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25/05/2022 | FRANCE | N°20/00736

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 25 mai 2022, 20/00736


N° RG 20/00736

N° Portalis DBVX-V-B7E-M2RS









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 08 janvier 2020



RG : 2018j00409







Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSED'ASSURANCES

S.A. HELVETIA ASSURANCES SA

SASU FNAC LOGISTIQUE



C/



S.A. CATESSON-TRANSPORTS

Compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD

SA BMVIROLLE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON
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3ème chambre A



ARRÊT DU 25 Mai 2022







APPELANTES :



Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSED'ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON,...

N° RG 20/00736

N° Portalis DBVX-V-B7E-M2RS

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 08 janvier 2020

RG : 2018j00409

Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSED'ASSURANCES

S.A. HELVETIA ASSURANCES SA

SASU FNAC LOGISTIQUE

C/

S.A. CATESSON-TRANSPORTS

Compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD

SA BMVIROLLE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 25 Mai 2022

APPELANTES :

Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSED'ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547 et ayant pour avocat plaidant, Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Etienne VIRAPIN, avocat au barreau de LYON

Société HELVETIA ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547 et ayant pour avocat plaidant, Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Etienne VIRAPIN, avocat au barreau de LYON

SASU FNAC LOGISTIQUE

[Adresse 7]

[Adresse 11]

[Localité 9]

Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547 et ayant pour avocat plaidant, Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Etienne VIRAPIN, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

S.A. CATESSON-TRANSPORTS

[Adresse 4]

[Adresse 12]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie-Caroline BILLON-RENAUD de la SELARL RAMBAUD-BILLON-PARDI AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1891, substituée par Me Caroline PARDI-MEDAIL, avocat au barreau de LYON

Compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Marie-Caroline BILLON-RENAUD de la SELARL RAMBAUD-BILLON-PARDI AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1891, substituée par Me Caroline PARDI-MEDAIL, avocat au barreau de LYON

SA BMVIROLLE

[Adresse 2]

[Localité 14]

Représentée par Me Cécile FLANDROIS, avocat au barreau de LYON, toque : 1643 et ayant pour avocat plaidant, Me Olivier DECOUR de l'AARPI GODIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Vincent RODRIGUEZ

******

Date de clôture de l'instruction : 19 Novembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Mars 2022

Date de mise à disposition : 25 Mai 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, Marie CHATELAIN a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 18 janvier 2017, en exécution d'un contrat de prestations de services de transport la liant à la SASU Fnac Logistique (société Fnac), pour réaliser le transport de produits techniques au départ du dépôt de [Localité 13] et à destination de différents points de vente notamment à [Localité 10], la SA BM Virolle a confié le déplacement des marchandises à la SA Catesson Transports (société Catesson), avec laquelle elle avait conclu un contrat de sous-traitance.

La société Catesson a enlevé les marchandises le 18 janvier 2017 sous couvert d'une lettre de voiture n°105456. Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2017, le chauffeur a constaté que la marchandise transportée dans le véhicule semi-remorque avait été volée alors qu'il était stationné sur un site de la société BM Virolle à [Localité 14].

La SA Helvetia Assurances (RCS 339 489 379), auprès de laquelle la société Fnac a souscrit un contrat d'assurance, a mandaté la société AM Group, aux fins de réaliser une expertise amiable. Aux termes de son rapport, l'expert a évalué les préjudices résultant du vol à la somme de 35.479'€.

La SA Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances (RCS 775 753 072), société mère de la société Helvetia Assurances, a indemnisé la société Fnac, à hauteur de 33 479,33€, laissant une franchise de 2 000 € à la charge de l'assurée.

Par acte d'huissier de justice du 9 janvier 2018, les sociétés Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances et Fnac ont assigné la société Catesson et son assureur (Sompo Japan Nipponkoa Company of Europe) devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement de la somme de 33 479,33€ en principal.

Par exploit du 27 février 2018, les mêmes ont assigné devant ce tribunal la compagnie Axa France Iard ès qualité d'assureur de responsabilité de la société Catesson.

