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02/06/2022 | FRANCE | N°19/00845

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 02 juin 2022, 19/00845


N° RG 19/00845

N° Portalis DBVX-V-B7D-MFQV









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 20 juillet 2015



RG : 2013j801







[H]

SARL [W] [H] INVESTISSEMENTS - DVI



C/



[C]

[T]

[J]

[D]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 02 Juin 2022







APPELANTS :



M. [W]

[H]

[Adresse 10]

[Localité 11]



Représenté par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215





SARL [W] [H] INVESTISSEMENTS - DVI

[Adresse 10]

[Localité 11]



Représentée par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau ...

N° RG 19/00845

N° Portalis DBVX-V-B7D-MFQV

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 20 juillet 2015

RG : 2013j801

[H]

SARL [W] [H] INVESTISSEMENTS - DVI

C/

[C]

[T]

[J]

[D]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 02 Juin 2022

APPELANTS :

M. [W] [H]

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représenté par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215

SARL [W] [H] INVESTISSEMENTS - DVI

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentée par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215

INTIMES :

Me [I] [C] ès qualités de mandataire liquidateur de la société AEROPILOT

[Adresse 6]

[Localité 15]

Représenté par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983 et ayant pour avocat plaidant, Me Eric BOURLION, avocat au barreau du VAL D'OISE

M. [Y] [T]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 19] (69)

Le Village

[Localité 2]

Représenté par Me Jérôme LETANG de la SELARL JEROME LETANG, avocat au barreau de LYON, toque : 772

M. [B] [J]

né le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 16] (59)

[Adresse 12]

[Localité 14]

Décédé le [Date décès 7] 2016

M. [F] [D]

né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 17] (83)

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représenté par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102 et ayant pour avocat plaidant, Me Raphaël MONROUX, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités de curateur à la succession déclarée vacante de M. [B] [J]

[Adresse 18]

[Adresse 8]

[Localité 13]

Défaillante

******

Date de clôture de l'instruction : 14 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Avril 2022

Date de mise à disposition : 02 Juin 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l'audience, Catherine CLERC a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt par défaut rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F] [D] et M. [B] [J] ont créé en avril 2001 la SARL Aeropilot, ayant pour objet la formation de pilotes d'avion, la vente et l'achat d'aéronef et de matériel informatique.

Ils ont constitué par la suite, la SARL Air Evasion ayant également pour activité la vente, l'achat et la location d'aéronef et de matériel informatique, qui louait des aéronefs à la société Aeropilot, et la SCI Aeropilot qui louait des bureaux aux autres sociétés.

Lors d'une assemblée générale du 5 novembre 2009, le capital social de la société Aeropilot a été augmenté par la création de 32 parts sociales (soit 3% du capital social) qui ont été souscrites par la SARL [W] [H] Investissement (société DVI) dont le gérant est M. [W] [H].

Une seconde augmentation du capital social de la société Aeropilot a été décidée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 29 juin 2011 à laquelle la société DVI a souscrit portant ainsi sa participation au capital social de cette société à 1027 parts, soit 10% du capital, MM. [D], [J] et [T] détenant 3010 parts chacun, soit 88% du capital social à eux trois, des salariés de la société ayant quant à eux souscrit à cette augmentation de capital pour un total de 2%.

Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 29 décembre 2011, la société Aeropilot a été transformée en SA , M. [J] étant désigné administrateur et président directeur général, M. [D], M. [Y] [T] et M. [W] [H] étant nommés aux fonctions d'administrateur et de directeur général délégué.

Par jugement du 17 septembre 2012, le tribunal de commerce de Pontoise a placé la société Aeropilot en redressement judiciaire lequel a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 28 septembre 2012, Me [C] étant désigné liquidateur judiciaire.

Par jugement du 12 novembre 2012, le même tribunal de commerce a étendu la liquidation judiciaire à la société Air Evasion.

Le juge-commissaire de la liquidation judiciaire a décidé par ordonnance du 18 octobre 2012 une mesure d'expertise confiée au cabinet Eurodit sur la comptabilité de la société Aeropilot'; le rapport a été déposé le 5 juin 2013.

Les opérations de liquidation ayant mis à jour des fautes de gestion de la part des dirigeants de la société Aeropilot, le liquidateur judiciaire a initié par assignation du 19 juin 2013 une action en comblement d'insuffisance d'actif à l'encontre de MM. [J], [D], [T] et [H].

