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04/05/2022 | FRANCE | N°19/03853

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 04 mai 2022, 19/03853


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/03853 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMYF



LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE LEVAGE - SOFRAL

C/

[Y]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 16 Mai 2019

RG : 17/03898





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 04 MAI 2022







APPELANTE :



LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE LEVAGE - SOFRAL

[Adresse 1]

[Localité 4]


r>représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Elsa LEDERLIN de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Inès SAI...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/03853 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMYF

LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE LEVAGE - SOFRAL

C/

[Y]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 16 Mai 2019

RG : 17/03898

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 04 MAI 2022

APPELANTE :

LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE LEVAGE - SOFRAL

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Elsa LEDERLIN de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Inès SAINT-LARY, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

[N] [Y]

né le 27 Février 1964 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Sylvie SORLIN, avocat au barreau de LYON substituée par Me Léa LAPLANCHE-SERVIGNE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Février 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Société Française de Levage, ci-après dénommée Sofral, a pour activité la location-vente de grues de chantier.

Suivant contrat à durée indéterminée, la société Sofral a engagé M. [Y] en qualité de responsable de secteur, statut cadre, coefficient 410, niveau VI, échelon 1 à compter du 12 décembre 2005.

La relation de travail était régie par la convention nationale des entreprises du commerce, de location et de réparation de tracteurs, machines et matériels agricoles, de matériels de travaux publics, de bâtiment et de manutention, de matériels de motoculture, de plaisance, de jardins et d'espaces verts du 30 octobre 1969.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 avril 2017, la société Sofral a convoqué M. [Y] le 20 avril 2017 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement .

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 mai 2017, la société Sofral a notifié à M. [Y] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

'(...) Malgré plusieurs rappels à l'ordre concernant à la fois votre comportement désinvolte, voire ouvertement hostile à l'égard de la direction, et votre manque de rigueur et de professionnalisme dans l'exercice de vos fonctions, vous n'avez pas jugé utile de vous ressaisir.

C'est ainsi que nous avons spécialement attiré votre attention sur notre mécontentement concernant l'état désastreux dans lequel la grue MD 265 code 1796 a été livrée mi-janvier sur le chantier de notre client à [Localité 8], ce qui a occasionné des frais supplémentaires et l'indignation des gens de chantier.

Il vous a également été rappelé à plusieurs occasions au cours du mois de février l'importance de vérifier l'exactitude et la cohérence des informations renseignées concernant les livraisons ou encore les factures fournisseurs avec les bons de commande. A cet égard, du fait de renseignements inexacts, la facture [M] n°58, objet de la commande 74425 mal renseignée, est restée bloquée.

Plus encore, vous faites ouvertement preuve d'insubordination en refusant de charger quand cela ne vous convient pas, allant jusqu'à demander au Directeur général de mettre son bleu et de venir charge lui-même s'il n'est pas d'accord avec vous (...)'

Le 10 novembre 2017, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner en conséquence la société Sofral à lui payer la somme de 69 741 euros de dommages-intérêts à ce titre, une indemnité compensatrice de préavis de 17 433 euros, une indemnité de licenciement de 14 064 euros, ainsi qu'un rappel de RTT non réglées de 20 844 euros et une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 16 mai 2019 , le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- Dit et Jugé que le licenciement de M.[Y] par la SAS Société Française de Levage

(SOFRAL) du 5 mai 2017 était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- Condamné la SAS SOFRAL à verser à M. [Y] les sommes suivantes :

* 14 064 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 17 433 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

- Condamné la SAS SOFRAL à verser à M. [Y] la somme de 53 000 euros

à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Condamné la SAS SOFRAL à verser à M. [Y] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté M. [Y] du surplus de ses demandes.

- Débouté la SAS SOFRAL de l'ensemble de ses demandes

- Ordonné d'office en application de l'article L1235-4 du Code du travail le

remboursement par la SAS SOFRAL aux organismes concernés des indemnités de

chômage perçues par M. [Y] dans la limite de 3 mois

- Fixé le salaire mensuel brut moyen de M. [Y] à 5 811euros

- Condamné la SAS SOFRAL aux éventuels dépens.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 3 juin 2019 par la société Sofral.

