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12/05/2022 | FRANCE | N°17/08147

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 12 mai 2022, 17/08147


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 17/08147 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LLQZ





[A]

Société METALIC

SELARL AJ PARTENAIRES



C/

[E]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 26 Octobre 2017

RG : 15/03443



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 12 MAI 2022







AP

PELANTS :



[V] [A] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société METALIC venant aux droits de la société FONDERIE RHONE

[Adresse 3]

[Localité 7]





Société METALIC venant aux droits de la société FONDERIE RHONE

[Adresse 10]

[Lo...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 17/08147 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LLQZ

[A]

Société METALIC

SELARL AJ PARTENAIRES

C/

[E]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 26 Octobre 2017

RG : 15/03443

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 12 MAI 2022

APPELANTS :

[V] [A] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société METALIC venant aux droits de la société FONDERIE RHONE

[Adresse 3]

[Localité 7]

Société METALIC venant aux droits de la société FONDERIE RHONE

[Adresse 10]

[Localité 6]

SELARL AJ PARTENAIRES représentée par Me [D] [I] Me [S] [I] et Me [N] [X] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société METALIC venant aux droits de la société FONDERIE RHONE

[Adresse 1]

[Localité 5]

toutes représentées par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON ayant pour avocat plaidant Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

[G] [E]

né le 21 Janvier 1964 à [Localité 11] (ALGERIE)

[Adresse 4]

[Localité 8]

représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Valérie MALLARD de la SELARL MALLARD AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 9]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Décembre 2021

Présidée par Nathalie PALLE, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nathalie PALLE, président

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant un contrat à durée déterminée du 29 mars 2002, M. [E] (le salarié) a été engagé par la société RBE Equipements, devenue la société Fonderie Rhône, du 1er avril au 30 septembre 2002, en raison d'un surcroît temporaire d'activité, en qualité d'ébarbeur, N2, P1, coefficient 170, en application de la convention collective de la métallurgie du Rhône.

A l'issue du contrat de travail, la relation contractuelle s'est poursuivie par un contrat à durée indéterminée selon les mêmes conditions.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié a occupé un poste d'ébarbeur, niveau III, indice 1, coefficient 215 de la même convention collective.

Après avoir consulté les délégués du personnel, lors d'une réunion extraordinaire du 19 janvier 2015, sur un projet de licenciement collectif pour motif économique de sept des treize salariés de l'entreprise, par courrier du 22 janvier 2015, la société Fonderie Rhône a convoqué le salarié à un entretien préalable en vue d'un licenciement fixé au 2 février 2015.

Lors de l'entretien, la société Fonderie Rhône a remis au salarié un courrier exposant le motif économique du licenciement envisagé en lui soumettant une proposition d'adhésion à une convention de sécurisation professionnelle avec un délai de réflexion de 21 jours.

Par courrier du 11 février 2015, la société Fonderie Rhône a notifié au salarié son licenciement pour motif économique.

Le salarié a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 18 février 2015, et son contrat de travail a pris fin le 23 février 2015.

Par jugement du 18 février 2015, le tribunal de commerce de Lyon a placé la société Fonderie Rhône en redressement judiciaire, a fixé provisoirement l'état de cessation des paiements au 31 décembre 2013, et a nommé la société AJ Partenaires, prise en la personne de Maître [D] [I] et de Maître [S] [I], en qualité d'administrateur judiciaire, ainsi que Maître [A] en qualité de mandataire judiciaire.

Par requête du 7 septembre 2015, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir dire et juger que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse, faute pour l'employeur d'avoir respecté son obligation de reclassement, et subsidiairement de voir dire et juger que les critères d'ordre du licenciement n'ont pas été respectés.

Le 27 mars 2017, la société Fonderie Rhône a fait l'objet d'une déclaration de dissolution sans liquidation, emportant transmission universelle de son patrimoine à la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône.

La société Metalic a elle-même fait l'objet d'un redressement judiciaire puis d'un plan de redressement par voie de continuation par jugements du tribunal de commerce de Lyon du 18 février 2015 puis du 15 juin 2016.

Au dernier état de ses demandes, le salarié a sollicité la condamnation de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement des dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre.

