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12/05/2022 | FRANCE | N°18/04920

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 12 mai 2022, 18/04920


N° RG 18/04920

N° Portalis DBVX - V - B7C - LZWG









Décision du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Au fond du 03 mai 2018



RG : 15/00654



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 12 Mai 2022







APPELANTE :



SAS MARIONNAUD LAFAYETTE

[Adresse 3]

[Localité 11]



représentée par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS

ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1102



et pour avocat plaidant la SELEURL AGDC AVOCAT, avocat au barreau de PARIS









INTIME :



M. [B] [Y]

né le 21 décembre 1952 à [Localité 16] (RHONE)

[Ad...

N° RG 18/04920

N° Portalis DBVX - V - B7C - LZWG

Décision du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Au fond du 03 mai 2018

RG : 15/00654

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 12 Mai 2022

APPELANTE :

SAS MARIONNAUD LAFAYETTE

[Adresse 3]

[Localité 11]

représentée par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1102

et pour avocat plaidant la SELEURL AGDC AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

M. [B] [Y]

né le 21 décembre 1952 à [Localité 16] (RHONE)

[Adresse 15]

[Localité 1]

représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547

et pour avocat plaidant Maître Daniel LIEVRE, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

PARTIES INTERVENANTES :

Compagnie MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la compagnie COVEA RISKS, es qualité d'assureur de la société ESPACE 4

[Adresse 8]

[Localité 10]

Compagnie MMA IARD SA, venant aux droits de la Compagnie COVEA RISKS, es qualité d'assureur de la société ESPACE 4

[Adresse 4]

[Localité 10]

SAS ESPACE 4

[Adresse 9]

[Localité 7]

représentées par la SELARL TACOMA, avocat au barreau de LYON, toque : 2474

Compagnie SA GENERALI IARD

[Adresse 5]

[Localité 12]

représentée par la SCP D'AVOCATS JURI-EUROP, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : T.692

et pour avocat plaidant de l'ASSOCIATION beldev, Association d'Avocats, avocat au barreau de PARIS

******

Date de clôture de l'instruction : 03 Novembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Février 2022

Date de mise à disposition : 12 Mai 2022

Audience tenue par Anne WYON, président, et Françoise CLEMENT, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Dominique DEFRASNE, magistrat honoraire

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

La société Marionnaud Lafayette (la société Marionnaud) exploite un magasin situé au rez-de-chaussée d'un immeuble et est assurée dans le cadre de cette exploitation, auprès de la société Generali IARD, suivant police d'assurance dommages aux biens et pertes d'exploitation.

Dans le cadre du bail commercial souscrit et renouvelé le 27 juillet 2012 avec M. [Y], propriétaire de l'immeuble dans son entier, la société Marionnaud a reçu l'autorisation de procéder à des travaux d'embellissement de son local ; ces derniers ont été réalisés au cours de l'été 2012 par la société Espace 4, contractant général assuré auprès de la société Covea risks aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles.

Alerté par son locataire, Monsieur [Y] a constaté dans l'appartement du 1er étage situé au dessus du magasin, un fléchissement du plancher ainsi que des fissures de désolidarisation entre le sol et le pied de la cloison de la salle de bain et du bar de la cuisine ouverte.

Les désordres ont fait l'objet d'un constat réalisé à la demande du bailleur puis, le 27 novembre 2012, par la mairie.

Un arrêté de péril prescrivant la réalisation de travaux provisoires et conservatoires a alors été pris le 21 novembre 2012 après dépôt du rapport d'expertise de Madame [X], expert désigné par ordonnance du tribunal administratif de Lyon.

Le 28 novembre 2012, une expertise amiable a été diligentée à la demande des parties.

Suite à la réalisation de travaux provisoires et conservatoires, la mainlevée de l'arrêté de péril a été prononcée le 5 décembre 2012, permettant la réouverture du fonds exploité par la société Marionnaud.

La mairie a cependant prescrit le maintien de la vacance du logement situé au dessus du magasin.

Une expertise judiciaire a été confiée, selon ordonnance du juge des référés du 23 octobre 2014, à M. [O], qui a déposé son rapport le 18 mars 2016.

