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12/05/2022 | FRANCE | N°17/08145

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 12 mai 2022, 17/08145


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 17/08145 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LLQU





[Z]

Société METALIC

SELARL AJ PARTENAIRES



C/

[H]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 26 Octobre 2017

RG : 15/03442



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 12 MAI 2022







APPEL

ANTS :



[N] [Z] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société METALIC venant aux droits de la société FONDERIE RHONE

[Adresse 2]

[Localité 6]





Société METALIC venant aux droits de la société FONDERIE RHONE

[Adresse 8]

[Localit...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 17/08145 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LLQU

[Z]

Société METALIC

SELARL AJ PARTENAIRES

C/

[H]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 26 Octobre 2017

RG : 15/03442

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 12 MAI 2022

APPELANTS :

[N] [Z] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société METALIC venant aux droits de la société FONDERIE RHONE

[Adresse 2]

[Localité 6]

Société METALIC venant aux droits de la société FONDERIE RHONE

[Adresse 8]

[Localité 5]

SELARL AJ PARTENAIRES représentée par Me [J] [V] Me [S] [V] et Me [P] [C] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société METALIC venant aux droits de la société FONDERIE RHONE

[Adresse 1]

[Localité 4]

toutes représentées par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON ayant pour avocat plaidant Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

[I] [H]

né le 03 Mars 1965 à [Localité 10] (MAROC)

[Adresse 9]

[Localité 3]

représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Valérie MALLARD de la SELARL MALLARD AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 7]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Décembre 2021

Présidée par Nathalie PALLE, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nathalie PALLE, président

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant un contrat à durée indéterminée du 26 août 1999, avec effet à compter du 1er septembre 1999, M. [H] (le salarié) a été engagé par la société RBE Equipements, aux droits de laquelle est venue la société Fonderie Rhône, en qualité de mécanicien, N2, P1, coefficient 170, de la convention collective de la métallurgie du Rhône.

Le salarié a été élu délégué du personnel à compter du 10 décembre 2009.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié a occupé un poste de mécanicien, statut ouvrier, niveau III, indice 1, coefficient 215 de la même convention collective.

Après avoir consulté les délégués du personnel, lors d'une réunion extraordinaire du 19 janvier 2015, sur un projet de licenciement collectif pour motif économique de sept des treize salariés de l'entreprise, par courrier du 22 janvier 2015, la société Fonderie Rhône a convoqué le salarié à un entretien préalable en vue de son licenciement pour motif économique fixé au 2 février 2015.

Lors de l'entretien, la société Fonderie Rhône a remis au salarié un courrier exposant le motif économique du licenciement envisagé, en lui soumettant une proposition d'adhésion à une convention de sécurisation professionnelle avec un délai de réflexion de 21 jours.

Par courrier du 11 février 2015, la société Fonderie Rhône a notifié au salarié son licenciement pour motif économique.

Le salarié a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 16 février 2015, et son contrat de travail a pris fin le 23 février 2015.

Par jugement du 18 février 2015, le tribunal de commerce de Lyon a placé la société Fonderie Rhône en redressement judiciaire, a fixé provisoirement l'état de cessation des paiements au 31 décembre 2013, et a nommé la société AJ Partenaires, prise en la personne de Maître [J] [V] et de Maître [S] [V], en qualité d'administrateur judiciaire, ainsi que Maître [Z] en qualité de mandataire judiciaire.

Par requête du 7 septembre 2015, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin de voir juger que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse, faute pour l'employeur d'avoir respecté son obligation de reclassement.

Le 27 mars 2017, la société Fonderie Rhône a fait l'objet d'une déclaration de dissolution sans liquidation, emportant transmission universelle de son patrimoine à la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône.

La société Metalic a elle-même fait l'objet d'un redressement judiciaire puis d'un plan de redressement par voie de continuation par jugements du tribunal de commerce de Lyon du 18 février 2015 puis du 15 juin 2016.