Par conclusions notifiées le 30 novembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Sofral demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Lyon en date du 16 mai 2019 en ce qu'il a :

- jugé le licenciement de M. [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la Société Sofral à verser une indemnité de licenciement, de préavis et des dommages et intérêts à M. [Y] ;

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Lyon en date du 16 mai 2019 en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de paiement de RTT

Statuant à nouveau :

A titre principal,

- Juger que le licenciement de M. [Y] est justifié par une faute grave et le débouter de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- Juger que le licenciement de M. [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse et le débouter de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

- Condamner M. [Y] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [Y] aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 10 novembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [Y] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Par conséquent,

- Confirmer la condamnation de la SAS SOFRAL au versement des sommes suivantes :

* 14 064 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 17 433 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

- Déclarer recevable et bien fondé son appel incident

- Condamner la Société SOFRAL à payer la somme de 69 741euros (12 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la SAS SOFRAL à lui verser la somme de 5 811euros au titre des RTT non payées :

o Année 2014 : 8 jours

o Année 2015 : 9 jours

o Année 2016 : 10 jours

o Année 2017 : 3 jours

o Total : 30 x 193 euros = 5 811euros

- Condamner la SAS SOFRAL à verser la somme de 3000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner la même aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2022.

MOTIFS

- Sur le licenciement :

Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ; aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société Sofral a licencié M. [Y] pour faute grave en invoquant une série de griefs relevant d'une part, d'un manque de rigueur et de professionnalisme, d'autre part d'un comportement désinvolte, voire ouvertement hostile à l'égard de la direction. Ces griefs, dont deux sont relatifs à un défaut d'entretien des grues, sont les suivants :

- mi janvier 2017 : livraison dans un état désastreux de la grue MD 265 code 1796 ;

- février 2017 : erreur dans la facture [M] n°58 objet de la commande n°74425, ayant bloqué la commande ;

- 13 mars 2017 : refus d'accomplir le chargement et montage d'une grue chez un client SAS 3CM, et propos irrespectueux à l'égard du Directeur général ;

- 23 mars 2017 : avertissement lors d'un entretien avec le Président de la Société SOFRAL ;

- 28 mars 2017 : mauvais entretien de la grue CTT161 code 2160 ayant engendré des retards ;

- 11 avril 2017 : refus de se rendre au dépôt de [Localité 7] malgré l'ordre de son supérieur hiérarchique.

M. [Y] conteste la réalité de ces griefs. Il soulève au préalable la prescription du premier d'entr' eux daté de janvier 2017.

1°) sur le défaut d'entretien de deux grues :

- s'agissant de la grue 'MD 265 code 1796", une difficulté d'identification a été soulevée par M. [Y] qui indique qu'il n'a jamais encadré la livraison de ladite grue. La société Sofral soutient que la lettre de licenciement comporte une erreur de numérotation dés lors que la grue n°1796 a été vendue en 2015 et que celle en cause porte, en fait le code: '1976".

M. [Y] précisant dans ses écritures qu'il a effectivement eu à encadrer la livraison de la grue MD 265 code 1976 en janvier 2017, les parties s'accordent en conséquence sur l'identification de la grue objet du premier grief.

L'article L. 1332-4 du code du travail énonce que: "Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales."

Mais l'employeur peut sanctionner un fait fautif qu'il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature.

Ainsi, l'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à tenir compte de griefs antérieurs, qu'ils aient ou non déjà été sanctionnés, de sorte qu'en l'espèce, la société Sofral reprochant à son salarié plusieurs manquements à l'entretien des grues entre les mois de janvier et le mois de mars 2017, est fondée à invoquer dans sa lettre de licenciement des faits similaires datés de janvier 2017.

La société Sofral illustre ce premier grief par des photographies du sectionneur d'alimentation, de la plaque HP ( MDT 128) comportant de mauvaises caractéristiques techniques, d'une poignée de vitre manquante, d'un garde-corps tordu, de détritus, mais aussi par un courriel de M. [J], chef d'exploitation de la société daté du 20 mars 2017 lequel indique :

'Nous avons le sélectionneur HS ( il est en commande toujours pas reçu) et nous avons remplacé le câble de levage au montage ( vu avec [N] ( M. [Y]) par téléphone avant réception de la grue.'

La cour observe que les photographies ne sont pas datées, que la plaque photographiée correspond à une grue MDT 128 alors que le grief concerne une grue MD 265, sans que la société Sofral, qui impute cette erreur de numérotation à M. [Y], n'établisse la responsabilité de ce dernier sur ce point.

