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17/05/2022 | FRANCE | N°20/01611

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 17 mai 2022, 20/01611


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 20/01611 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M4R3





[B]



C/

CPAM DU RHONE

Société [6]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 31 Janvier 2020

RG : 16/01782















































AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS<

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COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 17 MAI 2022











APPELANTE :



[O] [B]

née le 29 Mars 1973 à COLOMBIE

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON







INTIMEES :



CPAM DU RHONE
...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 20/01611 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M4R3

[B]

C/

CPAM DU RHONE

Société [6]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 31 Janvier 2020

RG : 16/01782

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 17 MAI 2022

APPELANTE :

[O] [B]

née le 29 Mars 1973 à COLOMBIE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

CPAM DU RHONE

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par madame [Y] [T] , audiencière, munie d'un pouvoir

[6]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Nathalie FONVIEILLE de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substirué par Maître BRIATTA, avocat au même barreau

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Février 2022

Présidée par Thierry GAUTHIER, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Nathalie PALLE, présidente

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [B] (la salariée) travaillait en qualité de télé-conseillère de la société [6] (la [6], l'employeur).

Le 3 mars 2015, la salariée déclarait un accident du travail survenu le 4 décembre 2014 et a produit un certificat médical initial établi le 11 février 2015.

Le 6 mars 2015, l'employeur établissait une déclaration d'accident du travail avec réserves, ce qui donnait lieu à enquête administrative de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la caisse), laquelle a refusé de prendre en charge cet accident au titre de législation professionnelle.

Par décision du 11 mai 2016, la commission de recours amiable de la caisse rejetait la contestation de la salariée visant le refus de prise en charge.

Le 28 juin 2016, la salariée a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon d'un recours contre cette décision.

Par jugement du 31 janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon a :

- rejeté les demandes de la salariée ;

- laissé les dépens exposés depuis le 1er janvier 2019 à la charge de la salariée.

Par lettre recommandée envoyée le 26 février 2020, la salariée a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions déposées le 3 février 2021, la salariée demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- au vu de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, dire et juger que l'accident dont elle a été victime le 4 décembre 2014 est d'origine professionnelle ;

- renvoyer la salariée devant l'organisme compétent pour la liquidation des droits ;

- condamner la caisse à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses observations déposées le 5 janvier 2022, la caisse demande à la cour de confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire le 31 janvier 2020.

Dans ses conclusions déposées le 2 février 2021, l'employeur demande à la cour de confirmer le jugement ayant débouté la salariée de sa demande de reconnaissance d'accident de travail.

*

Conformément aux dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile, les parties ont oralement soutenu à l'audience les écritures qu'elles ont déposées au greffe ou fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoirie et qu'elles indiquent maintenir, sans rien y ajouter ou retrancher.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux écritures ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre infirmatif, la salariée fait valoir qu'elle a été informée en novembre 2014 que des missions d'assistance à ses collègues téléconseillers, pour lesquelles elle avait beaucoup d'intérêt, allaient lui être retirées et que, le 4 décembre 2014, après avoir raccroché avec un client, elle a senti des larmes couler sur son visage. Elle précise s'être alors rendue dans la salle des délégués du personnel et avoir décompensé, cette crise d'angoisse aigue ayant été constatée par trois témoins.

Elle considère, dès lors, que cette crise d'anxiété aigue constitue un événement soudain en lien avec l'activité professionnelle, survenu au temps et au lieu de travail.

Cet accident est donc présumé d'ordre professionnel.

Elle soutient que le certificat médical établi le 29 janvier 2015 conclut à un diagnostic de syndrome psycho-traumatique, ayant nécessité la prise d'une traitement médicamenteux et ayant justifié le maintien de l'arrêt de travail et l'orientation vers une inaptitude au travail, laquelle a été reconnue le 24 février 2015.

