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16/05/2022 | FRANCE | N°22/03282

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 16 mai 2022, 22/03282


COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 16 Mai 2022

statuant en matière de soins psychiatriques





N° RG 22/03282 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OI5R



Appel contre une décision rendue le 05 mai 2022 par le Juge des libertés et de la détention de [Localité 3].





APPELANT :



M. [F] [V]

né le 19 novembre 1963 à [Localité 3]

de nationalité française

actuellement hospitalisé au centre hospitalier de [4]

[Localité 2] (RHÔNE)
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comparant, assisté de Maître Nathalie LOUVIER, avocate au barreau de Lyon, commise d'office





INTIME :



CENTRE HOSPITALIER [4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



non comparant, rég...

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 16 Mai 2022

statuant en matière de soins psychiatriques

N° RG 22/03282 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OI5R

Appel contre une décision rendue le 05 mai 2022 par le Juge des libertés et de la détention de [Localité 3].

APPELANT :

M. [F] [V]

né le 19 novembre 1963 à [Localité 3]

de nationalité française

actuellement hospitalisé au centre hospitalier de [4]

[Localité 2] (RHÔNE)

comparant, assisté de Maître Nathalie LOUVIER, avocate au barreau de Lyon, commise d'office

INTIME :

CENTRE HOSPITALIER [4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non comparant, régulièrement avisé, non représenté,

---------

Madame [J] [V], fille et tiers demandeur à la mesure d'hospitalisation sous contrainte de [F] [V], régulièrement avisée, non comparante et non représentée.

Le dossier a été préalablement communiqué au ministère public qui a fait valoir ses observations écrites.

* * * * * * * * *

Nous, Stéphanie ROBIN, conseillère à la cour d'appel de Lyon, désignée par ordonnance de monsieur le premier président de la cour d'appel de Lyon du 15 décembre 2021 pour statuer à l'occasion des procédures ouvertes en application des articles L.3211-12 et suivants du code de la santé publique, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Assistée de Ludwig PAWLOWSKI, greffier, pendant les débats tenus en audience publique,

Ordonnance prononcée le 16 mai 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Stéphanie ROBIN, conseillère, et par Ludwig PAWLOWSKI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********************

Par décision du 30 avril 2022, la directrice de l'hôpital [4] a prononcé l'admission en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, conformément aux articles L.3211-2-2, L.3212-1 et suivants du code de la santé publique, à la demande d'un tiers, de M. [F] [V], né le 19 novembre 1963 à [Localité 3].

Cette mesure a été prise sur la base de certificats médicaux, constatant des idées délirantes de persécution, envers certaines personnes de son voisinage, et une agitation rendant impossibles son consentement aux soins.

Par décision du 3 mai 2022, la directrice du centre hospitalier a prolongé l'hospitalisation pour une durée d'un mois, et a fixé les modalités de prise en charge de M. [V] sous la forme d'une hospitalisation complète.

Par requête en date du 3 mai 2022, la directrice du centre hospitalier a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, afin qu'il soit statué sur la poursuite de l'hospitalisation complète au-delà de douze jours.

Par ordonnance rendue le 5 mai 2022, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien en hospitalisation complète de M. [F] [V], sans son consentement, pour lui prodiguer des soins psychiatriques, au-delà d'une durée de douze jours.

Par télécopie reçue au greffe de la cour d'appel le 5 mai 2022, M. [V] a relevé appel de cette décision. Il fait état de son incompréhension face à la demande d'hospitalisation de ses enfants, invoquant un kidnapping et une action préméditée de sa famille. Il indique avoir lui- même consulté un psychiatre un an auparavant, suite à un accident du travail, la pandémie et un cambriolage.

Il considère que cette hospitalisation ne peut qu'aggraver son état, et aspire à recouvrer sa liberté.

La procureure générale a conclu à la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, et donc au maintien de la mesure d'hospitalisation sous contrainte.

