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03/06/2022 | FRANCE | N°19/01835

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 03 juin 2022, 19/01835


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/01835 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MH5T





Société KEOLIS LYON



C/



[E]



Syndicat CGT DES TCL







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 14 Février 2019

RG : 16/00434

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 03 JUIN 2022





APPELANTE :



Société KEOLIS LYON

[Adresse 5]
>[Localité 3]

Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-baptiste TRAN-MINH de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON su...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01835 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MH5T

Société KEOLIS LYON

C/

[E]

Syndicat CGT DES TCL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 14 Février 2019

RG : 16/00434

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 03 JUIN 2022

APPELANTE :

Société KEOLIS LYON

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-baptiste TRAN-MINH de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Eliette LACROIX, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[R] [E]

né le 25 Juillet 1979 à [Localité 7] ([Localité 7])

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Fatima TABOUZI, avocat au barreau de LYON

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE :

Syndicat CGT DES TCL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Fatima TABOUZI, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Mars 2022

Présidée par Patricia GONZALEZ, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Sophie NOIR, conseiller

- Catherine CHANEZ, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE :

La société Keolis Lyon exerce une activité de gestion du réseau de transport en commun de la communauté urbaine du 'Grand [Localité 3]'.

Elle applique la convention collective des Réseaux de Transport Publics Urbains de Voyageurs du 11 avril 1986.

M. [E] a été embauché par la société Keolis Lyon en qualité 'd'Agent commercial de conduite', en contrat écrit à durée indéterminée, à compter du 14 mai 2001 dans le cadre d'un contrat de qualification de 18 mois pour la période du 14 mai 2001 au 24 novembre 2002.

A compter du 25 novembre 2002, M. [E] a exercé les fonctions de 'conducteur receveur' coefficient 210, avec reprise d'ancienneté, en contrat écrit à durée indéterminée à temps complet, en contrepartie d'une rémunération mensuelle de 1.710,01 euros bruts correspondant à 152 heures de travail mensuelles.

Par avenant du 23 mars 2009, M. [E] a été affecté aux fonctions 'd'Agent de Prévention Intervention Contrôle', coefficient 220.

Au dernier état de la collaboration, le salarié a perçu un salaire mensuel brut de 2.671,62 euros intégrant une prime de vacances et une prime de 13eme mois proratisée.

A compter du 1er juillet 2014, M. [E] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail suite à une agression d'un tiers usager lors d'une opération de contrôle.

Le 5 août 2015, le médecin conseil de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône a déclaré son état de santé consolidé.

Le médecin du travail a organisé plusieurs visites de pré-reprises et conclu aux différents avis d'inaptitude temporaire suivants :

- le 27 novembre 2014 à une inaptitude temporaire au poste ;

- le 23 décembre 2014 à une inaptitude temporaire et précisant la nécessité de continuer la prise en charge médicale ;

- le 19 février 2015 à une inaptitude temporaire à la reprise du poste ;

- le 16 avril 2015 à une inaptitude temporaire à la reprise, et précisant la nécessité de poursuivre la prise en charge psychologique.

Lors d'une cinquième visite de pré-reprise du 25 août 2015, le médecin du travail a rendu l'avis suivant :

« 'Vu ce jour en visite de pré-reprise suite à AT du 1er juillet 2014, sur période de congé annuel, à la demande du Docteur [D] (CPAM du 38). La reprise du travail est inenvisageable y compris à temps partiel au poste de technicien de contrôle.

De même, l'état de santé de M. [E] contre indique de façon stricte et absolue :

-Les métiers qui pourraient le mettre en contact directement ou indirectement avec le public (ou la clientèle) tels les métiers de conducteurs receveurs de bus, de tramway ou de métro ;

-Les postes de travail dits de sécurité ;

-Les postes incluant les horaires alternés ou le travail posté ;

L'inaptitude au poste de technicien de contrôle risque d'être retenue lors de la visite de reprise suite à AT. Dès à présent, une recherche de reclassement sur poste administratif sans contact direct avec la clientèle est recommandée.

