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19/05/2022 | FRANCE | N°17/08624

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 19 mai 2022, 17/08624


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/08624 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LMVN





SASU LOOMIS FRANCE



C/

[I]

Syndicat CFDT TRANSPORTS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Novembre 2017

RG : 15/02839











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 19 MAI 2022













APPELANTE :


>Société LOOMIS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Arnaud DE SAINT LEGER de la SELARL ALEXIAL AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉS :



[S] [I]

né le 07 Novembre 1972 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentés par Me Lucie DA...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/08624 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LMVN

SASU LOOMIS FRANCE

C/

[I]

Syndicat CFDT TRANSPORTS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Novembre 2017

RG : 15/02839

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 19 MAI 2022

APPELANTE :

Société LOOMIS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Arnaud DE SAINT LEGER de la SELARL ALEXIAL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

[S] [I]

né le 07 Novembre 1972 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentés par Me Lucie DAVY, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Jean-Louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES AVOCATS,avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND,

Syndicat CFDT TRANSPORTS AUVERGNE

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Lucie DAVY, avocat au barreau de LYON

Me Jean-Louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie PALLE, Présidente

Bénédicte LECHARNY, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [S] [I] a été employé en qualité de convoyeur au sein de la société de transport de fonds Loomis à compter du 14 avril 1998.

L'entreprise relève de la Convention collective nationale des Transports et plus particulièrement de son annexe relative aux Transports de fonds et de valeurs.

L'obligation de port d'une tenue de travail pour les convoyeurs est prévue par l'article 17 de l'accord national professionnel du 5 mars 1991.

Jusqu'au 1er septembre 2013, les salariés devant porter un uniforme percevaient une prime d'habillage d'un montant de 33 €. Il n'existait aucun accord relatif aux frais d'entretien des tenues de travail des convoyeurs.

Prenant en compte les revendications existant sur cette question, l'employeur a, à compter du 1er septembre 2013, mis à la disposition des convoyeurs une carte de pressing destinée à prendre en charge l'entretien de leur tenue de travail.

Des négociations avec les syndicats représentatifs dans l'entreprise ont abouti au remplacement de ce système de carte de pressing par l'attribution d'une prime mensuelle d'habillage et d'entretien de la tenue de travail d'un montant net de 42 € (33 € pour l'habillage et 9 € pour l'entretien) à compter du mois de septembre 2016.

Par requête du 22 juillet 2015, M. [S] [I] ainsi que dix neuf autres convoyeurs salariés de la société Loomis ont saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins d'obtenir le remboursement des frais exposés pour l'entretien de leur tenue de travail pour la période du 1er juillet 2010 au 31 août 2016 ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de non prise en charge de ces frais par l'employeur.

Le syndicat CFDT Transports, intervenu volontairement à l'instance, sollicitait quant à lui une indemnité de 1 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de procédure de 10 000 €.

Par jugement du10 novembre 2017, le conseil de prud'hommes a, en substance, :

- condamné la société Loomis France à verser à M. [S] [I] la somme de 960 € au titre de frais professionnels pour l'entretien de sa tenue de travail pour la période du 22 août 2012 au 1er septembre 2013 et la somme de 150 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [S] [I] de sa demande de remboursement des frais d'entretien pour la période du 1er septembre 2013 au 1er septembre 2016 et de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société Loomis à payer au syndicat CFDT Transports un euro à titre de dommages et intérêts,

- débouté le syndicat CFDT Transports de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Loomis aux dépens.

La société Loomis France a interjeté appel.

Au terme de conclusions notifiées le 1er août 2018, elle demande en substance à la cour de:

- déclarer irrecevable la fin de non recevoir d'acquiescement soulevée par M. [S] [I] et le syndicat CFDT Transports, subsidiairement déclarer son appel recevable,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [S] [I] la somme de 960 € au titre de frais

professionnels pour l'entretien de sa tenue de travail pour la période du 22 août 2012 au 1er septembre 2013,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [S] [I] de ses autres demandes,

- débouter M. [S] [I] de l'ensemble de ses demandes,

- subsidiairement, débouter M. [S] [I] de son appel incident,

- plus subsidiairement, cantonner l'indemnité éventuellement allouée à la somme de 3 € par mois de travail, soit 108 € pour la période antérieure au mois de septembre 2013 et 36 € pour la période postérieure au mois de septembre 2013,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser au syndicat CFDT Transports la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts et débouter ce dernier de cette demande,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le syndicat CFDT Transports de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [S] [I] la somme de 150 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement limiter toute condamnation de ce chef à 25 €,