C'est dans ces conditions que la société Marionnaud a assigné, suivant exploits des 19, 24, 25 et 26 mai 2016, Monsieur [Y], la société Espace 4 et son assureur, Covea risks aux droits duquel sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles, devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône.

La société Marionnaud a assigné la société Generali IARD, prise en sa qualité d'assureur responsabilité civile, par acte d'huissier de justice du 26 octobre 2016 et les deux instances ont fait l'objet d'une jonction.

Suivant jugement du 3 mai 2018, le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a :

- déclaré Monsieur [Y], entièrement responsable des désordres subis par sa locataire, la société Marionnaud Lafayette, dans son magasin situé [Adresse 6],

- condamné Monsieur [Y] à payer à la société Marionnaud Lafayette la somme de 23.000 euros HT, à actualiser au jour du jugement selon l'indice BT 01,

- autorisé la société Marionnaud Lafayette à faire effectuer les travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire,

- condamné Monsieur [Y] à régler la somme de 3.121,00 euros à la société Marionnaud Lafayette au titre de la privation de jouissance,

- mis hors de cause les sociétés Espace 4, MMA IARD, MMA Assurances mutuelles et Generali,

- condamné M. [Y] à payer les sommes suivantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- 4 000 euros à la société Marionnaud Lafayette,

- 1 500 euros à la société Espace 4 et aux sociétés MMA IARD et MMA Assurances mutuelles,

- 750 euros à la société Générali IARD,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné M. [Y] aux dépens avec droit de recouvrement direct par Me Perrin, avocat.

La société Marionnaud a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 4 juillet 2018, intimant M. [Y].

M. [Y] a relevé appel incident et a formé un appel provoqué à l'encontre des sociétés Espace 4, MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelles et Generali IARD.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 28 octobre 2020 par la société Marionnaud Lafayette qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a :

- déclaré M. [Y] seul et exclusivement responsable de l'affaissement du plancher haut du rez-de-chaussée de l'immeuble situé à [Localité 13] dont il est propriétaire et qu'il a pour partie donné à bail,

- accueilli le principe de réparation des préjudices tenant aux dommages matériels et à la privation de jouissance,

- débouté M. [Y] du moyen visant à voir déclarer irrecevable la demande de réformation du montant indemnité réparatrice du préjudice matériel,

à son infirmation pour le surplus et demande à la cour, en substance, de :

- porter à la somme de 49'984 euros HT la réparation des dommages matériels, à celle de 4 837,57 euros l'indemnité au titre de la privation de jouissance, dire que ces sommes seront mises à la charge de M. [Y] qui sera condamné en deniers ou quittance ainsi au paiement de la somme de 162'539,33 euros correspondant à 61 jours de fermeture complète,

- débouter M. [Y] de sa demande d'expertise complémentaire et en réparation de ses préjudices,

- débouter la société Espace 4 et son assureur de leurs demandes visant à voir minorée l'indemnisation du trouble de jouissance à 5 % du loyer,

- subsidiairement ordonner une expertise comptable pour déterminer la perte d'exploitation aux frais avancés des succombants,

- condamner Monsieur [Y] au paiement d'une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction pour ces derniers, au profit de Me de Fourcroy,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 19 octobre 2020 par M. [Y] qui demande à la cour de :

- ordonner une nouvelle expertise afin de déterminer les modifications apportées par la locataire à la structure du bâti,

- déclarer entièrement responsables des désordres survenus les sociétés Marionnaud Lafayette et Espace 4,

- condamner in solidum les sociétés Marionnaud Lafayette, Generali IARD, espace 4 et MMA à lui payer les sommes de 12'000 euros HT au titre de la remise en état du logement outre 23'000 euros HT au titre des travaux préalables à réaliser dans le local commercial, sommes à actualiser selon le BT 01 au jour de l'arrêt à intervenir,

- condamner in solidum les sociétés Marionnaud Lafayette, Generali IARD, espace 4 et MMA à lui payer la somme de 38'751,54 euros (sauf à parfaire) arrêtée à janvier 2020 au titre de la perte de loyer outre celle de 450 euros jusqu'à la fin des travaux et la relocation du logement,

