La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2022 | FRANCE | N°20/01315

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 03 juin 2022, 20/01315


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/01315 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M346





[V]



C/



Association [Adresse 7]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Juillet 2016

RG : 15/02739

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 03 JUIN 2022





APPELANT :



[D] [V]

né le 09 Avril 1971 à [Localité 5] ([Localité 5])

[Adresse 2]


[Localité 1]



Représenté par Me Loïc POULIQUEN de la SELARL CABINET POULIQUEN, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Association [Adresse 7]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3]



Représentée par Me Stéphanie DUBOS de la SELAR...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/01315 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M346

[V]

C/

Association [Adresse 7]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Juillet 2016

RG : 15/02739

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 03 JUIN 2022

APPELANT :

[D] [V]

né le 09 Avril 1971 à [Localité 5] ([Localité 5])

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Loïc POULIQUEN de la SELARL CABINET POULIQUEN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Association [Adresse 7]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphanie DUBOS de la SELARL CABINET RATHEAUX SELARL, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Patricia GONZALEZ, Présidente

Sophie NOIR, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Assistées pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [V] a été embauché le 2 octobre 2006 en qualité de Directeur Sportif, statut Cadre, suivant contrat de travail à temps plein, par l'association [Adresse 7], exploitant le club de tennis de la ville de [Localité 6]. Il était classé au groupe 6 de la convention collective du Sport.

Au dernier état de la relation de travail, il percevait une rémunération moyenne mensuelle de 3 658,86 € sur la base de 151,67 heures mensuelles.

Par courrier en date du 9 avril 2015, invoquant des difficultés économiques et financières, l'association [Adresse 7] a proposé à M. [V] une modification de son contrat de travail à savoir un poste de professeur de tennis du groupe 4 de la convention collective du Sport, pour une durée de travail annuelle de 945 heures avec possibilité d'heures complémentaires dans la limite d'un tiers de l'horaire habituel, ce sur 42 semaines à définir et moyennant un salaire brut horaire hors prime d'ancienneté de 17,50 €.

Par courrier en date du 29 avril 2015, M. [V] a refusé cette proposition.

Le 28 mai 2015, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 juin 2015.

Par lettre recommandée en date du 29 juin 2015, l'employeur lui a notifié son licenciement dans les termes suivants : Nous faisons suite à notre entretien du 9 juin dernier au cours duquel nous vous avons exposé les raisons qui nous ont conduits à envisager votre licenciement pour motif

économique pour cause de suppression de poste, et que nous vous rappelons ci-après.

Ainsi que vous le savez, lors la clôture de la saison 2013/2014, l'Association a enregistré de lourdes pertes de l'ordre de 5 600 €. Cette situation ne s'est malheureusement pas améliorée puisque l'Association devrait enregistrer des pertes à hauteur de 12 000 € à 14 000 € au titre de la saison 2014/2015.

Cette situation est liée à une baisse d'adhérents ainsi qu'à une baisse de subventions (municipalité et ligue de la fédération française du Tennis notamment).

Aujourd'hui le coût de la masse salariale de l'enseignement qui est de l'ordre de 88 000 € n'est pas compensé par les 66 500 € de recettes de ce même enseignement.

Le coût du poste de cadre à plein temps est la principale raison de ce déficit. Les recettes des adhésions adultes et les subventions ne permettent plus de compenser ce déficit.

Il est donc indispensable de réaliser des économies de charges au niveau de cette structure pour tenter de retrouver un équilibre budgétaire quifait cruellement défaut.

Pour envisager la poursuite de l'activité, il est nécessaire de repenser l'organisation interne pour alléger les frais de structure, ce qui nous conduit à envisager la suppression du poste de Directeur sportif, ce poste étant devenu inadapté aux besoins du club.

L 'objectif de l'Association reste le suivant :

- rester en conformité avec la règlementation (URSSAF et CCNDS) ,

- faire en sorte que l'Association retrouve un équilibre financier afin d'éviter l 'état de cessation des paiements ,

- maintenir le même niveau d'offre d'enseignement ,

- maintenir la même qualité 3A (accueil, ambiance, animation).

C 'est la raison pour laquelle nous vous avons proposé par courrier recommandé en date du 9 avril 2015 une proposition de modification de votre contrat de travail que vous avez refusée par courrier du 29 avril dernier.