A titre confirmatif, l'employeur entend souligner que nombre des griefs que la salariée avait invoqué en première instance (absence d'évolution de salaire et de promotion, absence de formation, tâches retirées...) et que ses déclarations et ressentis ne peuvent établir la matérialité des faits et du lien entre son activité et l'accident du travail qu'elle revendique.

Il soutient que la soudaineté et le lien de corrélation avec l'activité professionnelle font défaut. Il précise que la salariée n'a demandé que le 5 mars 2015 la requalification de ses arrêts de travail en accident du travail.

Il indique que le certificat médical du psychiatre produit par la salariée, du 29 janvier 2015, ne fait que reprendre les déclarations de la salariée et indique par ailleurs des difficultés rencontrées par la salariée, antérieurement à son embauche.

La variation des versions de la salariée quand à la cause de sa crise d'anxiété amène à considérer qu'elle n'en établit pas la réalité.

A titre confirmatif, la caisse fait valoir que la salariée doit établir la preuve de la réalité d'un fait précis et soudain à l'origine des lésions et que, en matière d'affection psychique, le fait accidentel se trouve caractérisé par la brusque altération des facultés mentales de l'assuré, à la suite d'un événement précisément localisé dans le temps dans le cadre de l'activité professionnelle et que cette preuve ne résulter des seules allégations du salarié.

Elle soutient que la salariée ne rapporte pas la preuve d'un fait accidentel précis et soudain qui se serait produit aux temps et lieu du travail et ayant entraîné une brutale altération des facultés mentales, ses déclarations n'étant corroborées par aucun élément objectif.

Elle souligne que dans la déclaration d'accident du travail du 6 mars 2015, l'employeur a indiqué qu'elle a été établie à la suite de la réception d'un certificat « accident du travail » le 28 février 2015 modifiant la nature des arrêts précédents, soit près de trois mois après les faits. Elle considère que l'employeur n'a pas été avisé dans les délais prévus et que l'absence d'information à l'employeur de la survenance d'un fait accidentel survenu au temps et lieu du travail entraîne l'éviction de la présomption d'imputabilité.

Elle considère que les certificats médicaux produits, qui décrivent les lésions, ne font que reprendre les déclarations de la salariée et que les faits relatés ne résultent pas d'un fait accidentel soudain, mais d'une situation qui perdure dans le temps.

Elle soutient qu'aucun fait accidentel n'est décrit, l'enquête ayant établi l'absence d'incident avec la hiérarchie ou des collègues de travail ou les adhérents avec lesquels la salariée avait été en communication, laquelle a reconnu en outre que rien d'anormal ne s'est déroulé durant la journée du 4 décembre 2014.

Elle ajoute que, à la lecture des témoignages, aucune de ces personnes n'a été témoin direct d'un quelconque fait accidentel, le jour des faits indiqué, et aucune n'indique que l'état de santé de la salariée était en lien avec le travail.

Elle conclut à l'absence de survenance brutale, soudaine, de lésions psychiques.

La cour retient, en premier lieu, que si l'article R. 441-2 du code de la sécurité sociale prévoit que la déclaration à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue conformément à l'article L. 441-1 du même code doit être effectuée dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures, le non-respect par la victime de ce délai n'est pas sanctionné. Ainsi, la victime qui n'avertit pas son employeur et se borne dans les deux ans à aviser la caisse primaire ne peut, pour ce seul motif, être déchue de ses droits et cette circonstance n'est pas de nature à la priver du bénéfice de la présomption d'imputabilité prévue par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

Ainsi, s'il est constant que l'employeur a établi la déclaration d'accident du travail, avec réserves, le 6 mars 2015 en précisant n'avoir « reçu un certificat de travail - accident du travail - (que) le 28 février 2015 modifiant la nature des arrêts précédents » et que la salariée a procédé à une déclaration auprès de la caisse le 3 mars 2015 qui indique que l'accident du travail se serait produit le 4 décembre 2014 et produit un certificat médical initial du 11 février 2015, ce qui accrédite la réalité du grief de tardiveté de prévenance de l'employeur par la salariée, le moyen soulevé par la caisse, visant à ce qu'il en soit déduit que la salariée ne peut prétendre à la présomption d'imputabilité, doit dès lors être écarté.

