AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 20/02857 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M7GA
S.A.S. [2]
C/
CPAM DU [Localité 3]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 06 Avril 2020
RG : 172230
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 14 JUIN 2022
APPELANTE :
S.A.S. [2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
accident du travail de M. [Z] [P]
représentée par Me Marie-christine MANTE-SAROLI de la SELARL MANTE SAROLI & COULOMBEAU, avocat au barreau de LYON, substitué par Maître LACALM, avocat au même barreau
INTIMEE :
CPAM DU [Localité 3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par madame [N] [R], audiencière, munie d'un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Mars 2022
Présidée par Thierry GAUTHIER, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, présidente
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
- Thierry GAUTHIER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Salarié de la société [2] (l'employeur) depuis 2011, en qualité d'agent de production, M. [P] (le salarié) a déclaré avoir été victime d'un accident le 21 mai 2014, qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par décision de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] (la caisse) du 30 novembre 2016, avec attribution d'un taux d'IPP de 21%.
Après l'échec de la tentative de conciliation préalable auprès de la caisse, le salarié a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon d'une demande aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Par jugement du 6 avril 2020 (n° RG 17/2230), le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, devant lequel la procédure ses't poursuivie, a :
- dit que l'accident du travail survenu le 21 mai 2014 à M. [P] est imputable à la faute inexcusable de l'employeur ;
- majoré la rente attribuée au salarié au taux maximum prévu par la loi ;
- allouée au salarié la somme de 3 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ;
- avant-dire droit, ordonné une expertise médicale ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- dit que la caisse fera l'avance des frais de l'expertise médicale ;
- donné acte à la caisse qu'elle procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance directement auprès de l'employeur, y compris le capital représentatif des sommes engagées au titre de la majoration de rente calculée sur un taux d'IPP de 21 % et les frais relatifs à la mise en 'uvre de l'expertise;
- débouté les parties de leurs demandes ;
- réservé les dépens.
Par lettre recommandée du 3 juin 2020, l'employeur a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :
- majoré la rente à son taux maximum ;
- donné acte à la caisse qu'elle procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance directement auprès de l'employeur , y compris le capital représentatif des sommes engagées au titre de la majoration de rente calculée sur un taux d'IPP de 21 % et les frais relatifs à la mise en 'uvre de l'expertise.
Par lettre recommandée du 9 juin 2020, l'employeur a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :
- donné acte à la caisse qu'elle procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance directement auprès de l'employeur, y compris le capital représentation des sommes engagées au titre de la majoration de rente calculée sur un taux d'IPP de 21 % et les frais relatifs à la mise en 'uvre de l'expertise.
Dans ses conclusions déposées le 27 janvier 2020, l'employeur demande à la cour de :
- infirmer le jugement et statuant à nouveau, limiter le recours de la caisse contre l'employeur au taux d'incapacité permanente partielle de 15 % initialement reconnu ;
- condamner la caisse à lui verser 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
A l'audience, l'employeur a indiqué se désister de son appel du 9 juin 2020.
Dans ses conclusions déposées le 23 novembre 2021, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance, directement auprès de l'employeur, y compris le capital représentatif de la rente calculée sur un taux d'IPP de 21 %.
Le 24 mars 2022, l'employeur a adressé à la cour une note en délibéré, qui n'avait pas été demandée à l'audience.
*
Conformément aux dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile, les parties ont oralement soutenu à l'audience les écritures qu'elles ont déposées au greffe ou fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoirie et qu'elles indiquent maintenir, sans rien y ajouter ou retrancher.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux écritures ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour constate préalablement que l'employeur s'étant désisté de son appel relevé le 9 juin 2020, il y a lieu de statuer seulement sur l'appel formé le 3 juin 2020.
Par ailleurs, la note en délibéré qu'il a adressée le 24 mars 2022, qui n'avait pas été sollicitée à l'audience, sera écartée des débats.
