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25/05/2022 | FRANCE | N°19/04913

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 25 mai 2022, 19/04913


N° RG 19/04913

N° Portalis DBVX-V-B7D-MPKZ









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 04 juin 2019



RG : 2017j01831







[S]



C/



[R]

[V]

[M]

SAS ALICE MANAGEMENT

SAS MAURICE

SAS EXPONENTIEL





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 25 Mai 2022







APPELANT :





M. [Y] [S]

né le 8 juillet 1957 à [Localité 6] (75)

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représenté par Me Stéphanie LE GUILLOUS de la SARL STEPHANIE LE GUILLOUS AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 519 et ayant pour avocat plaidant, Me Agathe NIEZABYTOWSKI, avocat au barreau de...

N° RG 19/04913

N° Portalis DBVX-V-B7D-MPKZ

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 04 juin 2019

RG : 2017j01831

[S]

C/

[R]

[V]

[M]

SAS ALICE MANAGEMENT

SAS MAURICE

SAS EXPONENTIEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 25 Mai 2022

APPELANT :

M. [Y] [S]

né le 8 juillet 1957 à [Localité 6] (75)

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Stéphanie LE GUILLOUS de la SARL STEPHANIE LE GUILLOUS AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 519 et ayant pour avocat plaidant, Me Agathe NIEZABYTOWSKI, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

M. [E] [R]

né le 30 juillet 1953 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Claire PANTHOU de la SELARL ZADIG AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1688

M. [D] [V]

né le 29 juillet 1950 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Claire PANTHOU de la SELARL ZADIG AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1688

Mme [H] [M]

née le 20 septembre 1955 à [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Claire PANTHOU de la SELARL ZADIG AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1688

SAS ALICE MANAGEMENT

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Claire PANTHOU de la SELARL ZADIG AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1688

SAS MAURICE

[Adresse 8]

[Localité 7]

Défaillante

SAS EXPONENTIEL

[Adresse 8]

[Localité 7]

Défaillante

******

Date de clôture de l'instruction : 19 Novembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Mars 2022

Date de mise à disposition : 25 Mai 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, Raphaële FAIVRE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt par défaut rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

En novembre 2008, la SAS Exponentiel, spécialisée dans le conseil aux entreprises et détenue à 95% par la SAS Alice Management, détenue elle-même par M. [E] [R] à 49,87%, par M. [D] [V] à 50,13% et par Mme [H] [M] à 5%, a souhaité élargir ses prestations en proposant des missions d'optimisation.

M. [R] et M. [V] ont souhaité intégrer de nouveaux associés pouvant développer cette nouvelle offre et M. [J], M. [F] ainsi que M. [S], salariés de la société Exponentiels en qualité de consultants, se sont montrés intéressés.

Le 28 novembre 2008 un protocole d'accord a été signé entre la société Alice Management d'une part et Mme [M] , M. [S] , M. [F] et M. [J] d'autre part, prévoyant':

la constitution de la société Maurice au capital de 803.000 euros ainsi composé':

la société Alice Management détenant 36.800 actions soit 45,83%, par un apport de 64 actions de la société Exponentiel,

Mme [M] détenant 11.500 actions, soit 14,32%, par un apport de la totalité de ses 20 actions de la société Exponentiel,

M. [S] détenant 16.000 actions, soit 19,93%, par un apport en numéraire de 160.000 euros,

M. [F] détenant 12.000 actions, soit 14.94%, par un apport en numéraire de 120.000 euros,

M. [J] détenant 4.000 actions, soit 4,98%, par un apport en numéraire de 40.000 euros.

l'acquisition par la société Maurice de 316 actions de la société Exponentiel au prix de 1.817.000 euros.

Le même jour, la société Alice Management, M. [R] et M. [V] désignés ensemble «'le groupe historique'», ont régularisé avec M. [S], M. [J], Mme [M] et M. [F] désignés ensemble «'le groupe de reprise'», un pacte d'associé prévoyant une reprise progressive de la société Maurice par M. [S], M. [F], M. [J] et Mme [M] selon les modalités suivantes:

- la promesse de cession par la société Alice Management à M. [J] de 4.015 actions de la société Maurice (article 2 du pacte),

- une clause de liquidité (article 5 du pacte) par laquelle M. [V] et M. [R] désignés comme «'le groupe historique'» déclarent leur intention d'obtenir la liquidité de leur participation dans la société à l'issue d'un délai de 7 ans et 3 mois à compter du 1er janvier 2009, à travers toute opération ayant recueilli l'accord préalable du groupe de reprise (opération avec effet de levier, introduction en bourse, réduction de capital, cession industrielle à un tiers...), permettant au groupe historique de céder l'intégralité de ces titres.