Au dernier état de ses demandes, le salarié a sollicité la condamnation de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 26 octobre 2017, le juge départiteur du conseil de prud'hommes, statuant après avoir pris l'avis des conseillers présents, a :

- dit que le licenciement dont le salarié a fait l'objet de la part de la société Fonderie Rhône est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- fixé les créances du salarié au passif du redressement judiciaire de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, à la somme de 23 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- précisé que le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majorations,

- déclaré la décision opposable au CGEA de Chalon-sur-Saône,

- dit que celui-ci sera tenu à garantir les sommes allouées à Mme [G] [U] (sic) dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, à verser au salarié la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Fonderie Rhône de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles

R. 1454-14 et 15 du code du travail ;

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 085,94 euros,

- condamné la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, aux dépens.

La société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, la société AJ Partenaires, représentée par Maîtres [J] et [S] [V] et Maître [C] agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, et Maître [Z], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, ont relevé appel de ce jugement, le 23 novembre 2017.

Dans leurs conclusions notifiées le 9 août 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens, les appelants demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses prétentions au titre de l'obligation conventionnelle de reclassement prévue par la convention collective départementale de la métallurgie du Rhône,

- infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

Et, statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Fonderie Rhône a respecté son obligation légale de reclassement,

- dire et juger bien fondé le licenciement pour motif économique du salarié,

- débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes,

- condamner le salarié à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Les appelants font valoir que :

- la société Metalic (société mère) et la société Fonderie Rhône (société filiale) ont rencontré de graves difficultés financières et ont été contraintes, après avoir été placées en procédure de redressement judiciaire, de supprimer des postes de travail et de procéder à des licenciements pour motif économique ; que les sociétés ont respectivement été contraintes de procéder à la suppression de 6 emplois sur 22 et de 7 postes de travail sur 13 ; que les sociétés Laser Force et Erhel Hydris, autres filiales de la société Metalic, ont respectivement cessé toute activité depuis février 2015,pour la première, et fait l'objet d'une liquidation judiciaire en 2011 pour la seconde,

- la société Fonderie Rhône a entrepris des recherches loyales, précises et sérieuses de reclassement, en interrogeant la société Metalic, laquelle était la seule au sein du groupe à exercer un semblant d'activité ; que la société Metalic a toutefois elle-même procédé à plusieurs licenciements d'ordre économique et n'avait aucune solution susceptible d'être proposée au salarié pour permettre son reclassement, ainsi que les registres uniques du personnel le démontrent,

- le salarié affirme que les postes de mécanicien régleur, de responsable d'atelier, de régleur opérateur mécanique, de peintre industriel, de responsable mécanicien, de régleur opérateur et de programmeur régleur auraient pu lui être proposés à titre de reclassement, alors que les postes ainsi évoqués n'étaient pas disponibles au moment de la rupture de son contrat de travail, le 11 février 2015, et ont été pourvus postérieurement,

- en tout état de cause, aucun des postes évoqués ne pouvait être occupé par le salarié en raison de l'absence de formation initiale et de son expérience, étant précisé qu'aucune formation complémentaire n'aurait pu lui permettre de s'adapter à ces postes ; que le salarié a exercé les fonctions d'opérateur mécanique et les fiches de postes produites aux débats démontrent que le salarié ne disposait pas des compétences suffisantes , pour occuper les postes de régleur opérateur mécanique ou de mécanicien régleur (autrement dénommé programmeur régleur ou opérateur régleur), n'ayant aucune connaissance des procédures à respecter pour la bonne programmation des machines,

- le salarié a indiqué que la société Fonderie Rhône aurait manqué à son obligation conventionnelle de reclassement en ne respectant pas les dispositions de l'article 49 de la convention départementale de la métallurgie du Rhône, alors qu'il résulte des textes et de la jurisprudence que l'obligation de saisir la commission territoriale de l'emploi compétente ne concerne que les projets de licenciement collectif pour motif économique portant sur plus de dix salariés et que la société Fonderie Rhône a cependant envisagé de supprimer seulement 7 postes de travail.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 août 2018, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,

- infirmer le jugement pour le surplus,

Et, statuant à nouveau,

- mettre hors de cause l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, et l'AGS CGEA, dès lors que plus aucune demande n'est dirigée à leur encontre, du fait de la transmission universelle de patrimoine de la société Fonderie Rhône à la société Metalic in bonis,

- condamner la société Metalic à lui payer les sommes suivantes :

32 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3 796,72 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 379,67 euros bruts de congés payés afférents,

2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le salarié fait valoir que :