Par jugement du 26 octobre 2017, le juge départiteur du conseil de prud'hommes, statuant après avoir pris l'avis des conseillers présents, a :

- dit que le licenciement dont le salarié a fait l'objet de la part de la société Fonderie Rhône est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- fixé les créances du salarié au passif du redressement judiciaire de la société à la somme de 21 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- précisé que le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majorations,

- déclaré la présente décision opposable au CGEA de Chalon-sur-Saône,

- dit que celui-ci sera tenu à garantir les sommes allouées à Mme [B] (sic) dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, à verser au salarié la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la société Fonderie Rhône de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles R. 1454-14 et 15 du code du travail,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 115,54 euros,

- condamné la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, aux dépens.

La société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, la société AJ Partenaires, représentée par Maîtres [D] et [S] [I] et Maître [X] agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, et Maître [A], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône (les appelants) ont relevé appel de ce jugement, par déclaration du 23 novembre 2017.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 août 2018, les appelants demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses prétentions au titre de l'obligation conventionnelle de reclassement prévue par la convention collective départementale de la métallurgie du Rhône, laquelle n'avait pas à s'appliquer compte tenu du nombre de salariés concernés par le projet de licenciement économique de la société Fonderie Rhône,

- infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

Et, statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Fonderie Rhône a respecté son obligation légale de reclassement,

- dire et juger bien fondé le licenciement pour motif économique du salarié,

- débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le salarié à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le salarié aux dépens.

Les appelants font valoir que :

- la société Metalic (société mère) et la société Fonderie Rhône (société filiale) ont rencontré de graves difficultés financières et ont été contraintes, après avoir été placées en procédure de redressement judiciaire, de supprimer des postes de travail et de procéder à des licenciements pour motif économique ; que les sociétés ont respectivement été contraintes de procéder à la suppression de 6 emplois sur 22 et de 7 postes de travail sur 13 ; que les sociétés Laser Force et Erhel Hydris, autres filiales de la société Metalic, ont respectivement cessé toute activité depuis février 2015,pour la première, et fait l'objet d'une liquidation judiciaire en 2011 pour la seconde,

- la société Fonderie Rhône a entrepris des recherches loyales, précises et sérieuses de reclassement, en interrogeant la société Metalic, laquelle était la seule au sein du groupe à exercer un semblant d'activité ; que la société Metalic a toutefois elle-même procédé à plusieurs licenciements d'ordre économique et n'avait aucune solution susceptible d'être proposée au salarié pour permettre son reclassement, ainsi que les registres uniques du personnel le démontrent,

- le salarié a prétendu qu'il occupait, non seulement les fonctions d'ébarbeur, mais aussi celles de mécanicien ; qu'il a affirmé que les postes de mécanicien régleur, de responsable d'atelier, de régleur opérateur mécanique et de peintre industriel auraient pu lui être proposés à titre de reclassement alors que les postes évoqués n'étaient pas disponibles au moment de la rupture de son contrat de travail, le 11 février 2015, et ont été pourvus postérieurement,

- en tout état de cause, aucun des postes évoqués par le salarié ne pouvait lui être proposé du fait de son défaut de formation initiale, étant précisé qu'aucune formation complémentaire n'aurait pu lui permettre de s'adapter à ces postes ; que le salarié a occupé un poste d'ébarbeur qui appartient à une catégorie professionnelle distincte de celle des postes évoqués, que les fiches de postes produites aux débats démontrent que le salarié ne pouvait occuper ces postes ; que les salariés qui ont été embauchés par la suite pour les postes évoqués disposaient de la formation initiale et de l'expérience requises,

- le salarié a indiqué que la société Fonderie Rhône aurait manqué à son obligation conventionnelle de reclassement en ne respectant pas les dispositions de l'article 49 de la convention départementale de la métallurgie du Rhône, alors qu'il résulte des textes et de la jurisprudence que l'obligation de saisir la commission territoriale de l'emploi compétente ne concerne que les projets de licenciement collectif pour motif économique portant sur plus de dix salariés et que la société Fonderie Rhône a cependant envisagé de supprimer seulement 7 postes de travail.

