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17/05/2022 | FRANCE | N°20/02657

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 17 mai 2022, 20/02657


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 20/02657 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M6WT





[T]



C/

S.A.S.U. [8]

CPAM DE LA LOIRE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de ROANNE

du 09 Avril 2020

RG : 19/00140













































AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
>

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 17 MAI 2022









APPELANTE :



[K] [T]

née le 01 Janvier 1961 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]



comparante en personne, assistée de Me Sonia MECHERI de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON





IN...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 20/02657 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M6WT

[T]

C/

S.A.S.U. [8]

CPAM DE LA LOIRE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de ROANNE

du 09 Avril 2020

RG : 19/00140

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 17 MAI 2022

APPELANTE :

[K] [T]

née le 01 Janvier 1961 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Sonia MECHERI de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

S.A.S.U. [8]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Julie AUZAS de la SELARL HERTZOG, ZIBI, RUFF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substituée par Maître Soraya AMRANE, avocat au même barreau

CPAM DE LA LOIRE

Services des Affaires Juridiques

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par madame [V] [N] , audiencière, munie d'un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Février 2022

Présidée par Thierry GAUTHIER, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Nathalie PALLE, présidente

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Salariée de la société [8] (l'employeur), en qualité d'agent vaguemestre, depuis le 9 août 2007, Mme [M] épouse [T] (la salariée), a déclaré le 1er juin 2015 une maladie professionnelle à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire (la caisse), qui a refusé la prise en charge au titre du risque professionnel par décision du 7 août 2015.

Le 18 janvier 2016, la salariée a déclaré à la caisse un accident, accompagné d'un certificat médical du 17 avril 2015 faisant état d'une « dépression suite à un burn-out professionnel ».

Après enquête administrative, la caisse a refusé de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, cette décision étant confirmée par celle, de rejet, prise par la commission de recours amiable le 26 mai 2016.

Par jugement du 29 mars 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Roanne annulait la décision de la commission de recours amiable et disait que la salariée a été victime d'un accident du travail le 14 avril 2015.

Après que son inaptitude professionnelle fut prononcée et qu'elle fut licenciée le 8 décembre 2017, la salariée a sollicité une tentative préalable de conciliation aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

A défaut de conciliation, la salariée a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Roanne, le 31 mai 2019.

Par jugement du 9 avril 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Roanne a :

- débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Par lettre recommandée envoyée le 15 mai 2020, la salariée a relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 3 février 2022, la salariée demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

- dire et juger l'arrêt commun et opposable à la caisse ;

- débouter l'employeur de sa demande tendant à faire dire et juger que sa déclaration d'appel ne critique pas expressément le chef de jugement rejetant le caractère professionnel de l'accident invoqué ;

- débouter l'employeur de sa demande tendant à faire dire et juger que la cour n'est pas saisie du chef de jugement rejetant le caractère professionnel de l'accident invoqué ;

- débouter l'employeur de sa demande tendant à faire dire et juger, in limine litis qu'en l'absence de contestation des parties, le caractère non professionnel de l'accident invoqué par la salariée a été prononcé par le tribunal judiciaire de Roanne par jugement du 9 avril 2020 de manière définitive ;

- débouter l'employeur de sa demande tendant à faire dire et juger n'y avoir lieu à statuer, en l'absence d'effet dévolutif, sur le caractère non professionnel dudit accident,

- débouter l'employeur de sa demande tendant à la débouter de l'ensemble de ses prétentions au motif que la faute inexcusable ne pouvant être retenue qu'à la condition que l'accident allégué revête le caractère d'un accident du travail.

- débouter l'employeur de sa demande subsidiaire tendant à faire dire que l'accident du 14 avril 2015 de la salariée ne revêt pas un caractère professionnel ;

- dire et juger que l'accident du travail dont elle a été victime le 14 avril 2015 est la conséquence de la faute inexcusable de l'employeur ;

- porter le montant de la majoration de la rente au maximum du montant attribué ; 

- désigner avant dire droit tel expert qu'il plaira à la cour afin de déterminer l'ensemble des préjudices subis par la salariée du fait de l'accident 14 avril 2015 conformément à la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010 ;

- condamner l'employeur à verser à la salariée la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions déposées le 4 mars 2021, l'employeur demande à la cour de :

In limine litis :

- dire et juger que la déclaration d'appel de la salariée le 15 mai 2020 ne critique pas expressément le chef de jugement rejetant le caractère professionnel de l'accident invoqué;