La société Catesson, par exploit d'huissier en date du 7 février 2018 a appelé la société BM Virolle en garantie.

Par voie de conclusions régularisées à l'audience du 16 novembre 2018, la société Helvetia Assurances est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 8 janvier 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

débouté la société Catesson de toutes ses demandes vis-à-vis de la société BM Virolle,

condamné la société Catesson à verser à la société Helvetia Assurances la somme de 1.238,58'€ outre intérêts de droit capitalisés à la date d'assignation, soit le 9 janvier 2018,

débouté les sociétés Helvetia de toutes leurs autres demandes,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné la société Catesson à verser à la société Helvetia Assurances la somme de 500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Catesson aux entiers dépens.

Les sociétés Helvetia Compagnie Suisse d'assurances, Helvetia Assurances et Fnac ont interjeté appel par acte du 27 janvier 2020 en ce que le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 8 janvier 2020 a :

condamné la société Catesson à verser à la société Helvetia Assurances la somme de 1.238,58'€ outre intérêts de droit capitalisés à la date d'assignation, soit le 9 janvier 2018,

débouté les sociétés Helvetia de toutes leurs autres demandes.

La société Catesson et son assureur Axa France Iard ont formé appel incident du jugement en ce qu'il a retenu la recevabilité de l'action de la Compagnie Helvetia Assurances, a débouté la société Catesson de ses demandes à l'encontre de la société BM Virolle et l'a condamnée à une indemnité de procédure.

Par conclusions du 9 juillet 2020, fondées sur les articles 1346-1 du code civil et subsidiairement l'article L.121-12 du code des assurances, sur les articles L.133-1 et L.133-8 du code de commerce, ainsi que sur l'article 126 du code de procédure civile, les sociétés Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, Helvetia Assurance et Fnac Logistique demandent à la cour de :

confirmer le jugement qui a admis la recevabilité de la compagnie Helvetia,

juger recevable l'action de Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances au titre de la subrogation conventionnelle de l'article 1346-1 du code civil,

juger également recevable à agir la société Helvetia Assurances sur le fondement de la subrogation légale de l'article L.121-12 du code des assurances, intervenant volontairement en tant que de besoin,

réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

juger la société Catesson responsable du vol des marchandises Fnac intervenu dans la nuit du 19 janvier 2017 dans la semi-remorque lui appartenant, immatriculée CH480VP, dépourvue de mesures de sécurisation,

juger que la société Catesson a commis une faute inexcusable au sens de l'article L.133-8 du code de commerce,

condamner solidairement la société Catesson et son assureur Axa France Iard à payer à la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, ou à défaut à la société Helvetia Assurances, les sommes de :

33.479,33'€ au titre de la perte des marchandises en cours de transport,

les intérêts de droit capitalisés à compter de l'assignation,

8.000'€ sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,

condamner solidairement la société Catesson et son assureur Axa France Iard à payer à la société Fnac une somme de 2.000'€ au titre de son préjudice resté à charge,

condamner les mêmes, sous la même solidarité, aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Par conclusions du 8 septembre 2020, fondées sur l'article L.133-8 du code de commerce, la société Catesson et la compagnie Axa France Iard demandent à la cour de':

déclarer mal fondées les sociétés Fnac, Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances et Helvetia Assurances en leur appel et mal fondée la société BM Virolle en sa demande de réformation sur l'indemnité de procédure,

les déclarer recevables et bien fondées en leur appel incident,

y faisant droit,

infirmer le jugement rendu le 8 janvier 2020 en ce qu'il a retenu la recevabilité de l'action de la compagnie Helvetia Assurances, débouté la société Catesson de ses demandes à l'encontre de la société BM Virolle et a condamné la société Catesson au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

déclarer irrecevable l'action engagée à la requête de Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances et l'en débouter,

déclarer irrecevable car prescrite la Compagnie Helvetia Assurances dans son intervention volontaire, ses demandes, fins et conclusions,