Votre refus de proposition de modification de votre contrat de travail, nous a alors conduits à envisager votre licenciement pour motif écononique.

En alternative à votre licenciement, nous avons recherché différentes solutions de reclassement internes et externes.

Dans le cadre de nos recherches de reclassement, nous avons pris attache auprès des services du Pôle Emploi du secteur de [Localité 6], ainsi qu 'auprès d'associations partenaires et amies, ainsi qu'auprès de la commission paritaire de l 'emploi et de la ligue de Tennis du Rhône.

A cejour, nous n'avons reçu aucune réponse favorable.

En interne, nous vous avons reproposé dans notre courrier du 28 mai 2015 à titre de reclassement, un poste de professeur DE Groupe 4 :

Convention Collective applicable : Sport (JO 3328)

Qualification : groupe 4

Type de contrat de travail : Contrat à Durée Indéterminée Intermittent selon les dispositions

de la Convention Collective Nationale Du Sport.

Durée du travail 945 heures annuelles minimales.

Il pourra être demandé, en fonction des besoins, des heures dites «complémentaires'', en sus des horaires habituels, ceci dans la limite du tiers de l'horaire prévu.

Fixation des périodes de travail : 42 semaines, comprises entre le 1er septembre et le 31 août, réparties enfonction d'un planning à définir.

Attributions principales : enseignement du Tennis et animations.

Lieu d'exécution : [Localité 6]

Rémunération horaire brute : 17,50 euros majorés de 4% entre la 37ème et 40ème semaine et

majorés de 8% entre la 41ème et 42ème semaine (hors prime d'ancienneté et 10% de congés payés). Cette rémunération sera lissée sur l'année.

Cependant, vous n'avez jamais répondu à notre proposition de reclassement, ce qui vaut refus de votre part.

Malheureusement nous sommes dans l'impossibilité de vous proposer d'autres solutions et sommes donc au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique.[...]

Par requête en date du 15 juillet 2015, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon à l'effet d'obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Par jugement du 7 juillet 2016, le conseil de prud'hommes a dit que le motif économique fondant le licenciement de Monsieur [V] constituait une cause réelle et sérieuse, débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M. [V] a interjeté appel le 29 juillet 2016.

Au terme de conclusions reçues à la cour le 17 mars 2022 et reprises oralement à l'audience, il demande à la cour de condamner l'assocation [Adresse 7] à lui payer les sommes suivantes :

- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 37 380,20 € au titre de rappel d'heures supplémentaires outre 3 783,03 € au titre des congés payés afférents,

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la réglementation afférente au temps de travail,

- 17 468,16 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 3 000 € d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les dépens.

Au terme de conclusions reçues à la cour le 17 mars 2022 et reprises oralement à l'audience, l'association [Adresse 7] demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Sur le motif économique

M. [V] fait valoir :

- que l'association invoque une réorganisation dont elle ne justifie pas de la nécessité et sur laquelle elle ne fournit aucune précision,

- que le poste de directeur sportif est un poste 'clé' pour ce type de club et qu'il est indispensable au bon fonctionnement du club,

- que les adhésions sont stables, passant de 388 à 400 entre 2014 et 2015,

- que les produits n'ont diminué que de 4 000 €, le solde de trésorerie étant positif,

- que l'association n'a pas tenu compte de ses propositions, qu'il était en butte à l'hostilité permanente des nouveaux dirigeants du club,

- que son licenciement repose sur d'autres motifs qu'économiques, que la suppression de son poste n'était pas justifiée.

L'association [Adresse 7] fait valoir :

- que la cause économique du licenciement est réelle, l'association ayant enregistré des pertes tant à la clôture de la saison 2013/2014 qu'à la clôture de la saison suivante,

- que l'association a enregistré la perte de 142 ahérents en trois ans, que l'arrivée de 36 jeunes adhérents supplémentaires en 2014/2015 n'a pas compensé la perte de 23 adhérents adultes,

- que les adhérents adultes sont les plus gros contributeurs et que chaque adulte perdu entraîne une perte de 190 € alors que chaque enfant gagné n'a apporté aucune amélioration de recettes,

- qu'elle a enregistré une importante baisse de subventions au titre de l'exercice 2014/2015,

- que la réorganisation du club était indispensable à la pérennité de celui-ci,

- que la trésorerie représentait 1,5 mois de charges et constituait une sécurité indispensable pour faire face aux aléas.