Ayant été condamnés de ce chef par jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 10 mars 2014, ces derniers en ont relevé appel devant la cour d'appel de Versailles et ont obtenu parallèlement auprès de la juridiction du premier président l'arrêt de l'exécution provisoire attachée à ce jugement par ordonnance de référé du 18 juillet 2014.

La société DVI et M. [H] , soutenant avoir été trompés sur la comptabilité de la société Aeropilot avant leur prise de participation, ont, suivant actes extrajudiciaires des 29 mars et 2 avril 2013, assigné MM. [J], [D] et [T] devant le tribunal de commerce de Lyon pour voir, en substance, prononcer la nullité de la souscription par la société DVI à l'augmentation du capital social de la société Aeropilot le 29 juin 2011et la nullité de la transformation de la SARL Aeropilot en SA le 29 décembre 2011et celle des actes subséquents notamment la désignation de M. [H] en qualité d'administrateur et de directeur général délégué (instance n°2013J801).

Par acte extrajudiciaire du 9 décembre 2013, la société DVI et M. [H] ont appelé en cause le liquidateur judiciaire de la société Aeropilot (instance n°2013J2929).

Par arrêt du 29 janvier 2015, la cour d'appel de Versailles a sursis à statuer sur les prétentions en comblement de l'insuffisance d'actif du liquidateur judiciaire dans l'attente qu'il soit statué par une décision passée en force de chose jugée sur l'action en cours engagée par M. [H] devant le tribunal de commerce de Lyon à l'encontre de MM. [J], [D] et [T] et Me [C], ès qualités.

Par jugement du 20 juillet 2015, le tribunal de commerce de Lyon a , en ces termes littéralement reproduits :

prononcé la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2013J02929 et 2013J00801,

déclaré recevable Me [C], en qualité de mandataire liquidateur de la société Aeropilot en ses demandes,

déclaré la demande de la société DVI représentée par M. [H] recevable en sa qualité pour agir,

débouté la société DVI représentée par M. [H] de sa demande de paiement de 302'983,29€ par MM. [J], [D] et [T],

débouté la société DVI représentée par M. [H] de ses demandes de nullité de souscription à l'augmentation du capital de la société Aeropilot en date du 29 juin 2011,

débouté M. [H] de sa demande de nullité de désignation en date du 29/12/2011 en qualité de directeur général et d'administrateur de la société Aeropilot,

débouté M. [H] de sa demande de paiement de la somme de 50'000€ au titre du préjudice moral,

rejeté la demande de dommages et intérêts de MM. [D] et [J],

rejeté la demande d'exécution provisoire de la décision,

condamné la société DVI représentée par M. [H] à payer à MM. [T], [D] et [J], ainsi qu'à Me [C] ès qualités la somme de 600€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société DVI représentée par M. [H] aux entiers dépens y compris ceux découlant des articles 10 et 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d'exécution forcée en ce qui concerne les dépens de M. [T],

débouté l'ensemble des parties de leurs autres demandes, fins et conclusions.

La société DVI et M. [H] ont interjeté appel par déclaration du 30 juillet 2015 (instance RG 15/06315).

M. [J] est décédé le [Date décès 7] 2016 et l'affaire a été radiée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 mars 2017.

L'affaire a été remise au rôle par conclusions de reprise d'instance déposées le 29 janvier 2019 par la société DVI et M. [H] (instance RG 19/00845).

Suivant acte extrajudiciaire du 16 octobre 2019, la société DVI et M. [H] ont assigné en intervention forcée le service des Domaines, représenté par l'administrateur général des finances publiques, directeur de la Direction nationale d'interventions domaniales, désigné en qualité de curateur de sa succession déclarée vacante (ci-après désigné «'la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités'») selon ordonnance rendue le 9 septembre 2019 par le président du tribunal de grande instance de Pontoise.

Par ordonnance du 17 décembre 2019, non frappée de déféré, le conseiller de la mise en état a dit irrecevable le mémoire déposé par la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités,'pour défaut de constitution d'avocat et a rejeté l'incident en paiement de péremption soulevé par le liquidateur judiciaire de la société Aeropilot.