débouter les sociétés Fnac, Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, Helvetia Assurances et BM Virolle de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce compris leurs demandes formulées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,

juger que la faute de BM Virolle, commissionnaire de transport et donneur d'ordre de Catesson Transports exonère cette dernière de toute responsabilité et subsidiairement ordonner un partage de responsabilité,

condamner le cas échéant BM Virolle à les relever et les garantir des condamnations éventuellement prononcées à leur encontre,

subsidiairement, confirmer le jugement rendu en ce qu'il a écarté la faute inexcusable et retenu l'application des limites de responsabilité du contrat type général,

juger la société Catesson recevable et fondée à opposer les limites conventionnelles et légales d'indemnités s'élevant à 1.238,58'€,

juger que la compagnie Axa France ne peut être tenue au-delà de ses conditions de garantie,

condamner enfin in solidum les sociétés Fnac, Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, Helvetia Assurances et / ou BM Virolle en tous les dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Christophe Rambaud, SELARL Rambaud-Billon-Pardi avocat, sur son affirmation de droits, outre le paiement d'une somme de 3.000'€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 5 août 2020, fondées sur les articles D.1432-3 du code des transports et 700 du code de procédure civile, la société BM Virolle demande à la cour de':

juger la société Fnac et les compagnies Helvetia Compagne Suisse d'Assurances et Helvetia Assurances recevables mais mal fondées en leur appel, les en débouter,

juger la société Catesson et la compagnie Axa France Iard recevables mais mal fondées en leur appel incident, les en débouter,

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Catesson et la compagnie Axa France Iard de toutes ses demandes vis-à-vis d'elle et en ce qu'il a condamné la société Catesson aux dépens,

réparer une omission de statuer sur l'indemnité de procédure qu'elle a sollicité et réformer le jugement en condamnant la société Catesson à lui payer la somme de 5.000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

y ajoutant :

condamner in solidum la société Fnac, les compagnies Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, Helvetia Assurances, la société Catesson et la compagnie Axa France Iard à lui payer la somme de 8.000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

condamner in solidum la société Fnac, les compagnies Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, Helvetia Assurances, la société Catesson et la compagnie Axa France Iard aux entiers dépens d'appel,

dans l'hypothèse où par impossible la Cour ferait droit à l'appel incident de la société Catesson et de la compagnie Axa France Iard tendant à critiquer la recevabilité de l'action des appelantes principales :

juger que le rejet des demandes des appelantes principales rend sans objet, à hauteur de son montant, le recours en garantie formé contre elle par la société Catesson et par la compagnie Axa France Iard,

juger, en conséquence, la société Catesson et la compagnie Axa France Iard mal fondées en leurs demandes dirigées à son encontre,

les en débouter,

condamner in solidum la société Catesson et la compagnie Axa France Iard à lui payer la somme de 8.000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

condamner in solidum la société Catesson et la compagnie Axa France Iard aux entiers dépens d'appel,

dans l'hypothèse où par impossible la Cour ferait droit à l'appel incident de la société Catesson Transports et de la compagnie Axa France Iard tendant à soutenir que la faute de la société BM Virolle, alléguée par elle, permettrait d'exonérer la société Catesson de sa responsabilité, en tout ou partie :

juger que cette exonération rendrait également sans objet l'appel en garantie diligenté par la société Catesson et la compagnie Axa France Iard à son encontre puisque les appelantes ne l'ont pas assignée directement et ne formulent aucune demande contre elle,

juger, en conséquence, la société Catesson et la compagnie Axa France Iard mal fondées en leurs demandes dirigées à son encontre,

les débouter,

condamner in solidum la société Catesson et la compagnie Axa France Iard à lui payer la somme de 8.000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

condamner in solidum la société Catesson et la compagnie Axa France Iard aux entiers dépens d'appel,

dans l'hypothèse où par impossible la Cour ferait droit à l'appel incident de la société Catesson et de compagnie Axa France Iard sur leur demande de garantie dirigée contre elle :

confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Catesson est en droit de se prévaloir d'une limitation de responsabilité à hauteur de 1.238,58'€ (88,47 kg x 14 €) en application du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 applicable à l'époque des faits,

