ci ne produit aucun élément objectif de nature à démontrer l'effectivité des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées ; qu'elle se contente pour seule preuve de produire des attestations émanant de personnes avec lesquelles la société est en litige et avec qui la salariée partage une communauté d'intérêts ; que la salariée a bien fait l'objet d'un suivi et d'un contrôle des jours travaillés ainsi que d'entretiens annuels même si ceux-ci n'ont pas été retranscrits par écrit et elle n'a par conséquent effectué aucune heure supplémentaire,

- la demande de la salariée fondée sur l'existence d'un prétendu travail dissimulé est irrecevable en ce qu'elle constitue une demande nouvelle en cause d'appel, mais également infondée, la convention individuelle de forfait jours étant valable et aucune heure supplémentaire n'ayant été effectuée, et aucun caractère intentionnel n'étant caractérisé,

- l'intégralité des primes de résultat a été versée ; la salariée invoque les marges réalisées par l'ensemble du service affrètement alors que ses objectifs étaient fixés sur la marge qu'elle a personnellement réalisée ; que par ailleurs la salariée avait sollicité l'addition de ses objectifs à ceux d'une autre salariée afin que la marge réalisée soit ensuite divisée en parts égales ; qu'en application des méthodes de calcul résultant de ce choix, le montant des primes alloués est correcte et même augmenté par la déduction des impayés des clients défaillants ; que la salariée qui a elle-même imposé les méthodes de calcul de sa prime de résultat a été remplie de ses droits.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de constater que l'appel n'est que partiel ; la cour n'étant saisie d'aucune demande relative à la contestation de la rupture et à la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ni en dommages-intérêts pour déloyauté dans l'exécution de la convention de forfait annuel en jours. En conséquence, les chefs du dispositif par lesquels il est jugé que la démission est claire et non équivoque, qui rejettent les demandes afférentes à la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et à l'exécution déloyale du contrat de travail sont définitifs.

Sur la validité de la convention de forfait en jours

Il résulte des articles L. 3121-43 et suivants du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, que les salariés qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, peuvent conclure pour la durée de leur travail une convention individuelle de forfait en jours sur l'année prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Et selon l'article L. 3121-46 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

La convention individuelle de forfait doit être passée par un écrit fixant le nombre de jours travaillés prévus dans le forfait et les garanties relatives à la santé et à la sécurité doivent être contenues dans l'accord collectif organisant le recours au forfait en jours.

L'accord collectif au sens des textes susvisés peut être un accord d'entreprise ou une convention collective.

Le contrat de travail signé entre les parties le 13 décembre 2010 prévoit en son article 4 que la salariée est astreinte à un forfait annuel exprimé en jours de travail suivant la convention collective fixé à 214 jours venant octroyer 12 jours de RTT.

Si l'employeur conteste l'application au contrat de travail en cours des dispositions de l'avenant n°3 du 10 juillet 2012 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels, étendu par arrêté du 5 août 2013, annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, invoquées par la salariée, il ne conteste pas entrer dans le champ d'application de ce texte, lequel modifie l'accord cadre du 23 août 2000.

Or, selon l'article 6.2.4 de l'accord cadre du 23 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, étendu par arrêté du 10 août 2001 (JORF 23 août 2001), annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, pour l'application du forfait jours et le suivi de la prise des journées ou demi-journées de repos, il est effectué un contrôle du nombre de jours travaillés et de leurs dates, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, jours de congés payés, jours RTT), au moyen d'un document récapitulatif et contradictoire, tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. Ce document contresigné par le salarié est remis chaque mois à l'employeur. En vue de l'entretien annuel visé à l'article 6.2.3, un récapitulatif annuel du suivi est établi par l'employeur.

Et l'article 6.2.3 du même texte prévoit notamment que, chaque année, l'employeur organise, avec le salarié titulaire d'une convention individuelle de forfait, un entretien annuel portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et la rémunération.

Si ces dispositions sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail du salarié, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, en revanche, force est de constater qu'en l'espèce la société se borne, d'une part, à alléguer qu'elle organisait des entretiens annuels non formalisés par écrit pour échanger avec la salariée sur sa rémunération, sa charge de travail, l'organisation de son travail dans l'entreprise et l'articulation entre sa vie professionnelle et personnelle sans en offrir la preuve, d'autre part, à faire valoir que les bulletins de salaires distinguent les jours de congés, des journées ou demi-journée de RTT, ce qui ne suffit pas à répondre pas aux exigences conventionnelles.