La cour observe par ailleurs que M. [Y] verse aux débats un bon de commande daté du 3 janvier 2017 correspondant à la révision et l'entretien de la grue MD 265 code 1976. Si la société Sofral soutient que la révision/ entretien est une opération qui ne permet de s'assurer que du bon fonctionnement mécanique, il ne peut raisonnablement être contesté qu'elle s'inscrit nécessairement dans un entretien diligent du véhicule.

Il ne résulte pas du courriel du 20 mars 2017 sus-visé que le retard de livraison du sélectionneur commandé et le préjudice de jouissance de la grue pendant un mois soient imputables à M. [Y].

Enfin, la société Sofral évoque le risque que M. [Y] aurait fait encourir en matière de sécurité aux autres salariés présents sur le chantier mais force est de constater que l'employeur ne produit aucun élément en ce sens et ne justifie d'aucune mesure de prévention que les manquements de son salarié auraient du susciter.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a écarté ce premier grief.

- s'agissant de la grue CT 161 code 2160, il est reproché à M. [Y] de l'avoir livrée en mauvais état le 22 mars 2017 au client Amarbat qui s'est plaint par courriel du 28 mars 2017, d'un montage incomplet, de ce que la cabine était sale et avait sa vitre cassé, de ce que la mission de vérification de la grue n'était pas programmée.

M. [Y] expose que cette situation ne lui est pas imputable et qu'elle s'explique par la politique mise en place par le nouvel employeur laquelle a eu pour effet de réduire l'autonomie des responsables de secteur qui n'avaient plus l'initiative des commandes de pièces détachées, mais devaient former une demande auprès du siège de la société.

M. [Y] expose de multiples difficultés d'approvisionnement et fait attester en ce sens deux anciens salariés M. [P] et M. [C]. M. [Y] lie par ailleurs le défaut d'entretien du matériel au manque de personnel en soulignant qu'il travaillait jusqu'en décembre 2016 avec un technicien chargé de l'entretien du parc matériel lequel n'a pas été remplacé après son départ à la retraite.

En ce qui concerne la vitre cassée de la grue CT 161 code 2160, il résulte d'un échange de courriels entre Ms [K] et [Y] ( société Sofral ) et M. [E], président du groupe, que la vitre en question a été commandée le 6 mars 2017 avec une relance le 14 mars suivant.

Dés lors, l'interrogation de M. [K] au sujet de deux grues CT 161 enlevées à [Localité 7], dont la grue n° 2160 par courriel du 28 février 2017 ainsi libellé '(...) Je doute que ces machines soient en bon état d'où certainement besoin de pièces au cours du montage'' a manifestement été suivie d'effet compte tenu de la commande passée dans la semaine suivante, le 6 mars 2017.

Compte tenu de ces éléments, seul le défaut de propreté peut être imputé à M. [Y] qui avait en charge la livraison du véhicule mais il ne s'agit pas d'un grief justifiant un licenciement, a fortiori un licenciement pour faute grave.

2°) sur les erreurs relatives aux contrats et aux factures :

Il est reproché à M. [Y] d'avoir commis de façon systématique des erreurs dans le renseignement des bons de commande lesquels doivent mentionner le numéro de grue, le chantier, le nom, l'urgence et le délai de livraison souhaité.

La lettre de licenciement vise un seul exemple, en l'espèce la facture [M] n°58 , objet de la commande 74425 qui serait restée bloquée car mal renseignée, selon le courriel de M. [O], directeur général de la société, à M. [Y] daté du 21 février 2017.

Il résulte par ailleurs des pièces versées aux débats par la société Sofral, soit :

- un courriel collectif de M. [C], ancien directeur administratif et financier de la société, du 26 janvier 2017, indiquant à tous les mentions devant obligatoirement figurer sur chaque bon de commande et la nécessité de se conformer aux directives de M. [E]

- un courriel de M. [E] daté du 12 février 2017 ainsi libellé : 'C'est quoi encore cette facture' Contrat et grue ont le même numéro' Vous vous moquez de moi' J'ai besoin d'informations correcte et complètes. C'est inacceptable de me donner des informations erronées sur des factures à payer aux fournisseurs.'

