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02/06/2022 | FRANCE | N°21/00197

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 02 juin 2022, 21/00197


N° RG 21/00197

N° Portalis DBVX-V-B7F-NKXP









Décision du Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond

du 29 décembre 2020



RG : 2020f01398







[Z]



C/



SELARL MJ SYNERGIE

LA PROCUREURE GENERALE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 02 Juin 2022







APPELANT :



M. [H] [Z]

né le

[Date naissance 4] 1991 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représenté par Me Frédéric VERT, avocat au barreau de LYON, toque : 3276 et ayant pour avocat plaidant, Me Fatah MESSAOUDI, avocat au barreau de LYON







INTIMEES :



SELARL MJ SYNERGIE Mandataires Judiciai...

N° RG 21/00197

N° Portalis DBVX-V-B7F-NKXP

Décision du Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond

du 29 décembre 2020

RG : 2020f01398

[Z]

C/

SELARL MJ SYNERGIE

LA PROCUREURE GENERALE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 02 Juin 2022

APPELANT :

M. [H] [Z]

né le [Date naissance 4] 1991 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Frédéric VERT, avocat au barreau de LYON, toque : 3276 et ayant pour avocat plaidant, Me Fatah MESSAOUDI, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

SELARL MJ SYNERGIE Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [Y] [C] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL à associé unique [D]

[Adresse 3]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 5]

En la personne de Monsieur Fabrice TREMEL, substitut général,

******

Date de clôture de l'instruction : 31 Mars 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Avril 2022

Date de mise à disposition : 02 Juin 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, Catherine CLERC a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du 22 mars 2017, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL [D] ([D]), entreprise de travaux de ravalement ayant pour représentante légale Mme [W] [D] épouse [Z], gérante, a fixé provisoirement la cessation des paiements au 22 septembre 2015 et a confié les fonctions de liquidateur judiciaire à la SELARL MJ Synergie représentée par Me [C] (ci-après désignée «'le liquidateur judiciaire'»).

Par acte du 17 mars 2020, le liquidateur judiciaire a assigné le fils de Mme [Z], M. [H] [Z], aux fins de voir prononcer à l'encontre de ce dernier une interdiction de gérer ou à défaut une mesure de faillite personnelle, en tant que gérant de fait de la société [D] ayant commis de graves erreurs de gestion.

Par jugement du 29 décembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

constaté la gérance de fait de M. [Z],

prononcé à l'encontre de M. [Z] l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise ou personne morale, artisanale ou commerciale, pendant une durée de 10 ans, à l'exception de la gérance de la SARL Sepitec (RCS Lyon 805 269 461),

ordonné l'exécution provisoire de la décision,

rappelé qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, les condamnations prononcées sur le fondement du livre VI du code de commerce doivent faire l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiersdes tribunaux de commerce,

dit que les dépens sont tirés en frais privilégiés de la procédure.

M. [Z] a interjeté appel par acte du 8 janvier 2021.

Par avis et ordonnance du 11 février 2021, l'affaire a été fixée pour plaider au 16 décembre 2021, la clôture étant fixée au 9 décembre 2021.

L'audience a été reportée au 7 avril 2022 avec clôture au 31 mars 2022.

Par conclusions du 26 février 2021 fondées sur l'article L. 653-5 du code de commerce, M. [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans, sauf en ce qu'il a maintenu la possibilité pour lui de conserver la gérance de la SARL Sepitec, et statuant à nouveau,

juger qu'il n'a jamais été gérant de fait de la société [D],

en conséquence,

à titre principal,

juger que le caractère volontaire de l'abstention de collaboration avec les organes de la procédure de liquidation judiciaire n'est pas caractérisé,

juger que le caractère volontaire de l'absence de caractère complet de la comptabilité n'est pas caractérisé,

juger que le caractère volontaire de l'omission de transmission de la comptabilité de la société au liquidateur judiciaire n'est pas caractérisé,

juger que le caractère volontaire de l'omission de remise de la liste des créanciers au liquidateur judiciaire n'est pas caractérisé,

juger que le caractère volontaire de l'omission de déclaration des paiements n'est pas caractérisé,

débouter le liquidateur judiciaire de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

à titre subsidiaire,

si par impossible extraordinaire, il était fait droit à la demande de sanction, faire preuve de la plus grande clémence eu égard aux circonstances de l'espèce,

en tout état de cause,

lui maintenir la possibilité de conserver la gérance de la SARL Septic,

condamner le liquidateur judiciaire à lui payer la somme de 1'000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux entiers dépens.