- condamner la société Marionnaud Lafayette au remboursement de la somme de 37'141,64 euros versée par M. [Y] au titre de l'exécution provisoire du jugement du 3 mai 2018, outre intérêts au taux légal,

- condamner les sociétés Marionnaud Lafayette, Generali IARD, espace 4 et MMA à lui payer la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevables les conclusions d'appel de la société Marionnaud Lafayette contestant le montant de la réparation de son préjudice matériel,

- réformant, débouter la société Marionnaud Lafayette de sa demande au titre de la privation de jouissance,

- confirmer la décision en ce qu'elle a écarté la réclamation présentée par la société Marionnaud Lafayette au titre de sa perte d'exploitation,

- condamner les sociétés Marionnaud Lafayette, Generali IARD, espace 4 et MMA aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction pour ces derniers au profit de la SCP Baufume Sourbe,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 13 mars 2019 par la société Generali IARD qui :

- conclut à titre principal à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de nouvelle expertise, dit et jugé que la société Marionnaud Lafayette ne peut valablement engager sa responsabilité à l'égard de M. [Y], débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, mis hors de cause la société Générali et condamné M. [Y] à verser à cette dernière une indemnité procédure de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire demande à la cour de dire que sa garantie est exclue et en conséquence rejeter toute demande formée à son encontre et condamner M. [Y] au paiement d'une indemnité de procédure de 4 000 euros,

- en tout état cause, sollicite la condamnation solidaire des sociétés Espace 4 et MMA à la garantir intégralement et relever indemne des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, en ce compris les frais irrépétibles et à lui verser une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 15 octobre 2020 par les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelles et la société Espace 4 qui concluent à titre principal à la confirmation du jugement critiqué en toutes ses dispositions et demandent à la cour à titre subsidiaire de :

- rejeter la demande de la société Marionnaud Lafayette en condamnation de la somme de 49'894 euros hors-taxes au titre des travaux de reprise,

- limiter le préjudice matériel de la société Marionnaud Lafayette à la somme de 23'000 euros HT,

- limiter le préjudice matériel de M. [Y] à la somme de 12'000 euros,

- rejeter la demande de Monsieur [Y] à hauteur de 23'000 euros au titre des travaux de reprise,

- limiter le préjudice de jouissance de la société Marionnaud Lafayette à la somme de 468,15 euros,

- rejeter la demande de la société Marionnaud Lafayette au titre de la perte d'exploitation,

- limiter la demande au titre des pertes de loyer de M. [Y] à la somme de 8 000 euros,

- limiter la responsabilité de la société Espace 4 et la garantie des sociétés MMA IARD et MMA Assurances mutuelles à hauteur de 10 % des conséquences du sinistre y compris les frais d'expertise,

- condamner M. [Y], la société Marionnaud Lafayette et la société Générali à relever et garantir les sociétés Espace 4 et les sociétés MMA IARD et MMA Assurances mutuelles de toute condamnation à intervenir à leur encontre,

- ramener les prétentions de la société Marionnaud Lafayette et de M. [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,

- dire et juger que les sociétés MMA IARD et MMA Assurances mutuelles sont bien-fondées à poser les limites de la police en cas de condamnation,

- en tout état de cause, condamner M. [Y], la société Marionnaud Lafayette et la société Generali à payer aux sociétés Espace 4, MMA IARD et MMA Assurances mutuelles une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 3 novembre 2020 .

Il sera référé aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS ET DECISION

L'extrait Kbis produit au dossier permet à la cour de retenir la dénomination de la société 'Espace 4" et non 'Espace 4 aménagement' utilisée à tort par les parties et le premier juge.

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

I. Sur l'irrecevabilité des conclusions d'appel de la société Marionnaud au titre de la réparation du préjudice matériel :

M. [Y] soutient que la déclaration d'appel formée par la société Marionnaud visait au titre des chefs de jugement critiqués, le rejet de la réclamation de cette dernière au titre du préjudice immatériel sans critiquer le rejet de sa demande indemnitaire au titre du préjudice matériel ; il en déduit que les conclusions de l'appelante sont irrecevables de ce chef alors même qu'il n'a pas lui-même formé appel incident à ce titre.