Nécessité de maintenir la prise en charge et le suivi médico psychologique.

A revoir en visite de reprise le 26 août 2015 à 17h.' ».

Le 26 août 2015, lors de la première visite de reprise, le médecin du travail a rendu un avis libellé dans les termes suivants ;

« 'Suite à AT du 1er juillet 2014, inapte au poste de technicien de contrôle y compris à temps partiel. De même, l'état de santé de M. [E] contre-indique de façon stricte et absolue :

-Les métiers qui pourraient le mettre en contact directement ou indirectement avec le public (ou la clientèle) tels les métiers de conducteurs receveurs de bus, de tramway ou de métro ;

-Les postes de travail dits de sécurité ;

-Les postes incluant les horaires alternés ou le travail posté.

Dès à présent, une recherche de reclassement sur poste administratif sans contact direct avec la clientèle est recommandée.

Nécessité de maintenir la prise en charge et le suivi médi copsychologique.

A revoir dans 15 jours, en visite de reprise AT (2 ème visite),

A revoir en visite de reprise le 10 septembre à 15h45 à la Poudrette.' ».

A l'issue de la seconde visite de reprise du 10 septembre 2015, le médecin du travail a déclaré M. [E] inapte à son poste de travail, et ce, dans les termes suivants :

« 'Suite à AT du 1er juillet 2014, inapte au poste de technicien de contrôle y compris à temps partiel. Suite à l'AT du 1er juillet 2014 et de la visite de reprise effectuée le 26/08/2015, l'inaptitude définitive au poste de technicien de contrôle est retenue ce jour y compris à temps partiel. De même, l'état de santé de M. [E] contre indique de façon stricte et absolue :

-Les métiers qui pourraient le mettre en contact directement ou indirectement avec le public (ou la clientèle) tels les métiers de conducteurs receveurs de bus, de tramway ou de métro.

-Les postes de travail dits de sécurité ;

-Les postes incluant les horaires alternés ou le travail posté.

Dès à présent, une recherche de reclassement sur poste administratif sans contact direct avec

la clientèle est recommandée.

Nécessité de maintenir la prise en charge et le suivi médico psychologique.' ».

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 septembre 2015, la société Keolis Lyon a formulé une proposition de reclassement au salarié, lequel l'a refusée par courrier recommandé du 5 novembre 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 novembre 2015, la société Keolis Lyon a informé M. [E] de l'impossibilité de pouvoir à son reclassement.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 novembre 2015, la société Keolis Lyon a convoqué M. [E] a un entretien préalable à son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement prévu le 30 novembre 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 décembre 2015, la société Keolis Lyon a notifié à M. [E] son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement en ces termes :

« 'Nous faisons suite à notre entretien préalable du 30 novembre 2015 au cours duquel nous vous avons exposé la raison pour laquelle nous envisagions la rupture de votre contrat de travail.

Nous vous rappelons les motifs qui nous amènent à prendre une telle décision :

Vous avez été victime d'un accident du travail le 1er juillet 2014. A l'issue de l'arrêt de travail qui s'en est suivi, vous avez rencontré le médecin du travail.

Lors de votre visite médicale de reprise du 10 septembre 2015, le Médecin du travail a déclaré : « Inaptitude (2 ème visite cadre art. R4624-31). Suite AT du 1er juillet 2014, et de la visite de

reprise effectuée le 26 août 2015, l'inaptitude définitive au poste de technicien contrôle intervention est retenue ce jour y compris à temps partiel. De même, l'état de santé de M. [E] contre indique de façon stricte et absolue :

- les métiers qui pourraient le mettre en contact directement ou indirectement avec le public (ou la clientèle) tels les métiers de conducteurs receveurs de bus, de tramways ou de métro ; les postes de travail dits de sécurité ; les postes incluant les horaires alternés ou le travail posté.

Dès à présent, une recherche de reclassement sur poste administratif sans contact direct avec la clientèle est recommandée. Nécessité de maintenir la prise en charge et le suivi médico psychologique ».