- il y a lieu de mettre hors de cause l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire et l'AGS CGEA, plus aucune demande n'étant dirigée à leur encontre,

- la société Fonderie Rhône n'a pas respecté son obligation de reclassement alors que le registre des entrées et sorties du personnel versé aux débats fait état de l'embauche, le 23 janvier 2015, d'un mécanicien régleur de même catégorie que lui ; qu'il a été mécanicien pendant plus de 15 ans et que les appelants ne démontrent pas qu'il n'aurait pas eu les compétences pour occuper ce poste de mécanicien,

- sur la période du 23 janvier au 7 avril 2015, soit la période de la procédure de licenciement et les semaines qui ont suivi, la société a recruté 6 personnes sur des postes relevant de l'activité mécanique, sachant que les recrutements ont eu lieu avant, et donc pendant la période de recherche de reclassement ; que ces postes auraient pu lui être proposés,

- les appelants ont seulement produit des fiches des différents postes évoqués ; que lui même n'a jamais eu de fiche de poste et n'a jamais vu de telles fiches en vigueur dans l'entreprise ; que les fiches produites ne comportent aucune indication de la classification dont les postes relèvent, sont toutes signées par le dirigeant seulement et sont donc dépourvues de toute valeur probante comme ayant été créées pour les besoins de la cause ; qu'au demeurant la société Fonderie Rhône n'a pas respecté ces fiches de poste en fournissant de manière habituelle et récurrente aux salariés d'autres fonctions que celles relevant de leur contrat de travail, ainsi qu'en atteste le contrôleur du travail dans une lettre du 30 janvier 2014 et comme l'a également mis en évidence l'audit social réalisé en avril/mai 2015,

- la société Fonderie Rhône n'a pas respecté ses obligations conventionnelles en matière de reclassement découlant de l'article 49 de la convention collective départementale de la métallurgie du Rhône et de l'article 29 de l'Accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, dont il résulte qu'en cas de licenciement économique collectif, l'employeur est tenu de saisir la commission territoriale de l'emploi, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; qu'il ne saurait être fait application des dispositions de l'Accord national interprofessionnel qui fixe un seuil d'au moins 10 licenciements économiques pour que soit saisie la commission territoriale, dès lors que la convention collective applicable ne renvoie pas à cet accord,

- la rupture de son contrat de travail lui a causé un préjudice moral et financier important et, alors qu'il s'est investi pendant plusieurs années au service de la société Fonderie Rhône, il s'est brutalement trouvé à la recherche d'un emploi, dans un contexte économique difficile, alternant les périodes de chômage et quelques courtes périodes de travail intérimaires ; bien qu'il se soit investi dans une formation, il a dû faire face à une perte significative de salaire.

Dans ses conclusions notifiées le 22 mai 2018, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, l'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône demande à la cour de :

- statuer ce que de droit quant à l'appel formé par la société,

- constater que le salarié ne formule plus aucune demande à l'encontre du redressement judiciaire de la société Fonderie Rhône,

- déclarer irrecevables toute demande de fixation de créances et de sa garantie au titre du redressement judiciaire de la société Fonderie Rhône, compte-tenu de l'opération de transmission universelle de patrimoine qui est intervenue au bénéfice de la société,

Infirmant et ajoutant au jugement,

- la mettre purement et simplement hors de cause,

- en tout état de cause, dire qu'elle ne garantit pas les éventuelles créances allouées au titre de l'article 700 du ode de procédure civile, qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21, L. 3253-15, et L. 3253-17 du code du travail, que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, et la mettre hors dépens.

L'AGS CGEA fait valoir que :

- la présente action ne peut en aucun cas conduire à sa condamnation directe, mais uniquement, le cas échéant, à la fixation de créances salariales au redressement judiciaire de la société Fonderie Rhône, et qu'elle intervient par application des dispositions de l'article L. 625-1 du code de commerce,

- une transmission universelle de patrimoine sans liquidation est intervenue le 27 mars 2017 de la société Fonderie Rhône à la société Metalic et aucune opposition n'ayant été formée, les effets de cette transmission sont devenus définitifs ; qu'un salarié licencié par la société dissoute ensuite de la transmission universelle de patrimoine est irrecevable à agir en justice à l'encontre de cette société, de sorte que le salarié est irrecevable à solliciter une fixation de créance à l'encontre du redressement judiciaire de la société Fonderie Rhône et que l'AGS n'ayant vocation à intervenir qu'en garantie des créances salariales au titre de la procédure collective de la société Fonderie Rhône, aujourd'hui dissoute, doit donc être mise hors de cause ;