- condamner M. [S] [I] et le syndicat CFDT Transports Auvergne à lui verser la somme de 250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de conclusions notifiées le 5 juin 2018, M. [S] [I] demande à la cour de:

- déclarer l'appel de la société Loomis France irrecevable,

subsidiairement,

- réformer le jugement sauf sur l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- condamner la société Loomis France à lui payer les sommes suivantes :

' 2 936 € en remboursement des frais exposés pour l'entretien de la tenue de travail pour la période du 22 juillet 2010 au 31 août 2013,

' 2 808 € en remboursement des frais exposés pour l'entretien de la tenue de travail pour la période du 1er septembre 2013 au 31 août 2016,

' 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

' 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' les dépens.

Au terme des mêmes conclusions, le syndicat CFDT Transports demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Loomis à lui payer la somme de 1€ symbolique à titre de dommages intérêts,

- condamner la société Loomis à lui payer la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé que les demandes tendant à voir "constater" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; qu'il en est de même des demandes tendant à voir 'dire et juger" lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur la recevabilité de l'appel

M. [S] [I] fait valoir que la société Loomis a acquiescé au jugement en s'acquittant sans réserve des condamnations prononcées à son encontre alors que l'exécution provisoire n'avait pas été ordonnée.

La société Loomis soulève l'irrecevabilité de cette fin de non recevoir au motif qu'elle relève de la seule compétence du conseiller de la mise en état et que les conclusions déposées devant la cour ne valent pas saisine du conseiller de la mise en état.

L'article 914 du code de procédure civile dispose que « Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à (') déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ».

Le conseiller de la mise en état n'étant saisi des demandes de sa compétence que par les conclusions qui lui sont spécialement adressées, les conclusions adressées par les intimés à la cour ne l'ont pas saisi de l'incident sur la recevabilité de l'appel.

Cette fin de non recevoir relevant de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état, l'incident soulevé devant la cour est irrecevable.

Sur la demande de remboursement des frais de nettoyage pour la période du 22 juillet 2010 au 31 août 2013

Sur la prescription

La société Loomis sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la prescription de la demande relative à la période du 22 juillet 2010 au 21 août 2012 comme antérieure de plus de deux ans et un mois à la saisine du conseil de prud'hommes.

M. [S] [I] conteste cette analyse et fait valoir qu'il disposait d'un délai de cinq ans pour agir à compter du jour de la demande dès lors que celle-ci avait été formulée antérieurement au 16 juin 2016.

L'article 21 IV de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, publiée au journal officiel le 16 juin 2013, a modifié l'article L.3245-1 du code du travail, instituant une prescription de 3 ans en lieu et place de l'ancienne prescription quinquennale.

L'article 21 V prévoit que cette disposition s'applique aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

L'article 2 du Code civil dispose que « la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet

rétroactif ».

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque le salarié introduit son action dans les trois années suivant le 16 juin 2013 et que le fait générateur de sa créance est antérieur au 16 juin 2013, il dispose d'une action en paiement pour les cinq années précédant la saisine de conseil de prud'hommes.

Ainsi, l'action en paiement de frais professionnels engagée par M. [S] [I] le 22 juillet 2015, qui, s'agissant de créances nées antérieurement au 16 mars 2013, était soumise à la prescription quinquennale, réduite à trois ans par la loi du 14 juin 2013, n'était pas prescrite au jour de l'entrée en vigueur de cette loi de sorte que M. [S] [I] est recevable à faire remonter ses demandes au 22 juillet 2010 et qu'il convient de réformer le jugement en ce qu'il a retenu la prescription et débouté le salarié de sa demande au titre de la période antérieure au 22 août 2012.

Sur le fond

La société Loomis fait valoir :

- que les frais d'entretien de la tenue de travail obligatoire ne constituent des frais professionnels que dans la mesure où l'entretien de cette tenue génère un surcoût supplémentaire pour le salarié par rapport à l'entretien normal de vêtements professionnels qu'il aurait portés en l'absence de tenue obligatoire,

- que l'entretien des tenues de travail n'a pas à être pris en charge par l'employeur lorsqu'il ne présente aucune spécificité et n'est pas lié à un travail particulièrement salissant,

- que les salariés ne justifient pas de dépenses de pressing, ni de dépenses spécifiques ou supplémentaires en raison du lavage à domicile,

- que M. [S] [I], s'il n'avait pas eu à porter les vêtements fournis, aurait dû porter ses propres vêtements et les aurait lavés à la même fréquence pour le même coût, qu'en outre les frais de rachat auraient été à sa charge alors qu'elle renouvelle régulièrement les tenues de travail de sorte que le salarié n'a assumé aucun frais supplémentaire,

- que le juge n'a pas à pallier la carence du salarié dans la production de justificatifs de ses dépenses par une fixation forfaitaire des frais de nettoyage.