A la suite de nos recherches de reclassement au sein de Keolis Lyon ainsi que sur l'ensemble du Groupe nous avons été en mesure de vous proposer, par courrier recommandé du2 novembre 2015 et réceptionné par vous le 4 novembre 2015, une proposition de reclassement sur un poste d'Agent Control Room : Agent Centre de Pilotage à distance à [Localité 6] à temps complet.

Par courrier recommandé du 5 novembre 2015, vous nous avez informés de votre refus d'accepter cette proposition de reclassement.

A ce jour, nous ne sommes malheureusement pas en mesure de vous proposer d'autres solutions de reclassement compatibles avec vos aptitudes restantes. C'est pourquoi, en raison de cette impossibilité de reclassement et après consultation des délégués du personnel, nous sommes dans l'obligation de vous notifier par la présente la rupture de votre contrat de travail qui prend effet immédiatement dès envoi de la présente.

Votre préavis de 2 mois ne pouvant être effectué en raison de votre inaptitude vous sera néanmoins rémunéré sous la forme d'une indemnité compensatrice.

Vous percevrez votre indemnité spéciale de licenciement, votre certificat de travail, ainsi que toutes les sommes qui vous sont dues lors de l'établissement de votre solde de tout compte.' ».

C'est dans ce contexte que le 3 février 2016, M. [E] et le syndicat CGT des TCL ont saisi sur requête le conseil de prud'hommes de Lyon, en contestation du bien fondé de son licenciement, défaut du respect de l'obligation de reclassement ainsi que de diverses demandes à caractère indemnitaire.

Par jugement en date du 14 février 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit que le licenciement de M. [E] notifié le 3 décembre 2015 était dénué de cause réelle et sérieuse ;

- condamné en conséquence la société Keolis Lyon à verser à M. [E] la somme de 32.000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- déclaré recevable mais non fondée l'intervention du syndicat CGT des TCL ;

- débouté en conséquence le syndicat CGT des TCL de sa demande de dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice résultant de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;

- condamné la société Keolis Lyon à verser à M. [E] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté le syndicat CGT des TCL de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté la société Keolis Lyon de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné le remboursement par la société Keolis aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [E] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 3 mois, dans les conditions prévues à l'article L.1235-4 du Code du travail ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- fixé la moyenne des trois derniers salaire à la somme de 2.671,62 euros ;

- condamné la société Keolis Lyon aux dépens de la présente instance.

Par déclaration en date du 12 mars 2019, la société Keolis a régulièrement interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes en date du 14 février 2019.

* * *

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 20 janvier 2022, la société Keolis Lyon a demandé à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 14 février 2019 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [E] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2.671,62 euros ;

- condamné la concluante au paiement des sommes suivantes :

- 32.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse ;

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.

- ordonné le remboursement aux organismes concernés des indemnités chômage versées à M. [E] dans la limite de trois mois.

Jugeant à nouveau,

A titre principal :

- juger qu'elle a parfaitement rempli ses obligations en matière de reclassement et juger, en conséquence, que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié à M. [E] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouter le syndicat CGT des TCL de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

- juger que M. [E] ne justifie pas du préjudice qu'il prétend avoir subi ;

En conséquence,

- fixer le salaire moyen mensuel de M. [E] à 2.482,46 euros ;

- réduire le montant des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués à M. [E] à la somme de 14.894,76 euros ;

En tout état de cause,

- débouter M. [E] et le Syndicat CGT des TCL de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner M. [E] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel ;

- condamner le Syndicat CGT des TCL à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

* * *

Aux termes de leurs conclusions reçues au greffe le 5 septembre 2019, M. [E] et le syndicat CGT des TCL ont demandé à la cour de :

- déclarer recevable et bien-fondé les appels incidents formés parM. [E] et le Syndicat CGT des TCL.

Vu les articles 1226-10 et 1226-15 ;

Vu les dispositions issues l'accord cadre relatif à la sécurité des personnes et des biens dans le réseau de transport public urbain du 17 avril 2007 intégré à l'annexe IX de la Convention Collective des transports publics.