à défaut d'application de cette limitation de responsabilité, dire et juger que sa responsabilité personnelle ne saurait excéder les limitations de responsabilité prévues par le contrat type de commission de transport publié en annexe à l'article D1432-3 du code des transports, soit 1.769,40'€ (20 € x 88,47 kg),

débouter la société Catesson et la compagnie Axa France Iard du surplus de leurs demandes dirigées contre elle,

condamner in solidum la société Catesson et la compagnie Axa France Iard à lui payer la somme de 8.000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

condamner in solidum la société Catesson et la compagnie Axa France Iard aux entiers dépens d'appel.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 novembre 2020.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action de la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances

La société Catesson soulève l'irrecevabilité à agir de la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances en faisant valoir que la police d'assurance de la société Fnac n'a pas été souscrite auprès de cette dernière, mais de la société Helvetia Assurances, personnalité morale distincte. Elle tire comme conséquence que la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances n'étant pas l'assureur, elle n'est pas recevable à agir.

La société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances réplique que son action est recevable sur le fondement de la subrogation conventionnelle, la société Helvetia Assurances disposant quant à elle d'une subrogation légale.

A juste titre.

L'article 1346-1 code civil dispose ainsi que «'la subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.

Cette subrogation doit être expresse.

Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n'ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens.»'

En l'espèce la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances a indemnisé le société Fnac à la suite du vol survenu à [Localité 14] le 19 janvier 2017 et verse aux débats une quittance d'indemnité pour la somme de 33 479,33 € signée par la société Fnac à son profit le 28 décembre 2017, la «'subrogeant dans tous [les] droits et actions contre tous les tiers dont la responsabilité est ou viendrait à être établie dans cette affaire'», concomitante avec la date de réception du chèque de ce montant libellé à l'ordre de la société Fnac, tel qu'il résulte de l'avis de réception du courrier recommandé l'accompagnant.

Subrogée conventionnellement dans les droits de la société Fnac en application des dispositions de cet article, la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances a donc qualité pour agir à l'encontre de la société Catesson et l'assureur de cette dernière en indemnisation du préjudice résultant du vol survenu le 19 janvier 2017.

C'est en vain que la société Catesson prétend que la subrogation conventionnelle ne peut utilement être invoquée, en faisant valoir que le mandat réciproque de règlement des sinistres existant entre les sociétés Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances et Helvetia Assurances n'est ni daté ni signé et qu'il est limité au règlement des sinistres et non aux recours qui doivent être exercés par la société porteuse du risque en exécution du contrat d'assurance qui est ici Helvetia Assurances SA.

En effet, ce mandat est dépourvu de tout effet s'agissant de la subrogation conventionnelle opérée entre la société Fnac et la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances dont il vient d'être démontré qu'elle répondait aux exigences de l'article 1346-1 du code civil précité.

C'est donc à la faveur de motifs erronés que les premiers juges ont dit que la société Helvetia Assurances avait seule droit à agir, sans pour autant reprendre cette décision au dispositif de leur jugement, ce qui s'analyse en une omission de statuer. Remédiant à celle-ci et infirmant lesdits motifs, il est dit que la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances est recevable à agir sur le fondement de la subrogation conventionnelle.

Il n'y a pas lieu de statuer plus avant sur la recevabilité de l'action de la société Helvetia Assurances soutenue surabondamment sur le fondement de la subrogation légale de l'article L. 121-12 du code des assurances en vertu du mandat réciproque de règlement précité, intervenue volontairement à l'instance, dont les premiers juges ont retenu à bon droit qu'elle était recevable comme non prescrite, sauf à dire par motifs ajoutés que cette non-prescription résulte également de l'effet interruptif du délai de prescription de l'assignation délivrée par la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances dont elle est la filiale à 100%, et à énoncer la recevabilité de l'action de la société Helvetia Assurances sur le fondement de la subrogation légale, les premiers juges ayant également omis ce point dans le dispositif de leur décision.