La société Marionnaud Lafayette fait valoir quant à elle que M. [Y] a formé un appel incident le 7 décembre 2018 sur tous les chefs du jugement et que dans les trois mois de cet appel incident, elle a elle-même formé un appel incident du chef des réparations fixées au titre du préjudice matériel.

Sur ce :

L'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 en vigueur au 1er septembre 2017, dispose que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

La limitation de l'appel principal n'interdit pas de former de la même manière que le sont les demandes incidentes, un appel provoqué par l'appel incident de l'intimé et d'étendre ainsi la critique du jugement.

Il ressort de la déclaration d'appel formée le 4 juillet 2018 par la société Marionnaud Lafayette que cette dernière a effectivement limité son appel au rejet par le tribunal de ses prétentions tendant à la réparation de son préjudice immatériel et à la réduction de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, si par conclusions d'intimé déposées le 7 décembre 2018, M. [Y] a effectivement formé un appel incident concernant notamment le principe même de sa responsabilité, il s'avère que cet appel incident n'avait pas pour objet de critiquer les dispositions du jugement ayant retenu le montant des travaux de reprise tels que fixé par l'expert puisqu'au contraire, M. [Y] demandait aux termes du dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour, la confirmation de la décision du premier juge en la matière.

Quoi qu'il en soit, la sanction encourue par l'appel incident formé par la société Marionnaud Lafayette aux termes de conclusions déposées en réponse à l'appel incident de M. [Y], dans le délai de trois mois de l'article 910 du code de procédure civile, ne peut consister dans l'irrecevabilité des conclusions déposées par l'appelante sur ce point.

La demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions d'appel de la société Marionnaud Lafayette contestant le montant de la réparation de son préjudice matériel doit donc être rejetée.

II. Sur l'organisation d'une nouvelle expertise réclamée par M. [Y] :

M. [Y] abandonne en cause d'appel sa demande tendant à la nullité de l'expertise et il se limite, au soutien de sa demande tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise, à discuter l'attitude et les conclusions de l'expert qui n'aurait pas procédé aux investigations appropriées afin de décrire toutes les modifications apportées par la locataire à la structure du bâti comme l'ordonnance de référé lui en faisait l'obligation.

La société Marionnaud Lafayette, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, la société Espace 4 et la société Generali IARD considèrent de concert que l'expert a mené sa mission dans le respect du contradictoire et conformément aux différents chefs d'investigation qui lui avaient été confiés, les mesures supplémentaires réclamées consistant notamment dans des sondages ou auditions complémentaires ne présentant aucun intérêt.

Sur ce :

Il ressort du rapport de l'expert [O], que ce dernier a répondu à tous les chefs de la mission qui lui avait été confiée ; il n'était pas notamment tenu d'entendre tous les sachants désignés par M. [Y], l'expert indiquant avec pertinence que les auditions de l'ancien locataire de l'appartement du 1er étage et de l'ancien locataire du local commercial ne s'avéraient pas nécessaires en l'état des relevés techniques et calculs ayant pu être réalisés.

L'expert a encore précisé à juste titre que les investigations supplémentaires réclamées par M. [Y] ne permettraient pas de décrire avec certitude toutes les modifications apportées dans la mesure où les ouvrages concernés n'existaient plus et qu'elles ne feraient qu'augmenter le coût et la durée des opérations d'expertise sans justification.

L'expert a entendu, comme il en avait été autorisé aux termes de sa mission, l'expert [X] désigné par le tribunal administratif dans le cadre de l'arrêté de péril ; néanmoins, aucune obligation de convoquer cet expert, et encore moins à toutes les réunions d'expertise, ne s'imposait à M. [O].

Ce dernier s'est par ailleurs adjoint, sans autorisation préalable, un sapiteur et expert près la cour d'appel de Lyon en la personne de M. [M], ingénieur structures, ainsi que lui en était donnée la possibilité aux termes de sa mission, conformément d'ailleurs aux dispositions de l'article 278 du code de procédure civile.

