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17/05/2022 | FRANCE | N°20/02858

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 17 mai 2022, 20/02858


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 20/02858 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M7GD





[T]



C/

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE AIN RHONE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 11 Mai 2020

RG : 16/03304















































AU NOM DU PEUPLE F

RAN'AIS



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 17 MAI 2022











APPELANT :



[G] [T]

né le 01 Décembre 1968 à CHLEF - ALGERIE

[Adresse 1]

Chbre 3218

[Localité 2] (RHÔNE)



représenté par Maître Mélanie CHABANOL , avocat au bareau de LYON



(bénéficie d'une...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 20/02858 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M7GD

[T]

C/

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE AIN RHONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 11 Mai 2020

RG : 16/03304

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 17 MAI 2022

APPELANT :

[G] [T]

né le 01 Décembre 1968 à CHLEF - ALGERIE

[Adresse 1]

Chbre 3218

[Localité 2] (RHÔNE)

représenté par Maître Mélanie CHABANOL , avocat au bareau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/019900 du 24/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMEE :

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE AIN RHONE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

rerpésentée par madame [R], munie d'un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Février 2022

Présidée par Thierry GAUTHIER, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Nathalie PALLE, présidente

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [T] (l'assuré), ouvrier agricole au sein de l'association Rhône insertion environnement, a été victime d'un accident le 16 octobre 2015.

Après que la caisse de mutualité sociale agricole Ain Rhône (la caisse) eut refusé la prise en charge de cet accident, la commission de recours amiable de la caisse a accueilli, par décision du 12 avril 2016, le recours de l'assuré et a déclaré en conséquence que l'accident du travail devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Par décision du 29 juillet 2016, le médecin conseil de la caisse a fixé au 16 novembre 2015 la date de guérison des lésions consécutives à l'accident du 16 octobre 2015.

Contestant la date de guérison, l'assuré a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon le 30 novembre 2016, aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise.

Par jugement du 11 septembre 2018, le tribunal a ordonné une mesure d'expertise médicale judiciaire, confiée au Dr. [W] puis au Dr [X], en remplacement du précédent.

Le rapport de l'expert a été rendu le 28 mars 2019.

Par jugement du 11 mai 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon a :

- confirmé la date de guérison, au 16 novembre 2015, des séquelles de l'accident du 16 octobre 2015;

- débouté en conséquence l'assuré de l'ensemble de ses demandes ;

- dit que les frais d'expertise ainsi que les dépens de l'instance exposés à compter du 1er janvier 2019 demeureront à charge de la caisse.

Par lettre recommandée du 4 juin 2020, l'assuré a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions déposées le 20 janvier 2021, l'assuré demande à la cour de :

- le recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondé

- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a :

- débouté de sa demande de nouvelle expertise ;

- débouté de sa contestation de la date de guérison des lésions fixée par la caisse au 16 novembre 2015 ;

- ordonner une nouvelle expertise et désigner tel expert qu'il plaira à la cour aux fins de l'examiner, de dire s'il était guéri au 16 novembre 2015 et si les pathologies qu'il présente sont ou non imputables à l'accident du 16 octobre 2015.

- statuer ce que droit sur les dépens.

Dans ses conclusions déposées le 23 mars 2021, la caisse demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué ;

- homologuer le rapport d'expertise du Dr [X] fixant au 16 novembre 2015 la date de guérison de l'assuré ;

- débouter l'assuré de ses demandes et le condamner aux dépens.

*

Conformément aux dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile, les parties ont oralement soutenu à l'audience les écritures qu'elles ont déposées au greffe ou fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoirie et qu'elles indiquent maintenir, sans rien y ajouter ou retrancher.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux écritures ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'assuré, à titre infirmatif, invoque les dispositions des articles L. 141-1, L.141-2 et R. 141-3 du code de la sécurité sociale.

Il indique que l'avis du médecin expert était contredit par les avis de médecins spécialisés, dont ceux du Dr. [Z], psychiatre, et du Dr [U], orthopédiste, ayant considéré que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 17 mars 2016.

Il oppose la spécialité du médecin expert, chirurgien orthopédiste, à celle de psychiatre du Dr [Z], et fait valoir qu'aucun sapiteur n'a été sollicité.

Il fait valoir que le médecin psychiatre considère qu'il y a un lien entre l'intensité de la symptomalogie psychiatrique de l'assuré et l'accident du travail du 16 octobre 2015.