Sur le fond

Les appelantes font grief aux premiers juges d'avoir jugé que la société Catesson n'avait pas commis de faute inexcusable, les critères n'en étant pas établis, et d'avoir, en conséquence, limité l'indemnisation du préjudice subi à la suite du vol des marchandises.

Elles font valoir que la faute inexcusable du transporteur est caractérisée car la remorque était dépourvue de cadenas sur la porte arrière, ce qui a permis un vol sans effraction, de tout système de sécurité sur pivot d'attelage, et soulignent que les bâches n'étaient pas armées, ces faits constituant une violation flagrante des mesures de sécurisation imposées contractuellement par le contrat liant les sociétés BM Virolle et Catesson. Alors que de précédents vols avaient eu lieu, ce comportement démontre selon elles une faute délibérée, la conscience de la probabilité du danger et son acceptation téméraire sans raison valable. Elles ajoutent que le stationnement de la remorque sur un site de la société BM Virolle n'exonère pas la société Catesson, le contrat la liant à la société Fnac prévoyant que le transporteur est seul responsable.

La société Catesson et son assureur répliquent que la présomption de responsabilité du transporteur pesant sur la société Catesson doit être écartée en raison des fautes commises par la société BM Virolles, commissionnaire, laquelle, en imposant le stationnement du véhicule sur son site insuffisamment sécurisé est devenu dépositaire et a manqué aux obligations lui incombant en cette qualité et en tout état de cause, engage sa responsabilité sur un fondement quasi délictuel. Ils font ainsi valoir d'une part qu'il ressort du rapport d'expertise établi par M. [Y] que le site n'était pas parfaitement protégé et que les dispositions en cas d'intrusion étaient insuffisantes à le sécuriser et d'autre part, que la société Catesson, n'a pas été alertée du déclenchement de l'alarme sur les barrières périphériques.

Ils concluent que ces fautes exonèrent le transporteur de sa responsabilité et à tout le moins justifient subsidiairement un partage de responsabilité et un appel en garantie pour les condamnations pouvant être prononcées à leur encontre.

Subsidiairement, ils soutiennent que les manquements aux consignes de sécurité ne sont pas de nature à justifier une faute inexcusable, qu'il n'est pas démontré que l'absence de cadenas constitue une faute délibérée du transporteur dès lors qu'elle n'a pas été signalée par le gardien du site de l'expéditeur Fnac à qui il appartenait de s'assurer de sa présence, et que l'absence de mise en 'uvre de pivot d'attelage est dépourvu de tout lien de causalité avec le vol. La conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable font également défaut selon eux alors que la société Catesson s'est conformée aux instructions de son donneur d'ordre, en stationnant la remorque sur le site sécurisé de celui-ci et alors qu'elle n'a pas été informée du déclenchement d'une alarme anti-intrusion à 01h05. L'absence de vérification par le chauffeur de la fermeture des portes arrières au départ du site de stationnement est indifférent pour les intimés dès lors que cette négligence est postérieure au vol et donc sans lien de causalité.

La faute personnelle du commissionnaire de transport s'entend de la faute commise par celui-ci dans le cadre de l'exécution des obligations contractuelles qui lui sont propres tenant à l'organisation du transport, et d'une faute détachable des obligations du voiturier, cette faute devant être par ailleurs à l'origine de l'avarie ou de la perte des marchandises.

Selon l'article L. 133-1 du code de commerce, le transporteur est présumé responsable des pertes et avaries survenues au cours du transport.

De fait, la société Catesson n'établit pas de manquements de la société BM Virolle dans l'exécution de l'organisation du transport qui soit à l'origine du dommage et qui conduirait à imputer à celle-ci l'entière responsabilité de la perte des marchandises et par suite à écarter la présomption de responsabilité du transporteur.