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit et jugé que la société Keolis Lyon a manqué à son obligation de reclassement et a jugé que le licenciement notifié le 3 décembre 2015 ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse ;

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société Keolis Lyon à verser à M. [E] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Le réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau ;

- condamner la société Keolis Lyon à verser à M. [E] la somme de 50.000 euros à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Keolis Lyon à verser à M. [E] la somme de10.000 euros à titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du refus de poursuivre la prise en charge des soins psychologiques, en violation de l'article 9 de l'accord cadre relatif à la sécurité des personnes et des bien ;

- condamner société Keolis Lyon à verser au Syndicat CGT des TCL la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession ;

- condamner la société Keolis Lyon a verser à M. [E] la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Keolis Lyon à verser au Syndicat CGT des TCL la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Keolis Lyon aux entiers dépens de l'instance, y compris les éventuels frais d'exécution forcée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'obligation de reclassement

Aux termes de l'article L. 1226-10 du Code du travail dans sa version applicable à la cause, en cas d'inaptitude d'origine professionnelle et lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. En outre, il appartient à l'employeur de justifier tant au niveau de l'entreprise que du Groupe auquel appartenait celle-ci, de démarches précises pour parvenir au reclassement du salarié, notamment des adaptations ou transformations de postes de travail ou un aménagement du temps de travail.

Les recherches de reclassement doivent être sérieuses et loyales. Néanmoins, l'obligation de reclassement est une obligation de moyen, l'employeur ayant proposé un poste de reclassement est réputé exonéré de son obligation en cas de refus de la part du salarié d'un poste proposé en conformité avec les préconisations de la Médecine du travail.

Par ailleurs, l'article 9-6 de l'accord cadre relatif à la sécurité des personnes et des biens dans le réseau de transports publics urbain du 17 avril 2007 intégré à l'annexe IX de la convention collective des transports publics urbains rappelle l'obligation de reclassement pesant sur l'entreprise, s'agissant d'un salarié devenu inapte ensuite d'une agression reconnue accident du travail.

La société Keolis Lyon estime avoir respecté son obligation de reclassement en faisant valoir :

- que dès le moment où l'inaptitude a été prononcée, elle a procédé a des recherches de reclassement dans le respect des préconisations du médecin du travail et ce, non seulement au sein de l'entreprise mais également dans le Groupe sur le sol français ;

- que le salarié a expressément entendu limiter la zone géographique à la région lyonnaise et a indiqué qu'il n'accepterait pas de diminution de sa rémunération ;

- qu'à la suite de cette demande et au regard des strictes préconisations de la médecine du travail et des spécificité des postes disponibles au sein de la société Keolis Lyon et de l'ensemble des sociétés du Groupe Keolis, seul le poste vacant d'« Agent Control Room » basé à [Localité 6] au sein de la société Effia stationnement, filiale du Groupe Keolis était conforme aux prescriptions médicales et qu'elle a ainsi, la société a proposé au salarié l'unique poste pouvant correspondre aux restrictions imposées par le médecin du travail ; que le salarié a décliné.

M. [E] fait valoir :

- que le poste proposé ne répondait pas aux préconisations du médecin du travail qu'en effet, il impliquait un contact indirect avec de la clientèle ;

- que le médecin du travail avait expressément émis trois restrictions a l'emploi de façon « stricte et absolue» telle que l'absence de contact direct ou indirect avec le public ou la clientèle ; que les postes de sécurité étaient contre-indiqués ainsi que les postes incluant des horaires alternés ou le travail posté ;

- que par ailleurs, la société Keolis Lyon n'a pas justifié de recherches complètes, personnalisées et précises de reclassement préalablement à la notification du licenciement du salarié; qu'elle s'est contentée d'adresser le mail de réponse à la responsable des ressources humaines de la société Keolis qui évoquait la recherche de reclassement d'autres salariés ;

- qu'enfin, l'employeur n'a pas transmis le registre du personnel démontrant ainsi l'absence de volonté de la société a reclasser le salarié inapte et que le poste proposé ne répondait pas aux préconisations de la Médecine du travail

- qu'ainsi, la société n'a pas respecté son obligation de reclassement de manière loyale et sérieuse.