A titre infirmatif, l'employeur indique que, par lettre du 21 février 2017, la caisse à lui a notifié sa décision de fixer le taux d'IPP du salarié à 15 %, ce qu'il n'a pas contesté. Il fait valoir cependant que, dans le cadre de l'instance, il a découvert que la caisse avait unilatéralement décidé d'attribuer en outre au salarié un taux supplémentaire de 6 %, au titre de l'incidence socio-professionnelle, portant le taux total à 21 %. Il souligne néanmoins que cette décision rectificative ne lui a jamais été notifiée. Il en déduit que seul le taux de 15 % lui est opposable et que, dès lors, le recours de la caisse ne peut s'effectuer que sur la base de ce taux.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il indique qu'il ne demandait pas de limiter le droit de recours de la caisse en raison de l'irrégularité de procédure suivie par elle pour augmenter le taux, mais il était demandé au tribunal de prendre acte de la seule existence d'une décision définitive à l'égard de l'employeur, concernant le taux d'IPP.
En réplique et à titre confirmatif, la caisse indique que selon l'article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale, quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident et de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en forcée de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable en application des articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Elle soutient que l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge par la caisse d'un accident est sans effet sur son droit de recours contre l'employeur.
Elle indique que par décision du 23 mars 2017, un taux socio-professionnel a été attribué au salarié en application de l'article R. 434-31 du code de la sécurité sociale, en raison de la perte d'emploi consécutive l'inaptitude au travail des suites de l'accident en cause, ce qui fait partie intégrante de la réparation visée par l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale.
La cour retient qu'il résulte de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale que si la caisse primaire d'assurance maladie est fondée à récupérer auprès de l'employeur le montant de la majoration de la rente d' accident du travail attribuée à la victime en raison de la faute inexcusable de l'employeur, son action ne peut s'exercer que dans les limites découlant de l'application du taux d'incapacité permanente de la victime découlant de la décision qu'elle a prise, dans les conditions prévues par l'article
R. 434-32 du code de la sécurité sociale, devenue définitive à l'égard de l'employeur.
Par ailleurs, l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale prescrit à la caisse, lorsqu'elle se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente ainsi que sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente, de notifier immédiatement sa décision motivée à la victime et ses ayants droit et à l'employeur. L'absence de notification à l'employeur n'emporte pas l'inopposabilité de la décision mais permet à l'employeur de contester, sans condition de délai, la décision devant la juridiction compétente. En conséquence, en l'absence de tout recours de l'employeur et jusqu'au terme d'un éventuel recours, une telle décision n'est pas définitive.
En l'espèce, il est constant que le taux litigieux de 21 %, résulte d'une première évaluation de la caisse, de 15 %, du 12 février 2017, qui a été portée à 21 % par ajout d'un taux socio-professionnel de 6 %, le 23 mars 2017.
Il sera relevé que l'employeur ne conteste pas le caractère définitif de la première décision et n'invoque aucune irrégularité particulière de la seconde décision, soutenant seulement qu'elle ne lui a pas été notifiée.
La caisse qui ne produit qu'un exemplaire de sa décision au nom de l'assuré, ne justifie effectivement pas que cette seconde décision a été notifiée à l'employeur.
Il en résulte que la décision du 23 mars 2017 n'était pas définitive à l'égard de l'employeur, qui pouvait toujours la contester et, conséquemment, que la majoration de la rente résultant de l'article L. 452-2 susvisé ne peut s'exercer que dans les limites de la seule décision définitive prise par la caisse, soit celle du 12 février 2017 ayant retenu un taux de 15 %.
Dès lors, la décision attaquée doit être infirmée de ce chef et il convient de retenir que la caisse pourra récupérer auprès de l'employeur le capital représentatif des sommes engagées au titre de la majoration de rente calculée sur un taux d'IPP de 15 %, et non 21 % comme l'ont décidé les premiers juges.
La caisse, succombant en cette instance d'appel, en supportera les dépens.
Il y a lieu de condamner la caisse à verser à l'employeur une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONSTATE le désistement de la société [2] de son appel formé le 9 juin 2020,
Sur l'appel partiel formé le 3 juin 2020 :
INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il a dit que la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance, directement auprès de la société [2] y compris le capital représentatif des sommes engagées au titre de la majoration de rente calculée sur un taux d'IPP de 21 % et les frais relatifs à la mise en 'uvre de l'expertise ;
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
DIT que la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance, directement auprès de la société [2] y compris le capital représentatif des sommes engagées au titre de la majoration de rente calculée sur un taux d'IPP de 15 % et les frais relatifs à la mise en 'uvre de l'expertise,
Y ajoutant,
CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] aux dépens d'appel,
CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] à verser à la société [2] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE