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03/06/2022 | FRANCE | N°19/01746

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 03 juin 2022, 19/01746


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/01746 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MHW6





Société L'HELVETIE



C/



[X]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 11 Février 2019

RG : F17/00189

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 03 JUIN 2022





APPELANTE :



Société L'HELVETIE

[Adresse 1]

[Localité 3]



ReprésentÃ

©e par Me Karine GAYET de la SELARL MORELL ALART & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉ :



[J] [X]

né le 28 Février 1979 à [Localité 3] ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Delphine BOURGEON, avocat au barreau de LYON...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01746 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MHW6

Société L'HELVETIE

C/

[X]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 11 Février 2019

RG : F17/00189

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 03 JUIN 2022

APPELANTE :

Société L'HELVETIE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Karine GAYET de la SELARL MORELL ALART & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[J] [X]

né le 28 Février 1979 à [Localité 3] ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Delphine BOURGEON, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Mars 2022

Présidée par Sophie NOIR, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Sophie NOIR, conseiller

- Catherine CHANEZ, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

La société l'Helvétie exploite un restaurant situé à [Localité 3].

Elle applique la convention collective nationale des hôtels cafés et restaurants.

M. [J] [X] a été embauché par la société l'Helvétie à compter du 2 mars 2015 en qualité de chef de cuisine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en contrepartie d'une rémunération mensuelle de 2.717,66 euros bruts correspondant à 151.67 heures de travail par mois.

Au cours de la relation contractuelle, M. [J] [X] a fait l'objet :

- par courrier du 4 mai 2016, d'une mise en garde en raison de deux retards à la prise de poste le 2 et le 3 mai 2016,

- par courrier du 18 mai 2016, d'une seconde mise en garde en raison de plusieurs manquements à ses obligations notamment de retards à la prise de poste, de retards lors de la prise du repas du personnel, de manquements en matière de rationnement des produits acheté.

- par courrier du 24 mai 2016, d'un avertissement en raison de plusieurs manquements,

- par courrier du 15 novembre 2016, d'un avertissement en raison de retards et du non respect des directives.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 décembre 2016, la société L'Helvétie a convoqué M. [J] [X] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 23 décembre 2016, et a notifié au salarié une mise à pied conservatoire immédiate.

M. [X] a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 décembre 2016 rédigée ainsi :

'Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs que nous vous avons exposés lors de notre entretien du 23 décembre 2016 au cours duquel vous étiez assisté d'un conseiller du salarié.

Ces motifs sont les suivants :

-Violation de votre obligation d'exclusivité :

Nous avons été informés par vos collègues que vous réalisez des extras dans un restaurant (bistrot [Adresse 4]) lors de vos journées de repos ou de congés en totale violation de votre obligation d'exclusivité stipulée dans l'article 4 de votre contrat de travail. Plus grave encore, il apparaît que vous organisez les plannings de notre personnel en cuisine en fonction des besoins non pas de notre établissement mais de celui où vous intervenez ponctuellement.

Cette situation est inacceptable.

-Non-respect des horaires :

Malgré plusieurs avertissements sur ce point (avertissements des 4 mai, 18 mai et 15 novembre 2016), vous continuez à être quotidiennement en retard d'environ 15 minutes lors de votre prise de poste, et ce au cours de la semaine 50.

Outre le retard pris pour le service, vous avez perdu toute crédibilité et toute autorité vis-à-vis des membres de la brigade.

A l'inverse, nous constatons qu'il est fréquent que vous partiez alors même que le service n'est pas terminé ; ainsi, par exemple, le 14 décembre 2016, des clients vous ont vu quitter votre poste à 14 heures alors même que ceux-ci n'avaient pas terminé leur repas et souhaitaient prendre un dessert.

Ces retards sont fautifs et perturbent le service.

-Non respect des règles d'hygiène :

Bien que vous soyez le garant du respect des règles d'hygiène en votre qualité de chef de cuisine au sein de notre établissement, nous constatons de votre part des manquements tout à fait inacceptables.

Ainsi, le 16 décembre 2016, nous avons constaté, en présence d'un de vos collègues, qu'un saucisson utilisé pour les festivités de la sortie du beaujolais nouveau le 17 novembre 2016 (donc périmé) était toujours dans le réfrigérateur.