Il indique ainsi qu'aucun élément du dossier ne permet de vérifier que les dispositions de l'article R. 141-3 du code de la sécurité sociale ont été respectées dans le cadre de l'expertise menée par le Dr. [X], ce qui justifie d'ordonner une nouvelle expertise.

La caisse fait valoir que, dans son rapport d'expertise, l'expert a conclu de manière identique au médecin conseil, l'assuré souffrant d'autres pathologies qui ne peuvent être imputées à l'accident du travail dont il a été la victime le 16 octobre 2015 et qui évoluent pour leur propre compte et ont été prises en compte au titre du risque maladie.

Elle indique que l'expert confirme que les manifestations décrites dans le certificat médical ont disparu avec la mise au repos et n'ont entraîné aucune séquelle d'où la fixation d'une date de guérison, la fatigue et la douleur thoracique étant dues au gravissement de 180 marches chez un sujet non entraîné.

Elle souligne que le certificat médical initial ne fait pas état d'une manifestation psychologique.

Elle fait valoir que le jugement ayant désigné un expert en 2018, la procédure applicable à l'époque au régime agricole était différente de celle applicable au régime général et que, la contestation de l'assuré portant sur une date de guérison, son dossier a fait l'objet d'une tentative de conciliation en application des articles R. 142-37 et R. 142-38 du code de la sécurité sociale. Elle indique que, le tribunal ayant constaté l'échec de la tentative de conciliation, il a désigné un expert sur le fondement de l'article R. 143-39 du même code. Elle considère qu'il n'incombait pas à la caisse, dès lors, d'organiser l'expertise, l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale n'étant, à l'époque, pas applicable aux contestations du régime agricole.

Elle estime que la désignation d'un nouvel expert n'est pas justifiée et demande que le rapport d'expertise soit homologué.

La cour relève préalablement, comme les premiers juges, que c'est à tort que l'assuré invoque les dispositions des articles L. 141-1, L.141-2 et R. 141-3 du code de la sécurité sociale, dont l'application était alors exclue par les dispositions de l'article R. 142-39 du code de la sécurité sociale, la contestation de la décision de la caisse de mutualité sociale agricole relative à la date de guérison étant régie par les dispositions des articles R. 142-33 et suivants du code de la sécurité sociale.

En cet état, et en application de l'article R. 142-39 susvisé, alors applicable, le régime de l'expertise médicale, à tous les stades de la procédure est celui défini par le code de procédure civile.

En l'espèce, il doit être noté que le certificat médical initial établi le 16 octobre 2015 en raison de l'accident du travail, indique « malaise et fatigue », « douleurs thoraciques d'effort » et qu'un certificat médical de prolongation du 23 octobre 2015 mentionne des « douleurs thoraciques à l'effort sur le lieu de travail » et qu'une épreuve d'effort est programmée. Un avis d'arrêt de travail du 21 novembre 2015 indique des « dyspnées aigues ».

La déclaration d'accident du travail établie le 16 octobre 2015, indique, comme circonstances de l'accident : « pour se rendre sur le chantier, il y a 800 m de marche dont 180 marches d'escalier. Arrivé en haut, le salarié s'est plaint de difficultés respiratoires et d'essouflement. Après un moment passé assis sur un mur, le salarié a continué à se plaindre d'essouflement, douleur à la poitrine et de vertige alors qu'il se mettait debout ».

Il convient dès lors de relever que, tant lors des premières constatations médicales que durant celles, effectuées durant les semaines suivant l'accident, il n'a été fait mention que de lésions somatiques et non psychiques.

A cet égard, le psychiatre de l'assuré atteste, le 24 janvier 2020, que le malaise subi par l'assuré sur son lieu de travail « a provoqué une intensification de l'état anxio-dépressif pour lequel il venait à mes consultations et a contribué à une sorte d'effondrement psychologique, avec des vertiges sans chute, mais de plus en plus invalidants, l'augmentation de l'essouflement et douleurs à la poitrine sont également expliqués par l'angoisse de mort apparue lors du malaise sur le chantier où il travaillait et qui est toujours présente. A partir du 16 octobre 2015, son angoisse et son état dépressif ont pris plus d'importance dans sa vie ».

Il conclut que les « symptômes somatiques et psychiques ne sont pas liés de façon certaine et directe, il est vrai, aux circonstances de l'accident du travail, mais l'intensité de la symptomologie et le handicap qui en a résulté peuvent être légitimement attribués aux conséquences de l'accident de travail du 16 octobre 2015 ».

