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04/05/2022 | FRANCE | N°19/03863

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 04 mai 2022, 19/03863


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/03863 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMY5



[R]

C/

Société A.U.P.L.



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Mai 2019

RG : F15/04815







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 04 MAI 2022







APPELANT :



[D] [R]

né le 29 Mars 1966 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]



repr

ésenté par Me Mathieu PASTENE, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SARL A.U.P.L.

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Hervé-daniel PATUREL, avocat au barreau de LYON







DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Février 2022



Pr...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/03863 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMY5

[R]

C/

Société A.U.P.L.

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Mai 2019

RG : F15/04815

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 04 MAI 2022

APPELANT :

[D] [R]

né le 29 Mars 1966 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Mathieu PASTENE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SARL A.U.P.L.

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Hervé-daniel PATUREL, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Février 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société 'Appel d'Urgence Poids Lourds ' ci-après dénommée A.U.P.L. a pour activité le transport routier de marchandises et la location de véhicules industriel avec conducteur sans limitation de tonnage, l'organisation, la logistique, tout autre type de transports.

Suivant contrat à durée indéterminée, la société Transport Phil Express Poids Lourds aux droits de laquelle vient la société A.U.P.L a engagé M. [R] en qualité de chauffeur poids lourd à compter du 12 janvier 2009.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale du transport routier de marchandises.

M. [R] a été placé en arrêt de travail du 14 avril au 27 avril 2014.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 juin 2014, la société A.U.P.L. a notifié à M. [R] son licenciement pour faute grave en lui reprochant l'abandon de son poste de travail depuis le 28 avril 2014.

Le 30 décembre 2015, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, ainsi qu'au titre du préjudice moral, outre une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, un rappel de salaires et les congés payés y afférent ainsi qu'une demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 13 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit que le licenciement de M. [R] n'est pas fondé sur une faute grave mais relève d'une cause réelle et sérieuse ;

- condamné la Société AUPL à verser à M. [R] les sommes suivantes :

* 3 625,38 euros au titre du préavis ;

* 362,54 euros au titre des congés payés afférents au préavis ;

* 1 993,96 euros au titre de l'indemnité de licenciement

outre les intérêts légaux à compter de la date de convocation du défendeur en conciliation ;

* 1 812,69 euros au titre des dommages et intérêts pour défaut de procédure outre les intérêts de droit à compter de la notification du jugement ;

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- fixé la moyenne des salaires à la somme de 1 812,69 euros pour l'exécution provisoire de droit

- rejeté toutes autre demandes plus amples ou contraires

- condamné la Sarl A.U.P.L. aux dépens.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 4 juin 2019 par M. [R].

Par conclusions notifiées le 7 janvier 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [R] demande à la cour de :

Sur le licenciement :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que son licenciement ne reposait pas sur une faute grave ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

Puis, statuant à nouveau,

- juger que son licenciement pour faute grave doit s'analyser en un licenciement abusif ;

- condamner la Société AUPL à lui verser les sommes suivantes :

* 12 532,98 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail ;

* 2 088,83 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement * 2 297,71 euros nets à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement ;

* 4 177,66 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 417,77 euros bruts au titre des congés payés afférents

sur les rappels de salaire :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de rappels de salaires

Puis, statuant à nouveau,

- condamner la Société AUPL à lui verser les sommes suivantes :

* 2 537,67 euros bruts à titre de rappel des salaires injustement déduits du 28 avril 2014 au 3 juin 2014.

* 1 330,20 euros bruts à titre de rappel des salaires injustement déduits aux mois de juillet et juin 2013.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de rappels de salaires ;

Puis, statuant à nouveau,

- condamner la Société AUPL à lui verser la somme de 12 532,98 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et rupture vexatoire du contrat de travail ;

en toutes hypothèses :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la moyenne de ses salaires à la somme de

1 812,69 euros bruts, puis, statuant à nouveau, fixer la moyenne des salaires à 2 088,83 euros bruts ;

- débouter la Société AUPL de son appel incident et de l'ensemble de ses demandes

- condamner la Société AUPL à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

- ordonner la remise des documents de rupture rectifiés, tenant compte du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois suivant le jugement à intervenir

- juger que les intérêts produiront eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil.

