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04/05/2022 | FRANCE | N°19/03852

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 04 mai 2022, 19/03852


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/03852 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMYD



[Z]

C/

Société INEO RESEAUX HAUTE TENSION



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Mai 2019

RG : F17/03886





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 04 MAI 2022







APPELANT :



[H] [Z]

né le 05 Mai 1989 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

>
représenté par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société INEO RESEAUX HAUTE TENSION

[Adresse 8]

[Localité 2]



représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-AL...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/03852 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMYD

[Z]

C/

Société INEO RESEAUX HAUTE TENSION

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Mai 2019

RG : F17/03886

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 04 MAI 2022

APPELANT :

[H] [Z]

né le 05 Mai 1989 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société INEO RESEAUX HAUTE TENSION

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Mathieu PASTENE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Février 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée, la société Ineo Réseaux Haute Tension ci-après dénommée Ineo RHT a engagé M. [Z] en qualité de monteur réseaux à compter du 10 mai 2010.

La relation de travail était régie par la convention collective des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 octobre 2015, la société Ineo RHT a convoqué M. [Z] le 29 octobre 2015 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement .

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 novembre 2015, la société Ineo RHT a notifié à M. [Z] son licenciement pour insuffisance professionnelle reposant sur un manque d'implication, un manque de maîtrise des techniques métiers, une insuffisance quant à sa sécurité individuelle, ainsi qu'un manque de soin aux matériels, dans les termes suivants :

« Les faits et les manquements qui vous sont reprochés sont les suivants :

Nous vous avons embauché en CDI le 10 mai 2010 en qualité de Monteur Réseaux.

La mission du Monteur Réseaux HTB est d'exécuter les tâches nécessaires à la réalisation d'un chantier tout en respectant les règles d'hygiène et de sécurité, la qualité d'exécution et les délais. Le métier de Monteur Réseaux HTB comporte de nombreuses spécificités et la prévention à l'égard des risques identifiés nécessitent impérieusement une maîtrise des techniques métiers, une réelle implication dans les tâches confiées, ainsi qu'une vigilance accrue de la part des collaborateurs.

Pour exercer au mieux cette mission, vous avez bénéficié d'une formation intitulée « Monteurs de réseau aérien HTB », qui s'est déroulée en 3 parties et qui a été dispensée au sein de notre entreprise dans le cadre d'un parcours de professionnalisation du 9 mars 2009 au 7 mai 2010 organisé conjointement avec le GEIQ BTP Nord Isère, Groupement d'Employeur pour l'Insertion et la Qualification dans les métiers des Travaux Publics. Les objectifs de cette formation, tels que décrits clairement dans le programme sont précisément de « rendre le stagiaire capable de réaliser l'ensemble des tâches dans la construction de lignes aériennes du réseau HTB, utiliser l'outillage et le matériel de chantier, assurer sa propre sécurité et ne pas mettre en cause celle des autres ». Durant ces 2 années de formation à temps plein (350 heures de cours pédagogiques), l'entreprise vous a offert l'opportunité d'apprendre le métier de Monteur Réseaux dans tous ses aspects que ce soit en termes de sécurité que de pratique sur le terrain. Cette formation vous a par ailleurs permis d'obtenir un CQP de Monteur réseaux aérien HTB. Notre société et nos tuteurs se sont fortement investis et vous ont permis d'intégrer nos équipes.

Or malgré cette formation et des consignes de travail et de sécurité claires exposées dans le règlement intérieur de la société - Article 3 « chaque salarié doit veiller à sa sécurité personnelle et à celle des autres en respectant ou en faisant respecter, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, les consignes générales et particulières de sécurité en vigueur sur les lieux de travail ou pour l'exécution de certains travaux.... », mais aussi rappelées régulièrement lors de quart d'heures sécurité et lors des formations annuelles de recyclage, nous constatons depuis votre embauche, un manque de vigilance et de concentration et d'implication lors de la réalisation des tâches qui vous sont confiées.