- dire et juger que la cour n'est pas saisie du chef de jugement rejetant le caractère professionnel de l'accident invoqué ;

- dire et juger en conséquence qu'en l'absence de contestation des parties, le caractère non professionnel de l'accident invoqué par la salariée a été prononcé par le tribunal judiciaire de Roanne par jugement du 9 avril 2020 de manière définitive ;

- dire et juger n'y avoir lieu à statuer, en l'absence d'effet dévolutif, sur le caractère non professionnel dudit accident ;

- la faute inexcusable ne pouvant être retenue qu'à la condition que l'accident allégué revête le caractère d'un accident du travail, débouter en tant que besoin la salariée de l'ensemble de ses prétentions ;

A titre subsidiaire, si la cour s'estimait saisie du caractère non professionnel de l'accident invoqué par la salariée ;

- dire et juger que l'accident du 14 avril 2015 de la salariée ne revêt pas un caractère professionnel ;

- confirmer par voie de conséquence le jugement rendu le 9 avril 2020 en toutes ses dispositions ;

A titre plus subsidiaire :

- dire que la salariée ne rapporte pas la preuve que l'employeur aurait commis une faute inexcusable ;

A titre encore plus subsidiaire : si, par extraordinaire la faute inexcusable de l'employeur était reconnue :

- statuer ce que de droit sur la demande d'expertise judiciaire, sur laquelle l'employeur formule les plus expresses protestations et réserves ;

- limiter la mission de l'expert judiciaire aux postes de préjudices visés par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale et ceux non déjà inclus en tout ou partie dans le livre IV du même code ;

En tout état de cause :

- débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes, en ce compris sa demande formulée au titre des frais irrépétibles ;

- condamner la salariée à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner la salariée aux dépens.

Dans ses observations déposées le 2 février 2022, la caisse demande à la cour de :

- dans l'hypothèse de la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur, prendre acte de ce que la caisse fera l'avance des sommes et des frais de l'expertise ;

- en tout état de cause, elle procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes (préjudices uniquement), dont elle serait amenée à faire l'avance, auprès de l'employeur, y compris des frais d'expertise.

*

Conformément aux dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile, les parties ont oralement soutenu à l'audience les écritures qu'elles ont déposées au greffe ou fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoirie et qu'elles indiquent maintenir, sans rien y ajouter ou retrancher.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux écritures ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur la recevabilité de l'appel formé la salariée

L'employeur fait valoir que, la salariée n'ayant pas expressément critiqué le chef de jugement prononçant le caractère non professionnel de l'accident allégué, ni sollicité l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a dit que l'accident allégué ne constituait pas un accident du travail, la cour n'a pas à statuer sur le caractère non professionnel de l'accident allégué. Il en déduit que, selon le jugement du 9 avril 2020, non contesté sur ce point, l'accident allégué par la salariée n'est pas un accident de travail.

En réplique, la salariée indique avoir visé l'ensemble des dispositions du jugement attaqué et souligne qu'aucun chef du jugement attaqué ne fait mention du caractère professionnel de l'accident du travail de la salariée.

La cour relève que le jugement entrepris ne précise pas dans son dispositif que l'accident invoqué par la salariée n'avait pas de caractère professionnel.

Le moyen d'irrecevabilité invoqué par l'employeur est dès lors sans objet.

Par ailleurs, il sera relevé que, dans sa déclaration d'appel du 15 mai 2020, la salariée critique le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Le tribunal ayant justifié ce rejet en écartant l'existence d'un accident du travail, la salariée est en droit de soutenir devant la cour les moyens de droit et de fait qui lui paraissent établir le caractère professionnel de l'accident qu'elle revendique et de solliciter le réexamen de ce motif.

* Sur le caractère professionnel de l'accident invoqué par la salariée

A titre infirmatif, la salariée indique que, le caractère professionnel de l'accident ayant été retenu par le jugement du 29 mars 2018, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Roanne, et aucun appel n'ayant été interjeté, ce jugement est définitif.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que les circonstances de l'accident dont elle a été victime sont précisément établies. Elle indique qu'elle a été confrontée à l'absence de son collègue de travail durant la semaine du 13 au 17 avril 2015, et devait dès lors assumer les tâches de celui-ci, en plus des siennes, aucune aide ne lui étant apportée. Elle indique qu'elle était durement affectée par cette situation, sa supérieure hiérarchique la découvrant en pleurs et alertait son propre supérieur, lequel multipliait les reproches à son égard, ce qui ressort de l'enquête diligentée par la caisse.

