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12/05/2022 | FRANCE | N°19/08679

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 12 mai 2022, 19/08679


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/08679 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYEM





SAS SODEPM



C/

[O]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 26 Novembre 2019

RG : F18/00427

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 12 MAI 2022







APPELANTE :



Société SODEPM

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par

Me Pierre ROBILLARD de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉ :



[W] [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté par Me Saba BENZEGHIBA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Me Anne BERNADAC, avocat au barreau...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/08679 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYEM

SAS SODEPM

C/

[O]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 26 Novembre 2019

RG : F18/00427

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 12 MAI 2022

APPELANTE :

Société SODEPM

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Pierre ROBILLARD de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉ :

[W] [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Saba BENZEGHIBA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Me Anne BERNADAC, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Février 2022

Présidée par Thierry GAUTHIER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nathalie PALLE, président

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [O] (le salarié) a été embauché par la société Sodepm (l'employeur), le 1er décembre 1997, en qualité d'employé de magasinage, sous le régime de la convention collective nationale du commerce de gros.

Le 6 septembre 2017 le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, devant se tenir le 15 septembre 2017, avec mise à pied à titre conservatoire.

Une lettre de licenciement pour faute grave a été notifiée au salarié le 22 septembre 2017, dans les termes suivants :

« Je fais suite à l'entretien préalable auquel je vous avais convoqué pour ce vendredi 15 septembre 2017, où vous étiez assisté et lors duquel il vous a été rappelé les faits qui vous sont reprochés, à savoir :

- D'une façon générale, vous faites volontairement fi des procédures en vigueur dans l'entreprise.

Ainsi, il est régulièrement arrivé que vous ne contrôliez pas les livraisons, tout en laissant le cachet de l'entreprise en libre-service'.

Vous faites également preuve d'une désinvolture intolérable, vous conduisant à interroger vos collègues sur les palettes à utiliser ou commettre des erreurs grossières de colisage alors que cela relève de vos fonctions habituelles depuis de nombreuses années.

Et lorsque vos collègues vous font des réflexions, vous vous emportez violemment.

- Par ailleurs, après m'avoir informé le 24 juillet 2017 que vous ne pouviez plus conduire le chariot élévateur, je vous ai demandé de m'en restituer les clés.

Vous avez alors refusé en n'hésitant pas à vous imposer physiquement dans le seul but de me faire peur, tout en me hurlant dessus à tel point qu'aucune communication n'a été possible'.

Après avoir créé un véritable esclandre au sein de l'entreprise, vous m'avez finalement restitué les clés puis, prétextant une subite douleur au genou, vous êtes sorti de mon bureau tout en criant à mon attention : « allez-vous faire foutre ».

- Le 26 juillet suivant, je vous ai surpris dans le dépôt de l'entreprise en train de charger des marchandises appartenant à la société voisine avec le chariot élévateur de SODEPM et ce pendant vos heures de travail.

Vous avez expressément reconnu les faits, expliquant benoîtement que cette entreprise vous « avait demandé ce travail ».

De tels faits sont intolérables et susceptibles de créer de graves problèmes à SODEPM (engagement de sa responsabilité civile voire pénale).

- Le 25 août 2017 au matin, vous m'avez informé que vous n'aviez pas de commandes à traiter ce jour-là, avant de me demander si vous pouviez rentrer chez vous ; ce que j'ai refusé compte tenu du travail qui restait à accomplir.

Il est inadmissible qu'en travaillant dans notre entreprise depuis plus de 19 ans, vous ne sachiez ce que vous devez faire.

- En outre, vous persistez à ne pas suivre les consignes qui vous sont données et faites preuve de négligences fautives dans l'exercice de vos fonctions.

Ainsi et par exemple :

- La semaine du 10 juillet 2017, vous avez filmé une commande alors qu'on vous avait pourtant demandé d'attendre l'étiquetage et le contrôle. Il a fallu tout refaire, ce qui a engendré non seulement une perte de temps mais également un coût financier pour l'entreprise ;

- Egalement vous avez commis des erreurs répétées de colisage entraînant des incohérences avec les bulletins de livraison ;

- Il nous a fallu redoubler d'efforts pour vous convaincre de ne pas envoyer un rouleau trop volumineux par colissimo ;

- Enfin, vous ne respectez pas le cahier des charges nécessaires à la préparation de commandes spécifiques (par exemple client RAJA).

Vos collègues de travail ont déploré votre manque de rigueur et d'implication dans votre travail, les contraignant à effectuer un double contrôle de palettes, ce qui a un impact négatif sur le temps de travail et l'ambiance générale dans l'entreprise.