Vous effectuez des allées retours en tenue de travail notamment dans la rue pour effectuer votre pause cigarette en dépit des nombreuses remarques que nous avons déjà fait par le passé.

Force est de constater que vous ne respectez pas les règles d'hygiène les plus élémentaires alors que vous devriez montrer l'exemple aux membres de votre brigade.

Votre comportement est d'autant plus grave que nous avons déjà été sanctionné par une amende de 2.000 euros par la brigade de répression des fraudes au cours de l'année 2015 alors que vous étiez en poste et que vous avez déjà été sanctionné sur ce point par le passé. (13 octobre 2015).

-Non respect répété des directives:

Malgré nos demandes répétées de transmission des plannings du personnel dont vous aviez la charge vous vous contentez de les afficher sans les transmettre à la Direction.

Les plannings n'étant pas connus à l'avance, l'organisation des services est de fait particulièrement difficile. Ainsi, par exemple, vous avez décidé, sans nous en informer de prendre une journée de repos le 8 décembre 2016, alors que cette journée est une journée de très forte affluence. Ceci est d'autant plus inadmissible que vous aviez déjà été sanctionné par le passé pour des absences impromptues (du 18 mai 2016).

-Manque totale d'implication :

Nous déplorons plus globalement un manque total d'implication dans votre service.

Vous passez un temps anormal sur votre téléphone à vous prendre en photo, à échanger par texto plutôt que de vous consacrer à votre service, ce qui est inadmissible.

De même, à titre d'exemple, le 10 décembre 2016, un client a trouvé un cheveu dans un plat de saumon à la plancha.

La serveuse vous a ramené le plat. Comme vous ne vouliez pas refaire le plat, cette serveuse vous a alors indiqué d'aller voir directement le client pour lui expliquer.

Face à cette demande, vous avez fini par recomposer celui-ci mais en n'y joignant pas les accompagnements : ceux-ci seront finalement ajouter par le cuisinier et la Direction a dû offrir le plat du client.

Cela démontre que vous agissez comme vous l'entendez au mépris de nos directives et des conséquences que cela peut avoir pour notre établissement.'

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une contestation de ce licenciement le 26 janvier 2017.

Par jugement du 11 février 2019, le conseil des prud'hommes de Lyon a:

- dit et jugé que le licenciement de M. [J] [X] n'est pas fondé et ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse

- condamné la société L'Helvétie à verser à M. [J] [X] les sommes suivantes :

- 9.620 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.206,87 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 320.68 euros au titre des congés payés afférents,

- 1.379,71 euros au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire outre la somme de 137.97 euros au titre des congés payés afférents,

- 1.207,44 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 1.200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que le conseil n'estime pas devoir accorder l'exécution provisoire autre que celle de droit ;

- rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454-28 du Code du Travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail....) Ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454-14 du Code du Travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 3.206,87 euros,

- rappelé que les intérêts courent de plein droit aux taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononce de la présente décision pour les autres sommes allouées,

- débouté M. [J] [X] du surplus de ses demandes.

- débouté la société L'Helvétie de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné la société L'Helvétie aux entiers dépens de l'instance.

La société L'Helvétie a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 8 mars 2019.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2019, elle demande à la cour de:

- réformer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 11 février 2019,

- confirmer le jugement et débouter M. [J] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale,

Pour le surplus, statuant à nouveau :

- juger que le licenciement de M. [J] [X] repose sur une faute grave,

- débouter M. [J] [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [J] [X] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner M. [J] [X] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 septembre 2019, M. [J] [X] demande pour sa part à la cour de :

- confirmer partiellement le jugement du conseil de prud'hommes en date du 11 février 2019,

A titre principal,

- dire et juger abusif son licenciement pour faute grave de M. [J] [X] et le déclarer sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société l'Helvétie à lui verser les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la date de l'audience de conciliation:

- 3 206,87 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (1 mois selon la convention collective si ancienneté inférieure à 2 ans),

- 320,68 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 1.379,71 euros au titre mise à pied à titre conservatoire (du 16/12 au 30/12/2016),

- 137,97 euros au titre des congés payés sur mise à pied,

- 1.207,44 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

Au titre de l'appel incident,

- réformer le premier jugement sur ce dernier point,

- condamner la société l'Helvétie à lui régler la somme de 23 100 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixer la moyenne des salaires à la somme de 3.206,87 euros bruts,

- condamner la société l'Helvétie à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 8 février 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour constate que le conseil des prud'hommes n'était pas saisi d'une demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche et que cette demande n'étant pas reprise par le salarié dans le dispositif de ses écritures en cause d'appel, elle n'en est pas saisie non plus.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

Sur le licenciement :

Par application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve, laquelle doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L. 1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.

