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25/05/2022 | FRANCE | N°18/08218

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 25 mai 2022, 18/08218


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 18/08218 - N° Portalis DBVX-V-B7C-MBSA



[T]

C/

SARL AUPERA



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Octobre 2018

RG : 17/02669



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 25 MAI 2022







APPELANT :



[O] [T]

né le 17 Avril 1970 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]



représenté par Me Jea

n-laurent REBOTIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société AUPERA

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 18/08218 - N° Portalis DBVX-V-B7C-MBSA

[T]

C/

SARL AUPERA

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Octobre 2018

RG : 17/02669

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 25 MAI 2022

APPELANT :

[O] [T]

né le 17 Avril 1970 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Jean-laurent REBOTIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société AUPERA

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Patrick VIDELAINE de la SELAS ARDEA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Février 2022

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [O] [T] a créé la société Aupera en décembre 2001, dont il détenait l'intégralité du capital. Il a cédé ses parts sociales à la société AVENIR FINANCE le 28 juillet 2010.

Du 10 janvier 2008 au 30 septembre 2009, il a exercé les fonctions salariées de directeur technique, statut cadre, au sein de la société AVENIR FINANCE IMMOBILIER.

Du 1er octobre 2009 au 31 mai 2012, le contrat de travail de M. [T] a été transféré à la société AVENIR FINANCE INVESTMENT MANAGERS au sein de laquelle le salarié a exercé les fonctions de gérant immobilier, statut cadre. Le 1er juin 2012, le contrat a été nouveau transféré à la société AVENIR FINANCE IMMOBILIER, puis, le 1er décembre 2012, à la société AVENIR FINANCE TRANSACTIONS, M. [T] étant affecté au poste de directeur technique.

Le 25 avril 2013, par avenant de transfert au contrat de travail, il a été convenu que la société AUPERA devenait l'employeur de M. [T] à compter du 1er avril 2013, le salarié étant engagé en qualité de directeur technique au statut cadre.

M. [T] a été nommé directeur des programmes par avenant du 17 avril 2015 aux termes duquel il a en outre été convenu entre les parties qu'elles se référaient à la convention collective nationale de la promotion immobilière du 18 mai 1988, que la durée de travail du salarié était égale à 217 jours par an et que la durée journalière ou hebdomadaire du travail ne pouvait être prédéterminée.

Par lettre du 13 mai 2015, M.[T] a démissionné de ses fonctions et son préavis a pris fin le 17 juillet 2015,d'un commun accord entre les parties.

Par requête en date du 12 octobre 2015, la société Aupera a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de condamner M. [T] à lui restituer les sommes indûment prélevées par le RSI sur ses comptes et remboursées à tort à celui-ci.

Par ordonnance de référé en date du 6 septembre 2016, la formation de départage du conseil de prud'hommes s'est déclarée incompétente à connaître de la demande de la société Aupera et a invité les parties à mieux se pourvoir.

Elle a débouté monsieur [T] de ses demandes reconventionnelles aux fins de remise sous astreinte des documents de fin de contrat, de paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive et de paiement de rappel d'heures supplémentaires à titre provisionnel.

Par requête en date du 8 septembre 2017, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de condamner la société Aupera à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, indemnité compensatrice de congés payés et rappel d'heures supplémentaires, outre les indemnités de congés payés afférentes.

Au dernier état de la procédure devant le conseil de prud'hommes, M. [T] a sollicité en outre la condamnation de la société AUPERA à lui payer une somme à titre d'indemnité de contrepartie en repos et une somme en contrepartie de ses temps de déplacement anormaux.

La société AUPERA a repris au fond sa demande en restitution des sommes remboursées à M. [T] par le RSI.

Par jugement en date du 25 octobre 2018, le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour juger au fond de la demande reconventionnelle de la société Aupera et renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Lyon.

Il a en outre :

- dit que la convention de forfait annuel en jours de M. [O] [T] est licite,

- débouté monsieur [O] [T] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné monsieur [O] [T] à verser à la société Aupera la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné monsieur [O] [T] aux entiers dépens.

Monsieur [T] a interjeté appel de ce jugement, le 23 novembre 2018.