- une demande par courriel du 21 février 2017 adressée à M. [Y], de transmettre les bons de commande correspondant à trois factures de fournisseurs, que les erreurs relatives aux bons de commande et aux factures invoquées ne reposent que sur des éléments partiels résultant de courriels adressés par l'employeur et concernent une période extrêmement réduite au regard de la durée de la relation contractuelle.

M. [Y] se prévaut au contraire du témoignage de M. [C] en sa faveur, lequel indique notamment: '(...) J'ai constaté avoir toujours reçu toutes les explications sur les factures ou autres frais engagés par vos soins. J'ai même noté une écoute et une grande patience pour des questions posées même tardivement le soir. Je n'ai pratiquement jamais remarqué d'erreur d'imputation sur les factures fournisseurs et ai toujours obtenu rapidement les réponses aux quelques questions posées (...)'

Si la société Sofral met en cause le caractère peu objectif et partial de ce témoignage en soulignant que M. [C], en sa qualité d'ancien gérant ayant mal réagi aux changements consécutifs à la reprise de la société, n'a cessé de critiquer le repreneur de la société, la cour observe cependant que la satisfaction générale exprimée par M. [C] à l'égard de M. [Y] n'est nullement démentie par les quelques échanges sus-visés lesquels ne permettent pas de caractériser des manquements systématiques du salarié en ce qui concerne l'établissement des bons de commande et la facturation.

Ce grief sera également écarté par la cour.

3°) Concernant le comportement désinvolte, voire ouvertement hostile de M. [Y] à l'égard de sa hiérarchie, et son insubordination, la société Sofral appuie son argumentation sur deux exemples :

- le refus de charger et de monter une grue le 13 mars 2017, chez le client SAS 3CM

- le refus de se rendre au dépôt de [Localité 7] le 11 avril 2017.

Sur le premier incident, M. [Y] expose qu'il lui a été demandé d'assurer au pied levé la livraison de la grue chez le client en raison du refus d'effectuer cette opération par le sous-traitant habituel, M. [M] et justifie son opposition à cette directive par le fait qu'il n'était pas titulaire du certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES).

La société Sofral qui ne dément pas que le CACES était indispensable pour réaliser le chargement, soutient qu'il n'a pas été demandé à M. [Y] d'effectuer personnellement cette tâche, mais de s'assurer qu'elle était remplie en recherchant une personne compétente et titulaire du CACES.

Cependant, l'échange de courriels, objet de la pièce n°14 de l'employeur est univoque sur le fait qu'il attendait de M. [Y] qu'il s'exécute personnellement : ' [N] ( M. [Y]) me prévient que pas possible de charger demain. Suite à tes instructions je ne décale ni le chargement ni le montage. J'ai dit à [N] ce que tu mas dit de dire il met son bleu et il charge. Réponse il n'a pas de solution et me dit de te dire de mettre ton bleu et de venir charger (...)'

En ce qui concerne le refus de se rendre à [Localité 7] le 11 avril 2017 pour l'ouverture du dépôt et l'inspection de deux MCT 88, résultant de la directive donnée par M. [O], directeur général, par courriel du même jour, il résulte des éléments du débat que M. [Y] a opposé à cette demande, l'ordre qui lui a été donné par le PDG de la société le 23 mars 2017 de rester à son bureau et d'attendre les instructions par lettre recommandée avec accusé de réception.

La cour observe que la demande du 11 avril 2017 est postérieure à la convocation du salariée à son entretien préalable au licenciement, que M. [Y] a sollicité un document écrit émanant du PDG du groupe l'autorisant à se rendre à [Localité 7], et que cet excès de prudence ne saurait lui être reproché compte tenu d'une part de directives contradictoires, d'autre part de l'imminence de l'entretien préalable à son licenciement.

Les incidents du 13 mars et du 11 avril 2017 ne sont par conséquent pas de nature à caractériser un comportement désinvolte, hostile, ni une quelconque insubordination.

Ce grief sera donc également écarté et le jugement déféré qui a jugé que le refus de se rendre au dépôt de [Localité 7] le 11 avril 2017 en conditionnant son déplacement à la production par M. [O] de sa délégation de pouvoirs était constitutif d'un manquement à ses obligations contractuelles, sera infirmé sur ce point.