- le licenciement économique du salarié est intervenu antérieurement au redressement judiciaire ; qu'il appartiendra aux appelants d'apporter tout élément d'explication utile s'agissant du reclassement ; qu'en tout état de cause, les trois sociétés composant le groupe ont connu de graves difficultés économiques ; qu'elles n'ont procédé à aucun recrutement de manière pérenne, mais ont eu recours à des contrats d'intérim ou des contrats à durée déterminée, pour des périodes très limitées et pour des postes différents de celui occupé par le salarié ; qu'aucun poste de mécanicien n'a été créé postérieurement ou concomitamment à son licenciement ;

- si la cour devait considérer que la société Fonderie Rhône a manqué à son obligation de moyen de reclassement, la demande indemnitaire du salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devrait être réduite au minimum légal de 6 mois de salaire, par application de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié qui a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, ne justifiant d'aucun préjudice spécifique, ni de recherche d'emploi.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'obligation légale de reclassement

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-499 du 18 mai 2010, applicable à la date de notification du licenciement en litige, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il résulte de ce texte que la tentative de reclassement est un préalable nécessaire à tout licenciement économique.

Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, le reclassement doit être recherché dans le périmètre du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur d'établir la preuve de l'impossibilité d'affecter le salarié dans un autre emploi.

Si l'obligation de reclassement n'est qu'une obligation de moyens, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a mis en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour trouver une solution afin d'éviter le licenciement.

Les parties s'accordent pour reconnaître que la société Fonderie Rhône faisait partie du même groupe que les sociétés Metalic et Laser Force.

Il est constant qu'au dernier état des relations contractuelles le salarié qui avait quinze ans d'ancienneté dans l'entreprise Fonderie Rhône occupait les fonctions de mécanicien, classé statut ouvrier, niveau III, indice 1, coefficient 215 de la convention collective de la métallurgie du Rhône.

Aux termes de la convention collective applicable, cette classification du salarié correspond à celle d'un ouvrier qui «d'après les instructions précises s'appliquant au domaine d'action et aux moyens disponibles, exécute des travaux très qualifiés comportant des opérations qu'il faut combiner en fonction des objectifs à atteindre, choisit les modes d'exécution et la succession des opérations, est placé sous le contrôle d'un agent le plus généralement d'un niveau de qualification supérieur ; cependant dans certaines circonstances il est amené à agir avec autonomie» et plus spécifiquement s'agissant du niveau III : «le travail est caractérisé par l'exécution d'un ensemble d'opérations très qualifiées, dont certaines sont délicates et complexes du fait des difficultés techniques et doivent être combinées en fonction du résultat à atteindre. Les instructions de travail appuyées de schémas, croquis, plans, dessins et autres documents techniques indiquent l'objectif à atteindre. Il appartient à l'ouvrier, après avoir éventuellement précisé les schémas, croquis, plans, dessins et autres documents techniques, et défini ses modes opératoires, d'aménager ses moyens d'exécution et de contrôler le résultat de ces opérations.»

Par courrier du 19 janvier 2015, la société Fonderie Rhône a demandé aux sociétés Metal et Laser Force, autres sociétés du groupe, si elles disposaient d'un poste de reclassement du salarié, ce à quoi ces dernières ont respectivement répondu par la négative, par courriers du 21 janvier 2015.

Cependant, et ainsi que l'a relevé le premier juge, il ressort de la lecture du registre du personnel (pièce K1 de l'intimé) que la société Metalic a embauché, le 23 janvier 2015, un «mécanicien régleur» en la personne de M. [Y], salarié de niveau III, indice 1, coefficient 215, qui a quitté ses effectifs le 2 février 2015 à son initiative, puis un «régleur opérateur mécanique», le 16 mars 2015, sous contrat à durée déterminée, qui a quitté ses effectifs le 29 mai 2015, et le 8 avril 2015 un «programmeur régleur mécanique» ouvrier de niveau III, P3, coefficient 215.