Le 1er mars 2009, M. [F] a cédé ses parts à la société Alice Management, portant la participation de cette dernière dans la société Maurice à 45,83 %.

M. [J] a quitté son emploi au sein de la société Exponentiel au mois de juillet 2012.

M. [S] a également quitté son poste au sein de la société Exponentiel en 2009 pour créer sa propre entreprise. Il a été à nouveau salarié de la société Exponentiel entre 2012 et septembre 2014.

Le 21 novembre 2014, à la suite de difficultés financières, 100% des titres de la société Exponentiel ont été cédés à la société Business Connected Consulting et Ashton Consulting.

Le 1er août 2017, la société Maurice a été dissoute après clôture des opérations de partage selon assemblée générale du 30 juin 2017.

Par acte d'huissier de justice du 23 octobre 2017, M. [S] a fait assigner Mme [M], M. [R] et M. [V] ainsi que la société Alice Management, la société Maurice et la société Exponentiel en responsabilité.

Par jugement du 4 juin 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

déclaré irrecevable, car prescrite, l'action engagée par M. [S],

rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Alice Management, M. [V], M. [R] et Mme [M],

condamné M. [S] à payer à la société Alice Management, à M. [V], à M. [R] et à Mme [M], chacun la somme de 500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit qu'il n'y a pas lieu à l'exécution provisoire de la présente décision,

condamné M. [S] aux dépens de l'instance.

M. [S] a interjeté appel par acte du 11 juillet 2019 en ce que le jugement a déclaré irrecevable, car prescrite, son action.

Par conclusions du 25 mai 2020, fondées sur les articles 1111-1, 1134, 1146, 1147, 1282 et 2224 du code civil, ainsi que sur le protocole d'accord du 28 novembre 2008 et le pacte d'associés du 28 novembre 2008, M. [S] demande à la cour de :

infirmer le jugement en ce qu'il a'déclaré irrecevable, car prescrite, l'action qu'il a engagé,

et statuant à nouveau :

le déclarer recevable en ses demandes, le déclarer bien-fondé,

lui donner acte de ce qu'il n'a formé aucune demande de quelque nature que ce soit à l'encontre de la société Exponentiel,

juger que la société Alice Management, M. [R], M. [V], Mme [M] n'ont pas exécuté leurs obligations contractuelles, en violation flagrante du pacte d'associés du 28 novembre 2008, en l'espèce, pour défaut de loyauté, pour avoir refusé de céder 5% des titres à M. [J], pour violation de la clause de liquidité, et pour avoir cédé la société Exponentiel à l'insu du Groupe de reprise, et notamment à son insu, et avoir procédé à la dissolution amiable de la société Maurice,

juger que les votes de la société Alice Management, de M. [R], de M. [V] et de Mme [M], comme contraires à l'intérêt social de la société Maurice, en l'espèce pour avoir notamment cédé la société Exponentiel aux sociétés BC Consulting et Aston Consulting, et pour avoir procédé à la dissolution amiable de la société Maurice, en violation de l'objet du Pacte d'associés, et favorisé la majorité au détriment des autres actionnaires ; les déclarer abusifs,

constater la mauvaise foi patente de la société Alice Management, de M. [R], de M. [V] et de Mme [M] du fait de l'inexécution des clauses contractuelles du pacte d'associés du 28 novembre 2008,

et, par voie de conséquence :

prononcer la résolution du pacte d'associés du 28 novembre 2008,

voir condamner solidairement la société Alice Management, M. [R], M.'[V] et Mme [M], à lui payer la somme de 400.000'euros au titre du préjudice matériel subi, correspondant au remboursement de l'emprunt souscrit (160.000 euros) et la perte de salaire (240.000'euros),

voir condamner solidairement la société Alice Management, M. [R], M. [V] et Mme [M] à lui payer la somme de 100.000'euros au titre du préjudice moral subi,

voir condamner solidairement la société Alice Management, M. [R], M. [V] et Mme [M], à lui payer la somme de 10.000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement la société Alice Management, M. [R], M. [V] et Mme [M] aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 10 décembre 2019, fondées sur les articles 2224 et 1231-1 et suivants du code civil, M. [R], M. [V], Mme [M] et la société Alice Management demandent à la cour de':

confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevable car prescrite l'action en responsabilité introduite par M. [S],

