La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2022 | FRANCE | N°19/01780

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 03 juin 2022, 19/01780


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/01780 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MHZJ





Société SURVEILLANCE INTERACTIVE DE GARDIENNAGE



C/



[Y]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 14 Février 2019

RG : 15/02867

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 03 JUIN 2022





APPELANTE :



Société SURVEILLANCE INTERACTIVE DE GARDIENNAGE -SIG

-

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Benjamin LAFON, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIM...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01780 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MHZJ

Société SURVEILLANCE INTERACTIVE DE GARDIENNAGE

C/

[Y]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 14 Février 2019

RG : 15/02867

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 03 JUIN 2022

APPELANTE :

Société SURVEILLANCE INTERACTIVE DE GARDIENNAGE -SIG -

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Benjamin LAFON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

[X] [Y]

né le 21 Mai 1975 à [Localité 4] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Aymen DJEBARI de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Mars 2022

Présidée par Patricia GONZALEZ, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Sophie NOIR, conseiller

- Catherine CHANEZ, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société Surveillance interactive de gardiennage (la société SIG) exerce une activité de sécurité privée.

Elle applique la convention collective des Entreprises de Prévention et de Sécurité.

M. [Y] a été embauché par cette société en qualité d'agent d'exploitation par contrat écrit à durée indéterminée, à compter du 1er avril 2012 à temps complet avec reprise d'ancienneté au premier février 2007 en contrepartie d'une rémunération mensuelle de 1.398,39 euros bruts. Il exerçait ses fonctions sur le site de [Localité 5] de la société Chronopost.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [Y] a été employé à temps plein aux fonctions 'd'Agent d'Exploitation', et ce, en contrepartie d'une rémunération mensuelle moyenne de 1.829, 56 euros.

Dans la nuit du 5 au 6 avril 2015 (correspondant à la veille du lundi de Pâques), la société surveillance interactive degardiennage a constaté un vol de marchandises qu'elle a imputé à M. [Y], seul affecté à la surveillance du site.

Par courrier en date du 9 avril 2015, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement prévu le 16 avril 2015 et a par la même, été mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier recommandé en date du 29 avril 2015, la société surveillance interactive degardiennage a notifié à M. [Y] son licenciement pour faute grave en ces termes :

« Monsieur,

La nuit du 05 au 06 avril 2015 vous étiez en poste sur le site de Chronopost sise [Adresse 1], notre client a fait l'objet d'un vol avec effraction sur une dizaine de camions. Afin d'entendre vos explications, nous vous avons convoqué le 16 avril 2015 à 11h00, vous vous êtes présenté accompagné d'un conseiller du salarié.

Lors de cet entretien, vous nous expliquez les faits suivants :

' Lors de la réalisation de votre surveillance vous n'avez constaté aucune intrusion sur le site et aucune effraction sur les camions stationnés sur site.

' Que vous avez quitté le poste de garde pour vous mettre à l'intérieur d'un véhicule pour votre « sécurité »

' Que le poste de garde n'est pas sécurisé

' Que les caméras de vidéosurveillance du client ne fonctionnaient pas

' Et vous faites valoir votre droit de retrait.

Ces faits ne sont reportés sur aucune main courante ou autre, de plus aucun responsable ou encadrement de l'entreprise n'a fait l'objet d'un appel de votre part, en aucun moment vous vous êtes manifesté sur une problématique de sécurité du salarié et du poste depuis votre affectation sur le poste.

De ces faits, nous constatons que vous n'êtes pas en adéquation avec votre mission de surveillance, elle constitue un manquement grave à vos obligations professionnelles et code de déontologie régissant de notre activité de sécurité privée.

Votre comportement et votre attitude ont mis notre société vis-à-vis du client dans une posture inconfortable pouvant aller jusqu'à la rupture contractuelle entraînant des conséquences financières désastreuses pour la pérennité de l'entreprise. Par conséquent, vous nous obligez à mettre en 'uvre votre licenciement et vous rappelons que nous nous réservons le droit d'engager votre responsabilité dans cette affaire. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture, et nous tenons à votre disposition votre certificat de travail et reçu pour solde de tout compte ainsi que les salaires et indemnités de congés payés qui vous sont dus.