Pour soutenir que le salarié n'exerçait pas des fonctions de même nature et ne disposait pas de la formation professionnelle nécessaire pour occuper ces emplois, les appelants produisent aux débats, d'une part, une fiche de poste d'opérateur mécanique, d'autre part, des fiches de poste de chacun des emplois en cause ainsi que le contrat de travail du 8 avril 2015 et des CV des salariés embauchés aux postes de programmeur régleur mécanique, d'opérateur régleur et de responsable mécanique ainsi que la fiche métier Pôle emploi du poste de régleur mécanique.

Il doit être observé que la fiche de poste d'opérateur mécanique éditée à l'entête de la société Fonderie Rhône que les appelants attribuent à l'emploi du salarié au sein de la société Fonderie Rhône, qui porte la mention d'une «édition 2015», ne comporte aucune signature et il ne résulte d'aucun élément qu'elle a été portée à la connaissance du salarié pendant le temps de la relation contractuelle. Il s'agit d'un document unilatéral de l'employeur et, dans ces conditions, elle ne peut, à elle seule, faire la preuve que les fonctions qui y sont décrites correspondaient aux fonctions de mécanicien que le salarié occupait au sein de la société Fonderie Rhône.

Le contexte était par ailleurs celui d'une polyvalence dans les tâches confiées aux salariés de l'entreprise Fonderie Rhône, ainsi que le révèlent les termes du courrier que lui adressait le contrôleur du travail, le 30 janvier 2014, qui rapportait les doléances des salariés déplorant l'obligation qui leur était faite d'effectuer des tâches en dehors de leur champ de compétences.

Au demeurant, à supposer que le salarié occupait le seul poste d'opérateur mécanique, tel que décrit dans la fiche de poste, la différence essentielle entre ce poste et les postes de programmeur régleur mécanique et de régleur opérateur mécanique, tels qu'ils résultent des fiches de postes également unilatéralement établies par la société Metalic, porte sur le réglage préalable de la machine, lequel n'est pas confié au salarié dans le premier type de poste contrairement aux deux autres.

Il doit cependant être observé que la fonction de mécanicien qu'occupait le salarié, relevait tout comme celle du «mécanicien régleur» embauché le 25 janvier 2015, de la même classification conventionnelle au niveau III, coefficient 215, laquelle suppose pourtant, ainsi qu'il est rappelé plus avant, la capacité de l'ouvrier «d'aménager ses moyens d'exécution et de contrôler le résultat de ces opérations».

Par ailleurs, en ce qu'il relevait de cette classification, si le salarié ne disposait pas du niveau de diplôme de l'Education nationale (niveaux V et IVb de la circulaire du 11 juillet 1967) qu'elle vise, il justifiait nécessairement de connaissances acquises par l'expérience professionnelle lui permettant une telle classification, ainsi que celle-ci le prévoit.

Dès lors les appelants ne sauraient se prévaloir de l'absence de diplôme du salarié équivalent à ceux de M. [K] qui a été recruté pour le poste d'opérateur régleur, étant observé que, s'agissant plus particulièrement de l'emploi de «mécanicien régleur», ne sont produit aux débats ni le contrat de travail, ni le CV de M. [Y] salarié embauché en cette qualité, le 25 janvier 2015.

Dans leurs écritures, les appelants se bornent à affirmer (en page 14) que le poste de «mécanicien régleur» est autrement dénommé - programmeur régleur- ou - opérateur régleur- , tout en expliquant que chacun de ces deux derniers postes a sa propre fiche de poste, ce qui interroge sur les caractéristiques du poste auquel le salarié, recruté en qualité de «mécanicien régleur» le 25 janvier 2015, était affecté.

En définitive, alors que, de par son expérience professionnelle, le salarié était en capacité «d'aménager ses moyens d'exécution et de contrôler le résultat de ces opérations» la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, ne démontre pas que l'emploi de «mécanicien régleur», relevant de la même classification conventionnelle que la sienne, ne pouvait pas lui être proposé, y compris moyennant un effort de formation et d'adaptation, ce alors même que ce poste était disponible au sein de la société Metalic au moment de l'engagement de la procédure de licenciement pour motif économique, avant d'être pourvu par un recrutement extérieur, puis était redevenu disponible, le 2 février 2015, pendant la phase de recherche de reclassement avant la notification du licenciement le 11 février 2015.