Elle indique que le 14 avril 2015, elle a sollicité un médecin, qui n'a pu la recevoir que le 17 avril et a immédiatement prescrit un arrêt de travail pour burn-out professionnel et que, le 24 avril 2015, elle faisait une tentative de suicide.

Elle rappelle qu'un entretien ou une réunion entre un salarié et son employeur sont de nature à provoquer chez un salarié une dépression nerveuse prise en charge au titre de la législation des accidents du travail.

Elle indique que la salariée a subi durant plusieurs mois une dégradation importante de ses conditions de travail dont la direction de l'entreprise a été alertée à plusieurs reprises notamment lors des entretiens annuels d'évaluation et que les reproches qu'elle a subis le 14 avril 2015 lui ont causé un choc psychologique à l'origine d'une grave dépression médicalement constatée.

Elle fait valoir qu'elle n'a jamais eu d'antécédent psychiatrique et que le médecin a constaté son état de santé justifiant un arrêt de travail pour burn out.

Ayant subi un choc psychologique soudain survenu pendant le temps et sur le lieu du travail, et qui a généré une lésion médicalement constatée, elle bénéfice de la présomption d'imputabilité.

Elle précise avoir été déclaré médicalement inapte à tous postes au sein de l'entreprise, ce qui confirme l'existence de l'un lien de causalité entre les conditions de travail et l'altération de santé de la salariée.

Elle indique que le conseil de prud'hommes, puis la cour d'appel, ont reconnu que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité étaient à l'origine de son inaptitude.

La prise en considération de la date à laquelle l'accident du travail a été déclaré, comme l'a fait le tribunal, ajoute une condition à la loi.

A titre confirmatif, l'employeur estime que la salariée n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses demandes, ne produisant que des pièces postérieures à son prétendu accident du travail, sans jamais démontrer qu'elle aurait, comme elle le prétend, informé antérieurement son employeur de ses prétendues difficultés.

Il souligne que la caisse avait initialement refusé de prendre en charge la maladie professionnelle déclarée le 1er juin 2015. Il indique qu'il avait transmis un courrier de réserves concernant l'accident du 17 avril 2015 et que la caisse a refusé de prendre en compte celui-ci au titre de la législation professionnelle, le 29 mars 2016, ce qui a été confirmé par la commission de recours amiable.

Il indique que le jugement du TASS du 29 mars 2018 a accepté de reconnaître le caractère professionnel de l'accident, survenu le 14, et non le 17, avril 2015.

Il entend souligner que, dans le cadre de la première instance, la salariée a initialement invoqué un accident du travail survenu le 17 avril 2015 pour dépression, à la suite d'un burn-out, avant d'invoquer successivement plusieurs lésions différentes (lombalgies, harcèlement moral, hypertension, risques cardio-vasculaires, tentative de suicide, accident survenu le 14 avril 2015 à la suite d'un entretien avec son responsable régional).

Il soutient qu'au stade de l'instance de reconnaissance de la faute inexcusable, l'employeur peut toujours invoquer l'absence de caractère professionnel de l'accident prétendument subi par le salarié, dont les seules affirmations ne suffisent pas à établir le caractère professionnel de l'accident qu'il allègue.

Il fait valoir que les circonstances de l'accident allégué par la salariée sont indéterminées et que le caractère soudain n'est pas démontré, en l'absence d'élément précis et concordant établissant les circonstances dans lesquelles l'accident est survenu.

Il indique que la salariée ne produit aucun élément quant au déroulement de la réunion du 14 avril 2015, à la suite de laquelle elle est retournée travailler sans formuler de quelconques doléances jusqu'à la fin de la semaine.

Il considère ainsi que la salariée n'a subi aucune lésion soudaine, l'état d'un salarié lié à une dégradation lente et progressive de ses conditions de travail étant incompatible avec la qualification d'accident du travail, de même que la qualification d'accident du travail ne peut s'appliquer à un préjudice qui se réalise progressivement et qui est le résultant d'une série d'événements à évolution lente. Il indique qu'une brutale altération des facultés mentales en relation avec l'événement invoqué doit être à l'origine de l'arrêt de travail. Il estime que la salariée ne produit que des éléments postérieurs et indique que ses conditions de travail se sont dégradées depuis 2011.

Il soutient que l'accident invoqué par la salariée n'a aucun lien avec les fonctions exercées au sein de l'entreprise.