Nous vous signalons à cet égard qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé. Vous avez acquis au titre du DIF : 120 heures.

Nous vous prions de recevoir, Monsieur, nos sincères salutations. »

C'est dans ce contexte que le 22 juillet 2015, M. [Y] a saisi sur requête le conseil de prud'hommes de Lyon, en contestation du bien fondé de son licenciement ainsi que de diverses demandes à caractère indemnitaire.

Aucune conciliation n'est intervenue préalablement à l'audience du 13 octobre 2018 devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon.

Par jugement en date du 14 février 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit que le licenciement dont M. [Y] a fait l'objet de la part de la société SIG était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné en conséquence de la société SIG à verser à M. [Y] les sommes suivantes :

avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2015, date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure :

- 3.531,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 353,12 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2.988,29 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 975,38 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée, outre 97,54 euros au titre des congés payés afférents ;

Avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement :

- 11.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 10.600 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- 500 euros à titre d'indemnité pour non respect des dispositions relatives au travailleur de nuit ;

- débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée maximale de travail et de temps de repos ;

- débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour absence d'information relative à la portabilité des garanties complémentaires de frais de santé et prévoyance ;

- ordonné le remboursement par la société SIG aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [Y] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence d'un mois dans les conditions prévues à l'article L.1235-4 du Code du travail ;

- dit que le secrétariat greffe en application de l'article R.1235-2 du Code du travail adressera à la Direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l'objet d'un appel ;

- condamné la société SIG à verser à M. [Y] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société surveillance interactive de gardiennage aux dépens de la présente instance.

Par déclaration en date du 11 mars 2019, la société a régulièrement interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes en date du 14 février 2019.

***

Le 17 juillet 2019, le président de la cour d'appel de Lyon a débouté la société de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire mais l'a autorisée à consigner la somme de 21.045,57 euros entre les mains de la Caisse de dépôts et consignations dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision, jusqu'à l'arrêt d'appel à intervenir sur le fond.

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 9 décembre 2019, la société SIG a demandé à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée maximale du travail et de temps de repos ;

- débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour absence d'information relative à la portabilité des garanties complémentaires de frais de santé et de prévoyance ;

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- jugé que le licenciement de M. [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse

- condamné la concluante au paiement des sommes suivantes :

- 3.531,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 353,12 euros au

titre des congés payés afférents ;

- 2.988,29 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 975,38 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée, outre 97,54 euros au titre des congés payés afférents ;

- 11.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 10.600 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- 500 euros à titre d'indemnité pour non respect des dispositions relatives au travailleur de nuit ;

- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné le remboursement par la concluante aux organismes concernés des indemnités de chômage ;

- condamné la concluante aux dépens de la présente instance.

Statuant à nouveau ;

- dire et juger que la lettre de convocation et la lettre de licenciement ont dûment été signées par un salarié de la société ayant reçu pouvoir pour effectuer le licenciement de M. [Y] ;

- dire et juger que les faits commis par M. [Y] sont constitutifs d'une faute grave justifiant l'absence de paiement d'indemnité de licenciement outre l'absence de préavis ;

- dire et juger que le licenciement de M. [Y] a une cause réelle et sérieuse ;

- dire et juger qu'il n'est pas démontré l'existence d'un travail dissimulé et l'intention de dissimulation de la part de l'employeur ;

- dire et juger qu'elle n'a effectué aucun manquement aux obligations résultant de la surveillance médicale renforcée d'un travailleur de nuit ;

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [Y] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

* * *

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 9 mars 2020, M. [Y] a demandé à la cour de :

- confirmer le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud'hommes de Lyon sauf en ce qu'il a :

- limité à la somme de 11.000 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- limité à la somme de 500 euros l'indemnité pour non-respect des dispositions relatives au travailleur de nuit ;

- débouté le concluant de sa demande indemnitaire en réparation du préjudice résultant du non-respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée maximale de travail et de temps de repos et de sa demande pour manquement à l'obligation d'information relative à la portabilité des garanties complémentaires de remboursement des frais de santé et de prévoyance.