Par écrit intitulé «'conclusions d'intervenant forcé en cause d'appel'» daté du 27 janvier 2020, la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités, a demandé à la cour'de :

in limine litis

juger recevables ses conclusions sans avoir à constituer avocat,

la recevoir en ses conclusions d'intervenant forcé en cause d'appel,

l'y déclarer bien fondée,

en tout état de cause,

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

débouter les appelants de leur demande de condamnation solidaire à son encontre au paiement de la somme de 10'000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

les débouter purement et simplement de leur demande formée au titre des dépens d'appel,laisser les dépens à leur charge,

dire qu'en tout état de cause, elle ne saurait être tenue au paiement de condamnations solidaires susceptibles d'être prononcées, le cas échéant, à son encontre que dans la limite et jusqu'à concurrence de ses actifs successoraux.

Par conclusions n°6 du 21 mai 2021, fondées sur les articles 1110, 1116, 1134, 1382 anciens et 1844-10 du code civil, L.223-22, L. 223-43 et L.224-3 du code de commerce, la société DVI et M. [H] demandent à la cour de :

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

débouté la société DVI de sa demande en paiement de la somme de 302'983,29€ par MM. [J], [D] et [T],

débouté la société DVI de sa demande de nullité de la souscription à l'augmentation du capital de la société Aeropilot en date du 29 juin 2011,

débouté M. [H] de sa demande de nullité de sa désignation en date du 29 décembre 2011 en qualité directeur général délégué et d'administrateur de la société Aeropilot,

débouté M. [H] de sa demande de paiement de la somme de 50'000€ au titre du préjudice moral subi,

condamné la société DVI à payer la somme de 600€ à chacun des défendeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

et statuant à nouveau :

juger que le consentement de la société DVI à la souscription de l'augmentation de capital de la société Aeropilot le 29 juin 2011 a été vicié par les man'uvres dolosives de MM. [J], [D] et [T],

juger à titre subsidiaire que la société DVI a été victime d'une erreur sur la qualité substantielle des droits souscrits lors de l'augmentation de capital de la société Aeropilot du 29 juin 2011 dans la mesure où à cette date la société se trouvait irrémédiablement compromise,

juger que le consentement de M. [H] à sa désignation en qualité d'administrateur et de codirecteur général délégué le 29 décembre 2011 a été vicié par les man'uvres dolosives de MM. [J], [D] et [T],

juger à titre subsidiaire que M. [H] a été victime d'une erreur lors de l'acceptation des fonctions auxquelles il a été désigné le 29 décembre 2011, dans la mesure où à cette date la société se trouvait irrémédiablement compromise,

juger que la transformation de la société Aeropilot en société anonyme n'a pas été faite selon les prescriptions imposées à peine de nullité par l'article «'223-43'» du code de commerce,

en conséquence :

déclarer nulle la souscription par la société DVI à l'augmentation de capital de la société Aeropilot du 29 juin 2011,

déclarer nulle l'assemblée générale ayant opérée transformation de la SARL Aeropilot en SA au 29 décembre 2011,

déclarer nulle la désignation au 29 décembre 2011 de M. [H] en qualité d'administrateur et de Directeur Général Délégué,

en tout état de cause :

juger que MM. [J], [D] et [T] ont manqué à leur obligation de loyauté envers eux,

condamner solidairement MM. [D] et [T], et l'administrateur général des Finances Publique, ès qualités de curateur à la succession de M. [J] à verser à la société DVI la somme de 302'938,29€ à titre de dommages et intérêts,

condamner solidairement MM. [D] et [T], et l'administrateur général des Finances Publique, ès qualités de curateur à la succession de M. [J] à leur verser la somme de 10'000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Me Alban Pousset Bougere, avocat sur son affirmation de droit.

Par conclusions n°3 du 27 avril 2021, fondées sur les articles 1110 et 1116 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, Me [C], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Aeropilot, ( ci-après désigné «'le liquidateur judiciaire'») demande à la cour de':

le déclarer recevable et bien fondé en ses conclusions,

déclarer M. [H] et la société DVI mal fondés en leur appel,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

y ajoutant :

condamner M. [H] et la société DVI à lui verser la somme de 6'000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [H] et la société DVI aux entiers dépens dont distraction faite à la SCP Boulrion-Delpla sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions n°3 du 18 juin 2021, M. [T] demande que la cour infirmant partiellement le jugement entrepris :

déboute la société DVI et M. [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

condamne la société DVI et M. [H] à lui payer la somme de 6'500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne la société DVI et M. [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel à recouvrer par la SELARL Jerôme Letang, avocat sur son affirmation de droit.

