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02/06/2022 | FRANCE | N°21/00458

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 02 juin 2022, 21/00458


N° RG 21/00458 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NLMF









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 29 décembre 2020



RG : 2020f1608







[B]



C/



Société [S] SELARLU

LA PROCUREURE GENERALE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 02 Juin 2022







APPELANT :



M. [J] [B]

né le [Date naissa

nce 1] 1979 à [Localité 7] (42)

[Adresse 6]

MONTREAL QUEBEC, H4S2C1 CANADA



Représenté par Me Florian DESBOS de la SCP DESBOS BAROU & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1726







INTIMEES :



SELARLU [S], représentée par Maître [V] [S], ès qualités de ...

N° RG 21/00458 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NLMF

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 29 décembre 2020

RG : 2020f1608

[B]

C/

Société [S] SELARLU

LA PROCUREURE GENERALE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 02 Juin 2022

APPELANT :

M. [J] [B]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 7] (42)

[Adresse 6]

MONTREAL QUEBEC, H4S2C1 CANADA

Représenté par Me Florian DESBOS de la SCP DESBOS BAROU & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1726

INTIMEES :

SELARLU [S], représentée par Maître [V] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JL GENERATION DURABLE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 2]

[Localité 4]

En la personne de Monsieur Fabrice TREMEL, substitut général,

******

Date de clôture de l'instruction : 31 Mars 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Avril 2022

Date de mise à disposition : 02 Juin 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, Raphaële FAIVRE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du 31 janvier 2019 le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SARL JL Génération Durable ayant pour gérant M. [J] [B].

Me [Y] a été désigné ès qualités de liquidateur judiciaire et la date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 4 janvier 2019.

Par jugement du 19 septembre 2019 rendu à la requête du liquidateur judiciaire, le tribunal de commerce de Lyon a reporté la date de cessation des paiements au 31 juillet 2017.

Par acte du 8 juin 2020, le liquidateur judiciaire a assigné M. [B] devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle, estimant qu'il avait commis plusieurs fautes de gestion.

Par jugement du 29 décembre 2020, ce tribunal a :

prononcé une faillite personnelle de 10 ans à l'encontre de M. [B],

ordonné l'exécution provisoire de la décision,

rappelé qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, les condamnations prononcées sur le fondement du livre VI du code de commerce doivent faire l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

dit que les dépens sont tirés en frais privilégiés de la procédure.

M. [B] a interjeté appel par acte du 20 janvier 2021.

Par conclusions du 10 mai 2021 fondées sur les articles L. 653-5, L. 653-4-3, L. 653-8 alinéa 3 du code de commerce, M. [B] demande à la cour de :

infirmer le jugement déféré,

statuant à nouveau,

écarter la sanction de la faillite personnelle,

réduire dans de notables proportions la durée de «'son interdiction de gérer'».

Par conclusions du 19 mars 2021 fondées sur les articles L. 653-1 et suivants du code de commerce, la SELARLU [S] représentée par Me [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JL Génération Durable demande à la cour de':

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

en conséquence,

prononcer à l'encontre de M. [B] une faillite personnelle pour une durée de dix ans,

débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes, moyens, fins et conclusions.

condamner M. [B] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [B] aux entiers dépens d'instance et d'appel au profit de la SELARL Laffly & Associés - Lexavoué Lyon, avocats, sur son affirmation de droit,

Le ministère public, par conclusions communiquées par RPVA contradictoirement aux parties le 22 mars 2021, a conclu à sollicité la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, s'en remettant aux moyens et arguments déposés par le liquidateur judiciaire.

MOTIFS

Sur la faillite personnelle

Dès lors qu'un seul des faits prévus aux articles L. 653-4 à L. 653-6 est établi, la faillite personnelle peut être prononcée'; lorsque plusieurs faits sont retenus, chacun d'eux doit être légalement justifié.