à titre subsidiaire :

débouter M. [S] de toutes ses demandes,

en tout état de cause :

infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

et statuant à nouveau :

condamner M. [S] à leur verser à titre de dommages et intérêts la somme de 10.000'euros chacun,

en tout état de cause :

condamner M. [S] à leur verser la somme supplémentaire de 4.000'euros en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [S] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Claire Panthou.

La société Exponentiel et la société Maurice, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée respectivement à personne habilitée par acte du 11 septembre 2019 et à étude d'huissier par acte du 13 septembre 2019, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de relever que bien qu'ayant intimé la société Maurice et la société Exponentiel, M. [S] ne formule aucune demande contre elles dans le cadre de la présente instance.

Les demandes de «'donner acte'» n'étant pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, la cour n'est pas tenue d'y répondre.

Par ailleurs, le pacte d'associé ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, il demeure soumis à la loi ancienne.

Sur la recevabilité de l'action engagée par M. [S]

Conformément à l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de ces dispositions, la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, M. [S] sollicite indemnisation de ses dommages matériels et moraux résultant de l'impossibilité de se porter acquéreur de la société Maurice, détentrice de 100% des titres de la société Exponentiel, du fait de la cession de cette dernière, le 21 novembre 2014, aux sociétés Business Connected Consulting et Ashton Consulting, dont il soutient qu'elle est intervenue en violation du pacte d'associé régularisé le 28 novembre 2008 entre d'une part, la société Alice Management, M. [R] et M. [V] désignés comme «'le groupe historique'», et d'autre part, M. [S], M. [J], Mme [M] et M. [F] désignés comme «'le groupe de reprise'», prévoyant une transmission des titres de la société Exponentiel à travers une cession progressive par les premiers aux seconds de leurs participations dans la société Maurice.

Au soutien de leur moyen de prescription de l'action, les intimées font valoir que les préjudices allégués par M. [S], tenant à son apport en numéraire à la société Maurice, à la réduction de son salaire et à son engagement de caution en garantie des sommes empruntées par la société Maurice pour le rachat d'une partie des titres de la société Exponentiel, sont intervenus en 2008, 2010 et 2012, soit plus de 5 ans avant l'assignation délivrée à leur encontre le 23 octobre 2017.

Toutefois, M. [S] expose avec raison, que les dommages résultant de la violation du pacte de préférence, ne sont survenus que le 21 novembre 2014, date à laquelle la société Exponentiel a été cédée à des tiers, mettant ainsi à néant toute possibilité pour lui d'en devenir propriétaire à travers l'acquisition des titres de la société Maurice, société mère. En conséquence, à la date de l'assignation délivrée par M. [S] à l'encontre de la société Alice Management, de M. [R], de M. [V], de Mme [M], de la société Maurice et de la société Exponentiel le 23 novembre 2017, le délai de prescription de cinq ans de l'action en responsabilité contractuelle, qui a commencé à courir le 21 novembre 2014, n'était pas expiré. Le moyen de prescription ne saurait donc prospérer et le jugement déféré doit être infirmé, comme ayant dit irrecevable car prescrite l'action de M. [S].

Sur la violation du pacte d'associés et sur sa résolution

Conformément à l'article 1134 ancien du code civil, applicable en la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En outre, en application de l'article 1147 ancien du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'engagement de la responsabilité du cocontractant est subordonné à la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre le manquement et le dommage invoqué.

En l'espèce M. [S] se prévaut de la violation par les intimés du pacte d'associé en ce que ceux-ci ont méconnu son article 2 aux termes duquel M. [V] et M. [R], agissant au nom et pour le compte de la société Alice Management, dont ils se portent fort, promettent de céder à compter du 1er janvier 2010 à M. [J], 4 015 actions de la société Maurice, soit 5 % du capital social.