Selon l'article L.1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, 'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.'

Ni le juge ni le salarié ne peut se substituer à l'employeur quant au choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation ou du reclassement qui relève du pouvoir de direction de l'employeur et il n'appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l'employeur entre plusieurs solutions possibles.

Dès lors, le salarié est mal fondé à reprocher à l'employeur de n'avoir pas retenu les solutions qu'il lui a proposées et d'avoir fait le choix de supprimer son poste, peu important que d'autres clubs d'importance similaire soient dotés d'un directeur sportif.

S'agissant du motif strictement économique, l'employeur justifie avoir subi une perte de 5 500 € pour l'exercice 2013/2014 et une perte de 16 000 € pour l'exercice 2014/2015, supérieure à celle de 12 à 14 000 € annoncée dans la lettre de licenciement.

Les éléments comptables produit font apparaître que les recettes sont passées de 155 000 € en 2012/2013 à 139 000 € en 2013/2014 et à 134 000 € en 2014/2015 soit plus de 20 000 € de baisse.

L'employeur justifie que la dégradation de sa situation financière trouve sa cause dans une baisse du nombre des adhérents passés de 530 en 2011 à 390 en 2014, à l'origine d'une baisse nette du produit (déduction faite des cotisations FFT) de 8 600 € entre 2012 et 2014.

Si en 2014/2015, le nombre des adhérents est remonté, passant de 390 à 403, l'employeur justifie que cela était dû à une augmentation du nombre des jeunes adhérents de 36 non entièrement compensée par le départ de 23 adhérents adultes. Or les adultes étant les plus gros contributeurs, ce que le salarié lui-même a reconnu dans un courrier du 6 avril 2015 en indiquant : 'les adhérents adultes sont plus rentables que le public jeune', l'arrivée de 36 jeunes n'a pas compensé le départ de 23 adultes de sorte qu'à la date du licenciement, la dégradation des ressources de l'association était toujours actuelle.

L'employeur justifie également d'une baisse non négligeable des subventions de la mairie, passées de 22 000 € en 2012/2013 à 13 000 en 2014/2015.

L'existence d'une trésorerie de 20 000 € au 31 août 2015 ne saurait constituer un critère de l'absence de difficultés économiques de l'association, elle démontre simplement que l'association n'était pas alors en état de cessation des paiements et qu'elle disposait de fonds lui permettant de faire face aux charges courantes à court terme, la somme en cause représentant un mois et demi de charges.

Les difficultés économiques de l'association étant démontrées, il est justifié du motif économique du licenciement.

M. [V] se prévaut des attestations de deux membres du bureau, Mmes [Y] et [P] qui démontreraient selon lui qu'on s'est acharné sur lui, qu'on l'a stigmatisé et qu'on ne lui a pas permis de présenter ses propositions.

Toutefois, ces attestations ne sont ni précises ni circonstanciée sur les faits qui auraient traduit un acharnement et refus 'systématique' de toutes les propositions de M. [V].

Il ressort au contraire de l'attestation de M. [B], vice-président du club, que l'association a procuré à M. [V] les moyens demandés, en particulier pour adapter l'école de tennis à la réforme des rythmes scolaires et pour mettre en place une nouvelle activité de cardio-training, avec achat de matériel et financement de formations d'animateur sportif.

S'agissant des propositions de réorganisation en vue de redresser la situation financière du club, il ressort de l'attestation des membres du bureau que M. [V] a pu présenter ses projets au groupe de travail du comité en charge d'analyser les solutions possibles lors d'une réunion organisée spécialement le 22 janvier 2015 et que celles-ci ont été intégrées dans l'étude de la réorganisation et présentées en réunion mensuelle du comité en mars 2015. Le procès-verbal de la réunion du comité du 31 mars 2015 confirme, si besoin était, que ces propositions ont bien été examinées, étant relevé que Mmes [Y] et [P] n'étaient pas présentes à ce comité.

L'ensemble de ces éléments fait apparaître que leurs attestations manquent à tout le moins d'objectivité et qu'elles ne sauraient faire la preuve que M. [V] aurait été licencié pour un motif personnel et non pour un motif économique.