Il est ainsi démontré que l'expert judiciaire désigné a personnellement rempli la mission qui lui avait été confiée, avec sérieux et de façon complète ; il n'a manqué à aucune règle déontologique, faisant preuve au contraire d'objectivité dans la description des lieux et des modifications apportées et il a répondu à tous les dires des parties.

Son rapport exempt d'insuffisances, sera donc pris en compte pour la détermination des responsabilités encourues, sans qu'une contre-expertise ou complément d'expertise ne soit ordonné.

III. Sur les responsabilités :

Le bailleur est obligé d'assurer au preneur, en application des dispositions de l'article 1719 du code civil, une jouissance paisible de la chose louée pendant toute la durée du bail et cette obligation ne cesse qu'en cas de force majeure.

Le premier juge a, dans des termes pertinents qui répondent aux moyens développés en appel et que la cour adopte, justement retenu que seule la responsabilité de M. [Y], en sa qualité de bailleur, dans la survenue des désordres d'affaissement du plancher du 1er étage, devait être retenue.

En effet, les constatations convergentes des différents rapports d'expertise, amiables ou judiciaire déposés, tous réalisés de façon contradictoire et soumis à la libre discussion des parties, permettent d'établir que l'origine des désordres consiste dans la réalisation en 2000, par le propriétaire de l'immeuble, de travaux de réfection du sol du 1er étage qui ont alourdi les charges de 110 kgs/m² environ et ont apporté des charges ponctuelles importantes (mezzanine, baignoire, bar), sans vérification préalable de la faisabilité technique de telles modifications.

Si la réalisation des travaux d'embellissement, autorisés expressément par le bailleur, réalisés en septembre 2012 dans le magasin du rez-de-chaussée par la société Marionnaud a pu, par la dépose de certains éléments, constituer un facteur aggravant du désordre, l'expert structures ajoute que cette hypothèse reste cependant aléatoire, aucun lien de causalité certain ne pouvant être retenu.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a retenu la seule responsabilité du bailleur à l'égard de la société Marionnaud, preneur à bail.

Y ajoutant, sans pour autant mettre les intéressées hors de cause, la cour déboute les parties de toutes leurs demandes tendant à voir retenir la responsabilité des sociétés Marionnaud et/ou Espace 4 à ce titre et ordonner l'indemnisation de leurs préjudices in solidum avec leurs assureurs respectifs, Generali IARD, MMA IARD ou MMA IARD assurances mutuelles.

IV. Sur la réparation des désordres et l'indemnisation des préjudices :

M. [Y] dont la responsabilité est retenue doit être condamné à réparer les dommages subis par la société Marionnaud.

L'expert [O] a préconisé la réalisation de travaux de renforcement du plancher dont il a estimé le coût à 23 000 euros HT.

Il n'est pas contesté que les travaux préconisés par l'expert judiciaire n'ont pas été exécutés par M. [Y] qui s'est acquitté du paiement de la somme de 23 000 euros HT qui avait été mise à a sa charge par le tribunal à ce titre.

Les documents produits au dossier de la société Marionnaud permettent à la cour de constater que, contrairement à ce qu'avait accepté d'abord M. [Y] aux termes du courrier de son conseil en date du 5 septembre 2019, la réalisation des travaux de renforcement, prévue pour être organisée de concert entre les parties sous la maîtrise d'oeuvre de M. [G], a été menée non pas exclusivement à partir de l'appartement du 1er étage, faute d'accord écrit en ce sens de M. [Y], mais à partir des locaux commerciaux du rez-de-chaussée, situation majorant le coût d'intervention des entreprises et obligeant le preneur à une période de fermeture pure et simple du point de vente.

Il est ainsi établi aux termes des devis et factures produits par la société Marionnaud, que les travaux nécessaires à la reprise du plancher, tels que préconisés par l'expert, ont été réalisés au cours de l'été 2020, réceptionnés entre le 8 et le 10 septembre 2020 ; ils se sont élevés à la somme globale de 49 984 euros HT honoraires de maîtrise d'oeuvre compris et l'examen des factures permet de constater qu'aucun embellissement du magasin n'était compris en cela et que les entreprises s'en sont tenues aux travaux préconisés par l'expert qui les avaient manifestement sous estimés dans leur montant, en ne prenant notamment pas en compte une réalisation à partir du magasin.