L'affaire a été initialement fixée au 12 mai 2022.

A cette date, elle a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 16 mai 2022.

L'affaire a été évoquée lors de l'audience du 16 mai 2022.

À cette audience M. [V] comparaît. Il indique, conformément à son courrier d'appel, qu'il ne comprend pas la brutalité de son hospitalisation, n'ayant jamais porté atteinte à lui- même ou à autrui. Il souligne qu'il avait précédemment pris l'initiative de consulter un psychiatre qui lui avait prescrit des anxiolytiques, et qu'il s'est retrouvé ensuite privé de sa liberté. Il ne fait pas état de troubles, mais indique qu'il serait prêt à bénéficier d'une injection retard, souhaitant reprendre son quotidien, sortir et disposer de sa liberté. Il ajoute qu'il voit peu ses enfants et que les propos à l'oral des soignants ne sont pas conformes aux écrits transmis.

Il lui est donné connaissance à l'audience de l'avis du parquet général et il se déclare opposé à cet avis.

Il ajoute qu'il ne voit pas d'objection à la demande d'expertise, formulée par son avocat, tout en précisant qu'il est convaincu que les conclusions ne seront pas différentes de celles des certificats des médecins. Il insiste sur son souhait de pouvoir retrouver sa liberté, estimant que l'hospitalisation sous contrainte a déjà été longue et appréhendant la suite.

Maître Louvier, qui indique avoir eu connaissance des certificats médicaux de situation établis par le docteur [Y] le 7 mai 2022 et le 13 mai 2022, ainsi que des conclusions de la procureure générale, a été entendue en ses explications.

Elle sollicite à titre principal l'infirmation de la décision du juge des libertés et de la détention, avec un effet différé de 24 heures, pour permettre la mise en oeuvre d'un programme de soins, ou subsidiairement une expertise médicale pour permettre d'accélérer le processus permettant un programme de soins. Elle argue d'un décalage entre les certificats médicaux dont la teneur est similaire, et l'attitude de M. [V] lors de l'audience, qui ne tient pas des propos incohérents et ne se montre pas opposant aux soins. Elle met en avant l'enjeu de privation de liberté pour M. [V].

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel formé par M. [F] [V], parvenu au greffe de la cour dans les délais légaux, est recevable.

Sur la demande de mainlevée de la mesure de soins psychiatriques et la demande d'expertise judiciaire :

Il appartient au juge judiciaire, selon les dispositions de l'article L.3211-3 du code de la santé publique, de s'assurer que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles du patient sont adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis.

L'hospitalisation à la demande d'un tiers a eu lieu suite à des propos délirants de persécution de M. [V], accompagnés d'un repli à son domicile, d'une alimentation très réduite et de troubles de l'endormissement.

Il évoquait l'entrée par effraction à son domicile, de personnes profitant de son absence, pour remplacer des documents.

Le déni des troubles et l'opposition aux soins étaient mis en exergue.

Le certificat médical des 24 heures, du docteur [K] [X], relève un comportement vite virulent et peu apaisé, en dépit du traitement médicamenteux anxiolytique et anti- délirant. Son opposition aux soins et à l'hospitalisation est confirmée, en l'absence de conscience de toute pathologie. Les propos restent incohérents et le risque de soustraction est décrit comme majeur, son état clinique étant incompatible avec un soin ambulatoire, les soins devant se poursuivre pour permettre l'ajustement du traitement.

Le certificat médical des 72 heures du docteur [Y] mentionne la persistance du processus paranoïaque envahissant et le déni des troubles. Sa vulnérabilité et le risque d'enlisement dans le repli social antérieur sont soulignés, en l'absence d'hospitalisation sous la forme d'une hospitalisation complète.

Les mises en danger possibles sont également évoquées dans le certificat médical de demande de prolongation de la mesure d'hospitalisation du 3 mai 2022.