- Enfin vous faites preuve d'insubordination en refusant toute autorité à tel point que les deux commerciales et un intérimaire refusent de travailler avec vous.

Compte tenu de la gravité de votre comportement, je suis contraint de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Dès lors, vous cesserez de faire partie du personnel de l'entreprise dès la première présentation de cette lettre et ce, sans préavis, ni indemnité.

Je vous enverrai vos documents de fin de contrat : un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation « employeur assurance chômage » ainsi que les salaires et indemnités qui vous sont dus. »

Par requête du 6 septembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et aux fins de versement d'un rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire et d'indemnités de rupture.

Par jugement du 26 novembre 2019, la formation de jugement paritaire du conseil de prud'homme a :

- dit que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- prononcé l'annulation de la mise à pied à titre conservatoire ;

- condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 1 380 euros au titre de l'indemnisation de la mise à pied à titre conservatoire.

- 4 358 euros au titre du préavis ;

- 435,80 euros au titre de congés payés sur préavis ;

- 11 566 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

- 13 566 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause

réelle et sérieuse ;

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise d'une attestation Pôle emploi rectifiée et du bulletin de paye correspondant ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné l'employeur aux dépens.

Par déclaration au RPVJ du 17 décembre 2019, l'employeur a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions n° 2 déposées le 4 janvier 2022, l'employeur demande à la cour de :

- infirmer le jugement et :

- A titre principal, juger que le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié;

- A titre subsidiaire, juger que les faits reprochés justifient, à tout le moins, un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

- débouter en conséquence le salarié de l'intégralité de ses demandes ;

- le condamner à verser à l'employeur la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses conclusions déposées le 20 avril 2020, le salarié demande à la cour de :

- confirmer le jugement et en conséquence :

- dire et juger que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner en conséquence l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 11 566 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

- 1 380 euros au titre de l'indemnisation de la mise à pied à titre conservatoire ;

- 4 358 euros au titre du préavis ;

- 435,80 euros au titre de congés payés sur préavis ;

- 13 074 euros à titre de dommages-intérêts ;

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- constater que le salarié a subi un préjudice important ;

- y ajouter et condamner l'employeur au paiement de la somme de :

- 13 074 euros à titre de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la défenderesse en tous les dépens de la présente instance.

- condamner l'employeur au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur le licenciement pour faute grave

A titre infirmatif, l'employeur soutient que le salarié a commis plusieurs manquements graves dans le cadre de l'exécution de ses fonctions.

Concernant l'irrespect des procédures en vigueur dans l'entreprise, l'employeur fait valoir qu'il justifie par exemple que le salarié n'appliquait pas les consignes relatives à l'utilisation des palettes, ne contrôlait pas les livraisons et laissait le carnet et le cachet de l'entreprise en libre-service. Il ajoute que le salarié faisait preuve de désinvolture, dérangeant sans cesse ses collègues afin d'obtenir des renseignements concernant des procédures qu'il était censé connaître, ce qui témoigne de sa mauvaise volonté. Il indique que cette attitude désinvolte et le manque d'implication du salarié provoquait ainsi une perte de temps et une désorganisation de l'entreprise.

Concernant le chargement de marchandises appartenant à une entreprise extérieure avec le matériel de l'entreprise, l'employeur indique que ces faits, intolérables ont entraîné des conséquences néfastes pour l'appelante, ont été commis durant les horaires de travail du salarié, contrairement à ses obligations contractuelles et étaient susceptibles d'engager la responsabilité de l'entreprise. Il précise que le salarié a reconnu ces faits durant l'entretien préalable.

Concernant l'ignorance affichée par le salarié des tâches qui lui incombaient, l'employeur fait valoir que le salarié a souhaité quitter l'entreprise le 25 août 2017, faute de commandes ce jour-là, ce qui lui a été refusé et alors que le traitement des commandes ne constitue pas ses seules missions, ce qu'il ne pouvait en outre ignorer en raison de son ancienneté importante. L'employeur considère que le salarié a affiché ainsi son manque de sérieux et une attitude désinvolte.

Concernant l'absence de suivi des consignes de la hiérarchie, il indique justifier de différents exemples démontrant que le salarié n'a pas respecté les consignes données, ce qui a engendré une perte de temps et un coût financier supplémentaire pour l'entreprise, et qu'il a commis à plusieurs reprises des erreurs de colis entraînant des incohérences avec les bulletins de livraisons. Il soutient que ce comportement était récurrent.

Concernant le refus par le salarié de toute autorité et de toute remarque de la part de ses collègues de travail, l'employeur indique qu'il justifie de ce que le salarié refusait de se soumettre à l'organisation voulue dans l'entreprise et faisait comme il lui semblait, ce qui a conduit à ce que d'autres employés de l'entreprise refusent de continuer de travailler avec le salarié. Il ajoute que le salarié a eu une attitude irrespectueuse à l'égard de la directrice de l'entreprise.