Il sera donc fait droit à la demande en paiement de la société Marionnaud à hauteur de la somme de 49 984 euros HT.

S'agissant du préjudice de jouissance subi par le preneur, le tribunal a justement retenu une indemnisation sur une base de 10 % du loyer depuis la date de pose des étais en octobre 2012 ; ayant perduré jusqu'en juin 2020, l'indemnité allouée à la société Marionnaud sera portée à la somme actualisée de 4 837,55 euros de ce chef.

Le tribunal a rejeté la demande du preneur au titre de la perte d'exploitation en considérant que les documents produits au dossier de la société Marionnaud, consistant dans une simple attestation de son directeur administratif non confirmée par l'expert-comptable comme le préconisait l'expert judiciaire, n'était pas suffisamment probante.

Devant la cour, l'appelante réclame l'indemnisation des 10 jours de fermeture ayant fait immédiatement suite à l'arrêté de péril auxquels elle ajoute 51 jours de fermeture liés aux travaux de reprise, déménagement inclus.

En ne permettant pas la réalisation des travaux de confortement du plancher à partir de l'appartement du 1er étage comme envisagé dans un premier temps, M. [Y] a nécessairement allongé le temps de leur réalisation et contraint le preneur à fermer son magasin qui ne pouvait plus, pendant toute la durée de la réalisation des travaux, recevoir du public.

Aucun élément du dossier ne permet d'établir comme le soutient M. [Y], que le magasin du preneur ferme en période estivale ; il convient dès lors d'indemniser la société Marionnaud du préjudice subi au cours de cette période de fermeture de 61 jours.

Elle produit au dossier d'appel une attestation du commissaire aux comptes pour les années 2014 à 2017 et une attestation de son directeur administratif et financier France qui font état du chiffre d'affaires enregistrés pour ces années.

La société Marionnaud réclame la perte de chiffre d'affaires qu'elle a perdu en exposant qu'elle a continué à s'acquitter des coûts de fonctionnement.

Les documents produits au dossier ne permettent pas à la cour de déterminer avec certitude le préjudice subi par la société Marionnaud né du manque à gagner subi au cours de la fermeture de son magasin de [Localité 13] aux période susvisées ; une expertise doit donc être ordonnée en la matière, à ses frais avancés.

V. Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. [Y] qui réclame la restitution par la société Marionnaud Lafayette des sommes qu'il lui a versées en exécution du jugement frappé d'appel qui avait ordonné l'exécution provisoire ; en effet, d'une part le présent arrêt est confirmatif s'agissant de la responsabilité de M. [Y] et d'autre part à supposer même que l'arrêt eut été infirmatif, il aurait constitué le titre ouvrant droit à la restitution.

Dans l'attente de la liquidation totale des préjudices subis par la société Marionnaud, la demande de cette dernière au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée à l'encontre de M. [Y] sera réservée.

M. [Y] qui succombe à titre principal, doit être en revanche être débouté de sa demande de ce chef dirigée contre toutes les autres parties à l'instance et condamné au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au bénéfice de la société Generali et d'une indemnité de 3 000 euros au bénéfice, ensemble, des sociétés Espace 4 et MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette la demande de M. [Y] tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions déposées par la société Marionnaud Lafayette au titre du préjudice matériel,

Déboute M. [Y] de sa demande tendant à voir organiser une nouvelle expertise pour déterminer les responsabilités encourues suite aux désordres,

Confirme le jugement rendu le 3 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône en ce qu'il a :

- déclaré Monsieur [Y] entièrement responsable des désordres subis par la société Marionnaud Lafayette, dans son magasin situé [Adresse 6],

- condamné M. [Y] à payer les sommes suivantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- 4 000 euros à la société Marionnaud Lafayette,

- 1 500 euros à la société Espace 4 et aux sociétés MMA IARD et MMA Assurances mutuelles,