Force est de constater que cette insuffisance professionnelle à exécuter de façon satisfaisante le travail lié à votre qualification, qui répétons-le, exige un strict respect des règles d'hygiène et de sécurité, est particulièrement flagrante dans les domaines suivants :

1/ Insuffisance reposant sur un manque d'implication

Vos encadrants chantier vous ont fait remarquer à de nombreuses reprises votre attitude désinvolte et votre manque d'intérêt pour les tâches à réaliser et ce depuis près d'un an et demi ; en effet, vos responsables vous ont signalé à plusieurs reprises de moins dialoguer avec vos collègues lors de la réalisation d'opérations nécessitant une grande concentration et application ; remarques que vous n'avez pas prises en compte.

De plus, nous constatons de nombreux conflits avec vos collègues au cours de ces derniers mois, qui traduisent vos difficultés à travailler en équipe, nuisent à la bonne marche des opérations et impactent la productivité sur chantier.

Au-delà des problématiques relationnelles et d'implication au sein de votre équipe, vous

manifestez un réel manque de motivation, qui s'est notamment illustré par votre refus

d'effectuer l'aménagement d'horaires et les heures supplémentaires relatives au chantier de

[Localité 4] nécessitées par des opérations complexes et sensibles au mois de mars 2015.

2/ Insuffisance reposant sur un manque de maîtrise des techniques métiers

Lors des différents chantiers sur lesquels vous avez été affecté, malgré votre ancienneté significative et de nombreuses observations visant à vous faire prendre conscience de vos axes de progrès, nous constatons que vous ne tenez pas votre poste de travail de manière satisfaisante.

En effet, les opérations suivantes ne sont pas maîtrisées bien que faisant intégralement partie

du poste de Monteur Réseaux :

. Mise sur pinces

. Révision des pylônes

. Opérations d'ancrage

Ces lacunes techniques persistent malgré la mise en 'uvre de formations et ce depuis plusieurs années. Nous faisons notamment référence aux incidents survenus sur le chantier de [Localité 6] le 28 mai 2015 et sur le chantier de [Localité 5] Marquis le 12 août 2015, au cours desquels vous avez coupé de manière imprécise un câble lors de la préparation du manchonnage pour ancrer la chaîne d'isolateur. Vos agissements ont un impact sur la productivité de votre équipe, sur les délais du chantier et ont un coût financier non négligeable pour l'entreprise.

De plus, nous constatons que vous avez été particulièrement récalcitrant lors de la réalisation des tâches qui vous ont été attribuées et que vous effectuiez ces dernières avec mauvaise volonté et manque d'intérêt, ce qui oblige les autres membres de votre équipe à repasser derrière vous et à vérifier les tâches réalisées. Ce manque d'implication retarde l'avancement du chantier et engendre une charge supplémentaire pour l'équipe à laquelle vous êtes rattaché. Au-delà du coût financier, votre manque d'engagement et de technicité métier impacte directement votre équipe et engendre de nombreuses tensions que nous déplorons.

Le 11 juin 2015, vous avez eu un entretien avec Monsieur [J] [N], Directeur d'Agence Adjoint et Monsieur [A] [C], Chef d'Equipe, au cours duquel il vous a été demandé de modifier votre comportement, et de vous impliquer davantage sur les tâches à effectuer. Suite à ces échanges, vous vous étiez engagé à changer votre comportement. Les incidents cités précédemment et les différents points effectués avec vos encadrants chantiers nous indiquent que vous n'avez pas pris en compte ces remarques.

3/ Insuffisance relative à l'assurance de votre sécurité individuelle

Nous constatons qu'à plusieurs reprises et malgré des remarques répétées de vos encadrants chantier, vous persistez à utiliser votre téléphone personnel sur les chantiers mais aussi directement sur le pylône, ce qui est formellement interdit et extrêmement dangereux. Nous vous rappelons que conformément aux documents remis lors de votre embauche et comme indiqué dans le règlement intérieur, article 3 : «Chaque salarié doit prendre garde à sa sécurité personnelle et doit, par son comportement, préserver celle des autres.» Votre comportement met en danger votre sécurité et celle de vos collègues et n'est pas acceptable.