En l'espèce, il résulte des termes de la lettre de licenciement que M. [J] [X] a été licencié pour faute grave en raison des faits suivants :

- une violation de l'obligation d'exclusivité,

- un non-respect quotidien de ses horaires de travail perturbant le service,

- un non-respect persistant des règles d'hygiène,

- un non-respect répété des directives,

- un manque total d'implication.

S'agissant de l'obligation d'exclusivité, l'employeur lui reproche plus précisément :

- d'avoir réalisé des extras au restaurant concurrent 'chez [D]' également situé à [Localité 3] lors de ses journées de repos ou de congé ce en violation de la clause d'exclusivité stipulée à l'article 4 du contrat de travail, dont l'application n'est pas discutée,

- d'organiser les plannings du personnel en cuisine en fonction non pas des besoins de l'établissement mais des besoins du restaurant 'chez [D]' dans lequel il intervient ponctuellement.

L'employeur ne rapporte pas la preuve de la matérialité de ces faits qui sont contestés par le salarié dans la mesure où :

- les attestations de M. [E], de M. [U] [W] et de M. [M] [P] versées aux débats sont très peu circonstanciées,

- aucune autre pièce ne démontre la réalité d'extras réalisés par M. [X] au restaurant 'Chez [D]' et la seule attestation de M. [L] [A], client de la société L'Helvétie, dans laquelle ce dernier indique avoir entendu M. [J] [X] en 'fin d'année 2016" se vanter auprès d'un client de faire des extras au restaurant 'chez [D]' n'est pas suffisamment probante.

S'agissant du non-respect des horaires, la lettre de licenciement reproche plus précisément au salarié :

- des retards quotidiens d'environ 15 min et ce notamment durant la semaine 50, malgré plusieurs avertissements antérieurs,

- la perte de toute crédibilité et de toute autorité vis à vis du personnel de cuisine de ce fait,

- des départs anticipés fréquents et notamment le 14 décembre 2016 à 14 heures alors que les clients n'avaient pas terminé leur repas.

Le salarié ne conteste pas l'existence de quelques retards à la prise de poste qu'il impute à la circulation routière difficile et à des difficultés de stationnement mais soutient que ces retards étaient ponctuels, de quelques minutes et aucunement volontaires.

Pour établir la matérialité de ces faits, l'employeur verse au débat :

- plusieurs avertissements en date du 4 mai, du 18 mai et du 15 novembre 2016, notifiés à M. [X] en raison de retards,

- les attestations de M. [U] [W] et M. [C] [E], dont il est jugé plus haut qu'elles sont insuffisamment circonstanciées.

En revanche, et comme le fait justement remarquer M. [X], la partie appelante ne produit aucun élément de décompte du temps de travail, notamment de la semaine 50, qui viendrait corroborer ces attestations en communiquant les heures de début et de fin de service du salarié.

De même, elle ne produit aucune pièce permettant d'établir que le salarié avait perdu toute crédibilité auprès du personnel de cuisine, ni que ce dernier a quitté son service de manière anticipée le 14 décembre 2016 alors que des clients n'avaient pas terminé leur repas.

La matérialité de ces faits n'est pas établie.

S'agissant du non-respect persistant des règles d'hygiène, l'employeur reproche au salarié :

- la présence d'un saucisson périmé dans le réfrigérateur, constatée le 16 décembre 2016

- des allers et retours en tenue de travail dans la rue afin d'effectuer une pause cigarette, malgré les remarques qui lui avaient été faite.

La société l'Helvétie ne démontre pas la matérialité de ces faits qui sont contestés par le salarié, dans la mesure où :

- il ressort de l'attestation de M. [U] [W] que le saucisson périmé a été découvert dans le réfrigérateur par le gérant de la société l'Helvétie, M. [Y], le 16 décembre 2016 c'est à dire le jour de la remise de la convocation à entretien préalable à M. [X] et hors la présence de celui-ci,

- aucune pièce n'est produite pour établir la réalité des allers et retours effectués par M. [X] en tenue de travail dans la rue.