Par conclusions notifiées le 3 janvier 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société A.U.P.L. demande à la cour de :

A titre principal

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'absence injustifiée de M. [R]

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas retenu que l'absence injustifiée et

l'abandon de poste par M. [R] justifiait son licenciement pour faute grave

- infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL AUPL à payer les sommes de 3 625,38 euros au titre du préavis, 362,54 euros au titre des congés payés afférents au préavis et 1 993,96 au titre de l'indemnité de licenciement

- condamner M. [R] à rembourser à la SARL AUPL la somme de 5 060,99 euros au titre de son paiement en exécution provisoire de droit du jugement opéré par la SARL AUPL

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déboute M. [R] de ses autres demandes au titre des rappels de salaires et de l'exécution déloyale de son contrat de travail

A titre subsidiaire

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires à la somme de

1 812,69 euros

- juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme de 1 767,86 euros

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL AUPL à payer la somme de 1 812,69 euros au titre de dommages et intérêts pour défaut de procédure outre intérêts de droit

Au cas ou la Cour considérerait qu'il y a eu irrégularité sanctionnable de procédure de

licenciement du fait de l'absence de conseiller lors de l'entretien préalable :

- fixer l'indemnité pour procédure irrégulière à un montant correspondant au préjudice

effectivement subi par M. [R] en lien avec cette irrégularité,

- constater que M. [R] n'apporte aucun élément sur le préjudice qu'il aurait subi

Et pour le cas ou la cour confirmerait le jugement du Conseil de Prud'hommes qui a

considéré que le licenciement a été prononcé pour une cause réelle et sérieuse

- fixer l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 3 535,72 euros

- fixer les congés payés afférents à la somme de 353,57 euros

- fixer l'indemnité légale de licenciement à la somme de 1 944,65 euros à titre infiniment subsidiaire

Au cas ou le Conseil de céans considérerait que le licenciement a été prononcé sans cause

réelle et sérieuse

- fixer l'indemnité pour licenciement abusif à un montant correspondant au préjudice

effectivement subi par M. [R],

- constater que M. [R] n'apporte aucun élément sur le préjudice qu'il aurait subi

En tout état de cause

- débouter M. [R] de toutes autres demandes.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du 13 janvier 2022.

MOTIFS

- Sur le licenciement :

Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ; aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société A.U.P.L. a licencié M. [R] pour faute grave en lui reprochant son absence à son poste de travail depuis le 28 avril 2014.

La société A.U.P.L. évoque en premier lieu les précédents disciplinaires du salarié, à savoir :

- un avertissement notifié le 31 mars 2011 pour refus d'appliquer la procédure mise en place chez le client TNT ( refus de scanner des colis pris en charge) ;

- un avertissement notifié le 11 février 2013 à la suite de vols commis à l'occasion d'une tournée.

L'employeur évoque également les dégâts causés par M. [R] à son véhicule professionnel le 10 avril 2014 en raison de l'omission du salarié d'abaisser la remorque lors de son passage sous la voie ferrée.

L'employeur met en avant sa bienveillance à l'égard de M. [R] au bénéfice duquel elle expose avoir financé plusieurs formations pour lui permettre d'obtenir le permis EC et de maintenir sa formation complémentaire relative au transport de marchandises.

M. [R] soutient que les relations contractuelles se sont déroulées à la satisfaction relative des deux parties pendant plus de cinq ans, jusqu'au 14 avril 2014 où à la suite d'un accrochage routier, il a été placé en arrêt maladie jusqu'au 27 avril 2014.