Par conclusions n°3 du 21 juin 2021, M. [D] demande à la cour de':

déclarer irrecevables la société DVI et M. [H] en leurs demandes,

à défaut :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

en conséquence :

débouter la société DVI et M. [H] de l'intégralité de leurs demandes,

condamner la société DVI et M. [H] à lui payer une indemnité de 10'000€ à titre de dommages et intérêts,

condamner la société DVI et M. [H] à lui payer une indemnité de l'article 700 d'un montant de 8'000€ ainsi qu'aux entiers dépens.

La déclaration d'appel a été signifiée le 16 septembre 2015 à M. [J] dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile'; ce dernier n'a pas constitué avocat.

Selon acte délivré le 24 février 2021 à personne habilitée, la société DVI et M. [H] ont signifié leurs conclusions à la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités, non constituée.

MOTIFS

Sauf indication contraire, les articles visés sont issus du code de commerce.

A titre liminaire, il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes et doit statuer sur les seules demandes mentionnées au dispositif des dernières conclusions des parties.

Les écritures de la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités, datées du 27 janvier 2020, doivent être déclarées irrecevables en l'absence de constitution d'avocat, cette irrecevabilité ayant été déjà dite pour le même motif à l'égard de ses premières écritures par ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 décembre 2019, laquelle n'ayant pas été déférée à la cour, est donc devenue définitive'; de plus fort, indépendamment de cette absence de constitution, ces écritures sont irrecevables car non communiquées par voie électronique comme prescrit par l'article 930-1 du code de procédure civile.

La logique juridique implique de statuer préalablement sur l'appel incident de M. [D] touchant à la recevabilité des demandes de la société DVI et de M. [H] dès lors que s'il est accueilli, le débat sur les demandes en nullité et en indemnisation des appelants n'aura plus lieu d'être.

Sur la recevabilité des demandes de la société DVI et de M. [H]

Sur les demandes de la société DVI

Il est rappelé que cette société poursuit la nullité de sa souscription à l'augmentation du capital social de la société Aeropilot réalisée le 29 juin 2011 au motif principal que son consentement a été vicié par les man'uvres dolosives de M. [J], [D] et [T] et au motif subsidiaire qu'elle a été victime d'une erreur sur la qualité substantielle des droits souscrits dans la mesure où à cette date, la société Aeropilot «'se trouvait irrémédiablement compromise'» ainsi qu'en attestent les investigations de l'expert Eurodit selon lesquelles notamment «'le poste de produits constatés d'avance a certainement été minoré de plus d'un million d'euros au 30 juin 2011'».

La société DVI proteste contre l'irrecevabilité de son action qui lui est opposée en faisant valoir':

- qu'elle a intérêt à agir pour dol à l'encontre des associés pour réclamer la nullité de la souscription en tant que victime de leurs man'uvres dolosives mais également des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de celles-ci et que les sommes qu'elle leur réclame ne font pas double emploi avec la restitution corrélative à l'annulation qui s'effectuera sous la forme d'une inscription au passif de la liquidation de la société Aeropilot, ces dommages et intérêts réparant son «'préjudice spécial, non réparé par les restitutions'»

- qu'elle a qualité à agir, car intentant une action en responsabilité à l'encontre des associés personnellement et non pas à l'encontre de la société Aeropilot de sorte que l'article L. 622-20 n'a pas lieu de s'appliquer, et qu'en tout état de cause, elle justifie d'un préjudice personnel distinct qui l'autorise à agir contre les dirigeants de cette société en liquidation judiciaire et ces derniers ont commis une faute détachable de leurs fonctions de mandataires sociaux en la trompant sur la solvabilité de la société en cause.

Ce qui doit être écarté.

En effet, il est constant qu'en poursuivant la nullité de sa souscription à l'augmentation de capital de la société Aeropilot, la société DVI sollicite de fait la nullité du procès-verbal de l''assemblée générale extraordinaire du 29 juin 2011'ayant adopté à l'unanimité l'augmentation du capital social et son acquisition de parts sociales ; or, ce procès-verbal, qui constitue le support juridique de la délibération de l'ensemble des associés de la société Aeropilot, ne crée pas un rapport d'obligation entre la société DVI et les trois associés M. [D], [T] et [J].