Les appelants ne justifient donc pas que la société Fonderie Rhône, aux droits de laquelle est venue la société Metalic, a mis en oeuvre les moyens nécessaires pour satisfaire à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement, ni de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de reclasser le salarié.

En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré du non-respect de l'obligation conventionnelle de reclassement, ni la demande tirée du non respect des critères d'ordre présentée à titre subsidiaire, le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

Il résulte de l'application des dispositions de l'article L. 1233-67 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, qu'en l'absence de motif économique du licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu dudit contrat.

La rupture du contrat de travail du salarié intervenue par l'effet de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'il est jugé plus avant, en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, au regard des 15 années d'ancienneté du salarié comme du montant de son salaire mensuel brut, et alors qu'il n'est ni soutenu, ni justifié des sommes versées au salarié par la société Fonderie Rhône pouvant être déduites de la créance au titre de l'indemnité de préavis, il convient de faire droit à la demande du salarié en paiement de la somme de 3 796,72 euros bruts à titre d'indemnité de préavis de deux mois et celle de 379,67 euros bruts au titre des congés payés afférents.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à la date de notification du licenciement, le salarié ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement onze salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise dont aucune des parties ne conteste qu'il était d'au moins onze salariés, du montant non remis en cause de la rémunération moyenne mensuelle bruts de 2 085,94 euros du salarié, âgé de 50 ans lors de la rupture, de son ancienneté de 15 années dans l'entreprise, de la perception du 24 février au 31 décembre 2015 de l'allocation de sécurisation professionnelle et de ce qu'il a travaillé depuis comme intérimaire en qualité d'opérateur sur commande numérique, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture s'apprécie justement à la somme de 23 000 euros, ainsi que l'a retenu le premier juge, de sorte que le jugement est confirmé en ce sens.

Sur les conséquences de la procédure collective

En application de l'article L. 622-1 du code de commerce, la décision arrêtant le plan de redressement ne met pas fin à la suspension des poursuites individuelles.

En l'espèce, d'une part, la proposition et l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle sont intervenues avant l'ouverture de la procédure collective de la société Fonderie Rhône et avant l'ouverture de la procédure collective de la société Metalic, venue aux droits de la société Fonderie Rhône par l'effet de la déclaration de dissolution sans liquidation du 27 mars 2017 emportant transmission universelle de son patrimoine à la société Metalic, d'autre part, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes de créances salariale et indemnitaire nées du licenciement avant l'ouverture de la procédure collective de la société Metalic, venue aux droits de la société Fonderie Rhône, de sorte que le jugement ne peut tendre qu'à fixer les créances du salarié au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Metalic, fût-il un redressement par continuation. En conséquence, les créances du salarié doivent fixées au passif du redressement judiciaire de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône.

En application de l'article L. 3252-8 du code du travail, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les sommes dues par l'employeur antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption du plan de redressement qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective, de sorte que l'AGS doit en faire l'avance à la demande du représentant des créanciers en l'absence de fonds disponibles.

En l'espèce, les créances du salarié trouvant leur origine antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Metalic, venue aux droits de la société Fonderie Rhône, par l'effet de la transmission universelle de son patrimoine, l'intervention à la cause de l'AGS CGEA est justifiée puisqu'elle est tenue à garantie, dans les limites et conditions prévues par la loi, de sorte que la demande de celle-ci tendant à être mise hors de cause doit être rejetée, ainsi que l'a retenu le premier juge.

Sur les frais accessoires

Compte tenu de la solution donnée au litige en cause d'appel, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne tant les dépens que les frais irrépétibles.

La société Metalic qui succombe dans ses prétentions sera tenue aux dépens d'appel.

Par application de l'article 700 du code de procédure civile, il est équitable de fixer à 2000 euros l'indemnité que la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, devra payer au salarié au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer dans la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

FIXE les créances de M. [I] [H] au passif du redressement judiciaire de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, aux sommes de 3 796,72 euros bruts à titre d'indemnité de préavis et de 379,67 euros bruts au titre des congés payés afférents,

REJETTE la demande de la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, à payer à M. [I] [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Metalic, venant aux droits de la société Fonderie Rhône, aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/08145
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;17.08145 ?
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