Il résulte cependant des pièces du dossier que la société Alice Management a effectivement opéré plusieurs cessions de parts au profit de M. [J]. Elle a d'abord cédé à M. [J] 4'030 de ses actions de la société Maurice comme en atteste le certificat de mouvement daté du 8 décembre 2010, corroboré par le procès-verbal d'assemblée générale de la société du même jour agréant la cession et par le certificat d'enregistrement daté et signé également du même jour.

Par ailleurs, l'ordre de virement du 15 décembre 2011 portant sur la cession de 4'015 titres supplémentaires de la société Maurice à M. [J] constitue un commencement de preuve par écrit, qui se trouve corroboré par les feuilles de comptes associés, dont le seul fait qu'elles soient constituées de manière manuscrite ne suffit pas à écarter la valeur probante, alors que l'évolution des quote-part de propriété de parts sociales de M. [J] qui y figurent correspondent en tous points à celles mentionnées sur les feuilles de présence des procès verbaux d'assemblées générales du 8 décembre 2010, du 27 juin 2011 et du 14 mai 2012 signées par chaque associé, lesquelles, en parfaite cohérence avec les ordres de virement, font état de la détention par celui-ci de 4'000 parts à la création de la société, puis de 8 030 parts et enfin de 12'045 parts.

Enfin, les feuilles de présence des assemblées générales dont se prévaut l'appelante ne sont pas de nature à administrer la preuve contraire alors que celle du 15 juin 2009 qui fait mention de 4 000 parts détenues par M. [J] est antérieure aux cessions précitées, que celle du 5 décembre 2014 est amputée de sa feuille de présence et que celle du 21 novembre 2014 fait état de la détention par M. [J] de 4000 actions, en conformité avec la rétrocession ultérieure faite le 31 octobre 2013 par celui-ci à la société Alice Management de 8045 de ses parts et dont la réalité n'est pas contestée par M. [S].

M. [S] fait ensuite grief aux intimés d'avoir mis en échec le pacte d'associés en provoquant le départ de M. [F] de son poste de salarié de la société Exponentiel et en rachetant ses actions représentant 15 % de la société Maurice, au détriment «'du groupe des repreneurs'». Il est néanmoins observé que le témoignage de ce dernier faisant état de «'la pression insupportable'» subi de la part de M. [V], M. [R] et Mme [M] pour lui faire quitter l'entreprise n'est corroboré par aucun élément du dossier attestant de ce qu'il a été contraint au départ, laquelle affirmation est fermement contestée par les intimés.

La mise en échec par les intimés du rachat par les membres du «'groupe des repreneurs'» des titres de la société Maurice détenus par M. [F] n'est pas davantage établie, alors d'une part qu'il n'est ni allégué, ni à fortiori démontré l'existence d'une offre de rachat en ce sens et alors, d'autre part, que selon courriel adressé à Mme [M], M. [V], M. [R] et M. [J] le 11 mars 2009, M. [S] indiquait ne pas être candidat au rachat, dans les termes suivants: «'concernant la reprise des parts de RL, je réaffirme et je précise ma position': je suis favorable à ce que chacun d'entre nous en reprenne sa quote-part, sinon, je ne suis pas d'accord d'en racheter'».

M. [S] ne justifie pas davantage de l'exercice par le groupe de reprise de son droit d'acquisition le 31 juillet de chaque année, notamment, par la production d'une notification en ce sens au groupe historique dans les conditions et selon les modalités fixées à l'article 5 du pacte d'associé relatif à la clause de liquidité, étant relevé que les intimés soutiennent qu'aucune demande n'a jamais été formulée en ce sens. Dans ces conditions, M'. [S], sur qui pèse la charge de rapporter la preuve de la violation de la clause de liquidité, échoue dans cette démonstration.

M. [S] allègue encore, sans toutefois aucune offre de preuve que Mme [M] s'est comportée de manière déloyale en votant systématiquement aux assemblée générales de la société Maurice dans le sens du «'groupe historique'» au détriment du «'groupe de reprise'» en violation du pacte d'associés, de sorte qu'il convient de relever, sans plus ample discussion, que la preuve d'un tel manquement n'est pas administrée.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'appelant, le rejet à la majorité des voix de la résolution soumise à l'assemblée des associés le 15 juin 2009 tendant à voir «'constater l'existence d'un désaccord entre [Y] [S] et le groupe historique'», ne caractérise pas une violation de l'article 5b du pacte d'associés stipulant une clause de sortie liée à un désaccord entre les signataires. En effet, cette délibération ne constitue nullement une mise en 'uvre de ladite clause par l'appelant alors que celui-ci n'allègue ni à fortiori ne démontre avoir accompagné sa proposition de résolution d'une lettre recommandée avec accusé de réception faisant connaître ses intentions, et le cas échéant comportant demande de rachat de ses parts, comme prescrit par l'article 5b dudit pacte. D'autre part, le vote de rejet de cette délibération, ne constitue que l'expression du fait majoritaire en droit des sociétés, insusceptible à ce titre de caractériser une volonté de paralysie de la part des intimés, étant relevé qu'il n'est ni allégué ni a fortiori démontré d'abus de majorité.