Il n'est pas contesté que le licenciement a pour origine une inaptitude professionnelle.

Il est rappelé que l'avis d'inaptitude définitive précise que 'Suite à AT du 1er juillet 2014, inapte au poste de technicien de contrôle y compris à temps partiel. Suite à l'AT du 1er juillet 2014 et de la visite de reprise effectuée le 26/08/2015, l'inaptitude définitive au poste de technicien de contrôle est retenue ce jour y compris à temps partiel. De même, l'état de santé de M. [E] contre indique de façon stricte et absolue :

-Les métiers qui pourraient le mettre en contact directement ou indirectement avec le public (ou la clientèle) tels les métiers de conducteurs receveurs de bus, de tramway ou de métro.

-Les postes de travail dits de sécurité ;

-Les postes incluant les horaires alternés ou le travail posté.

Dès à présent, une recherche de reclassement sur poste administratif sans contact direct avec

la clientèle est recommandée.

Nécessité de maintenir la prise en charge et le suivi médico psychologique».

La société a ensuite interrogé le salarié qui a fait connaître qu'il ne souhaitait pas être reclassé en dehors de la région lyonnaise et sur un poste assorti d'une rémunération inférieure à la sienne (courrier en réponse de la société du 2 novembre 2015 visant cet entretien).

Pour démontrer avoir rempli son obligation, la société produit :

- en pièce 11, un 'tableau de reclassement' comportant essentiellement l'âge et l'ancienneté du salarié, son coefficient de qualification, le 'type d'inaptitude' défini par le médecin du travail, et l'aptitude restante, l'indication 'pas mobile' pour la zone géographique recherchée, et elle indique l'avoir envoyé sans toutefois que ce document précise les destinataires ;

- en pièce 12 et 13 un échange de courriels de Mme [F] [V] 'direction des ressources humaines, chargée recrutement et reclassement' avec manifestement, des représentants d'autres sociétés dans un but de recherche de reclassement de salariés et quelques réponses apportées,

- la proposition de poste du 2 novembre 2015 décrit comme suit 'agent control room' agent centre de pilotage à distance, à [Localité 6] pour un salaire de 1.577 euros sur 13 mois en contrat à durée indéterminée à temps plein, et la fiche de poste,

- la 'consultation des délégués du personnel', document d'ailleurs non daté et ne comportant pas la position des délégués du personnel,

- la réponse du salarié du 5 novembre 2015 aux termes de laquelle ce dernier refuse le poste aux motifs qu'il ne correspond ni à ses compétences, ni à ses qualifications, relevant que le poste n'est pas conforme aux préconisations du médecin du travail et qu'il en résulterait une baisse de salaire et de pouvoir d'achat,

- le courrier de la société du 16 novembre 2015 mentionnant qu'elle n'a plus de poste à proposer,

- une 'liste de diffusion' mentionnant les E-mail des correspondants des autres sociétés du groupe,

- le journal des entrées et des sorties du mois de septembre au mois de décembre 2015.

Ainsi que justement relevé par le conseil de prud'hommes, le courriel aux termes duquel la société Kéolis Lyon aurait interrogé les autres sociétés du groupe n'est pas produit et la simple production de la 'liste de diffusion' n'est pas une preuve de cette diffusion effective. Il n'est ainsi pas établi que la société a interrogé l'ensemble des sociétés du groupe en communiquant les informations individualisées nécessaires pour un tel reclassement, et le périmètre des recherche reste ignoré alors qu'il s'agit d'un groupe d'une taille importante.

Les courriels sus mentionnés ne sont que des discussions sur des postes particuliers relevés par Mme [V] et ne révèlent qu'une consultation très fragmentée des entreprises du groupe (Kéolis Lille Effia) concernant plusieurs salariés (4) et pas uniquement M. [E].