Statuant à nouveau sur ces chefs ;

- condamner de la société au paiement de la somme de 24.600 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner de la société au paiement de la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée maximale de travail et de temps de repos ;

- condamner de la société au paiement de la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts pour manquements aux règles applicables au travailleur de nuit ;

- condamner de la société au paiement de la somme de 500 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'information relative à la portabilité des garanties complémentaires de remboursement des frais de santé et de prévoyance ;

Y ajoutant :

- condamner de la société au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le travail dissimulé

Le conseil de prud'hommes a retenu l'existence d'un travail dissimulé en ce que le salarié percevait tous les mois une indemnité pour frais de déplacement pour un montant variable et mentionnéesur les bulletins de paie, alors que le salarié n'a jamais eu de tels frais et que l'employeur ne produit pas les justificatifs correspondants, ce qui laisse penser que l'indemnité perçue servait à rémunérer des heures supplémentaires.

L'article L 8222-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé et l'article L 8221-5 2° dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Selon l'article L 1221-10 du code du travail, l'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après une déclaration accomplie par l'employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet.

Aux termes de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 précité a droit , en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut ainsi se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et il incombe au salarié de rapporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.

M. [Y] soutient qu'en considération de ses plannings de travail, il a effectué de nombreuses heures supplémentaires tous les mois et que les frais de déplacement indemnisent en fait des heures supplémentaires.

La société le conteste et attribue les frais de déplacement aux trajets devant être effectués par le salarié compte tenu de l'éloignement de son domicile.

Le contrat ayant lié les parties stipule que les horaires de travail seront ceux habituellement pratiqués au sein du service, du site ou du chantier sur lesquels le salarié sera affecté. Ces horaires pourront être modifiés en fonction des nécessités du service.

M. [Y] se prévaut de plannings adressés par son employeur (janvier, mars à juillet, octobre à décembre 2013, janvier et février, septembre à décembre 2014, janvier à avril 2015) révélant des dépassements mais ces documents portent la mention selon laquelle le planning est susceptible d'être modifié au cours du mois. La société produit pour sa part des plannings plus récents portant sur les heures effectuées qui ne mentionnent pas d'heures supplémentaires.

Force est d'ailleurs de constater que tout en affirmant avoir effectué des heures supplémentaires, le salarié ne les détaille pas précisément et n'en demande aucun paiement. Il se prévaut d'attestations d'anciens collègues mais les termes d'une grande similitude de ces témoignages purement affirmatifs ne rendent pas ces attestations probantes d'autant qu'elles émanent en grande partie de salariés également en conflit avec l'employeur suite à des licenciements.

Il n'est donc pas établi que les frais de déplacement cachaient l'indemnisation d'heures supplémentaires.

Enfin, il est relevé que les frais de déplacement ont été mentionnés sur les bulletins de salaire, ce qui est en opposition avec une omission intentionnelle.

Le jugement est en conséquence infirmé et la demande au titre d'un travail dissimulé est rejetée.

Sur le non-respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée maximale de travail et de temps de repos

M. [Y] demande des dommages intérêts à ce titre et invoque le non respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée maximale de travail et de temps de repos.

La société conteste ces dépassements et se prévaut de plannings définitifs reprenant les horaires de travail effectués.

Ainsi que relevé supra et justement souligné par le conseil de prud'hommes, les plannings produits par le salarié n'ont pas une valeur probante suffisante pour établir des dépassements de la durée du travail au regard des plannings de l'entreprise. Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les obligations résultant du statut de travailleur de nuit

M. [Y] rappelle les conditions des articles L 3122-29 et L 3122-31 du code du travail pour soutenir qu'il répond aux caractéristiques d'un travailleur de nuit et souligne qu'en cette qualité, il a droit à une surveillance médicale particulière au mois tous les 6 mois (R 3122-18) et qu'il se travaillait de manière isolée en un point où il ne pourrait être secouru à bref délai en cas d'accident au moment des faits reprochés.

La société qui ne réfute pas le travail de nuit, incontestable au vu des plannings, ne produit qu'une fiche de visite médicale du 17 juin 2014 (avec la mention erronée 'embauche') de sorte qu'il est incontestable que l'obligation de visite tous les six mois n'a pas été respectée. Par ailleurs, il est constant que M. [Y] était seul sur le site lors des faits objet du licenciement.