- 750 euros à la société Générali IARD,

Infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [Y] à payer à la société Marionnaud Lafayette les sommes de :

- 49 984 euros HT à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi,

- 4 837,55 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,

Avant dire droit sur le préjudice subi par la société Marionnaud Lafayette au titre de la perte d'exploitation,

Ordonne une expertise et désigne en qualité d'expert Mme [W] [C],

[Adresse 14]

Tel : [XXXXXXXX02],

laquelle pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,

avec mission, les parties (la société Marionnaud Lafayette et M. [Y]) régulièrement convoquées, après avoir pris connaissance du dossier présenté au juge, s'être fait remettre tous documents utiles, et avoir entendu les parties (la société Marionnaud Lafayette et M. [Y]) ainsi que tout sachant, de :

Examiner l'ensemble des pièces comptables transmises et chiffrer, par tous moyens, la perte d'exploitation subie par la société Marionnaud Lafayette au cours des 61 jours de fermeture du 22 novembre au 5 décembre 2012 d'une part et du 10 juillet au 10 septembre 2020 d'autre part,

Dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation, qu'en cas de refus, de récusation ou d'empêchement légitime il sera pourvu aussitôt à son remplacement par ordonnance,

Dit que la société Marionnaud Lafayette devra consigner la somme de 3 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert avant le 10 juin 2022, sous peine de caducité de l'expertise,

Dit que l'expert commencera ses opérations dès qu'il aura été averti par le greffe du versement de la consignation,

Dit que l'expert commis devra accomplir sa mission contradictoirement en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs observations et déposer un rapport avant le 16 décembre 2022, sauf prorogation des opérations dûment autorisée par le magistrat chargé du suivi des opérations d'expertise sur demande de l'expert,

Dit que cette expertise sera réalisée conformément aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile,

Plus spécialement rappelle à l'expert :

- qu'il pourra s'entourer de tous renseignements à charge d'en indiquer la source et entendre, au besoin, tous sachants utiles, dont les identités seront précisées,

- qu'il devra prendre connaissance des documents de la cause et se faire remettre par les parties ou des tiers tous documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

- qu'il devra annexer à son rapport ceux des documents ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension, et restituera les autres, contre récépissé, aux personnes les ayant fournis,

- qu'il pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix dans une autre spécialité que la leur, à charge pour lui de solliciter une consignation complémentaire couvrant le coût de sa prestation et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport,

- qu'il devra, à l'occasion de la première réunion d'expertise, préciser la méthodologie et le calendrier prévisible de leurs opérations,

- qu'il devra informer les parties du résultat de ses opérations, de l'avis qu'il entend exprimer sur tous les points de sa mission et du coût de ses opérations ; qu'à cette fin il leur remettra au cours d'une ultime réunion ou leur adressera un pré-rapport en les invitant à lui présenter dans un délai de 30 jours leurs observations et réclamations écrites rappelant sommairement le contenu de celles présentées antérieurement ; qu'il y répondra dans son rapport définitif en apportant, à chacune d'elles, la réponse appropriée en la motivant,

- qu'il ne sera pas tenu de prendre en compte les observations et réclamations présentées au delà du délai de 30 jours, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge chargé du contrôle,

Dit que sans observations ou réclamations présentées dans ce délai, le pré-rapport vaudra rapport définitif,

Dit que, si le coût probable de l'expertise s'avère plus élevé que la provision fixée, les experts, au plus tard à l'issue de la deuxième réunion, devront communiquer aux parties et au magistrat chargé du contrôle des opérations d'expertise, l'évaluation prévisible de leurs frais et honoraires en sollicitant la consignation d'une provision complémentaire,

Rappelle que l'article 173 du code de procédure civile fait obligation à l'expert d'adresser une copie à chacune des parties ou pour elles, à leur avocat,

Déboute M. [Y] de l'ensemble de ses demandes en responsabilité ou indemnisation dirigées contre la société Marionnaud Lafayette, La société Espace 4 et les sociétés Generali IARD, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,

Réserve les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Réserve les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 18/04920
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;18.04920 ?
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