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02/06/2022 | FRANCE | N°20/00537

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 02 juin 2022, 20/00537


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 20/00537 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M2DD





Société [5]



C/

CPAM DE LA MARNE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 20 Décembre 2019

RG : 17/03641



























AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE D - PROTECTION SO

CIALE



ARRÊT DU 02 JUIN 2022







APPELANTE :



Société [5]

[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMEE :



CPAM DE LA MARNE

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par M. [W]...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 20/00537 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M2DD

Société [5]

C/

CPAM DE LA MARNE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 20 Décembre 2019

RG : 17/03641

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE D - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

APPELANTE :

Société [5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

CPAM DE LA MARNE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par M. [W] [I], audiencier à la CPAM du RHONE, muni d'un pouvoir

Assuré : M. [N]

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Février 2022

Présidée par Bénédicte LECHARNY, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Nathalie PALLE, président

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 02 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [L] [N] (l'assuré), salarié de la société [5] (la société), a été victime d'un accident du travail le 3 février 2016 dont il est résulté, selon les termes du certificat médical initial, une « impotence fonctionnelle [de] l'épaule droite après port [de] charge - limitation des amplitudes articulaires - testing tendineux douloureux ».

L'accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne (la caisse).

Cette dernière a, par décision du 31 juillet 2017, fixé à 10% le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de l'assuré à compter du 25 avril 2017.

La société a, par courrier du 27 septembre 2017, saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Rhône-Alpes d'une contestation de cette décision. Le tribunal ayant été supprimé le 31 décembre 2018, le dossier a été transféré le 1er janvier 2019 au tribunal de grande instance de Lyon, juridiction nouvellement compétente pour connaître de ce litige.

A l'audience du 11 décembre 2019, le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces confiée au Professeur [D].

Par jugement du 20 décembre 2019, le tribunal a :

- rejeté la demande d'inopposabilité formulée par la société,

- dit que les séquelles de l'accident du travail du 3 février 2016 de l'assuré justifient de maintenir le taux d'IPP à l'endroit de la société à 10 %,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rappelé que les frais de la consultation médicale ordonnée au cours de l'audience sont à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie.

Le jugement lui ayant été notifié le 23 décembre 2019, la société en a relevé appel par courrier recommandé du 17 janvier 2020.

Dans ses conclusions développées à l'audience du 11 février 2022, la société demande à la cour de déclarer son recours recevable, d'infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

à titre principal :

- constater que le médecin désigné par la caisse n'a pas respecté son obligation de transmettre à la société les éléments médicaux qu'elle détient, l'employeur n'ayant pas été destinataire des certificats médicaux de prolongation,

En conséquence,

- jugé la décision prise par la caisse d'attribuer un taux d'IPP de 10 % à l'assuré inopposable à la société,

à titre subsidiaire :

- jugé que le taux attribué à l'assuré doit être ramené à 3 % dans les rapports entre la société la caisse,

à titre très subsidiaire et avant-dire droit :

- constater que le médecin désigné par l'employeur en cause d'appel n'a pas été rendu destinataire de l'intégralité du rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'IPP,

- constater que la société n'a pas pu exercer un recours effectif ni bénéficier de l'égalité des armes et qu'en conséquence le principe du contradictoire n'a pas été respecté,

- constater que seul le recours aux mesures d'instruction prévues par le législateur aux articles L. 142-10, R. 142-16 et R. 142-16-3 du code de la sécurité sociale relatifs à la désignation d'un médecin expert ou consultant et à la communication corrélative du rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'IPP permet de trouver un équilibre entre le respect du secret médical et celui du contradictoire,

- ordonner une expertise ou consultation médicale judiciaire,

- enjoindre à la caisse de transmettre à l'expert ou au consultant l'intégralité du rapport médical visé à l'article L. 142-6 du code de la sécurité sociale,

- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu sur l'appréciation du taux d'IPP au vu des conclusions d'expertise ou de consultation médicale.