Concernant le grief d'insubordination et le fait que le salarié ait tenu des propos inacceptables à l'égard de sa hiérarchie, il indique que le salarié a hurlé lorsque la directrice lui a demandé de remettre les clefs d'un chariot élévateur et a voulu l'intimider physiquement et a tenu des propos irrespectueux, cette attitude s'étant déjà révélée par le passé.

L'employeur souligne produire à l'appui de ses griefs quatre attestations d'employés de l'entreprise, ce qui représente la moitié des effectifs, tandis que les attestations produites par le salarié sont rédigées en termes très généraux et ne contredisent pas les reproches précis dénoncés par l'employeur.

Il fait valoir que l'absence de passé disciplinaire du salarié ne saurait écarter la possibilité de justifier le licenciement, qui peut résulter d'un fait isolé.

L'employeur indique qu'il ne pouvait continuer de travailler avec un salarié qui refusait d'accomplir le travail demandé, négligeait ostensiblement ses fonctions, perturbait le travail de ses collègues et allait jusqu'à manquer de respect à la directrice, à la limite de s'en prendre physiquement à sa dirigeante pour l'intimider. Il ajoute que le comportement du salarié désorganisait l'entreprise et provoquait le mécontentement de ses collègues de travail.

Il conclut que le licenciement pour faute grave est justifié et que, à tout le moins, le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

A titre confirmatif, le salarié, conteste les griefs énoncés dans la lettre de licenciement.

Concernant l'inobservation des procédure en vigueur dans l'entreprise, il indique que ce grief n'est ni circonstancié, ni daté, et ne ressortit pas de la faute grave. Il estime que l'attestation de M. [O] n'est pas probante.

Concernant le grief de désinvolture, le salarié considère qu'il a toujours fait preuve d'une grande conscience professionnelle dans l'accomplissement de ses missions et nie avoir entretenu de mauvaises relations avec ses collègues de travail, produisant l'attestation de Mme [S] et M. [H] à cet égard.

Concernant le grief lié aux propos tenus à l'égard de la directrice le 25 juillet 2017, il conteste avoir eu l'attitude et tenu les propos qui lui sont reprochés et relève, comme le conseil de prud'hommes, le délai entre ces prétendus faits et le licenciement et la mesure de mise à pied conservatoire décidée par l'employeur.

Concernant le grief d'utilisation d'un chariot d'élévateur au profit d'une autre entreprise, il indique que ces faits, fussent-ils établis, ne justifient ps d'un licenciement pour faute grave.

Concernant le grief relatif au 25 août 2017, il soutient que cet argument est sans objet, puisque le salarié a été présent à son poste jusqu'à son terme habituel et ne démontre aucune faute grave.

Concernant le grief relatif à l'inobservation des consignes et des négligences dans l'exercice de ses fonctions, il en conteste la matérialité et indique qu'ils relèvent non pas d'une faute professionnelle mais d'une insuffisance professionnelle.

Concernant son insubordination, il la conteste également.

La cour rappelle qu'il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ; aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Il y a donc lieu de déterminer si le licenciement, pour faute grave, notifié par l'employeur est fondé.

La cour relève que l'employeur produit l'attestation de M. [M], établie le 22 octobre 2017, employé de l'entreprise (et fils de la comptable), qui est assez circonstanciée, faisant état de ce que le salarié « refusait d'écouter l'organisation » mise en place, « faisait ce que bon lui semblait », nécessitait qu'il contrôle les commandes préparées par le salarié alors qu'il était sensé être plus expérimenté, ce qui impliquait une perte de temps, mais ne précise pas la période à laquelle l'attestant a procédé aux constatations consignées.

L'attestation établie le 15 septembre 2017 par M. [B], autre employé de l'entreprise, indique que le salarié a sollicité celui-ci fin août 2017 pour connaître la procédure d'une commande spécifique (RAJA), qu'il ne connaît pas l'emplacement de la marchandise dans le dépôt et que lors de la préparation des commandes, il dérangeait le témoin pour connaître les « colisage » et, sans plus de précision, que le salarié a fait preuve d'insubordination à l'égard de la direction.