Le psychiatre de l'assuré tend ainsi à imputer l'évolution psychiatrique de l'assuré à la persistance de phénomènes de vertiges et d'essoufflements, ce qu'il met en lien avec l'accident.

Il convient de relever particulièrement que le psychiatre, tout en estimant qu'aucun lien direct et certain ne peut être établi entre l'accident et l'état de santé psychique de l'assuré, qui présentait un état antérieur, suggère en même temps, et de manière quelque peu contradictoire, l'existence d'un lien de causalité entre l'aggravation de l'état de santé de l'assuré et l'accident dont il a été victime. Il y a lieu également de souligner que le psychiatre n'envisage pas qu'une cause tierce puisse être à l'origine de l'évolution de l'état de santé psychique de l'assuré et, par le fait, ne l'exclut pas.

Or, l'expert mandaté par le tribunal, qui indique et précise l'ensemble des documents médicaux qui ont été soumis à son analyse, mentionne le suivi psychiatrique de l'assuré et l'existence d'un état anxieux et, aux termes de son examen clinique, conclut que l'assuré présente des vertiges et des sensations nauséeuses apparaissant fortement liées à des « problèmes oculomoteurs et à l'arthrose cervicale ».

Il considère, au regard des manifestations ressenties lors du malaise initial que celles-ci résultaient, d'une part, pour l'essouflement et les douleurs à la poitrine, par le gravissement de 180 marches par un sujet probablement non entraîné pour ce type d'effort et qui présentait « des anomalies constitutionnelles au niveau du rachis dorsal et un discret syndrome pulmonaire », qui ont disparu après mise au repos et, d'autre part, pour les vertiges, d'un possible malaise vagal lié à une tension relativement basse, qui a guéri avec la mise au repos mais qui restent présents en raison « essentiellement » « de problèmes oculomoteurs et arthrosiques cervicaux, d'origine constitutionnelle, qui existaient déjà avant l'accident du travail initial et qui ne peuvent avoir été créés ou aggravés par l'accident du travail en question ».

Ainsi, l'expert, établit l'existence d'une cause somatique à la persistance des vertiges dont se plaint l'assuré, tandis qu'il estime qu'il existe également une explication « constitutionnelle » aux essoufflements et douleurs à la poitrine qu'il a ressentis.

L'expert conclut que « assez rapidement se sont manifestés des symptômes d'anxiété puis une franche dépression qui n'apparaît pas liée de façon certaine et directe aux circonstances de l'accident du travail. Aussi faut-il conclure que les conséquences propres de l'accident du travail du 16 octobre 2015 ont évolué vers une guérison sans séquelles », avant d'indiquer que l'état de santé de l'assuré est guéri à la date du 16 novembre 2015.

Il en résulte que l'expert, après une analyse complète des éléments médicaux de l'assuré, utilement motivée, et qui a pris en compte la situation de l'assuré au regard de sa santé psychiatrique, a exclu une interférence entre l'accident et celle-ci, pour considérer que l'assuré était guéri le 16 novembre 2015.

Par la nature même de ses conclusions, le recours à un sapiteur psychiatre ne s'avérait pas nécessaire.

L'assuré produit en outre un avis du Dr [U], qui conclut, le 20 mai 2016, à l'absence de possibilité de reprise d'activité professionnelle de l'assuré, mais qui indique préalablement avoir essayé de faire marcher le patient, qui s'est accroupi en se tenant le ventre à deux mains avec des douleurs. Le médecin mentionne que l'assuré était inexaminable.

Cet avis, établi à distance de plusieurs mois de la date supposée de guérison, et faisant état de symptômes jusque-là non évoqués (impossibilité de marche, douleurs au ventre) et, surtout, totalement distincts de ceux relevés lors de l'accident, ne permet pas de retenir que les éléments médicaux qui y sont exposés remettent en cause la plausibilité de la date de guérison, telle que retenue par l'expert, des lésions constatées lors de l'accident du travail.

La cour estime ainsi, au regard du caractère probant qu'elle attache aux éléments de l'expertise et de l'insuffisance des éléments médicaux produits par l'assuré afin d'établir la nécessité d'une nouvelle expertise, qu'il y a lieu de confirmer la date retenue de guérison des lésions résultant de l'accident de travail du 16 octobre 2015.

La décision sera confirmée en toutes ses dispositions.

L'assuré, succombant en son appel, devra supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [G] [T] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 20/02858
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.02858 ?
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