La société s'étant abstenue de respecter les dispositions légales et conventionnelles encadrant l'exécution de la convention individuelle de forfait et de mettre en oeuvre les modalités de suivi et de contrôle de la durée et de la charge de travail de sa salariée, ne peut valablement lui opposer les stipulations de la convention individuelle de forfait en jours pour déroger aux dispositions légales dans le décompte de son temps de travail.

Aussi, sans être nulle la convention individuelle de forfait est inopposable à la salariée.

Sur la demande en paiement des heures supplémentaires

En présence d'une convention individuelle de forfait en jours privée d'effet, le décompte du temps de travail s'effectue selon le droit commun.

La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151,67 heures par mois.

Les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures, de la 36ème à la 43ème incluse, et de 50% à partir de la 44ème heure.

La durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.

Il résulte de l'application combinée des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

A l'appui de sa demande en paiement de la somme de 16 073,64 euros bruts outre 1 607,36 euros bruts au titre des congés payés afférents correspondant à 405 heures effectuées de 2012 à 2014, la salariée produit :

- un tableau récapitulatif pour la période de mai 2012 à juillet 2014 (pièce n°11 de l'appelante), dans lequel sont comptabilisées 15 heures supplémentaires par mois, avec le détail du calcul du rappel de la majoration de salaire de 25% et 50% par mois, pour un montant total de 15 097,71 euros ;

- les attestations de témoignages de quatre autres salariés de l'entreprise (pièces n°12 à 15 de l'appelante) qui rapportent, de manière convergente, que la salariée faisait l'ouverture et la fermeture du bureau et qu'il lui arrivait très régulièrement de commencer à 7 heures ou 7 heures 30 et de partir le soir au delà de 19 heures, M. [Y], retraité, relatant que celle-ci était présente le matin à 7 heures quand il était lui-même au bureau et qu'ils étaient les premiers arrivés et les derniers partis (19/19heures30), rendant ainsi compte à tout le moins d'une amplitude de travail ;

- l'attestation de témoignage d'un salarié de l'entreprise (pièce n°9 de l'appelante) qui rapporte que la salariée était «toujours joignable sur son téléphone portable que ce soit à la pause du midi ou même tard le soir si besoin.

De ces éléments il résulte que, sur les périodes concernées, la salariée établit de façon suffisamment précise le détail des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées, permettant à la société d'y répondre en fournissant ses propres éléments.

En réplique la société se borne à soutenir que la salariée ne rapporte pas la preuve des heures effectivement réalisées, qu'elle est dans l'incapacité de répondre aux allégations imprécises d'heures supplémentaires mensuellement réalisées sans mention des jours et semaines et que les attestations qui ne font qu'indiquer des heures supposées de présence émanent de salariés avec lesquels elle est en litige.

Il demeure que la société ne produit aux débats aucun document de décompte du temps de travail, ni aucun justificatif de nature à documenter les horaires d'ouverture et de fermeture des bureaux, auxquels il est fait référence dans les attestations, n ide nature à démontrer que les tâches qui étaient confiées à la salariée n'impliquaient pas l'accomplissement d'heures de travail au delà de 35 heures par semaine, pas plus que des horaires de travail réalisés par celle-ci, et il importe peu que la salariée ne lui ait pas réclamé le paiement d'heures supplémentaires avant de saisir le conseil de prud'hommes.

De l'examen des éléments produits par les parties, il ressort que des heures supplémentaires ont été accomplies par la salariée. Toutefois alors que la salariée réclame le paiement d'heures supplémentaires en ce compris pendant les périodes où elle était absente pour congés payés, il y a lieu de réduire la somme réclamée au titre des heures supplémentaires réalisées qu'il convient de retenir à hauteur de la somme de 12 226 euros bruts sur la période en cause outre 1 222,60 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Ces sommes portent de droit intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2015, date de la signature par la société de l'accusé de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation valant mise en demeure de payer par application de l'article 1231-6 du code civil, avec capitalisation pour les intérêts échus, dus au moins pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil.

Le jugement est par conséquent infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Sur la recevabilité de la demande

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Il est constant que le principe d'unicité d'instance édicté par l'article R. 1452-7 du code du travail impose aux parties de présenter lors de la même procédure toutes leurs demandes afférentes à une même relation de travail, ce qui entraîne une dérogation au principe de prohibition des demandes nouvelles en cause d'appel posé par l'article 564 du code de procédure civile.

Les dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail, selon lesquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, ont été abrogées par l'article 8 du décret n°2016-660 du 20 mai 2016.

Cependant, il résulte des articles 8 et 45 de ce texte que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016.