M. [V] veut également pour preuve de l'acharnement des dirigeants du club contre lui les rappels à l'ordre qui lui ont été notifiés successivement alors que jamais auparavant il ne s'était vu sanctionner. Il a effectivement fait l'objet de deux rappels à l'ordre, le premier en 2013 pour une fausse note de frais et le second en 2014 pour avoir quitté le club en laissant les enfants attendre leurs parents sans surveillance. Ils ne sauraient constituer l'indice d'un acharnement dès lors que l'employeur justifie de la matérialité des faits qui les ont justifiés, pour le premier par un message de la trésorière en date du 15 juin 2013 et pour le second par un message de Mme [P] elle-même en date du 26 juillet 2014 signalant l'abandon des enfants sans surveillance.

Sur la recherche de reclassement

M. [V] fait valoir

- que la solution de reclassement était déloyale et caractérise une absence de recherche de reclassement,

- que les solutions alternatives proposées n'ont pas été étudiées,

- que la décision de licenciement était déjà prise lorsque la proposition de modification de son contrat de travail a été faite.

L'association [Adresse 7] fait valoir :

- que le poste de Directeur Sportif n'était pas indispensable pour un club comme celui de [Localité 6],

- que depuis 2015, le club fonctionne sans directeur sportif avec 2 enseignants et des initiateurs,

- que la modification proposée à M. [V] le 9 avril 2015 correspondait à 60% d'un temps plein soit 19 000 € bruts et 60% du salaire antérieur de M. [V] pour sa partie fixe, avec possiblité de prévoir un complément de l'ordre de 5 000 € en heures complémentaires,

- que le salaire proposé était supérieur de 25% au salaire du professeur actuel,

- qu'elle a effectué des recherches de reclasselebt auprès de Pôle Emploi, de la fédération française de tennis, de la commision paritaire de l'emploi, de la ligue de tennis de [Localité 4] et de 13 autres clubs, ce sans succès,

- que les propositions de M. [V] ont été intégrées dans l'étude de la réorganisation du club mais qu'elles n'étaient pas viables,

- qu'elle n'a pas annoncé publiquement le licenciement de M. [V] lors de la réunion d'information du 1er juin 2015.

Préalablement à toute mesure de licenciement économique, l'employeur doit rechercher toutes les solutions de reclassement. Le reclassement doit être recherché à partir du moment où le licenciement est envisagé et jusqu'à sa notification.

La modification du contrat de travail est justifiée par un motif économique dès lors qu'elle est consécutive à des difficultés économiques.

Le salarié se prévaut d'attestations de MM. [K] et [R] selon lesquelles son licenciement avait été évoqué publiquement lors d'une réunion d'information en date du 1er juin 2015.

Il ne résulte toutefois pas de ces attestations que le licenciement de M. [V] ait été formellement ou implicitement annoncé au cours de cette réunion mais seulement qu'il y a été abordé la réorganisation envisagée, à savoir la suppression du poste de Directeur Sportif, M. [K] ajoutant qu'il avait été indiqué que le coût d'un licenciement avait été provisionné dans les comptes.

L'employeur produit des attestations de MM. [X], [T], [N], [W] et [F] qui démentent expressément toute divulgation relative à un licenciement, indiquant de façon concordante que les informations données ne portaient que sur l'aspect financier de la réorganisation et non sur les personnes, qu'il avait été indiqué que des propositions avaient été faites aux salariés et qu'elles étaient en attente de réponse. M. [X] précisait que, sur question d'un adhérent, il avait été répondu qu'en cas de procédure prud'homale, il faudrait que la trésorerie du club permette de budgéter les frais d'avocat.

Il n'est ainsi pas établi que le licenciement de M. [V] avait été décidé et rendu public par avance. Il résulte par contre des attestations concordantes de Mme [H] et de M. [G] que M. [V], voyant son poste menacé suite à la réunion du comité du mois de mars 2015, avait mené une campagne de désinformation sur la future faillite du club ce qui permet de considérer qu'il est à l'origine de rumeurs ayant suscité les questions abordées lors de la réunion du 1er juin 2015 sur la possibilité pour le club de supporter le coût d'un licenciement et les frais d'une procédure prud'homale.