Nous attendons de chacun de nos salariés, un comportement exemplaire et vous rappelons que vous devez en toutes circonstances faire preuve de vigilance partagée au sein de l'entreprise, de concentration et de professionnalisme à votre poste de travail.

4/ Manque de soin apporté aux matériels

Nous attendons de chacun de nos salariés, qu'ils apportent un soin particulier au matériel qui leur est confié. Cependant, vos encadrants chantiers constatent que vous ne vérifiez pas systématiquement l'état et la composition de votre outillage.

L'accumulation de ce manque de vigilance et le défaut d'attention porté aux tâches qui vous

sont confiées nous amènent à vous reprocher votre manque de maîtrise des techniques métiers, votre non-respect des règles de vigilance et votre inaptitude professionnelle à occuper votre poste. Ce comportement nuit sans contestation possible à votre sécurité, à celle de vos collègues amenés à travailler à vos côtés et ce dans le cadre de la sécurité partagée et enfin à l'image de l'entreprise qui se veut soucieuse et responsable du bien-être et de la sécurité de ses collaborateurs, ce qui est inacceptable.

Cette liste de griefs n'est de loin pas exhaustive, mais elle retrace objectivement le constat que nous faisons aujourd'hui sur votre activité au sein de notre entreprise et qui ne nous permet pas d'envisager de poursuivre une collaboration avec vous.

Nous considérons que l'ensemble de ces faits caractérisant une insuffisance professionnelle

avérée est constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Nous vous notifions donc votre licenciement ».

Par acte du 9 novembre 2017, M. [Z] a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon afin de voir juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et la société Ineo RHT condamner à lui payer la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. M. [Z] sollicitait par ailleurs la production sous astreinte des comptes-rendus de ses entretiens annuels pour les années 2011, 2012 et 2015.

Par jugement rendu le 14 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- fixé le salaire mensuel de M. [Z] à 1 966,17 euros brut mensuel

- jugé le licenciement de M. [Z] sans cause réelle et sérieuse

- condamné la SNC Ineo RHT à payer à M. [Z] les sommes suivantes:

* 3 932,32 euros bruts au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la SNC Ineo RHT de toutes ses demandes

- condamné la SNC Ineo RHT aux entiers dépens de l'instance

- jugé qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par le salarié licencié dans la limite de deux mois.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 3 juin 2019 par M. [Z].

Par conclusions notifiées le 7 janvier 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M.[Z] demande à la cour de :

SUR L'APPEL PRINCIPAL

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SNC Ineo RHT à payer la somme

de 3 932,32 euros bruts à titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, statuant à nouveau,

- condamner la société Ineo RHT à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal

SUR L'APPEL INCIDENT

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société Ineo RHT à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la même aux entiers dépens

- rejeter toutes demandes, fin et conclusions contraires au présent dispositif ;

Par conclusions notifiées le 10 janvier 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Ineo Réseaux Haute Tension demande à la cour de:

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 mai 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon,

En conséquence,

- dire et juger que le licenciement de M. [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [Z] au paiement de la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2022.

MOTIFS

- Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.

En vertu de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société Ineo RHT a licencié M. [Z] en invoquant :

1°) un manque d'implication caractérisé par une attitude désinvolte comme le fait de dialoguer avec ses collègues en travaillant, une difficulté à travailler en équipe, un manque de motivation illustré par le refus d'un aménagement d'horaires et d'heure supplémentaires sur le chantier de [Localité 4] au mois de mars 2015 ;

2°) un manque de maîtrise des techniques métier les plus élémentaires comme la mise sur pinces, la révision des pylônes ou encore les opérations d'ancrage. La lettre de licenciement vise à ce titre deux incidents précis survenus sur le chantier de [Localité 6] le 28 mai 2015 et sur le chantier de [Localité 5] Marquis le 12 août 2015 au cours desquels M. [Z] aurait coupé de manière imprécise un câble lors de la préparation du manchonnage pour ancrer la chaîne d'isolateur ;

3°) une insuffisance de sécurité individuelle au motif que le salarié persiste à utiliser son téléphone personnel sur les chantiers mais aussi directement sur le pylône, ce qui est formellement interdit pour des raisons de sécurité ;

4°) un manque de soin apporté au matériel par défaut de vérification systématique de l'état et de la composition de son outillage.