En second lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Constitue ainsi un accident du travail, un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

Des troubles psychiques peuvent caractériser un accident du travail si leur apparition est brutale et liée au travail.

Il appartient au salarié qui allègue avoir été victime d'un accident du travail d'établir, autrement que par ses propres affirmations, les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.

La cour constate que dans sa déclaration d'accident du travail du 3 mars 2015, la salariée indique notamment avoir subi une « crise d'anxiété aigue » à la suite de « prises d'appel au poste de travail ».

Comme l'a relevé le premier juge, selon l'enquête réalisée par la caisse, le 4 décembre 2014 au matin, la salariée a repris son travail après sa pause repas au centre d'appels et, alors qu'aucun incident particulier ne s'était produit, après avoir raccroché avec un adhérent, elle s'est rendue compte qu'une larme coulait sur son visage et, après s'être rendue dans la salle des délégués du personnel, elle a décompensé et n'a pu reprendre son travail. Des témoins, deux collègues de travail, ont attesté avoir trouvé la salariée dans le local des délégués du personnel, en larmes, et la soeur de la salariée est venue la chercher pour la raccompagner chez elle.

Toutefois, et comme le tribunal, la cour ne peut que retenir qu'il n'est justifié par la salariée d'aucun fait soudain.

En ce qui concerne le fait soudain, qui peut résulter d'un événement ou d'une série d'événements ayant date certaine, la salariée, à hauteur d'appel, invoque l'appel téléphonique d'un client, la dégradation de ses conditions de travail et le fait que sa hiérarchie lui aurait retiré une mission d'assistance à ses collègues téléconseillers, qu'elle avait beaucoup investie.

Toutefois, sur ces deux derniers points, la salariée ne produit aucun élément permettant d'établir la réalité de ces événements et, de surcroît, leur date certaine. Elle produit ses entretiens d'évaluation des années 2013 et du premier semestre 2014, sans en tirer de moyen de fait précis.

Il sera noté que la salariée produit une lettre de son médecin psychiatre qui indique que le 4 décembre 2014, il aurait été reproché à la salariée l'insuffisance du nombre d'appels traités. Néanmoins, il convient de relever que le médecin ne peut sur ce point que faire état des déclarations de la salariée, qui n'invoque pas au demeurant un tel fait, lequel n'est en outre établi par aucun élément du dossier.

En ce qui concerne l'appel téléphonique du 4 décembre 2014, son existence n'est pas contestée, étant rappelé que l'activité professionnelle de la salariée impliquait la prise d'appels. Cependant, comme le premier juge, la cour, conformément à la définition des accidents du travail susvisé et sans ajouter une condition à la loi, retient qu'il n'est pas établi par la salariée de lien entre cet appel téléphonique, dont au demeurant elle ne précise pas la teneur, et la crise d'angoisse qu'elle a consécutivement subie.

Au surplus, la cour ajoute que sa décision n'est en rien un déni de la souffrance au travail qu'a pu ressentir la salariée, telle qu'elle est notamment consignée par son médecin psychiatre, mais le constat que celle-ci ne peut être considérée comme résultant d'un accident du travail.

Dès lors, la salariée ne parvient pas à établir, autrement que par ses seules affirmations, que la lésion dont elle a souffert a résulté d'un événement ou d'une série d'événements survenus à l'occasion ou par le fait du travail.

Au vu de ce qui précède, la cour ne peut que confirmer le jugement attaqué.

La salariée, succombant en son appel, devra en supporter les dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de rejeter les demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [O] [B] aux dépens.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 20/01611
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.01611 ?
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