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02/06/2022 | FRANCE | N°21/07591

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 02 juin 2022, 21/07591


N° RG 21/07591

N° Portalis DBVX-V-B7F-N4OM









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 07 octobre 2021



RG : 2020j461







S.A. CEGID



C/



S.A.S. SOCIETE 1838





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 02 Juin 2022







APPELANTE :



S.A. CEGID

[Adresse 1]

[Localité 2]





Représentée par Me Caroline BRUMM-GODET de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768, substitué par Me Juliana BRANDON, avocat au barreau de LYON







INTIMEE :



S.A.S. SOCIETE 1838

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par ...

N° RG 21/07591

N° Portalis DBVX-V-B7F-N4OM

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 07 octobre 2021

RG : 2020j461

S.A. CEGID

C/

S.A.S. SOCIETE 1838

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 02 Juin 2022

APPELANTE :

S.A. CEGID

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Caroline BRUMM-GODET de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768, substitué par Me Juliana BRANDON, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

S.A.S. SOCIETE 1838

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie JUGE de la SELARL JUGE FIALAIRE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 359, substitué par Me Romain HAEUW, avocat au barreau de LYON

******

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Avril 2022

Date de mise à disposition : 02 Juin 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l'audience, Catherine CLERC a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Société 1838, exerçant sous le nom commercial «'L'Étrange'», spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de détail de maroquinerie et d'articles de voyage, désireuse d'ouvrir une boutique le 1er mars 2018, s'est rapprochée en septembre 2017 de la SAS Cegid, société spécialisée dans la gestion et la prestation de service informatique, afin de conclure un partenariat visant à se munir d'un logiciel permettant les encaissements et le suivi des ventes de son commerce.

Le 21 février 2018, deux bons de commande (n°533312 et n°533314) formant «'le contrat'» ont été signés entre la société 1838 et la société Cegid prévoyant la mise en 'uvre de logiciels, des formations à ces logiciels et un abonnement mensuel.

Après plusieurs échanges quant à la mise en place du système informatique et au respect des délais fixés, la société 1838 qui ne s'était pas acquittée des factures de la société Cegid reçues depuis février 2018, a dénoncé ses relations commerciales avec la société Cegid par courriel du 3 février 2020, aux motifs de l'inexécution par celle-ci de ses obligations contractuelles et lui a réclamé le remboursement des prélèvements effectués par celle-ci pour une somme totale de 7'313,48€.

La société Cegid qui n'a pas donné suite à cette demande et a continué de facturer la société 1838, a assigné cette dernière en paiement de la somme de 15'366,62€ devant le tribunal de commerce de Lyon selon acte extrajudiciaire d'huissier du 12 mai 2020.

La société 1838 a soulevé, in limine litis, l'incompétence du tribunal de commerce de Lyon au profit du tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 7 octobre 2021, le tribunal de commerce de Lyon :

a dit recevable et fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société 1838,

s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,

a dit qu'à défaut d'appel, le greffier du tribunal, conformément à l'article 82 du code de procédure civile, transmettra le dossier de l'affaire à la juridiction ci-dessus désignée,

a ordonné la transmission du dossier de l'affaire par le greffe conformément à l'article 82 du code de procédure civile,

a réservé les sommes pouvant être dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

La société Cegid a interjeté appel par acte du 14 octobre 2021.

Par ordonnance présidentielle du 21 octobre 2021, la société Cegid a été autorisée à assigner à jour fixe la société 1838 pour l'audience du 31 août 2022.

L'assignation à jour fixe a été délivrée le 2 novembre 2021 et déposée au greffe le 17 novembre 2021.

Par dernières conclusions déposées le 21 mars 2022, fondées sur les articles 9 et suivants, 48 et 83 et suivants du code de procédure civile, la société Cegid demande à la cour de :

la juger recevable et bien fondé en son appel,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,

statuant à nouveau :

débouter la société 1838 de son exception d'incompétence au bénéfice du tribunal de commerce de Paris,

condamner la société 1838 à lui payer la somme de 2'500€ au titre de l'article 700 code de procédure civile,

condamner la société 1838 aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions n° 2 déposées le 1er avril 2022, fondées sur les articles 42, 46 et 48 du code de procédure civile, et 1119 du code civil, la société 1838 demande à la cour de':

confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 7 octobre 2021 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,

condamner la société Cegid à lui payer la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Cegid aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS

Sur l'exception d'incompétence

La société Cegid fait grief aux premiers juges d'avoir écarté la compétence du tribunal de commerce de Lyon au profit de celle du tribunal de commerce de Paris au motif qu'il n'était pas établi que la société 1838 avait eu connaissance de la clause attributive de juridiction désignant le tribunal de commerce de Lyon telle que figurant dans les conditions générales de vente du contrat, dès lors que celles-ci n'étaient pas directement jointes au contrat qui plus est n'avait pas été signé par cette société.

L'appelante soutient que la société 1838 a eu connaissance des conditions générales et les a acceptées en signant sans réserve les deux bons de commande qui comportaient juste au-dessus de la case «'signature du client'» une mention selon laquelle 'le client reconnaissait par sa signature accepter l'ensemble des termes et conditions du contrat dont les conditions générales applicables aux éléments commandés telles qu'indiquées en partie «'éléments commandés'» et dans lesquelles figure notamment la clause «'attributive de juridiction'» disponible sur le site internet de Cegid.

Elle plaide que la mise à disposition par voie électronique des conditions générales de vente est d'usage dans le secteur du BtoB et également reconnue et autorisée tant par l'article 25 du règlement n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 que par l'article L. 441-1 du code de commerce et que la clause attributive de juridiction figure de manière très apparente dans l'article 21 de ses conditions générales de vente.