En effet, si la société Catesson a stationné le véhicule transportant les marchandises sur un site de la société BM Virolle à [Localité 14], rien n'établit que ce stationnement lui ait été imposé par cette dernière. Le courriel daté du 20 décembre 2016, sur lequel la société Catesson fonde cette affirmation contraire se borne à énoncer les modalités pratiques selon lesquelles les remorques "Catesson Fnac" doivent se présenter sur ce site et à préciser leur emplacement. La rédaction de ce courriel ne permet aucunement de déduire que cette pratique résulte d'une obligation faite au transporteur par le commissionnaire plutôt que d'un accord passé entre ces derniers.

Il en résulte que le stationnement du véhicule sur ce site ne met pas à la charge de la société BM Virolle d'autres obligations que celles résultant du contrat de sous-traitance conclu entre ces parties de sorte que la société Catesson n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité en qualité de dépositaire.

Les différents manquements relevés par la société Catesson qui reproche à la société BM Virolle d'avoir failli à la sécurisation du site de [Localité 14] sont dépourvus de caractère contractuel, le contrat conclu entre ces deux parties ne mettant aucune obligation de sécurité à la charge du commissionnaire, mais stipulant au contraire en son article 1.3 «Le transporteur s'engage à mettre en 'uvre les moyens et services nécessaires pour assurer la complète réalisation, sous sa propre responsabilité, des prestations de transport qui lui sont confiées par le commissionnaire» et en son article 3.3 « Le transporteur prendra toute précaution en vue de garantir la sécurité, la bonne préservation des colis et marchandises confiés et mettra en 'uvre tous les moyens nécessaires à cette fin ».

La société Catesson ne parvient pas plus à démontrer l'existence d'une faute quasi délictuelle de la société BM Virolle à l'origine du dommage. Il résulte ainsi des deux rapports d'expertises amiables versés aux débats qu'à la suite des déclenchements d'alarme, à 01h04, 04h19 et 09h15, le chef de quai présent sur les lieux est sorti et n'a rien constaté d'anormal. Il n'est au surplus pas démontré de lien de causalité directe et certain entre le déclenchement de ces alarmes et le vol, l'exploitation de la vidéosurveillance n'ayant permis de constater aucun déplacement suspect. Les circonstances du vol n'ayant pu être déterminées avec certitude, l'absence de signalement à la société Catesson du déclenchement des alarmes ne peut être rattachée de manière certaine et directe à la survenance du vol.

En l'absence de faute personnelle démontrée du commissionnaire, la demande de la société Catesson visant à être exonérée de sa responsabilité de transporteur ou à un partage de responsabilité ne peut donc prospérer.

S'agissant de la faute inexcusable reprochée à la société Catesson, aux termes de l'article L.133-8 du code de commerce texte d'ordre public d'interprétation stricte,«est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable».

Il n'est pas discuté en l'espèce que la remorque était dépourvue de cadenas sur la porte arrière et de tout système de sécurité sur pivot d'attelage alors que le respect de ces mesures est prévu par le contrat de sous-traitance conclu entre les sociétés BM Virolle et Catesson qui reprennent les mesures imposées à la société BM Virolle dans le contrat la liant à la société Fnac avec obligation de les faire respecter à ses sous-traitants.

Il résulte des rapports d'expertise établis par la société AM group, mandatée par la société Helvetia Assurances en qualité d'assureur de la société Fnac et par le cabinet Vincent [Y], mandaté par les assureurs de la société Catesson, que le site de la société BM Virolle était clôturé, placé sous alarme périphérique en fonctionnement 24 h/24h, pourvu de barrières infrarouges et équipé d'un système d'éclairage ; que la remorque, qui était plombée, a été stationnée à 37 cm du quai dont la plaque était relevée pour combler cet espace suite à des vols précédents et que ce dispositif a été démonté par les auteurs du vol. Le quai était par ailleurs était placé sous vidéo surveillance. Il résulte également que l'alarme anti-intrusion s'est déclenchée à deux reprises, à 01h04 et 04h19, sans que le conducteur, qui y a stationné le véhicule de 20h12 à 0h45 puis de 1h49 à 4h20, n'en ait été informé.