L'article L. 4122-2 du code du travail dispose que « Les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs.»

L'article R.4321-1 du code du travail dispose que : « L'employeur est tenu de mettre à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité ».

L'article R.4321-4 prévoit : « L'employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriée et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l'exige, les vêtements de travail appropriés. Il veille à leur utilisation effective ».

L'article R.4323-95 précise que « les équipements de protection individuelle et les vêtements de travail mentionnés à l'article R4321-4 sont fournis gratuitement par l'employeur, qui assure leur bon fonctionnement et leur maintien dans un état hygiénique satisfaisant pour les entretiens, réparations et remplacements nécessaires ».

Il en résulte que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier, y compris s'agissant de l'entretien des tenues de travail. Il appartient à l'employeur de définir, dans l'exercice de son pouvoir de direction, les modalités de prise en charge de l'entretien des tenues de travail.

En l'espèce, la société Loomis fournit chaque année aux convoyeurs en exécution de l'article 17 de l'accord national professionnel du 5 mars 1991 et du règlement intérieur prévoyant le port d'une tenue obligatoire, les éléments d'habillement suivants : un blouson, une polaire, un coupe-vent, un polo à manches courtes (2 pièces par an), un polo à manches longues (2 pièces par an), un pantalon (2 pièces hiver 2 pièces été par an) et une housse de gilet pare-balles.

Elle n'avait toutefois, antérieurement au 1er septembre 2013, pris aucune disposition pour assurer son obligation de prise en charge de l'entretien de cette tenue ce dont il résulte que les convoyeurs ont entretenu leur uniforme à leurs frais au cours de cette période et qu'ils sont fondés à obtenir le remboursement des frais exposés, appréciés de façon souveraine par la cour.

Le conseil de prud'hommes a donc justement retenu que la société Loomis ne pouvait pas se soustraire à son obligation de prise en charge du nettoyage de la tenue de travail de M. [S] [I] au seul motif d'absence de justificatif des dépenses exposées à ce titre.

Sur le montant des frais de nettoyage

M. [S] [I] fait valoir :

- que la FGTE CFDT a réalisé en 2012 une étude comparative entre le coût d'entretien réalisé avec une machine à laver et le coût d'entretien effectué par un pressing et proposé un coût moyen à partir de ces estimations,

- que le cabinet d'expertise Sémaphores, mandaté par la FGTE CFDT avec la mission de déterminer le coût annuel du nettoyage des tenues par les salarié en fonction de la composition de la tenue et de la fréquence du lavage de chacune des pièces la composant, a, après exploitation d'un questionnaire adressé aux salariés concernés, établi un rapport d'analyse éconmique au terme duquel il retient un coût annuel du lavage à domicile de 1 218 €, soit 101,50 € par mois,

- que l'évaluation faite par le conseil de prud'hommes de 104 € par mois sur 9 mois prenant en compte les consés payés, les jours de repos hebdomadaires, les arrêts pour maladie et accidents du travail et les jours fériés est satisfactoire.

La société Loomis fait valoir :

- que l'étude du cabinet SEMAPHORES est dépourvue de valeur probante s'agissant d'un document établi unilatéralement sur des bases discutables et ne présentant aucune garantie d'objectivité,

- qu'en tout état de cause, ne devraient pas donner lieu à remboursement de frais les périodes d'absences pour congés, arrêts-maladie, accidents du travail, jours fériés, jours chômés annuels de sorte que le salarié devra rectifier ses calculs, sous peine d'être débouté de sa demande,

- que le conseil de prud'hommes de Thionville dans un jugement du 16 mai 2011 a déterminé de façon objective et détaillée le coût d'entretien d'une tenue à 180 € par an soit 15 € par mois y compris le temps passé au lavage, au repassage, au rangement et au pliage des vêtements, le coût d'entretien du linge au sens strict étant de 1,66 € par mois.

Sur ce,

L'étude comparative du syndicat FGTE CFDT de 2012 invoquée par les intimés fait apparaître un coût mensuel de lavage à domicile de 42,95 € par mois pour deux lavages par semaine et un coût mensuel d'entretien en pressing de 75,64 € incluant 94 lavages par an de polos et 94 de pantalons.