En l'absence de disposition légale imposant à un club sportif de disposer d'un Directeur Sportif, le fait pour l'association [Adresse 7] de supprimer ce poste qui pesait considérablement sur ses finances comme représentant plus de la moitié de la masse salariale du club ne caractérise aucun manquement de sa part en matière de recherche de reclassement, étant rappelé que le choix de réorganisation effectué par l'employeur relève de son pouvoir de direction et échappe au contrôle du juge.

Le club disposait, au moment du licenciement, de deux postes d'enseignement à temps plein, les autres postes étant des contrats d'éducateurs au nombre de 7. Il en résulte que la proposition à M. [V] d'un poste d'enseignant constituait l'unique solution de reclassement en ce qu'elle correspondait aux compétences du salarié en permettant de maintenir l'offre d'enseignement sportif du club.

L'employeur justifie que le salaire proposé était supérieur de 25% au salaire du professeur embauché par la suite et supérieur de 53% au minimum de la grille conventionnelle de sorte que sa proposition ne saurait être considérée comme déloyale.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les heures supplémentaires

L'article L. 3171-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. (...) ».

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient d'abord au salarié de fournir au juge les éléments précis sur lesquels il entend fonder sa demande et il appartient alors à l'employeur, le cas échéant, de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par son salarié.

M. [V] estime :

- avoir travaillé 10 dimanches par an chaque année pour accompagner les compétitions en tant que capitaine et avoir travaillé 8 heures ces jours là ce qui correspond sur 3 ans 240 heures supplémentaires,

- avoir travaillé 47h50 par semaine sur deux mois pendant les périodes de stage enfants/adultes des mois d'été et avoir droit à ce titre à un rappel d'heures supplémentaires de 8h à 25% et de 4,5 heures à 50% sur 8,66 semaines chaque année,

- avoir travaillé en moyenne 45 heures par semaine le reste de l'année soit sur 36,9 semaines, 8 heures suppl à 25% et 2 heures à 50%.

Il fait valoir que sa fiche de poste incluait l'accompagnement des équipes de jeunes et l'organisation des entraînements des équipes en compétition, qu'il assurait comme capitaine l'accompagnement aux compétitions de sorte qu'il s'agissait d'un travail effectif ouvrant droit à rémunération et non pas d'un travail bénévole.

L'association [Adresse 7] fait valoir :

- qu'il ressort des propres écrits de M. [V] qu'il se proposait de prendre des tâches supplémentaires dans le cadre de la réorganisation qu'il proposait pour sortir le club de ses difficultés financières et qu'il n'a jamais fait allusion à trop d'heures ou des heures supplémentaires non réglées,

- que lorsqu'il travaillait sur 6 jours, le salarié bénéficiait de 49 heures de repos continu hebdomadaire,

- que 10 jours supplémentaires de congés avaient été attribués aux enseignants à compter de 2011 pour leur participation à des tournois, que M. [V] participait librement aux compétitions, qu'il ne lui avait pas été demandé de jouer en équipe ni d'accompagner les équipes adultes, qu'il avait par contre, en tant qu'adhérent du club, la possibilité de jouer en équipe et d'être capitaine,

- que pendant les stages jeunes, M. [V] ne faisait pas d'heures supplémentaires, qu'il n'assurait pas l'accueil, que les horaires étaient indiqués sur les prospectus et que les stages pouvaient n'être que le matin,

- que les stages d'été adultes qui avaient lieu 'à la demande' pendant une semaine creuse correspondaient à 1h30 par jour soit 7h30 par semaine qui étaient rémunérées.

Sur l'accompagnement et la participation aux compétitions le dimanche

Selon l'article L.3121-1 du code du travail et l'article 5-1-1 de la Convention collective nationale du Sport est considéré comme du temps de travail effectif le moment où le salarié est à la disposition de l'employeur et ne peut vaquer à ses occupations personnelles.

Le contrat de travail prévoit qu'il entre dans les fonctions du salarié 'd'accompagner ou de s'assurer de l'accompagnement' des jeunes lors des rencontres par équipe et plus généralement sa participation aux animations mais il est muet sur l'accompagnement des équipes adultes.

Toutefois, l'avenant au contrat de travail de M. [V] signé le 2 octobre 2006 prévoit que les frais de déplacement lors des compétitions sur un autre lieu que le lieu habituel du travail seront pris en charge sur justificatifs et que M. [V] peut être amené à travailler de manière exceptionnelle le dimanche.

