La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2022 | FRANCE | N°18/06152

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 09 juin 2022, 18/06152


N° RG 18/06152

N° Portalis DBVX - V - B7C - L4WY















Décision du tribunal de grande instance de VILLEFRANCHE - SUR - SAONE

Au fond du 26 juillet 2018



RG : 16/00397











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 09 Juin 2022







APPELANTE :



GROUPAMA RHONE-ALPES AUVERGNE

[Adresse 2]

[Adresse

6]

[Localité 3]



représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1106

et pour avocat plaidant l'EURL MORTIMORE AVOCAT, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE









INTIME :



M. [E] [F]

né le 02 juin ...

N° RG 18/06152

N° Portalis DBVX - V - B7C - L4WY

Décision du tribunal de grande instance de VILLEFRANCHE - SUR - SAONE

Au fond du 26 juillet 2018

RG : 16/00397

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 09 Juin 2022

APPELANTE :

GROUPAMA RHONE-ALPES AUVERGNE

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1106

et pour avocat plaidant l'EURL MORTIMORE AVOCAT, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

INTIME :

M. [E] [F]

né le 02 juin 1941 à [Localité 9] (RHONE)

[Adresse 1]

Lieudit '[Adresse 8]'

[Localité 4]

représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475

et pour avocat plaidant Maître Pascal DURY, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES

PARTIE INTERVENANTE :

M. [R] [F], en qualité de mandataire spécial représentant M. [E] [F]

[Localité 7]

[Localité 5]

représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475

et pour avocat plaidant Maître Pascal DURY, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES

******

Date de clôture de l'instruction : 22 Octobre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Avril 2022

Date de mise à disposition : 09 Juin 2022

Audience présidée par Annick ISOLA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

Le 13 juin 2013, une partie de l'immeuble d'habitation de M. [E] [F] situé lieu-dit [Adresse 8] (69) a subi un sinistre.

M. [F] a déclaré ce sinistre à son assureur la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne dite Groupama Rhône-Alpes Auvergne (la société Groupama) dans les termes suivants « le mur de la partie arrière d'une dépendance s'est écroulé entraînant l'effondrement de la toiture ».

L'assureur a mandaté le cabinet CET, qui, dans ses conclusions du 10 juillet 2013, a estimé que le sinistre était lié à la vétusté du bâtiment.

Par lettre du 11 juillet 2013, la société Groupama a refusé de prendre en charge le sinistre indiquant que les dommages constatés n'étaient pas liés à l'action du vent.

M. [F] a mandaté un autre expert, M. [Y] et a sollicité la prise en charge de ce sinistre par la société Groupama par lettre du 6 décembre 2013.

La société Groupama a maintenu son refus de prendre en charge le sinistre.

Une expertise contradictoire a été réalisée le 8 août 2014 et le cabinet CET a estimé que la cause de l'effondrement était très probablement la sécheresse sur plusieurs années suivie d'humification intensive au printemps 2013 avec point d'orgue le 13 juin 2013 et que ces circonstances n'étaient pas garanties.

Le 16 décembre 2014, la société Groupama a maintenu sa position.

En l'absence de résolution amiable du litige, le 30 mars 2016, M. [F] a assigné la société Groupama devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône en exécution du contrat.

Le 6 mars 2017, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [O], aux frais avancés de M. [F].

Le rapport d'expertise a été déposé au greffe le 6 septembre 2017.

Le 26 juillet 2018, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- condamné la société Groupama à garantir le sinistre subi le 13 juin 2013 par M. [F] au titre de son contrat d'assurance Privatis,

- en conséquence, condamné la société Groupama à indemniser M. [F] selon les conditions contractuelles de la garantie et en tenant compte d'une éventuelle franchise,

- condamné la société Groupama à payer à M. [F] la somme de 105 305,47 euros TTC au titre des travaux de reconstruction, outre intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2016,

- condamné la société Groupama à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 29 août 2018, la société Groupama a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 21 juin 2019, la société Groupama demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes,

Subsidiairement,

- dire et juger que les modalités de calcul de l'indemnité qu'elle devrait verser devrait être réduite et ne saurait dépasser :

* la somme de 16 861,68 euros au titre de l'indemnité immédiate.

* la somme de 74 388,94 euros au titre de l'indemnité différée,

En tout état de cause,

- condamner M. [F] à lui verser une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ave droit de recouvrement direct au profit de Maître Mortimore.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 21 février 2019, M. [E] [F] demande, en substance, à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter la société Groupama de l'intégralité de ses prétentions et de la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.