Selon le rapport du cabinet Sémaphores, les salariés privilégient le lavage à domicile en machine à tout autre dispositif d'entretien, le blouson est lavé 14 fois par an, la polaire 25 fois, le coupe vent 13 fois, le pantalon 29 fois, le polo à manches longues 44 fois, le polo à manches courtes 54 fois et la housse de gilet pare-balles 17 fois et le coût du lavage est évalué selon les critères suivants :

- consommation électrique et consommation d'eau du lave-linge par kilogramme nettoyé

- consommation électrique du sèche-linge par kilogramme nettoyé

- l'usure du lave-linge et du sèche-linge par lavage

- la consommation de lessive par lavage

soit un total de 128,19 € par an, auquel le cabinet comptable ajoute une prestation annuelle de repassage de 1 089,76 € par an (total : 1 218 € par an).

Il en résulte que le coût de repassage représente l'essentiel de la somme réclamée au titre des frais d'entretien alors que le questionnaire ne posait aucune question sur le repassage et qu'il n'est pas justifié qu'il ait été sous-traité. Ce coût est en outre manifestement surévalué dès lors que ni la housse de gilet pare- balles, ni la polaire ni le blouson ni le coupe vent ne sont repassables.

D'autre part, l'étude prend en compte le coût annuel d'un sèche linge dont rien n'établit que les ménages en soient équipés alors que l'employeur justifie que, statistiquement, 70% des ménages n'en disposent pas et font sécher leur linge sur un étendage classique qui ne consomme aucune énergie.

Il n'est pas contesté que les convoyeurs de fonds ne sont pas confrontés à un milieu salissant et que tous les vêtements se lavent en machine.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, compte-tenu du prix de la lessive, de l'eau et de l'électricité, de ce que l'utilisation de la machine à laver des salariés n'est pas consacrée spécifiquement à l'entretien de la tenue professionnelle, et après déduction des jours de congés, d'absence pour maladie ou accident et les jours fériés, il convient de fixer à la somme de 12 € par mois le coût d'entretien de la tenue de travail de chaque salarié, soit pour la période litigieuse de trois ans, un mois et une semaine la somme de 447 €.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qui concerne le montant de la somme allouée au titre des frais d'entretien et de condamner la société Loomis France à payer à M. [S] [I] la somme de 447 € à ce titre.

Sur la demande de remboursement des frais de nettoyage pour la période du 1er septembre 2013 au 31 août 2016

M. [S] [I] fait valoir :

- que la mise en place d'une carte prépayée de pressing à compter du 1er septembre 2013 a été décidée unilatéralement par la société, sans aucune concertation avec les représentants du personnel,

- que ce système ne répondait cependant pas à l'obligation d'entretien de la tenue de travail imposée par la loi et la jurisprudence,

- que la société a été alertée sur l'insuffisance du nombre de points pour assurer le nettoyage des tenues de travail, ainsi que sur la difficulté liée à l'absence de pressing à proximité de son domicile, l'obligeant à effectuer des déplacements à ses frais et sur son temps personnel ou l'obligeant à continuer à s'occuper lui-même de l'entretien de sa tenue, que ces points ont également été relevés par l'étude du cabinet Semaphores,

- qu'il a été contraint de continuer à assurer personnellement l'entretien de sa tenue.

La société Loomis fait valoir :

- que le salarié n'est pas en mesure de justifier des frais de déplacement prétendument exposés pour se rendre en pressing, qu'en réalité les salariés plébiscitent le lavage à domicile,

- qu'il est pour le moins audacieux de prétendre que le nombre de points alloués par la carte de pressing n'aurait pas permis une prise en charge réelle et intégrale des frais de nettoyage alors que sur la division Sud à peine 11% des points alloués au personnel sont utilisés.

Sur ce,

Si les frais que le salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être pris en charge par ce dernier, les modalités de cette prise en charge relèvent, en principe et sauf disposition contractuelle ou conventionnelle contraire, du pouvoir de direction de l'employeur.

Les modalités de prise en charge des frais professionnels fixées par l'employeur s'imposent au salarié comme au juge, sous réserve toutefois que les modalités retenues assurent la prise en charge de l'intégralité de ces frais.

Lorsque tel n'est pas le cas, le juge ne peut imposer à l'employeur autre chose que le remboursement des frais que le salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité.

En l'espèce, le système mis en place par l'employeur consistait en la mise à disposition du salarié d'une carte à points dite 'Ticket Clean Way', à utiliser exclusivement dans les pressings du réseau 'ticket Clean Way'.

La carte était créditée de 130 points par trimestre soit 520 points par an avec un barème de 8 points pour un polo et de 23 points pour un gilet ou un blouson ce qui fait apparaître qu'elle ne permettait que 65 lavages à 8 points, ne permettant même pas l'entretien des pièces (polos et pantalons) nécessitant des lavages fréquents.