Il ressort en outre de son évaluation pour 2012/2013 qu'il était demandé à M. [V] de rendre compte de ses actions notamment pour maintenir le bon nombre d'adhérents afin d'assurer la pérennité du club, - point sur lequel il lui était demandé de s'améliorer en s'investissant personnellement -, et pour développer le niveau sportif des compétiteurs ciblés ; qu'étaient également évaluées son implication et sa mobilisation, points sur lesquels il lui était demandé de s'améliorer en participant à des manifestations du club.

Il en résulte que si sa participation aux équipes adultes en qualité de joueur ou de capitaine et l'accompagnement desdites équipes aux compétitions n'étaient pas expressément prévus à son contrat de travail, ces tâches entraient dans ses fonctions d'encadrement de sorte que l'accompagnement des équipes lors des compétitions le dimanche constitue du temps de travail effectif.

M. [V] produit un listing faisant apparaître qu'il a participé à des compétitions les dimanches suivants au cours de la saison 2013/2014 : 13 octobre, 27 octobre, 10 novembre, 17 novembre, 1er décembre, 8 décembre, 27 avril, 11 mai, 18 mai, 25 mai.

Les attestations d'adhérents membres des différentes équipes indiquant n'avoir jamais bénéficié du 'coaching' de M. [V] invoquées par l'employeur ne sont pas circonstanciées et sont insuffisantes à démontrer que le salarié n'aurait pas participé à ces compétitions.

Par contre, le salarié ne produit aucun relevé précis des jours de compétitions auxquelles il aurait participé au cours des saisons 2012/2013 et 2014/2015 permettant à l'employeur de répondre de sorte qu'il ne saurait prétendre à un rappel d'heures supplémentaires pour des dimanches travaillés au cours de ces saisons.

La rémunération des heures supplémentaires peut être remplacée, en tout ou partie, par un repos compensateur. Le repos donné par l'employeur est d'une durée équivalente à la rémunération majorée.

L'employeur produit une attestation de M. [A] de laquelle il ressort que, lors d'une réunion tenue le 28 janvier 2011 et à laquelle assistait M. [V], il avait été décidé, afin d'apaiser les tensions et de trouver un consensus concernant la participation des éducateurs aux compétitions de tennis le dimanche, d'octroyer aux éducateurs 10 jours de congés supplémentaires par an, de façon forfaitaire, afin d'éviter pour l'avenir toute discussion sur le sujet. Ce témoin précise que M. [V] a bénéficié de ces dix jours supplémentaires à compter de 2011.

Le salarié ne discute pas ce point, reconnaissant dans l'un de ses écrits bénéficier de '7 semaines de congés intégrant les récupérations'. Toutefois, la récupération instaurée par l'employeur ne prend pas en compte la huitième heure de la journée de travail ni la majoration d'heure supplémentaire puisque la compensation instaurée est égale au nombre de dimanche travaillés.

Il en résulte que le salarié est fondé à demander un complément de rémunération pour les 10 dimanches travaillés de la saison 2013/2014 à concurrence de 80 heures.

Sur les heures supplémentaires en semaine

L'activité du salarié était organisée par saison en fonction des vacances scolaires : il travaillait pour l'école de tennis en période scolaire et animait les stages enfants et/ ou adultes pendant les vacances scolaires.

Au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires effectuées pendant les périodes scolaires, M. [V] produit un planning de la période du 2 au 8 décembre 2013 faisant apparaître une semaine de 51 heures y compris le dimanche 8 décembre, jour de compétition. Toutefois, ce seul document ne saurait fonder la demande du salarié pour le reste de son activité pendant les périodes scolaires.

L'employeur produit le planning individuel hebdomadaire de M. [V] pour la saison 2013/2014 qui ne fait ressortir aucune heure au delà de l'horaire contractuel de 151,67 heures. Il s'agit manifestement d'un planning de principe pour la saison, la production par le salarié d'un planning pour une semaine spécifique démontrant que celui-ci était susceptible d'aménagements au fils du temps.