Toutefois, ainsi que relevé par l'appelante, M. [Y] ne rapporte la preuve d'aucun préjudice découlant de la carence de l'employeur et ne peut prospérer dans sa demande de dommages intérêts.

Le jugement est en conséquence infirmé de ce chef.

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1235-1 du Code du travail le juge a pour mission d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail. La preuve repose sur l'employeur. Néanmoins, le code du travail prévoit 'qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance'.

M. [Y] soutient que les griefs portés dans la lettre de licenciement ne sont pas établis et que la société ne peut se prévaloir de l'entretien préalable, que la société lui reproche des faits non portés dans cette lettre dont les termes sont flous et imprécis, qu'il est impossible d'identifier l'organe au nom duquel les lettres de convocation à un entretien préalable et de licenciement ont été signées de sorte que cette lettre est irrégulière.

La société fait valoir que la lettre de licenciement émanant de M. [P] est tout à fait valable et a été ratifiée par la gérante. Elle soutient que M. [Y] a commis de graves négligences justifiant le licenciement pour faute grave, que le salarié a commis divers manquements à ses obligations comme l'absence de rondes, le non signalement de difficultés, le déplacement d'un véhicule de la société et le fait d'être resté dans ce véhicule.

M. [Y] produit un exemplaire de la lettre de licenciement dépourvu de signature et sur lequel est porté 'La Direction P.O' tandis que la société SIG produit un exemplaire comportant cette mention outre une signature qui se révèle être la même que cette portée sur la convocation à l'entretien préalable et que la société identifie comme celle de M. [P] (la société produisant le contrat de travail de ce dernier également revêtu de la même signature).

L'exemplaire du salarié apparaît douteux (lignes horizontales sur la photocopie, graphisme irrégulier...) Tandis que la signature portée sur l'exemplaire de la société apparaît effectivement être celle de M. [P] dont il n'est pas contesté qu'il a procédé à l'entretien préalable. Nonobstant le fait que son identité n'a pas été portée sur la lettre de licenciement, il est considéré comme ayant eu le pouvoir de licencier, la procédure de licenciement ayant été menée à son terme et le licenciement n'ayant pas été remis en cause par l'employeur, ce qui équivaut à une ratification implicite par cet employeur du licenciement.

En conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse de ce fait.

Sur le bien fondé du licenciement, la lettre de licenciement reproche au salarié un manquement à ses obligations de surveillance du site la nuit du 5 au 6 juin au cours de laquelle un vol avec effraction a eu lieu sur une dizaine de camions, et elle précise que si le salarié a fait état d'un défaut des caméras de surveillance, de l'absence de sécurisation du poste de garde et n'a pas contesté s'être réfugié dans un camion pour sa sécurité, les explications du salarié n'ont été reportées sur aucune main courante ni n'ont donné lieu à un appel à un responsable ou encadrant, qu'à aucun moment, le salarié ne s'est manifesté sur une problématique de sécurité.

Il résulte du contrat de travail que l'agent de sécurité a pour mission d'assurer la surveillance générale des sites sur lesquels il est affecté, des biens et des personnes, qu'il doit par ailleurs observer les instructions qui lui sont données par la direction et adopter une attitude de bonne conduite. Notamment, 'le sommeil ou tout état de somnolence sur son lieu de travail est également interdit'.

La société SIG qui a la charge de la preuve verse aux débats :

