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12/05/2022 | FRANCE | N°21/01475

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 12 mai 2022, 21/01475


N° RG 21/01475

N° Portalis DBVX-V-B7F-NNWM









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 18 février 2021



RG : 2020f1558







[W]



C/



S.A.R.L. [Z] [F]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRÊT DU 12 Mai 2022







APPELANT :



M. [L] [W]

né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 8] (P

ORTUGAL)

[Adresse 2]

[Localité 7]



Représenté par Me Kevin CHAPUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 2207







INTIMEE :



S.A.R.L. [Z] [F], représentée par Maître [Z] [F], venant aux droits de la SELARL ALLIANCE MJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de la...

N° RG 21/01475

N° Portalis DBVX-V-B7F-NNWM

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 18 février 2021

RG : 2020f1558

[W]

C/

S.A.R.L. [Z] [F]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 12 Mai 2022

APPELANT :

M. [L] [W]

né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 8] (PORTUGAL)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Kevin CHAPUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 2207

INTIMEE :

S.A.R.L. [Z] [F], représentée par Maître [Z] [F], venant aux droits de la SELARL ALLIANCE MJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL TM PLATRERIE

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 1470, substitué par Me Franck CANCIANI, avocat au barreau de LYON

INTERVENANTE :

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 5]

******

Date de clôture de l'instruction : 10 Mars 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Mars 2022

Date de mise à disposition : 12 Mai 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- [Z] CHATELAIN, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l'audience, Raphaële FAIVRE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL TM Plâtrerie, dirigée par [L] [W], spécialisée dans l'activité de plâtrerie peinture a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 12 avril 2017 rendu sur demande de l'URSSAF. La SELARL Alliance MJ, représentée par Me [G] [F] ou Me [Z] [F], a été désignée ès qualités de liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 12 octobre 2015.

M.[W] était également dirigeant de la société [W], placée en liquidation judiciaire le 28 juin 2012 et de la société Matt Travaux, placée en redressement judiciaire le 8 janvier 2018 puis en liquidation judiciaire le 21 mars 2018. Ces sociétés avaient également une activité de travaux de peinture et plâtrerie. Depuis le 16 avril 2018, M. [W] a crée la société MT Deco Bâtiment, dont l'activité est identique à celle des précédentes.

Suite aux opérations de liquidation judiciaire, la SELARL Alliance MJ, représentée par Me [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TM Plâtrerie, a relevé une absence de paiement des cotisations fiscales et sociales, le détournement des actifs de celle-ci ainsi que l'absence de tenue de comptabilité et a assigné M. [W], par acte d'huissier de justice du 29 mai 2020, devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de voir prononcer à son encontre, à titre principal, une mesure de faillite personnelle, et à titre subsidiaire, une mesure d'interdiction de gérer.

Par jugement du 18 février 2021, ce tribunal a :

prononcé à l'encontre de M. [W] une faillite personnelle de 10 ans,

ordonné l'exécution provisoire de la décision,

rappelé qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, les condamnations prononcées sur le fondement du livre VI du code de commerce doivent faire l'objet d'une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de la procédure.

M. [W] a interjeté appel par acte du 25 février 2021.

Par conclusions du 5 avril 2021, fondées sur l'article 1240 du code civil, sur les articles L.223-22, L.653-4, L.653-5 et L.653-8, L.653-11 du code de commerce, ainsi que sur l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales, M. [W] demande à la cour de :

infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à une sanction de faillite personnelle de 10 ans,

statuant a nouveau :

juger que la preuve selon laquelle il aurait détourné des actifs de la société TM Plâtrerie au profit de la société Matt Travaux n'est pas rapportée par le liquidateur,

juger qu'une sanction de faillite personnelle est à la fois non nécessaire et inadéquate, compte tenu des fautes de gestion de gravité modérée relevées contre lui,

juger qu'une sanction de faillite personnelle d'une durée de 10 ans est en tout état de cause disproportionnée aux fautes de gestion relevées contre lui,

juger qu'il apporte une contribution suffisante au paiement du passif de la société TM Plâtrerie,

condamner le liquidateur judiciaire à lui verser la somme de 3.000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 3 août 2021, la SELARL [Z] [F], représentée par Me [F], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société TM Plâtrerie, en lieu et place de la SELARL Alliance MJ, représentée par Me [F] (le liquidateur judiciaire).

Par conclusions du 22 février 2022, fondées sur les articles L.651-2, L.653-4, L.653-5 et L.653-8 du code de commerce, le liquidateur judiciaire demande à la cour de':

rejeté toutes demandes, fins, moyens et conclusions contraires,

à titre principal :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

débouter M. [W] de ses demandes,

à titre subsidiaire,

prononcer une mesure d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [W] de 10 années,

statuant de nouveau,

condamner M. [W] à lui payer la somme de 6.000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [W] aux entiers dépens de la présente instance.

Le ministère public, par observations du 21 mai 2021, communiquées contradictoirement aux parties, sollicite la confirmation de la décision critiquée et s'en remet aux moyens et arguments exposés par le liquidateur.

MOTIFS

Sur la faillite personnelle

Dès lors qu'un seul des faits prévus aux articles L. 653-4 à L. 653-6 est établi, la faillite personnelle peut être prononcée'; lorsque plusieurs faits sont retenus, chacun d'eux doit être légalement justifié.

Les fautes reprochées à M. [W] en première instance et retenues comme constituées par les premiers juges sont les suivantes :

l'absence de tenue de comptabilité,

le détournement des actifs de la société TM Plâtrerie.

M. [W] conteste la faillite personnelle prononcée à son encontre et dénonce l'inadéquation, l'absence de nécessité et la disproportion de cette sanction.