- s'agissant du respect des règles relatives aux critères d'ordre de licenciement, le salarié ne peut, sans manquer de contradiction, préciser qu'il n'a pas été fait application des critères d'ordre, pour ensuite critiquer la pondération de points qui a été faite à son égard ; que la société Fonderie Rhône se composait à l'époque du licenciement d'un effectif de 13 salariés, dont deux occupant un poste appartenant à la catégorie professionnelle d'ébarbeur ; que le salarié a donc été comparé à l'autre salarié occupant un poste d'ébarbeur et la société Fonderie Rhône a pris en compte l'ensemble des critères légaux et objectifs, à savoir l'âge, l'ancienneté et la situation de famille, ainsi que les critères dits professionnels, à savoir l'assiduité, la maîtrise du métier, la polyvalence, les qualités relationnelles et la discipline, que le salarié ne bénéficiait pas de la même polyvalence que l'autre salarié, et n'effectuait pas des tâches techniques.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 août 2018, le salarié demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Et, statuant à nouveau,

- condamner la société Metalic à lui payer les sommes suivantes :

28.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3.803,16 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 380,31 euros bruts de congés payés afférents,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que les critères d'ordre du licenciement n'ont pas été respectés,

En conséquence,

- condamner la société Metalic à lui payer la somme de 28 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre du licenciement ayant conduit à la perte injustifiée de son emploi,

En toute hypothèse,

- mettre hors de cause l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, et l'AGS CGEA, dès lors que plus aucune demande n'est dirigée à leur encontre, du fait de la transmission universelle de patrimoine de la société Fonderie Rhône à la société in bonis,

- condamner la société à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Le salarié fait valoir que :

- il y a lieu de mettre hors de cause l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire et l'AGS CGEA, plus aucune demande n'étant dirigée à leur encontre,

- la société Fonderie Rhône n'a pas respecté son obligation de reclassement, que le registre des entrées et sorties du personnel versé aux débats fait état, sur la période du reclassement, de l'embauche le 23 janvier 2015 d'un mécanicien régleur de même catégorie que lui ; qu'il avait les compétences pour occuper cet emploi de même classification que la sienne, dans la mesure où il a aussi occupé les fonctions de mécanicien pendant 6 semaines ; que sur la période du 23 janvier au 7 avril 2015, à savoir pendant la période de la procédure de licenciement et les semaines qui ont suivi, la société a recruté 6 personnes sur des postes relevant de l'activité mécanique, sachant que les recrutements ont eu lieu avant, et donc pendant la période de recherche de reclassement,

- la société Fonderie Rhône fournissait de manière habituelle et récurrente aux salariés d'autres fonctions que celles relevant de leur contrat de travail et de leur champ de compétence ; qu'il a produit à cet égard plusieurs attestations d'anciens collègues qui indiquent les différents postes qu'il a occupés et qui soulignent sa polyvalence, qu'il aurait donc pu occuper un poste de régleur opérateur ou de programmeur régleur, qu'aucune démarche de formation ou d'adaptation n'a par ailleurs été envisagée,

- les appelants ont seulement produit des fiches de postes des différents postes évoqués ; qu'il n'a jamais eu de fiche de poste et n'a jamais vu de telles fiches en vigueur dans l'entreprise ; que les fiches produites ne comportent aucune indication de la classification dont les postes relèvent et sont toutes signées par le dirigeant seulement et sont donc dépourvues de toute valeur probante,

- la société Fonderie Rhône n'a pas respecté ses obligations conventionnelles en matière de reclassement découlant de l'article 49 de la convention collective départementale de la métallurgie du Rhône et de l'article 29 de l'Accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, il résulte de ces dispositions qu'en cas de licenciement économique collectif, l'employeur est tenu de saisir la commission territoriale de l'emploi, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; qu'il ne saurait être fait application des dispositions de l'Accord national interprofessionnel qui fixe un seuil d'au moins 10 licenciements économiques pour que soit saisie la commission territoriale, dès lors que la convention collective applicable ne renvoie pas à cet accord,

- la société Fonderie Rhône n'a pas justifié de l'application des critères d'ordre de licenciement ; qu'il appartenait à la même catégorie professionnelle qu'un autre salarié qui occupait lui aussi un poste d'ébarbeur ; qu'ils se sont vus attribuer le même nombre de points sur les critères sociaux ; que s'agissant des critères dits professionnels, ils se sont également vus attribuer le même nombre de points, à l'exception du critère relatif à la polyvalence où il a obtenu moins de points que l'autre salarié ; que les appelants n'ont apporté aucune justification quant à la valorisation bien plus favorable de l'autre salarié sur ce critère,

- la rupture de son contrat de travail lui a causé un préjudice moral et financier important, qu'il s'est investi pendant plusieurs années au service de la société Fonderie Rhône, qu'il s'est brutalement trouvé à la recherche d'un emploi, dans un contexte économique difficile.