La procédure ayant été introduite devant le conseil de prud'hommes par requête reçue le 27 mai 2015, la demande de la salariée en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé, nouvelle en cause d'appel, demeure soumise à la règle d'unicité d'instance et donc à l'autorisation des demandes nouvelles en cause d'appel par dérogation aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, de sorte que la société est mal fondée en son moyen d'irrecevabilité.

Sur le fond

L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé.

Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

L'élément intentionnel requis ne pouvant résulter de la seule application irrégulière d'une convention de forfait, la demande de la salariée en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé n'est donc pas fondée.

Sur le rappel de salaire sur primes d'objectifs

Si la société fait valoir que la salariée a signé sans réserve le solde de tout compte, elle ne soutient aucun moyen d'irrecevabilité et conclut au seul rejet de la demande.

Il résulte de l'application de l'article 1353 du code civil que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire, et lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable il lui appartient de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.

Aux termes de l'article 11 du contrat de travail, intitulé objectifs de chiffre d'affaires, il est prévu des objectifs comme suit :

- objectif 2011 : 150 000 euros de marge annuelle soit 12 500 euros mensuels,

- objectif 2012 : 240 000 euros de marge annuelle soit 20 000 euros mensuels,

Au dessus de 240 000 euros de marge annuelle, il sera versé à Mme [K] une prime de fin d'année brute équivalente à 10% de la marge réalisée en plus.

Alors qu'il appartient à l'employeur de justifier des éléments permettant de déterminer la base de calcul et la rémunération variable, la société ne critique pas utilement le tableau détaillé du chiffrage des marges brutes réalisées au titre des années 2011, 2012 et 2013 produit à l'appui de sa demande par la salariée.

Pour justifier du montant des sommes qui ont été versées à la salariée, dont cette dernière réclame un complément à hauteur de 29 782 euros pour les années 2011, 2012 et 2013, la société oppose, d'une part, que la salariée ne s'appuie pas sur la marge brute qu'elle a elle-même réalisée, d'autre part, que c'est à sa demande comme à celle de l'autre salariée du service affrètement que leurs objectifs ont été additionnés et que les primes de résultat ont été calculées sur la marge brute réalisée par le service et divisés en part égales selon la formule suivante : marge brute annuelle du service affrètement - objectifs de Mmes [K] et [E] x 10% = montant de la prime de résultat allouée.

Les attestations de témoignages de deux salariés de l'entreprise, auxquelles la société se réfère dans ses écritures (pièces n°38 et 39 de l'intimée), relatent qu'en fin d'année le responsable de l'entreprise se réunissait avec la Mme [K] et Mme [E] pour évoquer le chiffre d'affaires annuel réalisé afin d'évaluer si les objectifs avaient été ou non atteints. Il n'en ressort cependant pas qu'un accord existait quant à la méthode de calcul de la prime de résultat leur revenant, par part égale, après addition des objectifs de chacune rapportée à la marge brute annuelle du service, telle que le soutient la société.

La société ne peut opposer que la marge brute annuelle obtenue n'est pas celle que la salariée a réalisée tout en s'abstenant de produire les éléments d'appréciation qu'elle seule détient pour en faire le calcul.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande et de condamner la société à payer à la salariée la somme de 29 782 euros bruts correspondant aux primes d'objectifs réalisés qui ne lui ont pas été versées.

Ces sommes portent de droit intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2015, date de la signature par la société de l'accusé de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation valant mise en demeure de payer par application de l'article 1231-6 du code civil, avec capitalisation pour les intérêts échus, dus au moins pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la salariée les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à la société une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'issue du litige, la société qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

INFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [K] en paiement des heures supplémentaires et des congés payés afférents,

CONFIRME le jugement dans les limites de l'appel pour le surplus,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Transports Dumaine à payer à Mme [S] [K] la somme de 12 226 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires de 2012 à 2014 outre 1 222,60 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2015 et capitalisation pour les intérêts échus, dus au moins pour une année entière ;

CONDAMNE la société Transports Dumaine à payer à Mme [S] [K] la somme de 29 782 euros bruts correspondant au rappel des primes d'objectifs au titre des années 2011, 2012 et 2013, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2015 et capitalisation pour les intérêts échus, dus au moins pour une année entière ;

ORDONNE à la société Transports Dumaine de remettre à Mme [S] [K] un bulletin de salaire conforme aux dispositions du présent arrêt,

DÉCLARE recevable mais non fondée la demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé,

REJETTE les demandes de la société Transports Dumaine au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,

CONDAMNE la société Transports Dumaine à payer à Mme [S] [K] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Transports Dumaine aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 18/01308
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;18.01308 ?
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