En cause d'appel, le liquidateur judiciaire soutient la faillite personnelle de M. [W] sur quatre griefs, à savoir':

l'emploi de moyen ruineux pour se procurer des fonds,

le détournement des actifs de la société TM Plâtrerie,

l'absence de tenue de comptabilité,

un compte courant d'associé débiteur.

S'agissant du grief tenant à l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire et l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds

Selon l'article L.653-5 2° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 contre laquelle a été relevé le fait d'avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds.

En l'espèce, le liquidateur judiciaire fait grief à M. [W] d'avoir omis depuis le quatrième trimestre 2015 de procéder au paiement de ses cotisations sociales obligatoires. Contrairement à ce que soutient ce dernier, qui reconnaît au demeurant expressément ce manquement, le fait de privilégier le paiement des fournisseurs et des salariés, ne caractérise nullement'«'un sens des priorités axé sur la poursuite des affaires sociales'», mais un moyen de constituer une trésorerie fictive, constitutif de l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds au sens du texte susvisé. Ce grief est donc caractérisé à l'encontre de l'appelant.

S'agissant du grief de tenue de comptabilité incomplète ou irrégulière

Selon l'article L. 653-5 6° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

Le liquidateur judiciaire reproche à M. [W] de ne pas lui avoir remis les grands livres de l'exercice clos au 30 septembre 2016, le compte courant et bilan de l'exercice clos le 30 septembre 2016 et la comptabilité du 1er octobre 2016 à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, ce que ce dernier admet, affirmant par ailleurs que la comptabilité pour l'exercice du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 n'a pas pu être établie faute de rémunération du comptable.

Contrairement à ce que soutient toutefois l'appelant, ni l'absence de rémunération du comptable à l'origine de la carence constatée, ni l'absence de falsification ou de dissimulation des comptes ne sont pas de nature à l'exonérer de ce manquement à la gestion que constitue ce défaut d'établissement des éléments comptables, dont il n'est pas allégué qu'il procède d'une simple négligence ou omission. Ce grief qui constitue un motif de faillite est donc caractérisé à l'encontre de l'appelant.

S'agissant du grief de détournement de l'actif

Selon l'article L.653-4 5° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé le fait d'avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Si le liquidateur judiciaire reproche à M. [W] d'avoir détourné les clients de la société TM Plâtrerie au profit de la société Matt Travaux, dont il est également gérant, il convient de relever que ni l'extrait de compte retraçant des opérations de crédits débits entre les deux sociétés, ni l'affirmation, non assortie d'offre de preuve, selon laquelle les factures des fournisseurs de la société TM Plâtrerie ont été payées par la société Matt Travaux, ni enfin le fait que cette dernière a réalisé dès son premier exercice un chiffre d'affaires de 208.500 euros, ne sont de nature à caractériser l'existence du détournement de clientèle allégué.

Le liquidateur judiciaire reproche encore à M. [W] d'avoir détourné trois véhicules de la société TM Plâtrerie au profit de la société Matt Travaux.

L'appelant se prévaut de factures et de certificats de cessions pour justifier de cette opération.

Il est néanmoins observé que ces documents ne font pas preuve de la régularité de cette transaction alors que les factures ont été émises par la société TM Plâtrerie le 10 novembre 2016, soit trois mois avant l'établissement des certificats de cession délivrés à la société Matt Travaux le 21 février 2017, ce qui traduit l'établissement de pièces pour les besoins de la cause. Au surplus'M. [W] échoue à rapporter la preuve d'un paiement des véhicules litigieux par compensation alors que rien, hormis ses allégations, non assorties d'offre de preuve n'établit que la société Matt Plâtrerie s'est acquittée, dans cette perspective, de deux factures émises par une société Ben Peinture Plâtrerie à l'encontre de la société TM Plâtrerie.

Le liquidateur judiciaire lui reproche enfin de détenir un compte courant d'associé débiteur, ce que M. [W] reconnaît, de sorte que le grief tenant au détournement d'actif de la société TM Plâtrerie est parfaitement caractérisé, sans qu'il soit besoin d'examiner davantage le moyen tiré de la réalité et de la régularité de l'inscription de la somme de 5.000 euros au crédit de ce compte, lequel demeure déficitaire, nonobstant cette écriture comptable.

Sur la sanction

Par ces motifs ajoutés à ceux du premier juge, M. [W] relève du prononcé d'une sanction de faillite personnelle de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer plus avant sur la demande subsidiaire du liquidateur judiciaire tendant au prononcé d'une interdiction de gérer.

Nonobstant les nombreux griefs précédemment examinés et retenus contre M. [W] en sa qualité de dirigeant de la société TM Plâtrerie, il y a lieu de prendre en compte le fait que l'intéressé rembourse mensuellement une partie de son compte courant d'associé et n'a jamais fait l'objet d'une sanction professionnelle de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer'; la sanction de faillite personnelle devant être proportionnée au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de M. [W], il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en fixant à deux ans la durée de cette sanction.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens'

M.[W] qui succombe dans son recours, doit verser au liquidateur judiciaire une indemnité de procédure à hauteur d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel ne constituent pas des frais privilégiés de la procédure collective mais sont à la charge de M. [W].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé une faillite personnelle de dix ans à l'encontre de M. [W] et en ce qu'il a dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de partage,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,

Prononce à l'encontre de M. [W], né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 8] (Portugal), une faillite personnelle de deux ans,

Condamne M. [W] à verser à la SELARL [Z] [F], représentée par Me [F] venant aux droits de la SELARL Alliance MJ, représentée par Me [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL TM Plâtrerie, une indemnité de procédure de 2.000 euros, au titre de la première instance et à hauteur d'appel,

Condamne M. [W] aux dépens de première instance et d'appel.

Confirme pour le surplus le jugement déféré.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/01475
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.01475 ?
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