En l'état de ces éléments, la société Catesson n'a pas commis une faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité qu'un dommage résulterait probablement de son comportement, c'est-à-dire qu'elle avait conscience de la relative prévisibilité de la survenance d'un vol en raison des circonstances, étant rappelé que la conscience de la probabilité d'un dommage ne se confond pas avec la connaissance du risque de vol, ce risque s'étant déjà réalisé au préjudice de la société Fnac.

Ensuite, la société Catesson n'a pas accepté de façon téméraire le dommage, l'acception d'acceptation téméraire étant d'un degré supérieur à celle d'une prise de risque délibérée, alors même qu'elle a stationné son véhicule pour une courte durée, dans un site fermé et sécurisé de la société BM Virolle, conformément à un accord, et non une obligation imposée par cette dernière comme elle le soutient à tort, site dont les mesures de sécurité avaient été renforcées par la mise en place d'un dispositif restreignant l'accès à la remorque au niveau du quai.

Compte tenu de ces conditions de stationnement, l'absence de pose du cadenas n'impliquait pas l'acceptation téméraire de la probabilité du dommage.

Enfin, l'absence d'antivol sur le pivot d'attelage, et d'armement des bâches sont dépourvues de lien de causalité avec le vol compte tenu du mode opératoire puisque les voleurs, après avoir déboulonné le système de sécurité installé par le site de la société BM Virolle, ont fait sauté les plombs des portes de la remorque.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a retenu l'absence de faute inexcusable commise par la société Catesson.

Sans plus ample discussion, l'absence de faute personnelle du commissionnaire conduit à débouter la société Catesson et son assureur de leurs demandes à l'encontre du commissionnaire BM Virolle'; l'absence de faute inexcusable du voiturier conduit quant à elle à débouter les appelantes de leur demande d'indemnisation intégrale du dommage en faisant application des limitations légales au contrat type transports routiers dont il résulte que l'indemnisation applicable au cas d'espèce, non contestée en tant que telle par les parties, s'élève à 14€ par kg, soit la somme de 1 238,58€ (14€ x 88,47 kg).

Le jugement déféré est donc confirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes

La société BM Virolle fait valoir à juste titre que le premier juge a omis de statuer sur sa demande d'indemnité de procédure au dispositif de sa décision.

Toutefois, la société Catesson ayant légitimement appelé en garantie la société BM Virolle en sa qualité de commissionnaire de transport, il n'y a pas lieu de condamner la première à verser une indemnité de procédure à la seconde, aussi bien en première instance qu'en appel.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Catesson aux dépens de première instance et au paiement d'une indemnité de procédure au bénéfice de la société Helvetia Assurances dont elle est la débitrice.

Succombant en leur recours, les sociétés Fnac et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances doivent supporter les dépens d'appel comme les frais irrépétibles qu'elles ont exposés devant la cour.

En équité, les autres parties conservent également les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf à constater l'omission de statuer au dispositif sur la recevabilité des actions de la SA Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances et de la SA Helvetia Assurances et sur la demande de frais irrépétibles de la SA BM Virolle,

Statuant sur ces omissions et ajoutant,

Déclare recevable l'action de la SA Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances au titre de la subrogation conventionnelle,

Déclare recevable l'action de la SA Helvetia Assurances au titre de la subrogation légale,

Déboute la SA BM Virolle de sa demande d'indemnité de procédure en première instance et en appel,

Déboute la SA Catesson Transport et la Compagnie Axa France Iard de leur demande d'indemnité de procédure en appel,

Déboute la SASU Fnac Logistique, la SA Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances et la SA Helvetia Assurances de leur demande d'indemnité de procédure en appel,

Condamne in solidum la SASU Fnac Logistique, la SA Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances et SA Helvetia Assurances aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/00736
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;20.00736 ?
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