Par conclusions déposées le 22 mars 2022, MM. [E] et [R] [F] demandent à la cour de recevoir l'intervention volontaire du second en qualité de mandataire spécial ayant pour mission de représenter le premier dans le cadre de la procédure.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

En l'absence de toute discussion sur ce point, il convient de recevoir l'intervention volontaire de M. [R] [F] en qualité de mandataire spécial ayant pour mission de représenter M. [E] [F] dans la présente procédure.

Le contrat d'assurance souscrit par M. [E] [F] prévoit, notamment, les garanties suivantes qui sont visées par les parties :

- des événements climatiques à caractère non-exceptionnel, c'est-à-dire « toutes les détériorations accidentelles subies par le bâtiment et le mobilier usuel résultant de l'action directe [...] du vent [...], lorsque ces phénomènes ont une intensité telle qu'ils détruisent, brisent ou endommagent dans la commune où se situent les biens sinistrés ou dans les communes avoisinantes, un certain nombre de bâtiments de construction et de couverture d'une qualité comparable à celle des bâtiments assurés ».

- des événements climatiques à caractère exceptionnel, c'est-à-dire « les dommages matériels directs causés par : les inondations consécutives à des orages, trombes, tempêtes et tornades, s'accompagnant de précipitations d'une intensité telle qu'elles provoquent dans un délai de 48 heures après leur survenance : des ruissellements [...], à condition que la commune où se trouvent les biens n'ait pas fait l'objet de plus d'un événement ainsi caractérisé au cours des dix dernières années ».

Il ressort des écritures de M. [E] [F] qu'il sollicite l'application de la garantie des événements climatiques à caractère exceptionnel (conclusions, p. 10), de sorte que la discussion sur la réunion des conditions sur la garantie des événements climatiques à caractère non-exceptionnel, notamment celle relative aux dommages causés à d'autres bâtiments, est inopérante.

Il sera relevé que la police d'assurance ne définit pas le terme de « tempête » auquel elle se réfère.

Il ressort du rapport de l'expert judiciaire que « l'origine du sinistre est lié aux éléments climatiques extérieurs qui se sont produits le 13 juin 2013 en fin d'après-midi. En l'occurrence les pluies à partir de 16 h se sont transformées en orage puis en tempête. A 19h58 l'enregistrement des précipitations est de 28,1 mm ».

La société Groupama ne conteste pas que le vent soufflait lors de la journée du 13 juin 2013 et se réfère aux vitesses mesurées ce jour-là dans d'autres communes du Val de Saône, à savoir 61 km/heure, 61,92 km/heure et 70,20 km/heure.

Compte tenu de la vitesse du vent admise par la société Groupama d'au moins 61 km/heure couplée à des précipitations de 28,1 mm en moins de quatre heures, l'expert a exactement retenu l'existence d'une tempête ce jour-là au lieu-dit [Localité 7] où se situe le bien de l'assuré ; à tout le moins, la qualification d'orage peut être retenue, l'événement climatique en question ayant provoqué des ruissellements, le bâtiment étant situé sur un terrain en forte pente.

Il ressort des pièces versées par l'assureur que la moyenne mensuelle des précipitations entre 1985 - 2015 pour un mois de juin aux lieu-dit [Localité 7] s'élève à 85 mm, ce qui conforte le caractère exceptionnel de précipitations de 28,1 mm en quatre heures le 13 juin 2013.

Les autres tableaux fournis par la société Groupama en pièce 18, difficilement exploitables comme l'a relevé le premier juge, ne permettent pas d'établir que la commune de [Localité 4] où se situe le lieu-dit [Localité 7] ait connu des inondations consécutives à des orages, trombes, tempêtes et tornades au cours des dix années précédant l'événement au titre duquel la garantie est sollicitée.

Par ailleurs, il n'est nullement établi que la cause du sinistre trouve sa source dans un défaut d'entretien du bâtiment, comme le soutient l'assureur, l'expert judiciaire ayant écarté cette hypothèse pour retenir que les causes de ce sinistre sont « le lessivage par la tempête du mur en pierres nord-ouest. Les murs périphériques du bâtiment sont en pierres, du site de construction, lié à la terre existante sur ce site. Sous l'effet des vents de la tempête les eaux pluviales projetées sur la façade nord-ouest ont 'raviné' les joints existants entre les pierres. Dans la portion de façade située entre la ferme de charpente et l'angle nord de la façade nord-ouest un certain nombre de pierres se sont désolidarisées créant une faiblesse de la façade qui par l'effet domino s'est écroulée sur elle, entraînant l'entrait de la charpente qui s'appuyait sur cette portion de mur ».