A l'appui de son recours, la société fait valoir que :

- la décision attributive de rente lui est inopposable dès lors que le médecin qu'elle a mandaté en première instance n'a pas reçu l'ensemble des pièces sur lesquelles le médecin-conseil de la caisse s'est appuyé pour fixer le taux d'IPP, en particulier les certificats médicaux de prolongation ; qu'il ne lui a pas été possible de suivre l'évolution médicale des lésions à partir de l'« impotence fonctionnelle de l'épaule droite » décrite dans le certificat médical initial jusqu'à la tendinopathie mentionnée à la consolidation, le 24 avril 2017 ; que les prolongations auraient pu permettre de corroborer l'existence de l'état antérieur rapporté par son médecin-conseil ; que le tribunal a jugé à tort que l'organisme avait satisfait à son obligation de communication de pièces ; qu'il a par ailleurs renversé la charge de la preuve en estimant qu'il appartenait à l'employeur de démontrer que les documents dont il fait grief du défaut de communication ont été déterminants pour fixer le taux d'IPP ; qu'en effet, d'une part, l'employeur ne saurait estimer déterminants ou pas les documents médicaux que, par hypothèse, il ne détient pas, d'autre part, il est constant que c'est à la caisse de justifier du bien-fondé du taux attribué en produisant tous les éléments médicaux que la loi lui impose de transmettre, sans se substituer à l'employeur, seul juge de leur utilité dans son argumentation médico-légale ; qu'elle n'a donc pas disposé d'un recours effectif et que l'égalité des armes n'a pas été assurée puisque, bien qu'étant admise à exercer un recours devant le juge, elle n'a pas été mise en mesure de faire valoir tous les arguments critiquant la décision de la caisse, à défaut de disposer de pièces essentielles à cet effet ;

- que, subsidiairement, sur l'évaluation du taux d'IPP, elle entend se rapporter aux observations de son médecin-conseil, le Docteur [Y], qui indique qu'il existe un état antérieur patent et que le taux de 10 % a été surévalué par le médecin conseil de la caisse ;

- qu'à titre très subsidiaire, en présence d'une divergence d'analyse médico-légale entre son médecin-conseil et le médecin consultant désigné par le tribunal, il y a lieu d'ordonner une expertise ou une consultation médicale judiciaire sur pièces.

Par conclusions développées à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- débouter la société de sa demande d'inopposabilité,

- confirmer le jugement déféré,

en conséquence,

- confirmer le taux de 10 % attribué à l'assuré à la suite de l'accident du travail du 3 février 2016,

- débouter la société de sa demande d'expertise ou de consultation médicale à l'audience,

- débouter la société de toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamner la société aux entiers dépens de l'instance.

À l'appui de ses demandes, la caisse fait valoir principalement :

- qu'elle a satisfait aux obligations légales de communication des pièces en transmettant les pièces médicales au tribunal et à son contradicteur, conformément à l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, le service médical ayant quant à lui adressé le rapport d'IPP au secrétariat du tribunal, conformément à l'article R. 143-32 du code précité ; qu'elle a en effet transmis la déclaration d'accident du travail, les certificats médicaux initial et final et la notification d'attribution initiale ; que le conseil de la société a pu, dans ces conditions, transmettre les pièces administratives et médicales au médecin mandaté par la société ; que si ce médecin ne s'estimait pas assez informé sur les conséquences de l'accident du travail, il lui appartenait de réclamer à la caisse les pièces qui lui auraient permis de rédiger son rapport ; qu'il n'est pas établi que les certificats médicaux de prolongation aient fondé l'avis du médecin-conseil et que leur transmission était nécessaire ; que le médecin-conseil de la société a été en mesure de donner un avis, de même que le médecin consultant désigné par le tribunal ; qu'il ne peut être dérogé au secret médical que par la loi ; que la dérogation légale au secret médical est strictement circonscrite au seul rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'IPP ; que ce rapport est suffisant pour apprécier et discuter l'évaluation des séquelles ;

- que le taux d'IPP fixé par le médecin-conseil de la caisse a été confirmé par le médecin consultant devant le tribunal ; que la société n'apporte aucun élément aux débats permettant de remettre en cause la décision prise par la caisse et confirmée par le tribunal ; que par conséquent, il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire ou de consultation médicale à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de constatations qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

Elle rappelle encore que l'article R. 143-8, alinéa 2, du code de la sécurité sociale qui énonce que dans les dix jours suivant la réception de la déclaration, la caisse est tenue de transmettre au secrétariat les documents médicaux concernant l'affaire et d'en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu'il a désigné, a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et qu'il n'avait pas vocation à s'appliquer à l'instance devant le tribunal de grande instance de Lyon, par application de l'article 17, III, du décret.