Elle conteste enfin la défense de l'intimée disant, sur la foi d'une disposition des bons de commande, cette clause litigieuse inopposable à son égard au motif que les contrats sont nuls et non avenus car non signés par elle (la société Cegid) en objectant que les contrats ont reçu un commencement d'exécution par les deux parties de sorte que la disposition invoquée par la société 1838 n'est pas opposable.

La société 1838 réplique que les bons de commande qu'elle a signés ne contiennent pas les conditions générales de vente mais l'indication en «'très petits caractères'» qu'elles sont consultables sur le site internet de la société Cegid qui est de fait le site général de cette société, non dédié spécifiquement à ces conditions générales, le lien d'accès à celles-ci se trouvant à la dernière page, de manière non apparente.

Elle conclut ne pas avoir eu connaissance dans ces conditions des conditions générales de vente et donc de la clause attributive de juridiction litigieuse, soulignant qu'elle n'a pas signé celles-ci et que le renvoi internet opéré par la société Cegid n'est pas suffisant pour prouver cette prise de connaissance et son acceptation'; elle ajoute que si la communication des conditions générales par tout moyen constituant un support durable au sens de l'article L.441-1 II est autorisée, c'est uniquement dans l'hypothèse où l'acquéreur sollicite lui-même l'envoi desdites conditions, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Est sans emport sur la solution de l'actuel litige la clause contractuelle selon laquelle «'en l'absence de signature du contrat par le client et Cegid dans un délai de deux mois à compter de sa date d'établissement, le contrat sera considéré comme nul et non avenu et ne produira aucun effet'»'dès lors que celui-ci a reçu un commencement d'exécution de la part des deux parties, celui-ci étant à l'origine du conflit opposant les parties, la société Cegid ayant initié une action en paiement de ses factures, la société 1838 opposant une demande en résolution du contrat pour inexécution des prestations contractuelles.

Selon l'article 48 du code de procédure civile «'Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.'»

Les juges du fond apprécient souverainement si une telle clause d'un contrat conclu entre commerçants figure de façon très apparente au contrat. En outre, ce texte n'exige pas que la clause attributive de juridiction ait été l'objet d'une acceptation distincte de celle de l'ensemble du contrat.

Le bon de commande n°533314 formant l'ensemble contractuel contient la mention pré-imprimée suivante':

«'Le client reconnaît par sa signature accepter l'ensemble des termes et conditions du contrat composé des documents suivants':

-le présent document (comprenant les parties «'éléments commandés'», «'bon de commande'» et «'mandat SEPA'» si applicable et édité),

-les conditions générales applicables aux éléments commandés telles qu'indiquées en partie «'éléments commandés'» et dans lesquelles figure notamment la clause «'attribution de juridiction'» disponibles sur le site http//www.cegid.com,

-ainsi que les livrets services et les pré-requis techniques disponibles sur le site http//www.cegid.com.'»

Cette mention positionnée immédiatement au-dessus des cases réservées à la signature de la société Cegid et du client (la société 1838) est rédigée en police d'une taille inférieure à celle utilisée pour les autres dispositions portées sur le document en cause, sans aucune mise en évidence de la phrase relative à la clause d'attribution de juridiction'; ainsi l'invitation à consulter ladite clause sur le site internet de la société Cegid, n'apparaît pas distinctement (absence de mots en gras ou soulignés ou d'une taille de police différente), la référence à cette clause (sans que son contenu soit précisé) étant de plus fort inclus dans une phrase réservée à la consultation des conditions générales de vente, et sans aucune référence à l'article qui lui est dédié dans celles-ci.

Mais surtout, le renvoi au site internet de la société Cegid, dont il est établi par la société 1838 qu'il ne permet pas d'accéder directement à la page des conditions générales de vente et donc par voie de conséquence à l'article relatif à la clause attributive de juridiction, ne satisfait pas à l'exigence de l'article 48 précité selon laquelle cette clause doit être spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.

Ainsi, le contrat ne contenant aucune référence apparente sur le contenu de la clause attributive de juridiction, la preuve de l'acceptation par la société 1838 de cette clause dérogatoire aux règles de compétence, condition de sa validité et de son opposabilité, n'est pas rapportée'; sont donc inopérantes au regard des exigences très précises de l'article 48, la mention pré-imprimée telle que rappelée ci-dessus selon laquelle le client reconnaît accepter les conditions générales de vente, ou encore la défense de la société Cegid soutenant la régularité du mode communication par voie électronique.

Sans plus ample discussion, ces seules constatations et considérations conduisent à confirmer le jugement déféré ayant dit le tribunal de commerce de Paris compétent, comme juridiction du domicile du défendeur, la société 1838, laquelle se trouve être également le lieu de la livraison de la chose, dès lors que la clause attributive de juridiction figurant au contrat liant les parties est réputée non écrite n'y étant pas spécifiée de façon très apparente.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant dans son recours, la société Cegid est condamnée aux dépens d'appel et supporte ses frais irrépétibles'; elle est condamnée à verser à la société 1838 une indemnité de procédure pour les frais exposés en appel.

Il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens et les demandes de frais irrépétibles concernant la première instance, ces points réservés par le jugement déféré qui est confirmé de ce chef, relevant de la décision au fond à rendre par le tribunal désigné compétent.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré,

Condamne la SAS Cegid à payer à la SAS Société 1838 une indemnité de procédure de 2'000 € pour la cause d'appel,

Condamne la SAS Cegid aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/07591
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.07591 ?
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