Les fautes reprochées à M. [B] en première instance et retenues comme constituées par les premiers juges sont les suivantes :

l'absence de tenue de comptabilité,

le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours (alors même qu'il s'agit d'un cas d'ouverture réservé à l'interdiction de gérer),

M. [B] conteste la faillite personnelle prononcée à son encontre. Il soutient qu'il n'a commis aucune des fautes retenues par les premiers juges. En outre, bien que ce manquement n'ait pas été retenu par les premiers juges, il conteste avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser un autre personne morale ou une entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement. Enfin, il dénonce la disproportion de la sanction.

En cause d'appel, le liquidateur judiciaire soutient la faillite personnelle de M. [B] sur trois griefs, à savoir':

l'usage des biens ou du crédit de la personne morale contraire à l'intérêt de celle-ci,

l'absence de tenue de comptabilité complète et régulière,

l'omission de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours.

S'agissant du grief lié à la tenue de comptabilité incomplète ou irrégulière

Selon l'article L. 653-5 6° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

En l'espèce, le liquidateur judiciaire reproche à M. [B] de ne pas lui avoir transmis les grands livres et balances pour les exercices 2016, 2017 et 2018 ni la liste des immobilisations pour l'exercice 2018 et de n'avoir remis qu'un projet de bilan au 31 décembre 2018.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, ni son éloignement géographique du fait d'une résidence au Canada, qui n'est au demeurant pas établie, ni la carence de l'expert comptable dans la remise de ces pièces, ne sont de nature à l'exonérer de ce manquement à la gestion alors par ailleurs qu'il était parfaitement informé de cette carence, pour avoir été destinataire en copie des courriels de réclamations adressés par le liquidateur judiciaire le 3 mai et le 6 mai 2019 à son conseil'; il lui appartenait donc de procéder aux diligences nécessaires afin de remettre au liquidateur judiciaire les éléments comptables demandés.

Par ailleurs, la remise à la cour dans le cadre de la présente instance d'un bilan 2018 et des grands livres et balances 2016 et 2017 n'est pas de nature à l'exonérer de ce manquement à la gestion, alors qu'il lui appartenait, conformément aux prescriptions légales de transmettre ces éléments au liquidateur judiciaire dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société JL Génération Durable et étant au surplus observé que rien ne permet de déterminer la date d'établissement de ces pièces, sur lesquelles ne figurent qu'une date d'impression au 7 septembre 2020 et au 30 juin 2020. Compte tenu de ces éléments, ce grief qui constitue un motif de faillite est donc caractérisé à l'encontre de l'appelant.

S'agissant du grief tiré de l'usage de biens ou du crédit de la personne morale contraire à l'intérêt de celle-ci

Selon l'article L.653-4 3° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé le fait d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale, un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement.

En l'espèce, le liquidateur judiciaire relève que les comptes courants détenus dans la société JL Génération Durable par M. [B], la société Niskae Canada, la SCI Noe et la SCI Aurore dans lesquelles il a des intérêts directs ou indirects sont débiteurs à hauteur respectivement de 1.152,03 euros, 7.051,46 euros, 52.740,51 euros et 1.790 euros.

M. [B] ne conteste ni sa qualité d'associé Partner de la société Niskae Canada, ni celle de président de Niskae Inc. Il ne conteste pas davantage que M. [N] [B], qui est membre de sa famille préside la SCI L'Aurore et que M. [Z], avec lequel il était co-gérant de la société Ventsys, aujourd'hui liquidée, est gérant de la SCI Noe.

Par ailleurs, s'agissant du compte courant débiteur de la SCI Noe à hauteur de 52.740,51 euros, l'appelant soutient qu'il correspond à un défaut de régularisation par l'expert comptable de loyers dûs par la société JL Génération Durable, locataire de la SCI Noe. Néanmoins, il est observé que ni les pièces communiquées, ni les explications données, tenant à l'existence d'un second contrat de bail régularisé avec M. [T] libellé en dollars Canadiens et à un troisième bail régularisé entre M. [B] et M. [D] ainsi qu'à la nécessité d'ajouter les sommes de 1.500 euros et de 5.010 euros dues à la SCI Noe dont aucune pièce comptable ne vient démontrer la réalité, ne sont de nature à justifier de ce compte courant déficitaire en l'absence de toute corrélation entre ce montant, les pièces produites et les justifications alléguées.