Selon l'article R. 142-10-3, II, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, applicable au litige conformément à l'article 17, III, du décret, dans les contentieux mentionnés au 2° de l'article L. 142-2 (litiges relatifs à l'état d'incapacité permanente de travail, notamment au taux de cette incapacité, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle), le greffe du tribunal adresse copie de la requête selon le cas à la caisse ou à l'auteur de la décision contestée, et l'invite à présenter ses observations écrites, et à les communiquer aux autres parties à l'instance dans un délai de vingt jours.

Encore, selon l'article R. 142-16 dans sa rédaction issue du même décret, applicable au litige, la juridiction peut ordonner toute mesure d'instruction, qui peut prendre la forme d'une consultation clinique ou sur pièces exécutée à l'audience, par un consultant avisé de sa mission par tous moyens, dans des conditions assurant la confidentialité, en cas d'examen de la personne intéressée.

L'article L. 142-10 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-358 du 16 mai 2018, applicable au litige, énonce que pour les contestations mentionnées aux 1°, 2°, 3° de l'article L. 142-2, le praticien-conseil ou l'autorité compétente pour examiner le recours préalable transmet à l'expert ou au médecin consultant désigné par la juridiction compétente, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, l'intégralité du rapport médical ayant fondé sa décision. A la demande de l'employeur, partie à l'instance, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet.

Enfin, selon l'article R. 142-16-3 dans sa rédaction issue du décret précité, applicable au litige, lorsque la juridiction ordonne une mesure d'instruction, le greffe demande par tous moyens, à l'organisme de sécurité sociale de transmettre à l'expert ou au consultant désigné l'intégralité du rapport médical mentionné à l'article L. 142-6 et du rapport mentionné à l'article R. 142-8-5. Dans le délai de dix jours à compter de la notification, à l'employeur de la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, de la décision désignant l'expert, celui-ci peut demander, par tous moyens conférant date certaine, à l'organisme de sécurité sociale, de notifier au médecin, qu'il mandate à cet effet, l'intégralité des rapports précités. S'il n'a pas déjà notifié ces rapports au médecin ainsi mandaté, l'organisme de sécurité sociale procède à cette notification, dans le délai de vingt jours à compter de la réception de la demande de l'employeur.

En l'espèce, s'il est exact que la caisse n'a pas transmis au médecin conseil de la société les certificats médicaux de prolongation établis entre le 12 février 2016 et le 24 avril 2017, il ressort en revanche des pièces du dossier et des énonciations des premiers juges que l'entier rapport médical du médecin conseil, seul visé par les dispositions applicables précitées, a bien été communiqué au médecin consultant désigné par le tribunal ainsi qu'au médecin mandaté par la société.

Sur la base de ce rapport médical, le médecin conseil de la société a été en mesure de rendre un avis motivé, s'agissant notamment de l'existence d'un état antérieur, et le médecin consultant a estimé que le taux de 10 % avait été correctement attribué.

Au vu de ce qui précède, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que la caisse avait respecté son obligation légale de communication de pièces et ont rejeté la demande d'inopposabilité de la société.

C'est encore par une exacte appréciation des éléments de la cause qu'ils ont jugé, à la lumière notamment des conclusions du médecin consultant, que le taux d'IPP fixé par le médecin conseil était conforme au barème indicatif d'invalidité et ont maintenu ce taux à l'endroit de la société.

Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré.

La société, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société [5] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 20/00537
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;20.00537 ?
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