Les affirmations tenant à l'imputabilité au groupe historique tant des difficultés économiques rencontrées par la société Exponentiel que des baisses de salaires appliquées à M. [S], qui ne sont accompagnées d'aucune offre de preuve, ne sont pas non plus de nature à caractériser le manquement contractuel allégué, sans qu'il soit nécessaire de plus ample discussions.

La violation du pacte d'associés ne saurait encore être caractérisée par le refus de la société Alice Management de racheter à M. [S] les titres qu'il détient dans la société Maurice, alors qu'aucune disposition de ladite convention ne comporte une telle obligation.

C'est encore en vain que l'appelant fait grief à Me [A], ès qualités de mandataire commun chargé de s'assurer du respect des procédures prévues par le pacte, d'avoir méconnu sa mission, notamment en ne satisfaisant pas à plusieurs injonctions de communication de documents, alors qu'aucune action en responsabilité n'est engagée contre ce gestionnaire qui n'est pas partie à la procédure et étant observé à titre surabondant que faute de justification d'un quelconque courrier portant réclamation ou injonction adressé à ce dernier, la preuve de cette faute n'est pas apportée.

Il n'est pas davantage établi que de telles injonctions auraient été faites aux intimés selon courrier du 29 juillet 2015, alors que cette correspondance adressée par le conseil de M. [S] à l'ensemble des associés, comporte uniquement mention d'une contestation de la validité de la cession opérée au profit des sociétés Business Connected Consulting et Ashton Consulting et information aux associés que, sans proposition acceptable de rachat de ses titres, l'affaire serait portée en justice.

Enfin, au soutien de son moyen tiré de la cession frauduleuse de la société Exponentiel aux sociétés Business Connected Consulting et Ashton Consulting en violation de la clause de loyauté figurant au pacte d'associés, M. [S] affirme avoir été tenu dans l'ignorance des négociations ayant conduit à ce rachat, n'avoir pas été destinataire des lettres d'intention des repreneurs et avoir été informé brutalement du projet de cession par la réception d'une convocation à l'assemblée générale extraordinaire du 21 novembre 2014 au cours de laquelle la résolution a été adoptée grâce à la majorité détenue par le groupe historique, renforcée par le vote favorable de Mme [M], caractérisant un abus de majorité.

Or, si les lettres d'intentions des sociétés Business Connected Consulting et Ashton Consulting datés du 3 juillet et du 25 juillet 2014 ne sont effectivement libellées qu'à l'intention de M. [R], M. [V] et Mme [M], il ressort en revanche des éléments du dossier que M. [S] était parfaitement informé de ce projet de cession, comme en attestent'notamment :

un courriel du 13 mai 2014 adressé par ce dernier notamment à Mme [M] et M. [R] dans lequel il évoquait les conditions de sa démission de la société Exponentiel et faisait état de sa disponibilité pour rencontrer des acquéreurs dans les termes suivants': «'aucun problème pour honorer les rendez-vous avec d'éventuels acquéreurs et tenir une position convenue et tenable'»,

un courriel du 23 juillet 2014 par lequel M. [V] lui transmettait les grandes lignes du projet comportant notamment le prix d'achat cible pour la société Business Connected Consulting (BCC), et un courriel de réponse de M. [S] du même jour, ainsi libellé': «'à première lecture, sous réserve de tout bien comprendre et avant d'avoir recueilli un avis plus compétent, je trouve pour ma part que peu d'intérêt à ce projet d'accord'»,