M. [R] soutient que des discussions ont alors été engagées entre les parties pour aboutir à la conclusion d'une rupture conventionnelle et que c'est dans ce contexte qu'il a reçu un courrier recommandé de notification de licenciement pour faute grave, sans jamais avoir été convoqué à un entretien préalable et sans avoir pu s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés.

M. [R] conclut que la société A.U.P.L. a cherché à profiter de la situation pour se séparer de lui à moindre frais et que les motifs de son licenciement sont infondés dés lors que la société A.U.P.L :

- ne lui a adressé ni relance, ni mise en demeure

- ne l'a pas convoqué à un entretien préalable à son licenciement.

- n'a pas appliqué les dispositions de l'article 15 de la convention collective des transports routiers relative aux absences irrégulières au terme desquelles : « Est en absence irrégulière tout travailleur qui ne s'est pas présenté à son travail au jour et à l'heure prescrits par le tableau de service, sauf accord préalable avec l'employeur, s'il n'a pas justifié son absence par un motif valable dès que possible, et au plus tard dans un délai fixé à trois jours francs, sauf en cas de force majeure.

En cas d'absence irrégulière, l'employeur peut constater la rupture du contrat de

travail sous réserve du respect des formalités ou des procédures prévues par les articles

L. 122-14 et L. 122-14-2 et L. 122-41 du code du travail. »

****

a) sur la cause du licenciement :

Il ressort des éléments factuels du dossier que M. [R] n'a pas repris le travail après le 27 avril 2014 date de fin de son arrêt maladie et qu'il n'a fourni aucun justificatif de cette absence à son employeur. Il invoque des discussions informelles engagées avec l'employeur concernant une éventuelle rupture conventionnelle mais ne produit pour en justifier que des courriers largement postérieurs au licenciement et aucun élément contemporain de son absence, de sorte que l'existence de pourparlers en vue d'une rupture conventionnelle, susceptibles d'expliquer l'absence de M. [R] après le 27 avril 2014 n'est pas établie.

La société A.U.P.L. verse aux débats deux courriers de demande de justification d'absence datés des 29 avril 2014 et 5 mai 2014 que M. [R] conteste avoir reçu. La cour observe qu'il s'agit de courriers simples et que faute pour la société A.U.P.L. de justifier d'envois recommandés avec accusé de réception, elle n'est pas en mesure de rapporter la preuve qu'elle a effectivement mis son salarié en demeure de justifier de son absence à compter du 28 avril 2014.

Compte tenu des circonstances ainsi exposées, étant précisé que l'employeur n'invoque pas la désorganisation de l'entreprise en raison de l'absence de M. [R], il apparaît que M. [R] était en situation d'absence injustifiée à compter du 28 avril 2014, ce qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Mais l'employeur qui ne justifie pas avoir mis son salarié en demeure de reprendre son travail et qui ne démontre pas que l'absence du salarié a rendu impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, ne caractérise pas la faute grave.

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a écarté la faute grave, jugé que le licenciement de [R] repose sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

b) sur la demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement :

L'article L. 1232-2 du code du travail énonce que: 'L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.'

En l'espèce, la société A.U.P.L. produit une lettre de convocation à entretien préalable datée du 12 mai 2014 que M. [R] conteste avoir reçu et force est de constater que l'employeur n'est en mesure ni de justifier d'un envoi par lettre recommandée, ni d'une remise en main propre au salarié. Il en résulte que M. [R] est fondé à invoquer le défaut de sa convocation à un entretien préalable.

Cependant, il est constant d'une part que cette carence ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais caractérise une irrégularité de procédure au titre de laquelle le salarié peut réclamer des dommages-intérêts à condition de démontrer l'existence d'un préjudice; d'autre part, que l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec celle sollicitée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [R] étant débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, est donc recevable en sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure.

Le défaut de convocation à l'entretien préalable porte préjudice au salarié en ce qu'il n'est, de fait, pas mis en mesure de préparer sa défense, ni de se faire assister au cours de la procédure qui précède la notification du licenciement. Compte tenu de la nature du licenciement retenu en l'espèce, soit la faute grave, l'atteinte aux droits à la défense du salarié est caractérisée.