Dans ses conclusions notifiées le 22 mai 2018, l'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône demande à la cour de :

- statuer ce que de droit quant à l'appel formé par la société,

- constater que le salarié ne formule plus aucune demande à l'encontre du redressement judiciaire de la société Fonderie Rhône,

- déclarer irrecevables toute demande de fixation de créances et de sa garantie au titre du redressement judiciaire de la société Fonderie Rhône compte-tenu de l'opération de transmission universelle de patrimoine qui est intervenue au bénéfice de la société,

Infirmant et ajoutant au jugement querellé,

- la mettre purement et simplement hors de cause,

En tout état de cause,

- dire et juger qu'elle ne garantit pas les éventuelles créances allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21, L. 3253-15, et L. 3253-17 du code du travail, que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, et la mettre hors dépens.

L'AGS CGEA fait valoir que :

- la présente action ne peut en aucun cas conduire à sa condamnation directe, mais uniquement, le cas échéant, à la fixation de créances salariales au redressement judiciaire de la société Fonderie Rhône, qu'elle intervient par application des dispositions de l'article L. 625-1 du code de commerce,

- une transmission universelle de patrimoine est intervenue de la société Fonderie Rhône à la société, qu'aucune opposition n'a été formée de sorte que les effets de cette transmission sont devenus définitifs, qu'un salarié licencié par la société dissoute ensuite de la transmission universelle de patrimoine est irrecevable à agir en justice, que la transmission étant intervenue dans le cadre d'un plan de continuation, la société est redevenue in bonis et la procédure collective a pris fin, que le salarié est donc irrecevable à solliciter une fixation de créances au passif de la société Fonderie Rhône, ainsi qu'à solliciter sa garantie,

- le licenciement économique du salarié est intervenu antérieurement au redressement judiciaire, qu'il appartiendra aux appelants d'apporter tout élément d'explication utile s'agissant du reclassement, qu'en tout état de cause, les trois sociétés composant le groupe ont connu de graves difficultés économiques, que ces trois sociétés n'ont procédé à aucun recrutement de manière pérenne, mais ont eu recours à des contrats d'intérim ou des contrats à durée déterminée, pour des périodes très limitées et pour des postes différents de celui occupé par le salarié, qu'aucun poste d'ébarbeur n'a été créé suite à son licenciement,

- s'agissant des critères d'ordre de licenciement, le salarié n'a produit aucun élément objectif à l'appui de sa demande, qu'il appartiendra à l'administrateur judiciaire d'apporter tout élément d'explication utile et toute précision nécessaire sur ce point.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'obligation légale de reclassement

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-499 du 18 mai 2010, applicable à la date de notification du licenciement en litige, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il résulte de ce texte que la tentative de reclassement est un préalable nécessaire à tout licenciement économique.

Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, le reclassement doit être recherché dans le périmètre du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur d'établir la preuve de l'impossibilité d'affecter le salarié dans un autre emploi.

Si l'obligation de reclassement n'est qu'une obligation de moyens, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a mis en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour trouver une solution afin d'éviter le licenciement.

Les parties s'accordent pour reconnaître que la société Fonderie Rhône faisait partie du même groupe que les sociétés Metalic et Laser Force.

Il est constant qu'au dernier état des relations contractuelles le salarié qui avait 13 ans d'ancienneté dans l'entreprise Fonderie Rhône était employé en qualité d'ébarbeur, classé statut ouvrier, niveau III, indice 1, coefficient 215 de la convention collective de la métallurgie du Rhône.

Aux termes de la convention collective applicable, cette classification du salarié correspond à celle d'un ouvrier qui «d'après les instructions précises s'appliquant au domaine d'action et aux moyens disponibles, exécute des travaux très qualifiés comportant des opérations qu'il faut combiner en fonction des objectifs à atteindre, choisit les modes d'exécution et la succession des opérations, est placé sous le contrôle d'un agent le plus généralement d'un niveau de qualification supérieur ; cependant dans certaines circonstances il est amené à agir avec autonomie» et plus spécifiquement s'agissant du niveau III : «le travail est caractérisé par l'exécution d'un ensemble d'opérations très qualifiées, dont certaines sont délicates et complexes du fait des difficultés techniques et doivent être combinées en fonction du résultat à atteindre. Les instructions de travail appuyées de schémas, croquis, plans, dessins et autres documents techniques indiquent l'objectif à atteindre. Il appartient à l'ouvrier, après avoir éventuellement précisé les schémas, croquis, plans, dessins et autres documents techniques, et défini ses modes opératoires, d'aménager ses moyens d'exécution et de contrôler le résultat de ces opérations.»