M. [Z] soutient à titre principal que ces griefs revêtent un caractère disciplinaire dés lors qu'ils portent sur son comportement plutôt que sur ses compétences, et que l'employeur ne pouvait en conséquence s'exonérer des règles applicables au licenciement pour faute.

Le salarié soutient en l'espèce que les griefs motivant le licenciement doivent avoir été connus de l'employeur dans les deux mois précédant la convocation à l'entretien préalable, soit après le 20 août 2015. Il en conclut que les quelques faits datés sont prescrits et que ceux qui ne sont pas datés ne permettent pas le contrôle des règles de prescription.

M. [Z] conteste, à titre subsidiaire, chacun des griefs.

La société Ineo RHT fait valoir que le terme de sanction employé dans la convocation à l'entretien préalable n'est que la référence aux dispositions de l'article L. 1231-2 du code du travail qui s'applique au licenciement pour insuffisance professionnelle, et que la dispense de préavis est fréquente en matière de licenciement pour insuffisance professionnelle.

La société Ineo RHT soutient qu'un manque d'implication, de soin apporté aux matériels ou de maîtrise des techniques du métier ainsi qu'une conception très flexible des règles de sécurité individuelle relèvent, d'une absence de rigueur professionnelle, laquelle procède, non du champ disciplinaire, mais du registre de l'insuffisance.

****

La lettre de licenciement fixe les termes du litige quant aux faits reprochés justifiant la rupture et quant à la qualification que l'employeur a entendu leur donner en choisissant de se placer ou non sur le terrain disciplinaire.

Il appartient au juge de contrôler la qualification des faits imputés au salarié pour déterminer s'il s'agit de fautes, justifiant dans ce cas le respect de la procédure disciplinaire (délai de prescription, interdiction d'une double sanction pour un même fait), ou s'il s'agit de motifs inhérents à la personne non fautifs.

L'insuffisance professionnelle n'est pas constitutive d'une faute sauf si elle procède d'une mauvaise volonté délibérée ou d'une abstention fautive.

En l'espèce, M. [Z] soutient que les griefs qui lui sont opposés sont fautifs au regard des termes de la convocation à l'entretien préalable qui fait état d'une sanction envisagée, de la référence au règlement intérieur de la société, des termes employés dans la lettre de licenciement ( 'attitude désinvolte',' refus d'effectuer', 'vous persistez', 'comportement qui met en danger'), mais aussi de la dispense d'exécution du préavis.

Compte tenu de l'absence de précédents disciplinaires, avertissements ou autres sanctions, de rappels à l'ordre quant au non respect des règles de sécurité notamment, ainsi que d'observations relatives à des comportements volontairement fautifs, il ne résulte pas des éléments du débats que les manquements reprochés à M. [Z] résulteraient d'une mauvaise volonté délibérée ou d'abstentions fautives. Dans ces conditions, il ne peut être fait grief à la société Ineo RHT d'avoir éludé les règles du licenciement disciplinaire.

Pour illustrer les manquements visés par la lettre de licenciement, la société Ineo RHT verse aux débats les entretiens annuels du salarié pour les années 2010, 2012 et 2013 ainsi que cinq attestations de salariés de l'entreprise: M. [F] [V], M. [W] [I], M. [P] [S], M. [O] [B], conducteurs de travaux et M. Et M. [A] [R], monteur.

Ces salariés témoignent de ce qu'ils ont constaté chez M. [Z] 'un manque d'implication et d'engagement dans l'exécution des travaux', qu'il 'maîtrisait mal les gestes techniques même les plus simples contrairement à d'autres jeunes embauchés. Son comportement laissait également à désirer, je l'ai vu en train de téléphoner en haut du pylône alors que nous rappelons à longueur de temps que c'est interdit parce que dangereux (...)' ou encore que: ' Clairement ce salarié n'était pas au niveau attendu en comparaison des autres jeunes monteurs, selon moi à cause d'un manque d'implication dans son travail. Je pense qu'il n'aimait pas vraiment ce métier et que les contraintes liées aux déplacements faisaient qu'il n'était pas concentré sur son travail.'