L'attestation du 29 août 2017 établie par Mme [J], employée de l'entreprise, précise notamment la date (17 juillet 2017) et la référence d'une commande ayant posé difficulté en raison de ce que le salarié n'avait pas préparé un colis correspondant à la quantité demandée. Elle indique que le salarié est « réfractaire à l'idée de vérifier les marchandises » et qu'il ne connaît pas les procédures « ou les contourne de façon volontaire », qu'il la questionnait au sujet de certaines procédures utilisées dans l'entrepôt (qui sont précisées). Elle indique que le salarié laisse « le cachet de l'entreprise à disposition des transporteurs et à la vue de tous, malgré plusieurs explications sur les risques encourus » et avoir assisté à une altercation le 29 juillet 2017, aux termes de laquelle le salarié a dit à sa responsable « va te faire foutre », ayant nécessité qu'elle s'interpose pour lui faire entendre raison, le salarié lui ayant « crié dessus » en lui indiquant de se mêler de ses affaires.

L'attestation du 27 juillet 2017 établie par Mme [M], ayant qualité de comptable, explique que sa directrice a convoqué le 25 juillet 2017 le salarié pour qu'il remette les clés d'un chariot industriel car il n'avait pas le droit de le conduire. Elle précise, que la porte n'étant pas fermée, avoir entendu des « haussements de voix » du salarié et tenir les mêmes propos que ceux relevés dans la précédente attestation et avoir dû également s'interposer. Il est précisé que ce n'est pas la première fois que le salarié manque de respect à l'égard de sa responsable.

La cour estime que ces attestations établissent en premier lieu de manière convergente le manque de sérieux du salarié quant à la connaissance des procédures en usage dans l'entreprise, ce qui ne paraît pas conciliable avec son ancienneté et traduisent une mauvaise volonté manifeste, puisqu'il n'est pas établi que cette difficulté est consubstantielle à la personnalité du salarié, exclusive d'une insuffisance professionnelle.

En deuxième lieu, il est relevé des exemples précis de l'exécution défectueuse de ses fonctions par le salarié.

En troisième lieu, il est corroboré l'utilisation par le salarié d'un chariot industriel à des fins étrangères aux missions confiées au salarié, ce que celui-ci, au demeurant, ne conteste pas.

En quatrième lieu, il est justifié de l'altercation survenue avec la directrice de l'entreprise le 25 juillet 2017, faisant suite à l'utilisation du chariot précédemment visée, durant laquelle le salarié a tenu des propos et des attitudes irrespectueux, ayant suffisamment inquiété deux personnes pour que celles-ci estiment devoir intervenir.

Il sera noté que le salarié produit deux attestations de personnes qui indiquent avoir travaillé, pour la première, durant onze ans, pour la seconde, durant trois mois, dans des conditions qui sont décrites comme bonnes et ayant permis de constater la compétence professionnelle du salarié.

Toutefois, la cour ne peut que relever que ces deux attestations ne comportent aucune précision quant aux fonctions exercées par les témoins et, surtout, quant aux périodes auxquelles ils se réfèrent.

Dès lors, les faits constatés dans les attestations produites par l'employeur ne sont pas contredites par celles produites par le salarié.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que les manquements fautifs du salarié à ses obligations professionnelles reprochés par l'employeur sont établis, tels qu'ils sont relevés dans la lettre de licenciement.

Néanmoins, la cour doit constater que compte tenu du délai écoulé entre la date des faits reprochés au salarié, dont les derniers se sont déroulés le vendredi 25 août 2017, et la date à laquelle le salarié a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, le mercredi  6 septembre 2017, en même temps que l'engagement de la procédure de licenciement disciplinaire, la mesure de licenciement ne peut être considérée comme reposant sur une faute grave, puisque les manquements imputés au salarié ne rendaient manifestement pas impossible son maintien dans l'entreprise pendant les 9 jours ouvrables écoulés.

Cependant, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la nature et l'ampleur des manquements professionnels constatés conduisent à considérer que ce licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur à verser une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité au titre de la mise à pied à titre conservatoire, une indemnité au titre du préavis et au titre de congés payés sur préavis, étant relevé qu'aucune contestation n'est élevée par les parties quant à leur quantum.

En revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser une indemnité à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la demande du salarié, visant à ce que cette indemnité pour licenciement sans cause réelle sérieure soit doublée et portée, par le versement d'une indemnité complémentaire de 13 074 euros, à la somme totale de 26 148 euros, doit être nécessairement rejetée.

Sur les autres demandes

Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions, chacune d'elles supportera la charge des dépens d'appel respectivement engagés.

Au vu de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes des parties en paiement de frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne le 26 novembre 2019 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société SODEPM à verser à M. [O] la somme de 13 566 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés :

DIT que le licenciement de M. [O] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

REJETTE la demande de M. [O] en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande d'indemnisation complémentaire formée par M. [O] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

DIT que chaque partie supporte la charge des dépens d'appel respectivement engagés.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/08679
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.08679 ?
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