La société A.U.P.L. sera condamnée en conséquence à payer à M. [R] la somme de

2 028,82 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du non respect de la procédure.

Le jugement déféré sera confirmé sur le principe de l'indemnité et infirmé sur le montant.

- Sur la fixation du salaire moyen :

La société A.U.P.L. demande la fixation du salaire moyen de M. [R] à la somme de

1 767, 86 euros correspondant à la moyenne des douze derniers mois, y compris le mois de mai 2014. L'employeur conclut qu'il y a lieu de prendre en compte les indemnités perçues en cas de maladie mais nullement les absences pendant la période de référence, de juin 2013 à mai 2014 ou de mars à mai 2014, s'agissant d'absences injustifiées.

M. [R] demande à la cour de fixer la moyenne de ses salaires à la somme de 2 088, 83 euros correspondant à la moyenne des trois mois de février à avril 2014. Le salarié demande qu'il soit fait abstraction des périodes pendant lesquelles il n'a pas travaillé du fait de son prétendu abandon de poste, et de neutraliser les périodes d'arrêt maladie. Il fait grief au jugement déféré d'avoir estimé qu'il était en période d'absence injustifiée du 13 au 18 juin 2013 ainsi que les 1er , 4, 18 et 23 juillet 2013.

***

L'article R. 1234-4 du code du travail énonce que: "Le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion".

Il en résulte que lorsque le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie, le salaire de référence à prendre en considération, est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie.

M. [R] ayant été placé en arrêt maladie du 14 au 27 avril 2014 et n'ayant pas repris le travail à l'issue, les trois derniers mois précédant l'arrêt maladie sont en l'espèce les mois de janvier, février et mars 2014, ce qui représente un salaire moyen de : 2 028,82 euros (1 855,94 + 1 926,46 + 2 304,07).

La société A.U.P.L. qui a fixé le salaire moyen sur la base des mois de juin 2013 à mai 2014 inclus alors que M. [R] n'avait pas repris le travail à l'issue de son arrêt maladie, et n'a pas été rémunéré au mois de mai 2014, a fait une mauvaise application des principes rappelés ci-dessus.

Le jugement déféré qui a fixé la moyenne des salaires à la somme de 1 812, 69 euros sera donc infirmé en ce sens.

- Sur les indemnités de rupture :

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité légale de licenciement.

La société A.U.P.L. sera, compte tenu du salaire moyen retenu ci-dessus, condamné à payer à M. [R] les sommes suivantes:

* 4 057,64 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 405,76 euros au titre des congés payés afférents

* 2 231,70 euros ( 2 028, 82 x 1/5 x 5,5) à titre d'indemnité légale de licenciement

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur le principe et infirmé sur le montant des indemnité sus-visées.

- Sur les rappels de salaire :

Considérant que l'employeur est responsable de son absence du 28 avril 2014 au 3 juin 2014, date de son licenciement, pour lui avoir fait espérer la possibilité d'une rupture conventionnelle, M. [R] sollicite le paiement de sa rémunération pour cette période, soit la somme de 2 537,67 euros bruts.

Il demande par ailleurs le paiement de la somme de 1 330,20 euros bruts au titre des salaires injustement déduits pour des absences courant juillet 2013 et du 13 au 28 juin 2013. Il soutient qu'il n'a jamais sollicité de jours de congés sans solde ou de jours d'absence non rémunérées et que s'il s'est absenté, du 13 au 28 juin 2013, puis les 1er, 2 et 4 juillet 2013 afin de préparer et de repasser son permis de conduire CE, ainsi qu'il est soutenu par la société A.U.P.L., il aurait dû bénéficier du maintien de sa rémunération dés lors que les épreuves du permis de conduire conditionnant l'exercice de son activité constituaient un temps de travail effectif.