S'agissant du compte courant de la SCI L'Aurore, l'appelant soutient que la somme de 1.790 euros correspond à des charges locatives dues par la société JL Génération Durable d'un montant de 1.800 euros, laquelle somme a été payée sans jamais avoir été comptabilisée compte tenu des difficultés rencontrées avec les différents cabinets comptables. Or, la cour relève que le courrier de décompte de charge à entête de la SCI L'Aurore qui n'est pas signé est dépourvue de force probante. Par ailleurs, il n'est justifié d'aucun contrat de bail entre la société JL Génération Durable et la SCI L'Aurore. Enfin, aucune preuve d'une quelconque défaillance d'un cabinet comptable n'est apportée.

S'agissant du compte courant de la société Niskae Canada, M. [B] soutient sans offre de preuve que le solde déficitaire correspond à un avantage financier tenant à la prise en charge par cette dernière de ses rémunérations entre 2016 et 2018, qui n'a pas été chiffré par l'expert.

M. [B] ne saurait davantage utilement soutenir que son compte courant négatif correspond à des sommes réglées par lui pour le compte de la société JL Génération Durable, alors qu'un tel compte négatif traduit au contraire l'existence d'une dette de l'associé envers la société.

Enfin, l'appelant ne conteste ni sa qualité d'associé Partner de la société Niskae Canada, ni celle de président de Niskae Inc. Il ne conteste pas davantage que M. [N] [B], qui est membre de sa famille préside la SCI L'Aurore et que M. [Z], avec lequel il était co-gérant de la société Ventsys, aujourd'hui liquidée, est gérant de la SCI Noe.

Au regard de ces éléments, et compte tenu des liens étroits entretenus entre M. [B] avec le président de la SCI L'Aurore et le Gérant de la SCI Noe ainsi que de ses fonctions de direction de la société Niskae, le grief tenant à l'usage contraire à l'intérêt de la personne morale de ses biens ou de son crédit à des fins personnelles ou pour favoriser un autre personne morale ou une entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement est ainsi caractérisé.

S'agissant du grief d'omission de déclaration de cessation des paiement dans le délai de 45 jours

En l'espèce, le liquidateur judiciaire qui allègue, sans offre de preuve de l'existence d'un passif exigible dont il ne précise au demeurant pas le montant, ne caractérise pas ce manquement imputable à M. [B], étant au surplus relevé que conformément à l'article L.653-8 du code de commerce, l'omission de déclaration de cessation des paiement dans le délai de 45 jours n'est pas sanctionnée par le prononcé d'une mesure de faillite personnelle mais n'ouvre droit qu'à une sanction d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une société, laquelle sanction n'est pas sollicitée en l'espèce.

Sur la sanction

Compte tenu des manquements précédemment établis , M. [B] est passible d'une sanction de faillite personnelle prévue par la loi.

Eu égard à la gravité des manquements retenus contre M. [B] en sa qualité de dirigeant de la société JL Génération Durable corrélés à l'existence d'une précédente faillite personnelle prononcée contre ce dernier, la sanction de faillite personnelle d'une durée de dix années infligée par les premiers juges respecte la proportion adéquate, eu égard aux manquement relevés. Il convient donc de confirmer le jugement déféré par substitution de motifs, le grief d'omission de déclaration de cessation de paiements dans le délai de 45 jours étant écarté.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La demande de la SELARLU [S] représentée par Me [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JL Génération Durable, en paiement d'une indemnité de procédure est rejetée en équité. Les dépens de première instance et d'appel ne constituent pas des frais privilégiés de la procédure collective mais sont à la charge de M. [B], sous le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile pour ceux d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit que les dépens sont tirés en frais privilégiés de procédure,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Rejette la demande de la SELARLU [S] représentée par Me [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JL Génération Durable au titre d'une indemnité de procédure en cause d'appel,

Condamne M. [B] aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement pour ces derniers.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/00458
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.00458 ?
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