Par courrier du 19 janvier 2015, la société Fonderie Rhône a demandé aux sociétés Metalic et Laser Force, autres sociétés du groupe, si elles disposaient d'un poste de reclassement du salarié, ce à quoi ces dernières ont respectivement répondu par la négative, par courriers du [Adresse 2] 2015.

Cependant, et ainsi que l'a relevé le premier juge, il ressort de la lecture du registre du personnel (pièce K1 de l'intimé) que la société Metalic a embauché, le 23 janvier 2015, un «mécanicien régleur» en la personne de M. [P], salarié de niveau III, indice 1, coefficient 215, qui a quitté ses effectifs le 2 février 2015 à son initiative, puis un «régleur opérateur mécanique», le 16 mars 2015, sous contrat à durée déterminée, qui a quitté ses effectifs le 29 mai 2015, et le 8 avril 2015 un «programmeur régleur mécanique» ouvrier de niveau III, P3, coefficient 215.

Pour soutenir que le salarié n'exerçait pas des fonctions de même nature et ne disposait pas de la formation professionnelle nécessaire pour occuper ces emplois, les appelants produisent aux débats, d'une part, une fiche de poste d'ébarbeur, d'autre part, des fiches de poste de chacun des emplois en cause ainsi que le contrat de travail du 8 avril 2015 et des CV des salariés embauchés aux postes de programmeur régleur mécanique, d'opérateur régleur et de responsable mécanique, ainsi que la fiche métier Pôle emploi du poste de régleur mécanique.

Il doit être observé qu'en l'absence de tout élément accréditant l'allégation des appelants selon laquelle les représentants du personnel de l'entreprise avaient participé à la définition des catégories professionnelles, les fiches de postes qui sont produites aux débats sont des documents unilatéralement établis par les sociétés Fonderie Rhône, pour la fiche du poste d'ébarbeur, et par la société Metalic pour les fiches de postes programmeur régleur mécanique et de régleur opérateur mécanique.

Dans leurs écritures, les appelants se bornent à affirmer (en page 13) que le poste de «mécanicien régleur» est autrement dénommé - programmeur régleur- ou - opérateur régleur- , tout en soutenant que chacun de ces deux derniers postes a sa propre fiche de poste, ce qui interroge sur les caractéristiques du poste auquel le salarié, recruté en qualité de «mécanicien régleur» le 25 janvier 2015, était affecté.

La fonction d'ébarbeur qu'occupait le salarié, relevait tout comme celle du «mécanicien régleur» embauché le 25 janvier 2015, de la même classification conventionnelle au niveau III, coefficient 215, laquelle suppose, ainsi qu'il est rappelé plus avant, la capacité de l'ouvrier «d'aménager ses moyens d'exécution et de contrôler le résultat de ces opérations».

Par ailleurs, en ce qu'il relevait de cette classification, si le salarié ne disposait pas du niveau de diplôme de l'Education nationale (niveaux V et IVb de la circulaire du 11 juillet 1967) qu'elle vise, il justifiait nécessairement de connaissances acquises par l'expérience professionnelle lui permettant une telle classification, ainsi que celle-ci le prévoit.

Dès lors les appelants ne sauraient se prévaloir de l'absence de diplôme du salarié équivalent à ceux de M. [F] qui a été recruté pour le poste d'opérateur régleur, étant observé que, s'agissant plus particulièrement de l'emploi de «mécanicien régleur», ne sont produit aux débats ni le contrat de travail, ni le CV de M. [P] salarié embauché en cette qualité, le 25 janvier 2015.

Enfin, les appelants n'expliquent pas comment le salarié, embauché en qualité d'ébarbeur, avait pu se voir affecter pendant plus d'un an à l'atelier mécanique en tant qu'opérateur pendant un an, ainsi que cela résulte des attestations de MM. [L], [W] [R], [C] et [Y], respectivement coquilleurs, ébarbeur et responsable d'atelier.

En définitive, alors que de par son expérience professionnelle, le salarié était en capacité «d'aménager ses moyens d'exécution et de contrôler le résultat de ces opérations» et qu'il avait déjà été affecté à l'atelier mécanique, la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, ne démontre pas que l'emploi de «mécanicien régleur», relevant de la même classification conventionnelle que la sienne, ne pouvait pas lui être proposé, y compris moyennant un effort de formation et d'adaptation, ce alors même que ce poste était disponible au sein de la société Metalic au moment de l'engagement de la procédure de licenciement pour motif économique, avant d'être pourvu par un recrutement extérieur, puis était redevenu disponible, le 2 février 2015, pendant la phase de recherche de reclassement avant la notification du licenciement le 11 février 2015.