L'employeur ne produit aucun élément de nature à remettre en cause la réalité des horaires tels qu'ils ressortent du planning produit par le salarié de sorte qu'il convient de retenir les heures supplémentaires suivantes pour la période du 2 au 8 décembre 2013, étant rappelé que seule est due au titre du dimanche de compétition du 8 décembre, récupéré à concurrence de 7 heures, la huitième heure en totalité et la majoration de 50% pour les 7 autres heures, soit :

- 8 x 17,68 € x 125% =176,80 €

- (1 x 17,68 € x 150%) + (7 x 17,68 € x 50%) = 88,40 €

Total = 265,20 €.

Compte tenu des dimanches retenus comme travaillés au cours de la saison 2013/2014, le salarié a travaillé 8 heures supplémentaires les semaines concernées de sorte qu'il est fondé à obtenir un rappel de salaire de (1 x 17,68 € x 125%) + (7 x 17,68 € x 25%) = 53,04 € x 9 = 477,36 €.

Le salarié ne produit aucun élément précis susceptible de fonder sa demande d'heures supplémentaires au titre des autres périodes scolaires des saisons 2012/2013, 2013/2014, 2014/2015 de sorte que le surplus de sa demande doit être rejeté.

Au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires effectuées pendant les périodes de stage, M. [V] produit deux plannings de stages Toussaint 2013 intitulés '[L] [V] semaine stages Toussaint' faisant apparaître un horaire de 8 heures par jour du lundi au vendredi soit un horaire hebdomadaire de 45 heures.

L'employeur ne produit aucun élément susceptible de contredire cet horaire de sorte que le salarié est fondé à obtenir le rappel de salaire suivant pour les 10 heures supplémentaires effectuées au cours de ces deux périodes soit :

- 8 x 17,68 € x 125% =176,80 € x 2 =353,60 €

- 2 x 17,68 € x 150% = 53,04 € x 2 =106,08 €

Total = 459,68 €.

Le salarié ne produit aucun élément précis susceptible de fonder sa demande d'heures supplémentaires au titre des autres périodes de stages des saisons 2012/2013, 2013/2014, 2014/2015 de sorte que le surplus de sa demande doit être rejeté.

La créance de rappel de salaire s'établit en conséquence à : 265,20 € + 477,36 € + 459,68 € = 1 202,24 € outre 120,22 € au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect de la durée du travail

M. [V] fait valoir :

- que l'employeur lui a fait largement dépasser sur de nombreuses semaines le plafond hebdomadaire maximal de durée du travail,

- que l'association était nécessairement consciente de cette violation, compte tenu de l'organisation à laquelle elle l'avait soumis d'une part et des alertes qu'il avait émises, ayant été contraint de saisir l'inspection du travail,

- que l'omission de l'association était intentionnelle.

Selon l'article L.3121-20, au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.

Selon l'article L.3121-22, La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures.

La preuve du respect des durées maximales de travail incombe à l'employeur.

En l'espèce, l'association [Adresse 7] ne produit aucun élément objectif démontrant le respect des dispositions susvisées.

La moyenne des horaires hebdomadaires que le salarié soutient avoir effectués est de 46 heures soit 2 heures au delà du plafond de 44 heures sur 12 semaines.

Le préjudice subi du fait de l'empiétement de sa vie professionnelle sur sa vie privée sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 4 320 €.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

L'article L. 8221-5 du code du travail répute travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Selon l'article L. 8223-1, « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »

La dissimulation d'emploi n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de salaire un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué.

M. [V] ne rapporte pas la preuve du caractère intentionnel de la minoration des heures de travail effectuées et rémunérées, étant relevé qu'il ne justifie pas avoir jamais fait valoir auprès de l'employeur qu'il effectuait des heures supplémentaires et ni lui avoir fait part de ses démarches auprès de l'inspection du travail.

Il convient en conséquence de débouter le salarié de ce chef de demande.

Sur les demandes accessoires

L'association [Adresse 7] qui succombe partiellement supporte les dépens et une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [D] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Le réforme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne l'association [Adresse 7] à payer à M. [D] [V] :

- la somme de 1 202,24 € à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 120,22 € de congés payés afférents,

- la somme de 4 320 € pour non-respect des durées maximales de travail ;

Déboute M. [D] [V] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

Condamne l'association [Adresse 7] à payer à M. [D] [V] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens.

Le GreffierLa Présidente

Gaétan PILLIEPatricia GONZALEZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 20/01315
Date de la décision : 03/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-03;20.01315 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award