Par ordonnance du 24 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident formé par monsieur [T] et déclaré recevable l'appel incident formé par la société Aupera.

Monsieur [O] [T] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il :

a dit et jugé que sa convention de forfait annuel en jours était licite ;

l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

l'a condamné à verser à la société Aupera la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

sur la demande de remboursement de cotisations sociales

à titre principal,

-de déclarer irrecevable l'appel incident interjeté par la société Aupera,

à titre subsidiaire,

- de débouter la société Aupera de l'intégralité de ses demandes.

sur les autres demandes

- de dire et juger illicite sa convention de forfait annuel en jours

en conséquence,

- de condamner la société Aupéra à lui payer les sommes de :

8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

14 843,07 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la contrepartie financière des temps de trajet ;

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner la société aux entiers dépens

Il soutient :

- que la question de la licéité de sa convention de forfait avait déjà été débattue dans le cadre des écritures de première instance, et que dès lors, l'objet de sa demande est la réparation du préjudice subi du fait de l'illicéité de sa convention de forfait, exactement comme en première instance

- que ni la convention collective, ni son contrat de travail ne garantissent son droit de repos, qu'aucun suivi de la charge de travail n'a été effectué permettant de vérifier que la charge et l'amplitude de ses journées restaient raisonnables et qu'il n'a jamais bénéficié d'un entretien annuel portant sur sa charge de travail, sur l'organisation de son travail et sur l'articulation entre sa vie privée et professionnelle

- que dans le cadre de ses missions, il effectuait des déplacements dans toute la France, impliquant de nombreuses heures de trajet qui n'ont jamais été indemnisées par son employeur.

La société Aupera demande à la cour :

- de confirmer le jugement

- de juger irrecevable au visa de l'article 564 du code de procédure civile la demande de monsieur [T] à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- de débouter monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes ;

subsidiairement,

- d'ordonner la compensation à due concurrence de toute éventuelle condamnation au profit de monsieur [T] avec sa dette à son égard fixée par jugement du tribunal judiciaire de Lyon en date du 26 novembre 2020,

- de condamner monsieur [T] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens distraits au profit de Maître Laffly, Lexavoué [Localité 5], sur son affirmation de droit.

Elle soutient :

- que le tribunal de grande instance de Lyon ayant condamné monsieur [T] au remboursement des cotisations sociales indûment prélevées sur son compte, elle se désiste de sa demande devant la cour au titre du remboursement des cotisations sociales, formulée par appel incident, et que dès lors les questions de la recevabilité et du bien-fondé de sa demande deviennent sans objet

- que monsieur [T], pour la première fois en cause d'appel, allègue d'une exécution déloyale de son contrat de travail au motif que sa convention individuelle de forfait annuel en jours serait illicite et sollicite des dommages et intérêts à ce titre, que cette question qui n'a jamais été débattue en première instance constitue une prétention nouvelle

- subsidiairement, que la convention de forfait a été conclue en application d'un accord collectif, l'accord de branche de promotion immobilière, dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journaliers et hebdomadaire

- qu'elle n'a pas manqué à ses obligations en termes de contrôle et de suivi de la charge de travail du salarié, que monsieur [T] a été soumis à cette convention de forfait annuel en jours durant moins de 5 mois (du 1er mars 2015 au 17 juillet 2015), ce qui explique qu'il n'a pas bénéficié de l'entretien annuel, d'autant plus qu'il a démissionné seulement deux mois après la mise en place de la convention de forfait et qu'il appartenait à monsieur [T] de remettre chaque mois à la direction un relevé mensuel des jours de présence, ce qu'il n'a pas fait

- que les temps de déplacements professionnels effectués par monsieur [T] ont bien fait l'objet d'une contrepartie financière, les parties ayant convenu pour en tenir compte d'un salaire très supérieur au salaire minimum conventionnel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2022.

SUR CE :

M. [T] n'a pas repris dans ses conclusions d'appel ses demandes formées devant les premiers juges en paiement :

- d'un 'rappel de salaire à titre d'heures de travail non payées' et d'une indemnité de congés payés afférents

- d'un 'rappel de salaire à titre de majorations pour heures supplémentaires' et d'une indemnité de congés payés afférents

- d'une indemnité compensatrice des contreparties obligatoires en repos et indemnité de congés payés afférents

- de remise sous astreinte d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'une attestation Pôle Emploi et d'un solde de tout compte rectifiés.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.