****

Au terme des débats, la cour écarte l'ensemble des griefs retenus contre M. [Y] et observe que la société Sofral ne justifie d'aucun manquement grave lui ayant causé du tort ou ayant provoqué le mécontentement de nombreux clients.

La société Sofral développe un paragraphe relatif à la volonté du salarié de jeter le discrédit sur son ancien employeur en faisant état d'une importante dégradation de ses conditions de travail et en soutenant que clients et fournisseurs étaient mécontents, lequel développement est sans objet dans le débat sur le licenciement, ce grief n'étant pas visé par la lettre de licenciement et n'étant au demeurant illustré par aucune pièce.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement notifié à M. [Y] le 5 mai 2017 était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur les indemnités de rupture :

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité conventionnelle légale de licenciement ; aucune des parties ne remet en cause, même à titre subsidiaire, les bases sur lesquelles le conseil de prud'hommes a liquidé les droits de M. [Y]; le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Sofral à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

* 14 064 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

* 17 433 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

- Sur les dommages- intérêts :

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, M. [Y] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [Y] âgé de 53 ans lors de la rupture, de son ancienneté de onze années et cinq mois, de ce qu'il justifie du bénéfice de l'aide au retour à l'emploi de décembre 2017 à janvier 2019 et de l'obtention d'un nouveau CDI à compter de février 2019, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture a été justement apprécié par le conseil de prud'hommes.

En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 53 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement doit être confirmé et M. [Y] sera débouté de sa demande pour le surplus.

- Sur le rappel de salaires au titre des RTT :

M. [Y], renonçant à sa demande initiale au titre des années 2006 à 2013 en raison des règles de prescription, demande le paiement de la somme de 5 790 euros correspondant à 30 jours de RTT non réglés à 193 euros, se décomposant comme suit :

* 8 jours en 2014

* 9 jours en 2015

* 10 jours en 2016

* 3 jours en 2017.

Il soutient qu'il travaillait bien plus de 35 heures par semaine, en « home office » (depuis son domicile à [Localité 6]), qu'il devait être régulièrement présent au dépôt de [Localité 7] dans le Vaucluse (4 heures de route pour un trajet aller et retour), qu'il était en déplacement client chaque semaine, dans tout le quart Sud-Est de la France.

M. [Y] expose que son contrat fixait son temps de travail à 35 heures par semaine et qu'il bénéficiait de 2,5 jours de congés payés ouvrables par mois, soit trente jours par an ; que ses bulletins de paie font état de 42 jours de congé en 2015 et 2017, soit 12 jours supplémentaires, et de 54 jours de congés en 2016, soit 24 jours supplémentaires.

M. [Y] verse également aux débats une note interne faisant état des RTT dont bénéficiaient certains salariés, ainsi que la convention collective précisant les RTT par attribution de jours de repos sur l'année : 12 jours à 37H (soit 30 + 12 = 42 jours), et 24 jours à 39H (soit 30 + 24 = 54 jours) (Pièce 27).

La société Sofral conclut au rejet de cette demande en l'absence de tout élément probant.

****

Le contrat de travail de M. [Y] prévoit un horaire de travail hebdomadaire de 35 heures se répartissant à raison de 7 heures par jour et précise que le salarié bénéficie de toute latitude pour adapter ses horaires aux nécessités du service et que le salaire mensuel brut de 3 300 euros est forfaitaire.

M. [Y] soutient qu'il dépassait largement les 35 heures par semaine mais n'apporte aucun élément sur ces dépassements, et la cour observe qu'il ne formule aucune demande au titre des heures supplémentaires, de sorte qu'il ne peut prétendre au bénéfice du dispositif de réduction du temps de travail lequel attribue des jours de repos aux salariés dont l'horaire hebdomadaire est de 36 H à 39 H.

La seule mention, sur ses bulletins de salaire, d'un nombre de jours de congés supérieur aux congés payés ouvrables, soit douze jours supplémentaires en 2015 et 2017 et 24 jours supplémentaires en 2016, ne saurait, faute de tout autre élément, démontrer que l'accord de réduction de temps de travail du 22 janvier 1999 étendu s'appliquait au salarié.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de rappel au titre des réductions de temps de travail pour les années 2014 à 2017 incluses.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation; le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

- Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Sofral les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à M. [Y] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Sofral qui succombe en son recours sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la société Sofral à payer à M. [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la société Sofral aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/03853
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;19.03853 ?
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