Concernant le seul poste qui a été proposé, la fiche de poste décrit un poste nécessitant le tenue d'un standard téléphonique et met nécessairement le salarié en contact avec la clientèle ; il est un poste de sécurité en ce qu'il implique que le salarié réponde à la demande des clients en cas d'alarme, assurer à distance une surveillance technique des installations et mettre en oeuvre les actions correctives en matière de sécurité ; il implique un roulement de nuit. Le médecin du travail n'a pas été consulté sur la compatibilité du poste avec l'état de santé du salarié. Ce poste ne répondait donc pas aux préconisations du médecin du travail.

S'agissant de la consultation des délégués du personnel, il résulte de la pièce 19-1 de l'intimé que les délégués du personnel ont demandé en vain un certain nombre de pièces, ce que la direction a manifestement refusé de sorte que l'information était incomplète.

Si le registre des entrées et sorties du personnel est finalement produit, il est à noter que l'employeur avait refusé cette production aux délégués du personnel et ne le fait que très tardivement sans plus d'explications.

Il découle de tout ce qui précède que la société Kéolis Lyon ne justifie nullement d'une recherche sérieuse et loyale de reclassement de M. [E] au sens des dispositions susvisées.

En conséquence, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Kéolis Lyon n'avait pas respecté son obligation de reclassement envers M. [E].

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1226-15 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige et antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L 1226-10 à L 1226-12, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaire et ce qu'elle que soit la taille de l'entreprise et/ou l'ancienneté du salarié.

L'indemnité est calculée sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoqué par la maladie professionnelle ou l'accident du travail.

Aucune des parties ne demande la réintégration du salarié.

M. [E] fait valoir qu'il a rencontré des difficultés pour accéder à l'emploi compte tenu des séquelles de son accident du travail l'empêchant de trouver un poste conforme à sa qualification professionnelle, qu'il a perçu l'aide au retour à l'emploi et a été reconnu par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées en qualité de travailleur handicapé le 9 septembre 2015 mais que la société n'a pas envisagé son handicap pour faciliter son retour à l'emploi. Il insiste sur l'importance des préjudices subis et la résistance abusive de l'employeur.

Le salarié comptait une ancienneté de 14 années et 6 mois dans l'entreprise et son handicap réduit ses possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi. Cependant, il ne produit cependant aucun élément permettant de connaître sa situation postérieure au licenciement et découlant de celui-ci.

Tenant néanmoins compte de la durée du contrat de travail et des restrictions au retour à un marché de l'emploi large et pérenne, le montant de l'indemnité est porté à 40.000 euros, le jugement étant réformé en ce sens.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par l'employeur des sommes versées par Pôle emploi à concurrence de trois mois.

Sur le non-respect des dispositions conventionnelles

Aux termes de l'article 9 de l'accord relatif à la sécurité des personnes et des biens dans le transport public urbain en date du 17 avril 2007 : 'Accompagnement du salarié :

En cas d'agression physique ou d'incidents entraînant des séquelles corporelles ou psychiques, il revient à l'entreprise de tout mettre en oeuvre pour assister le salarié. Elle devra, sans que la liste ci-après soit limitative :

9.1. Organiser l'aide immédiate nécessaire à la victime.

9.2. Aider la victime dans ses démarches administratives, notamment dans la rédaction des différents documents administratifs.

9.3. Apporter un soutien psychologique et médical : si le salarié agressé le souhaite, l'entreprise proposera en relation avec le médecin du travail, outre des mesures immédiates, un accompagnement psychologique spécifique par du personnel issu du corps médical. Le salarié pourra proposer un personnel issu du corps médical, sous réserve de l'accord de l'entreprise.

9.4. Assurer son accompagnement juridique : l'entreprise proposera l'assistance juridique nécessaire consécutive à l'agression lorsque le salarié la souhaite, et ce jusqu'au terme de l'affaire, y compris pour le recouvrement des dommages et intérêts visés au 4e paragraphe de l'article 9.5 du présent accord. Le salarié pourra proposer un avocat, sous réserve de l'accord de l'entreprise.