La matérialité de ces faits n'est pas établie.

S'agissant du non-respect répété des directives, la lettre de licenciement reproche au salarié :

- de ne pas transmettre à la direction de l'entreprise les plannings du personnel et de se contenter de les afficher, rendant ainsi l'organisation des services particulièrement difficile,

- la prise d'une journée de congé le 8 décembre sans en informer la direction alors que cette journée était une journée de très forte affluence.

L'absence de transmission des plannings à la direction de l'entreprise n'est pas établie par les attestations de M. [U] [W] et M. [C] [E], lesquels évoquent uniquement des retards de transmission des plannings à eux-mêmes.

La société l'Helvétie ne justifie pas de difficultés dans l'organisation des services liées à l'absence de transmission des plannings à la direction, pas plus que l'absence d'information préalable du salarié au sujet de son absence du 8 décembre 2016.

En outre l'employeur reconnaît en page 22 de ses écritures que M. [J] [X] n'a été absent que le 8 décembre 2016 au soir et non pas toute la journée comme indiqué dans la lettre de licenciement.

La matérialité de ces faits n'est pas établie.

S'agissant du manque d'implication, l'employeur reproche plus précisément à M. [J] [X] :

- un temps 'anormal' passé sur son téléphone à prendre des photos et à échanger des textos,

- d'avoir refusé de refaire un plat renvoyé par un client en raison de la découverte d'un cheveu, obligeant ainsi l'employeur à offrir le plat au client.

Les attestations de M. [E] et de M. [W] selon lesquels M. [J] [X] 'se servait de son portable pour communiquer ou faire des photos qui n'avait aucun rapport avec le travail', qu'il 'passait tous les services avec son téléphone dans la main' et qu'il 'se prenait tout le temps en photo et téléphoner à sa femme' ne sont corroborés par aucun élément alors que le salarié verse aux débats de très nombreux échanges de sms qui démontrent que son téléphone était utilisé comme moyen de communication avec l'employeur, ce qui est de nature à expliquer le temps passé à l'envoi de sms et à exclure le caractère anormal de cette durée.

Ce fait n'est pas matériellement établi.

En revanche, l'attestation circonstanciée de Mme [N] [H] démontre que le 10 décembre 2016, M. [J] [X] a refusé de refaire un plat suite à la découverte par un client d'un cheveu dans un saumon plancha.

Cependant, ce seul fait, même précédé de sanctions disciplinaires antérieures, ne constitue pas une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis, l'employeur ayant d'ailleurs attendu 6 jours pour initier la procédure de licenciement.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, dit que le licenciement n'est pas fondé sur une faute grave.

La partie appelante ne contestant pas le montant des condamnations prononcées au titre des indemnités de rupture et du rappel de salaire durant la mise à pied à titre conservatoire, le jugement sera également confirmé de ce chef.

M. [J] [X] peut également prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail dans sa version alors applicable, selon lequel ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et, qu'en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice qu'il justifie avoir subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise dont il est constant qu'il est inférieur à 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [J] [X] (3124,97 euros de rémunération mensuelle brute versée pendant les 6 derniers mois précédant la rupture), de son âge au jour de son licenciement (37 ans), de son ancienneté à cette même date (1 an et 9 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent de l'attestation Pôle emploi produite qui démontre que M. [J] [X] a été privé d'emploi jusqu'au mois de juin 2017 et en l'absence de caractère vexatoire du licenciement, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur, une somme de 6 250 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, assortis d'intérêts légaux à compter du jugement.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires:

Partie perdante, la société l'Helvetie supportera la charge des dépens d'appel.

Par ailleurs, M. [J] [X] a dû pour la présente instance exposer des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 1800 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société l'Helvétie à payer à M. [J] [X] la somme de 9 620 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant :

CONDAMNE la société l'Helvétie à payer à M. [J] [X] la somme de 6 250 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, assortis d'intérêts légaux à compter du jugement ;

CONDAMNE la société l'Helvetie à verser à M. [J] [X] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel,

CONDAMNE la société l'Helvetie aux dépens d'appel.

Le GreffierLa Présidente

Gaétan PILLIEPatricia GONZALEZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/01746
Date de la décision : 03/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-03;19.01746 ?
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