Les appelants ne justifient donc pas que la société Fonderie Rhône, aux droits de laquelle est venue la société Metalic, a mis en oeuvre les moyens nécessaires pour satisfaire à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement, ni de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de reclasser le salarié.

En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré du non-respect de l'obligation conventionnelle de reclassement, ni la demande tirée du non respect des critères d'ordre présentée à titre subsidiaire, le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

Il résulte de l'application des dispositions de l'article L. 1233-67 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, qu'en l'absence de motif économique du licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu dudit contrat.

La rupture du contrat de travail du salarié intervenue par l'effet de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'il est jugé plus avant, en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, au regard des 13 années d'ancienneté du salarié comme du montant de son salaire mensuel brut, et alors qu'il n'est ni soutenu, ni justifié de sommes versées au salarié par la société Fonderie Rhône pouvant être déduites de la créance au titre de l'indemnité de préavis, il convient de faire droit à la demande du salarié en paiement de la somme de 3 803,16 euros bruts à titre d'indemnité de préavis de deux mois et celle de 380,31 euros bruts au titre des congés payés afférents.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à la date de notification du licenciement, le salarié ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement onze salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise dont aucune des parties ne conteste qu'il était d'au moins onze salariés, du montant non remis en cause de la rémunération moyenne mensuelle brute de 2 115,54 euros du salarié, âgé de 51 ans lors de la rupture, de son ancienneté de 13 années dans l'entreprise, de la perception du 24 février au 23 février 2016 de l'allocation de sécurisation professionnelle et de la circonstance qu'il est ensuite demeuré au chômage indemnisé par l'allocation de retour à l'emploi jusqu'au 31 décembre 2016 et qu'il n'est plus inscrit comme demandeur d'emploi depuis le 1er septembre 2018, sans toutefois préciser sa situation économique depuis, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture s'apprécie justement à la somme de 21 500 euros, ainsi que l'a retenu le premier juge, de sorte que le jugement est confirmé en ce sens.

Sur les conséquences de la procédure collective

En application de l'article L. 622-1 du code de commerce, la décision arrêtant le plan de redressement ne met pas fin à la suspension des poursuites individuelles.

En l'espèce, d'une part, la proposition et l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle sont intervenues avant l'ouverture de la procédure collective de la société Fonderie Rhône et avant l'ouverture de la procédure collective de la société Metalic, venue aux droits de la société Fonderie Rhône par l'effet de la déclaration de dissolution sans liquidation du 27 mars 2017 emportant transmission universelle de son patrimoine à la société Metalic, d'autre part, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes de créances salariale et indemnitaire nées du licenciement avant l'ouverture de la procédure collective de la société Metalic, venue aux droits de la société Fonderie Rhône, de sorte que le jugement ne peut tendre qu'à fixer les créances du salarié au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Metalic, fût-il un redressement par continuation. En conséquence, les créances du salarié doivent fixées au passif du redressement judiciaire de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône.

En application de l'article L. 3252-8 du code du travail, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les sommes dues par l'employeur antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption du plan de redressement qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective, de sorte que l'AGS doit en faire l'avance à la demande du représentant des créanciers en l'absence de fonds disponibles.

En l'espèce, les créances du salarié trouvant leur origine antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Metalic, venue aux droits de la société Fonderie Rhône, par l'effet de la transmission universelle de son patrimoine, l'intervention à la cause de l'AGS CGEA est justifiée puisqu'elle est tenue à garantie, dans les limites et conditions prévues par la loi, de sorte que sa demande tendant à être mise hors de cause doit être rejetée, ainsi que l'a retenu le premier juge.

Sur les frais accessoires

Compte tenu de la solution donnée au litige en cause d'appel, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne tant les dépens que les frais irrépétibles.

La société Metalic qui succombe dans ses prétentions sera tenue aux dépens d'appel.

Par application de l'article 700 du code de procédure civile, il est équitable de fixer à 2000 euros l'indemnité que la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, devra payer au salarié au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer dans la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

FIXE les créances de M. [G] [E] au passif du redressement judiciaire de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, aux sommes de 3 803,16 euros bruts à titre d'indemnité de préavis et de 380,31 euros bruts au titre des congés payés afférents,

REJETTE la demande de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, à payer à M. [G] [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/08147
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;17.08147 ?
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