Ce seul constat conduit à dire la société DVI irrecevable à exciper d'un dol à l'encontre desdits associés au soutien de sa demande de nullité de souscription à cette augmentation de capital social.

S'agissant de l'autre cause de nullité fondée sur l'erreur sur la qualité substantielle des actions souscrites dans le cadre de cette augmentation de capital du fait d'une présentation surévaluée de la situation économique de la société Aeropilot à la faveur d'affectation irrégulière de produits constatés d'avance, il ne peut qu'être relevé que le préjudice dit personnel tel qu'allégué de ce chef par la société DVI n'est pas distinct du préjudice subi indistinctement et collectivement par tous les créanciers ayant souscrit à cette même augmentation de capital ou tous autres créanciers de cette société qui ne peuvent recouvrer leurs créances, et qui ont déclaré au passif de la société Aeropilot, de sorte que la société DVI n'a pas qualité pour agir au regard des dispositions de l'article L. 622-20.

Sans plus ample discussion, notamment sur l'existence d'une faute des dirigeants de la société Aeropilot séparable de leurs fonctions, qui n'a pas lieu d'être dès lors que la condition tenant à l'existence d'un préjudice distinct de celui des autres créanciers n'est pas satisfaite par la société DVI, l'ensemble de ces constatations et considérations conduit à déclarer irrecevable l'action de la société DVI en nullité de souscription à l'augmentation du capital social de la société Aeropilot.

Sur les demandes de M. [H]

Il est rappelé que M. [H] poursuit la nullité de l'assemblée générale ayant opéré transformation de la SARL Aeropilot en SAS au 29 décembre 2011 ainsi que la nullité de sa désignation le même jour en qualité d'administrateur et de directeur général délégué, en faisant valoir que son consentement à ces deux désignations a été vicié par les man'uvres dolosives de M. [J], [D] et [T] et subsidiairement qu'il a été victime d'une erreur lors de l'acceptation de ces fonctions dans la mesure où à cette date, la société Aeropilot «'se trouvait irrémédiablement compromise'» en reprenant à son compte le même argumentaire que celui développé sur ce point par la société DVI.

Il développe avoir un intérêt à agir en tant qu'ayant été personnellement victime des agissements dolosifs et qu'ayant été personnellement désigné à des fonctions de mandataire social'; il défend également sa qualité à agir pour exercer une action en responsabilité personnelle à l'encontre des dirigeants de la société Aeropilot en réparation d'un préjudice qui lui est personnel et non pas subi indistinctement et collectivement par les créanciers de cette société en liquidation, et qui procède d'une faute détachable des fonctions de mandataires sociaux desdits associés.

L'irrecevabilité de l'action en nullité fondée sur le dol prononcée à l'égard de la société DVI est transposable à la demande en nullité pour dol soutenue par M. [H] à l'encontre du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 29 décembre 2011 ayant acté sa nomination à l'unanimité aux fonctions d'administrateur et de directeur général délégué, ce procès-verbal ne créant pas non plus de rapport d'obligation entre les trois associés et lui-même.

L'erreur dont M. [H] dit avoir été victime s'avère être identique à celle alléguée par la société DVI sur la qualité substantielle des parts souscrites par celle-ci, en ce qu'il conclut «'s'il n'y avait pas eu d'erreur sur les qualités substantielles des parts souscrites par la société DVI, celle-ci n'aurait bien évidemment pas procédé à l'investissement ni abondé les comptes courants d'associés, pas plus que M. [H] n'aurait accepté les fonctions de directeur général délégué et d'administrateur délégué et d'administrateur qui lui ont été dévolues'».

L'erreur en cause est corrélée par M. [H] à l'affectation irrégulière des produits constatés d'avance de la société Aeropilot'dont il soutient qu'elle a conduit à la falsification des comptes, laissant croire à la bonne santé financière de cette société; pour autant cette opération procède d'un choix de gestion comptable des dirigeants de cette société qui bien qu'étant fautif n'est pas détachable de leurs fonctions de mandataires sociaux , cette irrégularité comptable n'étant pas constitutive d'une faute d'une exceptionnelle gravité ni d'un dépassement grossier de leurs fonctions.