un courriel du 25 juillet 2014 adressé par M. [R] à M. [S], lui transférant le nouveau projet de Letter Of Intent (LOI lettre d'intention) remis par la société Business Connected Consulting à la société Hekla, mandatée par les quatre associés de la société Maurice par contrat du 20 janvier 2014 en vue de l'assister dans la recherche d'acquéreurs de la société Exponentiel, et ainsi libellé': «'comme convenu. Cette LOI une fois signée et contresignée, accorde à BBC une exclusivité de 3 mois pendant lesquels nous nous interdisons de négocier avec toute autre partie'»,

un courriel du 17 septembre 2014 par lequel M. [R] faisait compte rendu à M. [S] de l'état d'avancement des négociations avec la société Business Connected Consulting ainsi libellé': «'nous continuons les discussions avec BCC'. Ils étaient à [Localité 7] lundi pour la DD opérationnelle. Je crois qu'ils sont repartis satisfaits. Prochaine étape, la levée de la condition suspensive de financement qui devrait intervenir aux environs du 30 septembre. Si cette condition est levée, nous les revoyons les 9 et 10 octobre pour préparer ensemble le BP Post-acquisition'» et précisant «'si tu as besoin de plus d'information, n'hésite pas m'appeler'».

Par ailleurs, le seul fait que M. [S] ait été mis en minorité lors du vote de la délibération relative à la cession des titres de la société Exponentiel aux sociétés Business Connected Consulting et Ashton Consulting n'est pas de nature à caractériser un abus de majorité, alors que faute pour l'appelant de démontrer que le vote des intimés en faveur de la cession avait pour objectif de nuire aux actionnaires minoritaires, il ne constitue que la manifestation du fait majoritaire en droit des sociétés.

En considération de l'ensemble de ces éléments, M. [S] qui échoue à rapporter la preuve d'une violation par les intimés du pacte d'associés, n'est pas fondé à en solliciter la résolution, alors que conformément aux dispositions de l'article 1184 ancien du code civil, applicable en la cause, cette sanction trouve application pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.

Sur les demandes indemnitaires de M. [S]

M. [S] se prévaut d'un préjudice matériel qu'il chiffre à 400.000 euros consistant en une perte de son apport de la somme de 160.000 euros au capital de la société Maurice et une perte de salaire à hauteur de 240.000 euros résultant d'une diminution de sa rémunération mensuelle en 2009 et entre 2010 et 2012. Il demande également réparation à hauteur de 100.000 euros d'un préjudice moral subi pour avoir quitté un emploi stable dans une grande société de conseils et de services pour se consacrer exclusivement au projet de rachat de la société Maurice, détentrice des titres de la société Exponentiel et pour avoir été manipulé avec mauvaise foi par les intimés dans le cadre d'un contrat voué à l'échec dès son début d'exécution.

Cependant, il doit être observé qu'en l'absence de faute démontrée imputable à M. [R], à Mme [L], à la société Alice Management et à M. [V], l'appelant n'établit pas l'existence d'un lien de causalité avec les dommages allégués, de sorte qu'il convient de le débouter de ses demandes indemnitaires, sans qu'il soit nécessaire de plus amples discussions sur la réalité de ces préjudices.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Le jugement est également confirmé en ce qu'il a débouté M. [R], Mme [M], M. [V] et la société Alice Management de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, ceux-ci n'étant pas plus fondés en appel qu'en première instance à soutenir cette prétention dès lors que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constitue pas en soi une faute caractérisant un'abus'du droit d'agir'en justice et que d'autre part ils ne démontrent pas en avoir subi un préjudice spécifique.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Succombant dans son action, M. [S] doit supporter les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser aux appelants une indemnité de procédure au titre de la première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, et par arrêt de défaut,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de M. [V], M. [R], Mme [M] et la société Alice Management en dommages et intérêts pour procédure abusive, en ce qu'il a condamné M. [S] à leur payer chacun la somme de 500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il l'a condamné aux dépens de l'instance.

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déclare recevable l'action engagée par M. [S] comme non prescrite,

Déboute M. [S] de sa demande de résolution du pacte d'associés du 28 novembre 2008,

Déboute M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel et pour préjudice moral,

Condamne M. [S] à verser à la société Alice Management, M. [V], M. [R] et Mme [M] une indemnité globale de procédure d'un montant de 4.000 euros en cause d'appel,

Déboute M. [S] de sa réclamation de frais irrépétibles en appel,

Condamne M. [S] aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/04913
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;19.04913 ?
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