9.5. Prendre en compte sa situation économique, notamment :
' en maintenant la rémunération pendant la durée de l'arrêt de travail, sur la base de la rémunération mensuelle moyenne perçue au cours des 12 mois précédant cet arrêt de travail ; si au cours des 12 derniers mois précédant l'arrêt de travail, le salarié a été en arrêt maladie et n'a pas vu sa rémunération maintenue en raison de l'épuisement de son droit à l'indemnisation, la rémunération à prendre en compte est le salaire qu'aurait perçu le salarié s'il avait continué à travailler au cours de cette période ; (...)'

La société fait valoir qu'elle s'est acquittée de son obligation de prise en charge des frais médicaux du salarié durant l'exécution du contrat de travail mais que néanmoins, cette obligation a pris fin à partir du moment où M. [E] n'a plus fait partie des effectifs et qu'elle a cessé de lui rembourser ses frais médicaux.

M. [E] estime que la notification du licenciement pour inaptitude le 3 décembre 2015 ne pouvait justifier la fin de la prise en charge du suivi psychologique, d'autant que le licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse ; que dans la mesure où les risques d'agression du personnel de la société étaient le premier risque professionnel de l'entreprise, il était en droit de demander la réparation de son préjudice moral et financier résultant de la fin de la prise en charge des frais médicaux relatifs au suivi psychologique.

Toutefois, ainsi que justement relevé par le conseil de prud'hommes, aucune disposition de cet accord ne prolonge, concernant le suivi médical, les obligations de l'employeur au delà de la fin du contrat de travail, et ce, nonobstant la rupture injustifiée du contrat de travail qui est indemnisée à un autre titre.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages intérêts pour non exécution par l'employeur de ses obligations.

Sur l'intervention du Syndicat CGT des TCL

Aux termes de l'article L.2132-3 du Code du travail, les Syndicats professionnels sont en droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

La société fait valoir que l'action du Syndicat CGT des TCL se fonde expressément sur le prétendu manquement de l'employeur à son obligation de reclassement du salarié, que s'agissant du prétendu non-respect des dispositions conventionnelles relatives à la sécurité des personnes et des biens, celles-ci ne s'appliquent qu' aux salariés de la société encore présents aux effectifs ; que la société ne saurait supporter indéfiniment les frais médicaux de toutes personnes ayant travaillées au sein de la société Keolis Lyon alors même qu'aucun lien ni obligation contractuelle ne les lierait et qu'à ce titre, aucun lien ne fait naître de préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession.

M. [E] et le syndicat estiment que le syndicat est recevable à agir et que les manquements de l'employeur aux dispositions de l'accord cadre lui ont causé un préjudice important justifiant l'allocation de la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts résultant de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré que le syndicat disposait en l'espèce d'un intérêt à agir dans la présente instance au cours de laquelle le salarié se prévaut du non-respect de l'application de dispositions conventionnelles tant en ce qui concerne la prise en charge de soins médicaux que l'obligation conventionnelle de reclassement.

Ainsi que précédemment déjà jugé, le fait que l'employeur n'ait pas manqué à ses obligations conventionnelles sur les mesures d'accompagnement médico-psychologique ne permet pas au syndicat de faire valoir un droit à indemnisation sur ce point.

Par contre, le manquement par l'employeur à ses obligations de reclassement, légales mais également conventionnelles cause un préjudice à l'intérêt collectif des salariés.

Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté la demande du syndicat et il est fait droit à la demande à hauteur de la somme de 1.000 euros.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La cour estime que l'équité commande en l'espèce de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de M. [E] en cause d'appel et lui alloue à ce titre la somme de 1.500 euros.

Les dépens d'appel sont à la charge de la société Keolis Lyon.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 14 février 2019 sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts du syndicat CGT des TCL et en ce qu'il a condamné la société Kéolis Lyon au paiement de la somme de 32.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Kéolis Lyon à payer à M. [R] [E] la somme de 40.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur 32.000 euros et de l'arrêt pour le surplus.

Condamne la société Kéolis Lyon à payer au syndicat CGT des TCL la somme de 1.000 euros à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Condamne la société Kéolis Lyon aux dépens d'appel et à payer à M. [R] [E] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

Gaétan PILLIEPatricia GONZALEZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/01835
Date de la décision : 03/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-03;19.01835 ?
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