Sur la demande en dommages et intérêts fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail

L'article 564 du code de procédure civile énonce qu'à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En application de l'article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

L'article 566 dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement d'heures supplémentaires qui ne pouvait être examinée que si la convention de forfait annuel en jours était déclarée nulle ou inopposable au salarié.

Les premiers juges ont estimé que la convention était valable et ont rejeté pour ce motif la demande de rappel d'heures supplémentaires.

M. [T] forme pour la première fois en cause d'appel une demande tendant à voir condamner la société AUPERA à réparer le préjudice qu'il a subi résultant de l'illicéité de la convention de forfait annuel en jours qu'il invoque.

Il fait valoir dans ses conclusions d'appel, d'une part que la convention de forfait en jours illicite a fait courir un risque pour sa santé et sa sécurité et caractérise ainsi de la part de l'employeur une exécution déloyale du contrat de travail, d'autre part qu'il est constant qu'un salarié dont le forfait est illicite peut solliciter des dommages et intérêts.

Or, cette demande, qui ne tend pas aux mêmes fins que celle qui a été soumise aux premiers juges et n'en est ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément nécessaire, est une demande nouvelle qu'il convient de déclarer irrecevable.

La constatation au dispositif du jugement de ce que la convention de forfait est licite étant dénuée en l'espèce de toute conséquence juridique, il ne s'agit pas d'un chef du jugement devant être confirmé ou infirmé.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen tiré de l'illicéité de la convention de forfait dans la mesure où la demande de dommages et intérêts est déclarée irrecevable.

Sur la demande en paiement d'une contrepartie aux temps de déplacement

M. [T] a été débouté par les premiers juges de sa demande en paiement de la somme de 25 000 euros à titre de contrepartie des temps de déplacement anormaux effectués pour la société AUPERA.

L'article L3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, mais que, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.

M. [T] indique dans ses conclusions qu'il sollicite l'indemnisation de son temps de trajet sur la base de 75 % de son taux horaire habituel (soit 56,339 euros) et déclare que 'la cour condamnera la société AUPERA à lui verser une contrepartie financière pour ses temps de trajet effectués du 4 juin 2013 au 15 juillet 2015, soit 351,28 heures, à hauteur de 14 843, 07 euros (56,339 x 0,75, x 351,28)'.

A l'appui de cette demande, il verse aux débats des liasses de copies de billets de train ou de justificatifs de billets de train [Localité 5]-[Localité 4] et retour, pour les périodes du 7 janvier 2014 au 31 décembre 2014 et du 9 janvier 2015 au 15 juillet 2015, qui ne permettent pas à la cour de vérifier l'exactitude du nombre des heures qu'il déclare comme excédant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail, étant observé que l'avenant au contrat de travail du 25 avril 2013 a expressément stipulé que le salarié serait fréquemment amené dans le cadre de ses fonctions à effectuer des déplacements professionnels et en acceptait les contraintes et que l'employeur déclare sans être contredit que la fixation de la rémunération annuelle de M. [T] (101 600 euros bruts) a tenu compte de ces temps consacrés aux déplacements.

La demande doit en conséquence être rejetée.

La société AUPERA a abandonné dans ses dernières conclusions d'intimée et d'appelante incidente sa demande reconventionnelle, si bien que la cour n'a pas à statuer sur la recevabilité et, subsidiairement, sur le bien fondé de cette demande.

M. [T] dont le recours est rejeté sera condamné aux dépens d'appel et à payer à la société AUPERA la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement, sauf à préciser que le constat de la validité de la convention de forfait annuel en jours ne constitue pas en lui-même un chef de jugement critiquable

Y AJOUTANT,

DÉCLARE irrecevable la demande nouvelle formée par M. [T] en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'exécution déloyale du contrat de travail

CONDAMNE M. [T] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés Maître LAFFLY, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

CONDAMNE M. [T] à payer à la société AUPERA la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 18/08218
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;18.08218 ?
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