La lecture des entretiens individuels produits par l'employeur ne confirme pas les appréciations des conducteurs de travaux et monteur sus-visées, notamment sur le manque d'implication ou d'intérêt pour le travail.

En effet, si la société Ineo RHT soutient que les évaluations professionnelles font ressortir un manque d'expérience, des difficultés à gérer les priorités (en 2010), le devoir de progresser au poste de monteur ( en 2012), ou encore des difficultés à trouver des solutions techniques aux problèmes rencontrés et une attente de progression ( en 2013), contestant ainsi le caractère positif de ces évaluations, la cour observe au contraire que ces évaluations soulignent de façon constante un certain nombre de points forts :

-'Très vigilant, esprit d'équipe, motivation ' ( entretien du 1er février 2013)

- 'ponctuel, courageux, bon caractère, désireux d'apprendre ( pose beaucoup de questions)

( entretien du 31 janvier 2014), en parfaite contradiction avec les jugements péjoratifs sus-visés.

Il apparaît par ailleurs que si la dernière évaluation mentionne que le salarié doit essayer de ne pas se faire influencer par certains de ses collègues et qu'il doit 'progresser pour devenir à moyen terme un bon monteur indépendant', le bilan du manager est mentionné comme étant 'en parfaite adéquation avec (mon) ressenti de l'année écoulée', étant précisé que pour la majorité des compétences évaluées, le salarié a obtenu la mention 'NA' pour 'niveau attendu' , notamment en matière de respect de règles et des procédures de sécurité, ainsi que quelques mentions 'ND' pour 'niveau à développer', notamment dans la rubrique 'imaginer des solutions'.

La cour observe en outre que l'entretien au titre de l'année 2012, est très lacunaire, la majorité des compétences n'ayant pas été évaluées, tandis que celles qui ont été évaluées ont reçu la mention 'NA', et ce alors même que la société Ineo RHT soutient qu'il a toujours été fait le constat objectif, puisque partagé par les parties, que M. [Z] ne maîtrisait pas son poste en dépit des efforts déployés en ce sens.

Ainsi, il ressort des éléments factuels du dossier que les entretiens professionnels versés aux débats ne permettent pas de caractériser l'insuffisance professionnelle invoquée, que les appréciations des salariés de l'entreprise sur le manque de professionnalisme de M. [Z] sont soit exprimées en termes généraux et peu circonstanciés, soit en contradiction avec les termes des entretiens annuels, que les incidents datés et circonstanciés visés dans la lettre de licenciement, sur le chantier de [Localité 4] au mois de mars 2015, sur le chantier de [Localité 6] le 28 mai 2015, ainsi que sur le chantier de [Localité 5] Marquis le 12 août 2015, ne font l'objet d'aucune production de pièce.

Il en résulte que l'insuffisance professionnelle n'est pas caractérisée et que le licenciement de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

- Sur les dommages-intérêts :

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, M. [Z] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [Z] âgé de 26 ans lors de la rupture, de son ancienneté de cinq années et six mois, de ce qu'il justifie d'un contrat de professionnalisation à compter du 11 janvier 2016, et d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'aide monteur caténaire daté du 20 février 2017 pour un salaire forfaitaire mensuel brut de base de 1 668,37 euros , la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 15 000 euros, sur la base du salaire mensuel moyen de 1966,17 euros.

En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 3 932,32 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être infirmé en ce sens et M. [Z] sera débouté de sa demande pour le surplus, faute pour lui d'établir que les circonstances du licenciement lui ont par ailleurs occasionné un préjudice moral.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de deux mois d'indemnisation; le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

- Sur les demandes accessoires:

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Ineo Réseaux Haute Tension les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à M. [Z] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Ineo Réseaux Haute Tension qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant,

CONDAMNE la société Ineo Réseaux Haute Tension à payer à M. [Z] la somme de

15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement

CONDAMNE la société Ineo Réseaux Haute Tension à payer à M. [Z] la somme de

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel

CONDAMNE la société Ineo Réseaux Haute Tension aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/03852
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;19.03852 ?
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