Il ressort du PV de la réunion du CCE du 13 septembre 2013, que le directeur des ressources humaines a reconnu que la carte étant essentiellement destinée au nettoyage à sec des tenues (gilets, pantalons), les polos devaient continuer à être lavés à domicile.

En outre, le système mis en place induisait nécessairement des frais et du temps de déplacement, non négligeables compte tenu du nombre de déplacements nécessaires par an, sans que ceux-ci soient compensés.

Le salarié fait également justement valoir qu'au regard des impératifs de confidentialité et de sécurité, il était peu opportun de confier à un pressing situé dans un lieu très fréquenté de type centre commercial des vêtements portant le logo de la société Loomis permettant à tout un chacun de constater que le salarié travaillait pour une société de Transports de fonds.

Il ressort enfin de l'étude du cabinet Sémaphores que les salariés avaient, nonobstant la mise en place de la carte 'Clean Way' persisté à privilégier le lavage à domicile ce que reconnaît l'employeur qui indique que les cartes 'Ticket Clean Way' ont été très peu utilisées et que le nettoyage à domicile a été 'plébiscité' ; qu'en particulier, sur [Localité 5], lieu de résidence de M. [I], seuls 2,52% des points ont été utilisés par 4% des salariés.

Il en résulte que la mise en place de la carte prépayée ne permettait pas d'assurer au salarié la prise en charge effective de l'entretien de sa tenue de sorte que celui-ci a continué à assumer personnellement cette charge et qu'il est fondé à obtenir le remboursement des frais exposés au cours de la période en cause sur la base de 12 € par mois soit pour trois ans la somme de 432 €.

Sur la demande de dommages et intérêts

M. [S] [I] fait valoir qu'il a subi un préjudice indépendamment du retard apporté au paiement par la société des frais d'entretien de sa tenue de travail, que ce préjudice moral et financier est causé par la mauvaise foi de la société qui refuse de se conformer aux dispositions légales et à la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'il n'a eu d'autre choix que de saisir le conseil de prud'hommes.

La société Loomis fait valoir que le salarié ne justifie pas du préjudice prétendument subi, que le fait d'avoir dû saisir le conseil de prud'hommes n'est pas indemnisable, que le préjudice financier d'une action en justice est déjà réparé par l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

En l'espèce, M. [S] [I] ne rapporte pas la preuve que la société Loomis ait agi au delà de ce que commandait la défense de ses intérêts ni de ce qu'il a souffert un préjudice indépendant du retard réparé par les intérêts de droit.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes du syndicat CFDT Transports

La société Loomis fait valoir que le syndicat n'a pas rapporté la preuve du préjudice qu'il prétend avoir subi et du lien de causalité entre le manquement reproché et le préjudice en question.

Le syndicat CFDT Transports fait valoir que la violation des dispositions légales relatives à la prise en charge de l'entretien de la tenue de travail rendue obligatoire est de nature à causer à la profession un préjudice distinct de celui subi personnellement pour chacun des salariés de sorte qu'il est fondé à obtenir des dommages et intérêts.

L'article L.2132-3 du code du travail dispose que « Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. »

La violation des dispositions légales relatives à la prise en charge de l'entretien de la tenue de travail rendue obligatoire cause un préjudice à l'intérêt de la profession et cause nécessairement un préjudice à l'organisation syndicale en charge de sa défense de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué au syndicat CFDT Transports Auvergne la somme de 1€ à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

La société Loomis qui succombe supporte les dépens et une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare irrecevable la fin de non recevoir d'acquiescement soulevée par M. [S] [I];

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Loomis France :

- à payer à M. [S] [I] la somme de 150 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- à payer au syndicat CFDT Transports un euro à titre de dommages et intérêts,

- aux dépens ;

Le réforme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevable la demande de remboursement des frais de nettoyage pour la période du 22 juillet 2010 au 21 août 2012 ;

Condamne la société Loomis France à payer à M. [S] [I] en remboursement des frais de nettoyage :

- la somme de 447 € pour la période du 22 juillet 2010 au 31 août 2013,

- la somme de 432 € pour la période du 1er septembre 2013 au 31 août 2016 ;

Déboute M. [S] [I] du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Loomis France :

- à payer à M. [S] [I] la somme de 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- à payer au syndicat CFDT Transports la somme de 50 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens.

La greffière, La Présidente,

Elsa SANCHEZ Nathalie PALLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/08624
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;17.08624 ?
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