Le certificat de situation du 7 mai 2022 confirme les inquiétudes concernant l'état psychique de M. [V], qui reste dans un délire de persécution, son fils, associé à la prise en charge, ayant pu lire lors d'un entretien familial un écrit de son père, évoquant les accusations à l'égard de ses voisins concernant l'empoisonnement de son eau, de sa nourriture et l'espionnage par des caméras thermiques. Le psychiatre expose qu'une sortie prématurée serait source d'enlisement, de mises en danger et de prostration, le déni des troubles demeurant massif.

Si un discours 'adapté' peut être souligné dans le seul objectif d'une sortie de l'hôpital, l'adhésion aux soins n'est aucunement acquise.

Le dernier certificat du docteur [Y] du 13 mai 2022 note une absence d'évolution de l'état psychique et un délire à thématique de persécution toujours envahissant. Le déni des troubles est décrit comme toujours trop marqué, ne permettant pas de considérer qu'il poursuivra son traitement s'il sortait de l'hôpital dans les prochains jours. Il est relevé que l'altération de ses capacités décisionnelles ne lui permettent pas de fournir un consentement aux soins, qui soit recevable.

Il résulte de ces éléments qu' il n'est pas relevé d'évolution favorable de la situation. En effet, les troubles restent d'actualité et s'il présente à l'audience un discours se voulant rassurant, celui-ci apparaît guidé par sa volonté de sortir de l'hôpital et non une prise de conscience des troubles évoqués.

Il ressort clairement des certificats médicaux que seule l'hospitalisation complète est de nature actuellement à répondre aux troubles de M. [V] et à garantir une effectivité du traitement.

Dans ce contexte, un programme de soins reste à ce jour prématuré, les seuls propos de M. [V] à l'audience ne pouvant permettre de garantir une observance des soins et du traitement, au regard des constatations médicales précises et circonstanciées, M. [V] ayant de plus fugué de l'hôpital quelques jours après son admission, avant d'être réintégré le jour même avec le concours des forces de l'ordre, et pouvant 'négocier des soins ambulatoires' par des attitudes obséquieuses, mais se considérant en bonne santé psychique.

Ces dernières observations du psychiatre contenues dans le certificat du 7 mai 2022, n'apparaissent donc pas en contradiction avec l'attitude de M. [V] à l'audience.

Par ailleurs, les pièces remises à l'audience par M. [V], soit un dépôt de plainte le 21 décembre 2021 pour des faits commis d'après lui le 15 août 2021, précisant que des personnes lui ont pris des objets, en ont mis d'autres à son domicile et qu'elles continuent à s'introduire chez lui, ce dont il est certain, un arrêt de travail et un certificat d'un psychiatre évoquant une consultation le 23 décembre 2021 ne permettent pas de remettre en cause les éléments précités.

En outre, les certificats médicaux sont circonstanciés et convergents et une expertise médicale ne se justifie pas dans ce contexte.

Il résulte de ces différentes considérations que le maintien de M. [V] dans le dispositif d'hospitalisation psychiatrique sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, est justifié, cette mesure s'avérant en outre proportionnée à son état mental au sens de l'article L.3211-3 du code de la santé publique. Son état nécessite en effet des soins, auxquels il n'est pas en mesure de consentir pleinement dans le cadre d'une alliance thérapeutique, la conscience de ses troubles n'étant pas avérée et l'adhésion aux soins encore non réellement acquise.

De plus, la mainlevée de la mesure actuelle serait de nature à engendrer une rechute rapide d'après le dernier certificat médical, pouvant mettre en danger M. [V].

Il convient en conséquence de rejeter la demande d'expertise et de confirmer la décision du juge des libertés et de la détention.

PAR CES MOTIFS

Déclarons l'appel recevable,

Rejetons la demande d'expertise médicale,

Confirmons l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Laissons les dépens d'appel à la charge du trésor public.

La greffière, La conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 22/03282
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;22.03282 ?
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