La société A.U.P.L. soulève la prescription de cette dernière demande de rappel de salaire.

****

Compte tenu des développements ci-dessus relatifs à l'absence de M. [R] après le 27 avril 2014, aucun rappel de salaire n'est fondé pour la période postérieure à cette date pour laquelle M. [R] n'a pas fourni de justificatifs, ni ne s'est tenu à la disposition de son employeur.

En ce qui concerne les sommes décomptées aux mois de mars et juillet 2013 au titre d'absences non rémunérées et de congés sans solde, elles figurent sur les bulletins correspondant, de sorte que le salarié disposait, conformément aux dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, d'un délai de trois ans à compter du jour où il a eu connaissance de l'existence de ces sommes, pour introduire son action en paiement d'un rappel de salaire.

Ni l'acte de saisine du conseil de prud'hommes du 30 décembre 2015, ni les conclusions du salarié devant cette juridiction pour l'audience du 16 octobre 2017 ne contiennent une demande de rappel de salaire au titre des absences non rémunérées de juin et juillet 2013, de sorte que cette demande est nécessairement postérieure à l'expiration du délai triennal de prescription.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de ses demandes de rappel de salaires.

- Sur l'exécution déloyale et la rupture vexatoire du contrat de travail :

M. [R] demande la somme de 12 532,98 euros nets à ce titre en invoquant :

- l'absence d'entretien professionnel et le manquement de l'employeur à son obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail,

- l'absence d'information sur les textes collectifs applicables, faute pour la société A.U.P.L. de lui avoir remis, lors de l'embauche les différents textes conventionnels applicables,

- les retenues de salaires injustifiées,

- le caractère humiliant et volontairement punitif du licenciement.

La société A.U.P.L. conteste les manquements qui lui sont imputés et indique au contraire qu'elle a fait preuve de bienveillance en conservant M. [R] dans son effectif malgré des fautes d'une particulière gravité commises au cours de la relation contractuelle, et en limitant le motif du licenciement à un abandon de poste sans faire état de l'accident matériel qui l'a précédé.

****

La cour observe que M. [R] a bénéficié de deux formations particulièrement importantes au regard de l'adaptation du salarié à son poste de travail et de son employabilité, soit d'une part les épreuves du permis CE , d'autre part, la formation complémentaire transport de marchandises, de sorte qu'il ne saurait être retenu aucun grief à ce titre contre la société A.U.P.L.

L'absence d'information sur les textes collectifs ne relève pas d'un manquement à une obligation particulière, étant précisé que le contrat de travail du salarié mentionne la convention collective applicable, en l'espèce, la convention collective nationale du transport routier de marchandises n°3085.

Les retenues de salaire injustifiées ne sont pas établies par les éléments du débat et le caractère volontairement punitif du licenciement ne saurait résulter de ce que l'employeur a retenu la faute grave, dés lors qu' une absence injustifiée peut, selon les cas, relever d'une telle faute.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et du caractère vexatoire du licenciement.

Il y a lieu, conformément à la demande faite devant la cour, d'ordonner à l'employeur de remettre à M. [R] les documents de rupture rectifiés tenant compte du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.

- Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société A.U.P.L. les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à M. [R] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie succombant pour l'essentiel en son recours conservera la charge de ses dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré, sauf sur le montant des indemnités de rupture et au titre de l'irrégularité de la procédure

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant,

CONDAMNE la société 'Appel d'Urgence Poids Lourds' à payer à M. [R] les sommes suivantes :

* 4 057,64 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 405,76 euros au titre des congés payés afférents

* 2 231,70 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 2 028,82 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure

DIT que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil applicable à la date de la requête devant le conseil de prud'hommes

ORDONNE à l'employeur de remettre à M. [R] les documents de rupture rectifiés tenant compte du présent arrêt

REJETTE la demande d'astreinte

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel

DIT que chacune des partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/03863
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;19.03863 ?
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