Par conclusions du 3 mars 2021 fondées sur l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, le liquidateur judiciaire demande à la cour de':

confirmer purement et simplement le jugement déféré,

débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,

employer les dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Le ministère public, par conclusions du 9 mars 2021 communiquées contradictoirement aux parties, a sollicité la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions pour l'ensemble des motifs et arguments exposés dans les écritures du liquidateur judiciaire.

MOTIFS

Sauf indication contraire, les articles visés sont issus du code de commerce.

Sur la gérance de fait

M.[Z] conteste point par point le bien fondé des fautes qui ont été retenues à son encontre par les premiers juges, à savoir :

- s'être abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure collective,

- ne pas avoir remis la comptabilité de son entreprise au liquidateur judiciaire,

- ne pas avoir remis de mauvaise foi les renseignements prévus à l'article L. 622-6 (liste des créanciers, montant des dettes, contrats et instances en cours),

- avoir omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours (article L.653-8).

Il fait valoir à cette fin qu'il n'a jamais été gérant de fait, mais salarié de la société Cetik et avoir seulement apporté, après le départ de son père, une «'simple assistance'» à sa mère, Mme [W] [Z], qui était démunie après le brusque départ de son époux, afin d'honorer les derniers chantiers.

L'article L.653-1 2°pose le principe général selon lequel la faillite personnelle et l'interdiction de gérer sont susceptibles d'être prononcées à l'égard des personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.

En droit, est admis comme dirigeant de fait d'une personne morale celui qui a eu une activité positive de direction et de gestion exercée en toute indépendance, et dans les mêmes conditions que le dirigeant de droit, cette direction de fait impliquant des faits précis, concrets et concordants de nature à caractériser une immixtion dans l'administration,la gestion ou la direction de la société.

Sont donc exclus de cette acception les actes de gestion et de direction qui se rattachent à l'exécution d'un contrat de travail car non réalisés en toute indépendance.

Il appartient à celui qui soutient l'existence d'une gérance de fait d'en rapporter la preuve.

Le liquidateur judiciaire soutient la gérance de fait de M. [Z] sur la foi de trois courriels de Mme [U], chargée d'affaires du SCTS ( service salarial de la liquidation) dans lesquels elle relate':

- avoir reçu le 28 mars 2017 Mme [Z] accompagnée de son fils [H], que celle-ci ne maîtrisait ni le français, ni la situation de la société Célik contrairement à son fils («'son fils, au contraire, semble bien maîtriser la situation'»), celui-ci ayant de plus une affaire personnelle dont l'activité était la même que la société [D] qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 13 février 2014 (procédure suivie par Me [S]),

- avoir donné à M. [Z] un nouveau rendez-vous pour le 20 avril 2017 sans que sa mère et lui s'y présentent,

- s'être entretenue avec M. [Z] au téléphone, indiquant que celui-ci qui «'semble avoir la maîtrise de l'activité'», lui a indiqué ne pas souhaiter s'expliquer sur les salariés (comprendre ceux de la société Cetik embauchés après la cessation des paiements) «'car il n'y avait rien à expliquer'»,

- que les salariés de la société [D] écrivaient avant la liquidation judiciaire à «'Monsieur'» et non à «'Madame'» (courriers joints au courriel portant contestations sur l'exécution des contrats de travail).

Le rapport du liquidateur judiciaire établi dans le cadre de l'article R.621-20 le 18 août 2017 (outre qu'il est affecté d'une erreur en page 6 en ce qu'il dit Mme [Z] occuper une fonction de direction dans la société Sepitec alors qu'il est non discuté que cette fonction est occupée par son fils [H]) ne contient aucune information précise, concrète et concordante de nature à caractériser une immixtion de M. [Z] dans l'administration,la gestion ou la direction de la société [D], la circonstance avérée telle que rapportée par chargée d'affaires du SCTS que celui-ci a accompagnée sa mère Mme [Z], dirigeante de droit, à une convocation de ce service ou encore a pu s'entretenir au téléphone avec ce même service, voire répondre ne rien avoir à expliquer au sujet de l'embauche de salariés de la société [D], étant plus qu'insuffisante à démontrer qu'il s'est impliqué dans la gestion, la direction et la vie économique de cette société avant le jugement d'ouverture.