- le courrier Chronopost du 5 mai 2015 aux termes duquel cette société fait état du vol dans la nuit du 5 au 6 avril 2015 de vols de colis dans des caisses et remorques restées à quai (14 caisses déplombées et fouillées). Cette société indique que ce n'est que le 6 avril à 13h20 que l'agent de sécurité M. [U] [Z] a remarqué lors d'une ronde qu'une remorque avait été fracturée et fouillée et a donné l'alerte. Les constatations et analyses des enregistrements vidéo ont montré que le 6 avril à 0H24, 4 à 5 individus sont arrivés par la voie ferrée et, manifestement bien renseignés, ont procédé à l'ouverture de toutes les caisses et prélevé uniquement les colis à forte plus value, qu'un va et vient incessant s'est mis en place jusqu'à l'ouverture située dans le grillage et que les individus ont quitté le site sans que l'agent de sécurité ne se rende compte de quoi que ce soit. Il était précisé que le salarié avait procédé à sa dernière ronde à 23H25 et avait été aperçu à 0H15 en train de prendre un poids lourd stationné près de l'enceinte pour l'amener à proximité du poste de garde, était monté à son bord à 1H30 pour n'en ressortir qu'à 5H45 pour garer le poids lourd à son emplacement initial. La société relevait que le salarié avait procédé de même sur d'autres week-end sans que la finalité en soit établie (pour y dormir '), que la mention 'caméra HS' portée sur la main courante du 7 avril 2015 est erronée, que le retour vidéo en poste de garde n'était pas défectueux mais déconnecté, qu'une ronde doit être effectuée toutes les deux heures durant les plages de fermeture du site et que chaque départ de ronde doit être mentionné sur la main courante informatique avec appel préalable au PC.

- le registre des consignes d'application Hub de Chronopost Corbas, duquel il résulte que l'agent de sécurité doit, en cas d'intrusion et d'agression sur le site, appeler le service de gendarmerie (le numéro de téléphone est précisé), établir un rapport circonstancié, contacter les responsables Chronopost si un événement grave est constaté et noter tout incident sur la main courante au fil de l'eau et dresser un rapport d'exploitation.

- la main courante du 5 et 6 avril 2015 qui ne comporte pas d'observations et celle de M. [U] [Z].

Tout en contestant le fait que les échanges lors de l'entretien préalable soient portés dans la lettre de licenciement, M. [Y] ne réfute nullement avoir sorti un véhicule et être resté plusieurs heures à l'intérieur sans être capable de donner une explication plausible pour l'expliquer tout comme il ne s'explique pas sur l'absence de rondes, sur l'absence de mention de problématiques de sécurité et sur la déconnexion de la caméra. Il ne donne pas plus d'explications plausibles sur le fait de ne pas avoir signalé les difficultés rencontrées.

Plus précisément, sur les caméras de sécurité, M. [Y] se prévaut d'attestations, que la similitude troublante des témoignages sur ce point ne rend pas plus crédible.

Il apparaît ainsi établi que le salarié a commis de graves manquements à son obligation de surveillance du site Chronopost.

Ces graves manquements du salarié, qui compromettent les relations commerciales entre son employeur et ses clients, rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et justifiaient la cessation immédiate du contrat de travail. Il résulte donc de ce qui précède que le licenciement repose sur une faute grave de sorte que les demandes de M. [Y] pour licenciement injustifié doivent être rejetées.

En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a considéré que le jugement était sans cause réelle et sérieuse. Il est également infirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement d'indemnités de chômage à Pôle emploi.

Sur la portabilité des frais de santé et de prévoyance

Le salarié fait valoir qu'il n'a reçu aucune information relative aux conditions d'exercice de ce droit.

L'article 911-8 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur depuis le 17 juin 2013 dispose que '6° L'employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa'.

Il est constant que le certificat de travail remis au salarié comporte ce signal. Ceci répond aux dispositions susvisées et le salarié n'est pas fondé à se prévaloir de l'absence de précisions supplémentaires

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié à ce titre.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de M. [Y].

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 14 février 2019 sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [X] [Y] de sa demande de dommages intérêts pour absence d'information relative à la portabilité des garanties complémentaires de frais de santé et de prévoyance,

- débouté M. [X] [Y] de sa demande de dommages intérêts de sa demande de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée maximale de travail et de temps de repos.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [X] [Y] repose sur une faute grave.

En conséquence, déboute M. [X] [Y] de ses demandes en paiement découlant d'un licenciement sans licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Déboute M. [X] [Y] de toutes ses autres demandes.

Condamne M. [X] [Y] aux dépens de première instance et d'appel.

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

Gaétan PILLIEPatricia GONZALEZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/01780
Date de la décision : 03/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-03;19.01780 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award