La cour retient qu'il résulte des articles L. 411-1, L. 452-1 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, que si la décision de prise en charge de l'accident du travail, de la maladie professionnelle ou de la rechute, motivée et notifiée dans les conditions prévues par le dernier de ces textes, revêt à l'égard de l'employeur, en l'absence de recours dans le délai imparti, un caractère définitif, elle ne fait pas obstacle à ce que celui-ci conteste, pour défendre à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

Dès lors, la salariée ne peut valablement opposer à l'employeur la décision rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Roanne du 29 mars 2018, ayant reconnu le caractère professionnel de l'accident du travail, survenu le 14 avril 2015, dont elle se prévaut.

Par ailleurs, la cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Constitue ainsi un accident du travail, un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

Des troubles psychiques peuvent caractériser un accident du travail si leur apparition est brutale et liée au travail.

Il appartient au salarié qui allègue avoir été victime d'un accident du travail d'établir, autrement que par ses propres affirmations, les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.

En l'espèce, il est constant que la salariée a présenté un trouble psychologique, dont elle justifie, à compter du 17 avril 2015.

La cour constate ainsi que la salariée a déclaré le 18 janvier 2016 un accident du travail qui serait survenu le 17 avril 2015, dans laquelle elle expose sa surcharge de travail et que son « burn out s'est accentué jusqu'à épuisement total », et elle indique avoir tenté de mettre fin à ses jours le 24 avril 2015, ce qui au demeurant est confirmé par les documents qu'elle produit par ailleurs et particulièrement une synthèse hospitalière du 25 avril 2015.

Lors de l'enquête menée par la caisse, close le 2 février 2016, la salariée a indiqué que le 14 avril, elle était en pleurs en raison de la surcharge de travail liée à l'absence de son collègue, en congés. Elle a précisé avoir été reçue en entretien durant l'après-midi par un supérieur hiérarchique, M. [D], et que, ne s'étant pas sentie soutenue par celui-ci, elle est sortie en pleurs. Elle a déclaré s'être rendue chez son médecin le 17 avril.

La salariée produit à cet égard un certificat d'arrêt de travail du 17 avril 2015, lequel indique une « dépression suite à un burn out professionnel », le médecin précisant par ailleurs avoir été contacté par la salariée le 14 avril 2015 pour avoir un rendez-vous. Ce certificat d'arrêt de travail indique cependant un accident du 17 avril 2015.

Le 19 avril 2015, la salariée adressait une lettre au médecin du travail, dans laquelle elle fait état de cette même réunion du 14 avril avec son responsable, au cours de laquelle elle estime avoir n'avoir « pris que des reproches » et indique en être ressortie en pleurs.

Il y a donc lieu de relever que, selon la salariée, c'est cette réunion du 14 avril avec son supérieur hiérarchique qui lui a causé un « choc psychologique » et à la suite de laquelle elle s'est effondrée « physiquement et psychologiquement ».

Selon les termes de l'enquête administrative réalisée par la caisse, le supérieur hiérarchique de la salariée a confirmé avoir été informé le 14 avril 2015 que la salariée était en pleurs sur son lieu de travail et avoir alors provoqué un entretien. Selon les déclaration faites à l'agent de la caisse, il a estimé que la « discussion (avait) été constructive », ce qu'il a transcrit dans un courriel adressé à la salariée, et s'est enquis de la situation de la salariée auprès de sa responsable directe, laquelle ne lui « a mentionné aucun fait particulier », lui disant « au contraire que (la salariée) ne pleurait plus et semblait avoir retrouvé une certaine sérénité ».

Il en ressort également que la salariée a poursuivi son activité professionnelle durant la semaine, avant d'être placée en arrêt de travail par son médecin traitant le 17 avril.

Au regard de ces éléments, la cour rappelle que pour avoir un caractère certain, l'événement soudain caractérisant l'accident du travail doit avoir une date certaine.

En l'espèce, le cour ne peut tout d'abord que noter le délai entre la date de l'accident invoqué par la salariée, soit le 14 avril 2015, et la date à laquelle elle l'a déclaré, le 18 janvier 2016, soit plus de huit mois.

Surtout, elle relève que, dans sa déclaration d'accident du travail, la salariée a daté l'accident du travail au 17 avril 2015, date qui figure également dans le certificat médical initial joint à sa déclaration, établi le même jour. C'est cette même date qui est indiquée dans l'enquête administrative réalisée par la caisse et dans les lettres adressées par celle-ci à la salariée (12 et 13 janvier 2016 et 10 mai 2019). Il n'est justifiée d'aucune contestation de la salariée quant à une erreur dans l'indication de cette date.

A cet égard, et contrairement à ce qu'indique le jugement de première instance, la date de l'accident allégué durant la procédure d'instruction par la caisse est bien celle du 17 avril.