La preuve d'une telle immixtion n'est pas davantage rapportée par les deux courriers de salariés de la société [D] datés du 20 février 2017, le fait qu'ils s'adressent à «'Monsieur'» et non «'Madame'» étant en tant que tel peu significatif, alors même que les courriers en question sont destinés à la SARL [D] et que les contrats de travail concernés ne sont pas communiqués par le liquidateur judiciaire, de sorte qu'il n'est pas établi qu'ils ont été signés par M. [Z].

Enfin, ce rapport rédigé sur un mode dubitatif': «'il semblerait que le véritable gérant de l'entreprise serait M. [H] [Z], le fils de Mme [W] [Z], qui a fait d'objet d'une liquidation judiciaire'» (') «'il semblerait que Me [O] [X] (comprendre le commissaire-priseur de la liquidation) se soit également entretenu avec M. [H] [Z] compte tenu du procès-verbal de carence'», n'a pas donné lieu à des investigations de la part du procureur de la République quant au rôle de M.[Z] dans la société [D] contrairement à ce qui était suggéré en conclusion par le liquidateur.

Il résulte de ces considérations et constatations que le liquidateur judiciaire ne rapporte pas la preuve de faits permettant de caractériser avec pertinence à l'encontre de M. [Z] des agissements constitutifs d'une gérance de fait de la société [D] avant son placement en liquidation judiciaire, quand bien même qu'il existe une confusion possible de par le fait que':

- d'une première part, M. [Z] a exercé en son temps une activité similaire à celle de la société [D] dans le cadre d'une société qui lui était personnelle et qui a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 13 septembre 2014 qui a été clôturée pour insuffisance d'actif le 7 avril 2015,

- de seconde part, il a aidé sa mère après le départ de son père à finir les chantiers ainsi qu'il l'a déclaré à l'audience devant les premiers juges, tout en indiquant ne pas avoir accès aux comptes de la société,

- enfin de troisième part, il a assisté sa mère, la dirigeante de droit de la société [D], dans la procédure de liquidation judiciaire en communiquant avec les organes de cette procédure, ce qu'il était officiellement habilité à faire ayant été mandaté à cet effet par la dirigeante de droit selon mandat spécial signé le 16 mars 2017 figurant dans le dossier de déclaration de cessation des paiements régularisé et signé par cette dernière (cf pièce 3 de l'intimé)'.

En aucun cas, ne sont produits des éléments de preuve permettant de vérifier que M. [Z] a embauché des salariés pour le compte de la société [D], a géré les dépenses et utilisé les moyens de paiement de cette société, a entretenu des contacts avec sa clientèle et ses services comptables, ou interféré dans sa politique commerciale et ce, dans le cadre d'un pouvoir de décision effectif et constant.

Cette indigence probatoire conduit à infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que M. [Z] était dirigeant de fait de la société [D].

Sur les fautes de gestion

Dès lors que la gestion de fait ne peut pas être retenue à l'encontre de M. [Z], il n'y a pas lieu de statuer plus avant sur les fautes de gestion articulées à son encontre par le liquidateur judiciaire .

En définitive, le liquidateur judiciaire est débouté de l'intégralité de ses demandes soutenues à l'encontre de M. [Z].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de première instance comme d'appel sont à la charge du liquidateur judiciaire, ce dernier étant condamné à verser à M. [Z] une indemnité de procédure de 1'000€.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute la SELARL MJ Synergie représentée par Me [Y] [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [D] de l'intégralité de ses demandes présentées à l'encontre de M. [H] [Z],

Condamne la SELARL MJ Synergie représentée par Me [Y] [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [D] à verser à M. [H] [Z] une indemnité de procédure de 1'000€,

Condamne la SELARL MJ Synergie représentée par Me [Y] [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [D], aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/00197
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.00197 ?
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