Ainsi, M. [H] qui n'est pas non plus légitime à soutenir l'existence d'un préjudice personnel et distinct de celui subi par les créanciers ayant déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société Aeropilot, en ce qu'il se trouve comme eux en difficulté pour recouvrer sa créance d'associé à l'encontre de la société en liquidation, échoue à démontrer l'existence d'une faute détachable des fonctions de mandataire social des trois associés à l'origine de l'erreur alléguée, de sorte que les conditions pour dire sa qualité pour agir en responsabilité personnelle à l'encontre des dirigeants de la société Aeropilot en liquidation judiciaire ne sont pas réunies.

Sur la demande de nullité de l'assemblée générale extraordinaire ayant opéré transformation de la SARL Aeropilot en SA pour violation de l'article L.224-3

En cas de violation de l'article L. 223-43, tout associé de la société transformée mise en liquidation judiciaire, a intérêt à agir dès lors que l'anéantissement rétroactif de la transformation litigieuse est de nature à le dispenser de répondre du passif social sur ses biens personnels, peu important que l'associé demandeur ait acquis cette qualité postérieurement à la transformation.

Il résulte des articles L. 223-43 et L. 224-3 qu'en cas de transformation d'une SARL en SAS, la décision est précédée, à peine de nullité de la transformation d'un rapport sur la situation de la société qui doit être établi, soit par un commissaire aux comptes si la SARL n'en est pas dotée, soit par son commissaire aux comptes si la SARL en dispose d'un.

En l'absence d'un commissaire aux comptes, des commissaires à la transformation peuvent être chargés de l'établissement du rapport sur la situation de la société (à savoir sur la valeur des biens composant l'actif social et les avantages particuliers) tel que mentionné au troisième alinéa de l'article L. 223-43 et dans ce cas, il est rédigé un seul rapport.

Si la société est déjà dotée d'un commissaire aux comptes, il peut être nommé commissaire à la transformation, sur décision unanime des associés, sans devoir recourir à une décision de justice.

La société DVI, rappelant sa qualité d'associé de la société Aeropilot et M. [H] soutiennent que cette transformation est nulle au motif que «'le procès-verbal se contente d'un renvoi au rapport du commissaire aux comptes au surplus erroné, sans mentionner expressément l'approbation de 'l'évaluation des biens'» et que «'le dépôt du rapport du commissaire à la transformation n'a pas été déposé au greffe 8 jours avant la date de l'assemblée délibérant sur la transformation'» en violation de l'article R. 123-105.

Ces affirmations, sans aucune offre de preuve notamment quant à l'absence de dépôt du rapport dans les 8 jours précédant l'assemblée générale, ne sont pas caractérisées dans la mesure où il résulte du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 29 décembre 2011 que lecture a été préalablement donnée du rapport du commissaire aux comptes prévu à l'article L.223-43'alinéa 3, et que l'assemblée générale s'est prononcée ensuite à l'unanimité sur l'adoption de la résolution de transformation après avoir entendu ce rapport, ce qui doit s'entendre comme satisfaisant à l'exigence légale posée par l'article L. 223-4 d'une «'approbation expresse des associés mentionnée au procès-verbal'» et non pas celle d'une «'approbation expresse de l'évaluation des biens'» comme soutenu par les appelants.

Ces derniers n'établissent pas que le rapport visé dans ce procès-verbal ne portait pas aussi sur la valeur des biens composant l'actif social et les avantages particuliers comme l'y autorise l'alinéa 1 de l'article L. 224-3, le commissaire aux comptes de la société ayant le pouvoir de rédiger ainsi un seul rapport en qualité de commissaire à la transformation pour peu qu'il soit désigné à cette fin par l'unanimité des associés, de même qu'ils ne démontrent pas la nature erronée dudit rapport.

La demande de nullité de la transformation de la forme sociale de la société Aeropilot est en conséquence rejetée, la désignation de M. [H] aux fonctions d'administrateur et de directeur général délégué étant corrélativement validée.