C'est ainsi que le tribunal des affaires de sécurité sociale de Roanne a cependant retenu, dans les rapports entre la caisse et la salariée, le caractère professionnel d'un accident du travail survenu le 14 avril 2015, en retenant comme événement constitutif de l'accident la réunion qui s'est tenue entre la salariée et son supérieur hiérarchique, M. [D].

La salariée ne fournit aucune explication quant aux raisons pour lesquelles elle a tout d'abord retenu cette date du 17 avril, qui relève, il faut le rappeler de sa seule initiative, alors qu'elle a soutenu par la suite, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale puis dans le cadre de la présente instance, que l'accident était survenu le 14 avril 2015.

Dans la mesure où la reconnaissance d'une faute inexcusable n'impose pas une déclaration d'accident du travail, puisqu'elle est indépendante de la prise en charge au titre de la législation professionnelle, cette différence de date n'induit pas, en elle-même, l'inexistence de tout accident mais, puisqu'il en résulte que la salariée n'a, durant plusieurs mois, et d'une manière itérative qui exclut toute erreur de plume, pas été en mesure de situer exactement la date de l'événement constitutif de l'accident du travail, il paraît difficile de déterminer pour celui-ci une date certaine.

Certes, il paraît constant que la salariée a eu un entretien avec son supérieur hiérarchique le 14 avril, en raison de l'état dans lequel l'avait trouvée sa responsable directe. La cour convient qu'un entretien entre un salarié et son employeur peut être considéré comme un accident de travail, mais sous réserve que soit cependant établi un rôle causal entre l'entretien et les lésions subies par le salarié. Or, en l'occurrence, la teneur de l'entretien du 14 avril, dont l'enquête administrative indique qu'il a été vécu comme déstabilisant par la salariée, en raison des reproches qui lui ont été faits par son employeur, alors que celui-ci l'a considéré comme constructif, voire rassérénant, ne repose que sur les affirmations de l'un et de l'autre. Il n'est produit aucun élément, proche ou immédiatement postérieur à cet entretien permettant d'en déterminer la teneur et son effet sur la salariée. Aucun lien n'est en cet état avec l'état psychologique de la salariée constaté par le médecin le 17 avril.

La plausibilité du moyen de la salariée selon lequel cet entretien a été le facteur déclenchant de l'effondrement de sa santé psychologique est de surcroît affaiblie par la description que la salariée fait elle-même de son état avant cet entretien, indiquant être en pleurs avant celui-ci, ce qui écarte en tout cas l'hypothèse que l'entretien soit la seule raison de son désarroi, et par le fait que cet entretien s'est tenu un mardi tandis que la salariée a indiqué lors de l'enquête administrative avoir pu poursuivre l'exercice de ses fonctions jusqu'au vendredi 17, sans que, de nouveau, il ne résulte du dossier qu'elle ait pu faire part à son entourage du désarroi qu'avait causé particulièrement l'entretien litigieux.

Corrélativement, la cour ne peut que constater qu'il résulte des pièces de la salariée que celle-ci se trouvait manifestement dans une situation de souffrance au travail depuis une période largement antérieure à cet entretien, la cour, dans sa décision statuant en matière de relations de travail, le 9 avril 2021, ayant relevé que des difficultés avaient été évoquées par la salariée en 2011, puis en 2013 et 2014.

En dernier lieu, il ressort de l'enquête administrative de la caisse que ces difficultés se cristallisaient sur les relations de la salariée avec un collègue de travail, M. [G], et sur les problèmes de santé que lui causaient le port de certaines charges, sans qu'il soit fait état de l'un ou l'autre de ces éléments à l'égard de l'accident de travail invoqué.

Au vu de ce qui précède, il n'est pas établi par la salariée, alors que la charge procédurale lui incombe, de l'existence d'un événement, dont la date serait certaine, survenu par le fait ou à l'occasion du travail, ayant été à l'origine des lésions corporelles qu'elle a subies.

Sur la faute inexcusable de l'employeur

La cour ayant retenu que la salariée n'établissait pas l'existence d'un accident du travail, il ne peut être reproché en conséquence à l'employeur de faute inexcusable, à l'origine d'un tel accident.

Le jugement doit dès lors être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Sur les autres demandes

La salariée, succombant en cette instance d'appel, devra en supporter les dépens.

Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile devront être rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

DECLARE l'appel formé par Mme [K] [T] recevable ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [K] [T] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 20/02657
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.02657 ?
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