En conséquence, le premier juge a retenu à juste titre que l'assureur devait sa garantie, dont les conditions sont réunies.

L'assureur conteste en cause d'appel le montant de l'indemnité d'assurance et ses modalités de règlement.

Il sera rappelé que la police garantit une reconstruction en valeur à neuf et les conditions générales (pp. 61 à 63) prévoient les modalités de versement de l'indemnité d'assurance qui sont fondées sur la valeur vénale au jour du sinistre et la valeur de reconstruction, et tiennent compte de la part de vétusté.

Il s'en déduit que l'indemnité d'assurance n'est pas égale au coût de la reconstruction dès lors qu'il convient de tenir compte de la vétusté et est versée sous forme d'une indemnité immédiate puis d'une indemnité différée.

L'expert judiciaire, dont la cour adopte les conclusions, a relevé qu'il convenait de détruire l'ensemble des deux murs encore debout et de reconstruire le bâtiment existant avant le sinistre, et a considéré que le devis présenté par l'assuré n'était pas surévalué, les contestations de l'assureur sur ce point étant sans fondement.

En particulier, la société Groupama ne peut soutenir que l'indemnité d'assurance constituerait un enrichissement sans cause pour l'assuré, alors même que le contrat, qui fait la loi des parties, prévoit qu'elle est calculée sur une valeur à neuf.

Il convient en conséquence de retenir que la valeur de reconstruction s'élève à 105 305,47 euros.

L'expert judiciaire n'a pas déterminé la valeur vénale du bâtiment au jour du sinistre, alors qu'elle est nécessaire à la résolution du litige, contrairement à ce que soutiennent MM. [F].

L'assureur estime que cette valeur vénale s'élevait à 17 266 euros, et pour en justifier produit une « note » émanant de son expert, qui propose deux méthodes de calcul, et que la vétusté était supérieure à 25 %.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que l'immeuble qui s'est effondré était une dépendance, qui contenait du foin.

Il ressort de ce rapport que le bâtiment était ancien, de construction traditionnelle pour son époque de construction, ce qui est également établi par les photos illustrant le rapport, mais avait fait l'objet de travaux.

Au vu de ces éléments, le taux de vétusté peut être fixé à 25 %.

L'expert de l'assureur propose deux méthodes de calcul mais il convient de retenir celle se fondant sur les prix habituels pour ce type de bâtiment, qui apparaît la plus en adéquation avec le dommage subi.

L'expert précise que selon cette méthode, la valeur vénale est comprise entre 15 000 et 25 000 euros.

Il ressort du rapport de l'expert judiciaire que le bâtiment a été construit en pierres du pays et que la toiture avait été refaite.

Au vu de ces éléments, il convient de retenir la valeur haute de l'estimation de l'expert, soit 25 000 euros.

En application des stipulations contractuelles, la société Groupama est tenue de verser une indemnité immédiate de 25 000 euros, sous déduction de la franchise fixée à 380 euros dans le contrat.

Par ailleurs, elle reconnaît dans ses écritures devoir l'indemnité différée, sans opposer le délai de deux ans, indemnité qui, aux termes du contrat, correspond à la différence entre la valeur à neuf et la valeur vénale, la part de vétusté étant prise en charge par l'assureur.

L'indemnité différée, qui s'élève ainsi à la somme de 80 305,47 euros, sera réglée après la remise à l'assureur des factures, conformément aux stipulations contractuelles.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur le montant de l'indemnité afin de tenir compte de la franchise et sur les modalités de règlement de l'indemnité due par la société Groupama.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit l'intervention volontaire de M. [R] [F] en qualité de mandataire spécial ayant pour mission de représenter M. [E] [F] dans la présente procédure ;

Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il condamne la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne dite Groupama Rhône-Alpes Auvergne à payer à M. [E] [F] la somme de 103 305,47 euros TTC ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne dite Groupama Rhône-Alpes Auvergne à payer à M. [E] [F] :

* la somme de 24 620 euros au titre de l'indemnité immédiate, outre intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2016

* la somme de 80 305,47 euros au titre de l'indemnité différée, après production des factures de reconstruction,

Condamne la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne dite Groupama Rhône-Alpes Auvergne aux dépens ;

Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 18/06152
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;18.06152 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award