Sur les demandes de dommages et intérêts

La demande de condamnation solidaire en paiement de dommages et intérêts formée par la société DVI à hauteur de 302'938,29€ à l'encontre de MM. [D] et [T] et la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités, n'est pas accueillie en tant que fondée sur l'action en nullité pour dol qui est jugée irrecevable, la société DVI développant clairement en pages 35 et 36 de ses dernières conclusions poursuivre la réparation de son préjudice résultant des man'uvres dolosives des associés de la société Aeropilot.

Il n'appartient pas à la cour de statuer sur la réclamation de dommages et intérêts formée par M. [H] à hauteur de 50'000€ pour réparation de son préjudice moral et d'image ni sur celle qu'il chiffre à 17'236,29€ qu'il dit correspondre à la somme indûment apportée à titre de caution, ces deux prétentions n'étant pas reprises au dispositif de ses dernières conclusions, de sorte que la cour n'en est pas saisie et n'a pas à confirmer ou infirmer le jugement déféré de ce chef.

Ces considérations sur les demandes indemnitaires des appelants rendent inopérante la référence de ces derniers au manquement à l'obligation de loyauté de M. [J], [D] et [T]'; en effet, la société DVI et M. [H] ne formulent aucune demande indemnitaire sur ce fondement, se limitant à conclure': «'dans l'hypothèse où, en dépit des conclusions du rapport de l'expert, la cour rejetait l'existence d'un dol ou d'une erreur sur les qualités substantielles de l'actif investi, la cour ne pourrait que retenir a minima l'existence d'une obligation de loyauté et de bonne foi des dirigeants de la société Aeropilot envers leur associé minoritaire, la société DVI, au moment de la souscription des parts sociales' (') MM. [J], [D] et [T] ont manifestement manqué à leur obligation de loyauté envers la société DVI et envers M. [H]» .

La réclamation de dommages et intérêts de M. [D] n'a pas lieu d'être accueillie, dès lors que, d'une part, sur le fondement de la procédure abusive, l'appréciation ou la présentation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constitue pas en soi une faute caractérisant un'abus'du droit d'agir'en justice et que, d'autre part, sur le fondement du préjudice moral également allégué, il ne démontre pas l'existence et l'étendue d'un préjudice, ne pouvant pas se prévaloir du dommage subi par un tiers (M. [J] décédé en cours d'instance d'appel).

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant dans leurs prétentions, la société DIV et M. [H] supportent les dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement, ainsi que leurs frais irrépétibles et sont condamnés à verser une indemnité de procédure à MM. [T] et [D] ainsi qu'à Me [C], ès qualités.

Pour prendre en compte l'ensemble des motivations de cet arrêt, et par souci de clarté ,le jugement est infirmé en totalité, étant rappelé que n'a pas lieu d'être infirmée ou confirmée la jonction prononcée par les premiers juges, s'agissant d'une mesure d'administration judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, et par arrêt de défaut,

Déclare irrecevables les écritures datées du 27 janvier 2020 du service des Domaines, représenté par l'administrateur général des finances publiques, Directeur de la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités de curateur de la succession déclarée vacante de M. [B] [J],

Disant n'y avoir lieu à confirmer ou à infirmer le jugement déféré sur le rejet de la demande en paiement de dommages et intérêts de M. [W] [H] au titre du préjudice moral,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit irrecevable l'action de la SARL [W] [H] Investissement en nullité de la souscription à l'augmentation du capital social de la société Aeropilot en date du 29 juin 2011,

Dit irrecevable l'action de M'. [W] [H] en nullité de sa désignation au 29 décembre 2011 aux fonctions d'administrateur et de directeur général délégué de la société Aeropilot,

Déboute la SARL [W] [H] Investissement et M. [W] [H] de leur demande d'annulation de l'assemblée générale extraordinaire de la société Aeropilot du 29 décembre 2011 ayant opéré transformation de la SARL Aeropilot en SA,

Déboute la société Aeropilot de sa demande en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 302'938,29€,

Déboute M. [D] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 10'000€,

Condamne la SARL [W] [H] Investissement et M. [W] [H] à verser une indemnité de procédure de 3'000€ à M. [Y] [T], M. [F] [D] et Me [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Aeropilot (soit 3'000€ pour chacun de ces trois intimés),

Déboute la SARL [W] [H] Investissement et M. [W] [H] de leur demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, y compris en appel,

Condamne la SARL [W] [H] Investissement et M. [W] [H] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/00845
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;19.00845 ?
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