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04/05/2022 | FRANCE | N°19/03784

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 04 mai 2022, 19/03784


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/03784 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMTM





[V]



C/

SARL VOXCAN







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 02 Mai 2019

RG : F 17/01878











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 04 MAI 2022







APPELANTE :



[X] [V]

née le 12/02/1992 à [Localité 5]

[A

dresse 2]

[Localité 4]



représentée par Maître Sylvain DUBRAY, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



SARL VOXCAN

N° SIRET : 495 387 409 00016

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour a...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/03784 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMTM

[V]

C/

SARL VOXCAN

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 02 Mai 2019

RG : F 17/01878

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 04 MAI 2022

APPELANTE :

[X] [V]

née le 12/02/1992 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Maître Sylvain DUBRAY, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SARL VOXCAN

N° SIRET : 495 387 409 00016

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Maître Frédéric RENAUD, avocat au même barreau

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Février 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Voxcan réalise, pour le compte de clients qui interviennent dans le domaine médical et pharmaceutique, des tests précliniques, afin de vérifier, sur des animaux de laboratoire, l'efficacité de traitements dans le domaine infectieux.

Mme [V] a été embauchée le 19 août 2014 par la SARL Voxcan, en qualité de cadre, directrice d'études junior, suivant contrat de travail à durée déterminée de 3 mois pour accroissement temporaire du volume d'activité de l'entreprise liée à la mise en place des phases d'expérimentation du projet FUI H&M, contrat à durée déterminée renouvelé pour une durée de douze mois suivant un avenant du 18 novembre 2014.

La relation contractuelle s'est poursuivie suivant un contrat à durée indéterminée, sur le poste de directeur d'étude, à compter du 19 novembre 2015, position 1.2, coefficient 100.

A compter du 1er mai 2017, Mme [V] a bénéficié de la position 2.1, coefficient 105.

La relation de travail était régie par la convention nationale SYNTEC.

Mme [V] a été placée en arrêt de travail du 17 janvier au 20 janvier 2017.

A la suite d'une visite médicale demandée par la salariée, le médecin du travail rendait le 23 février 2017 un avis d'aptitude avec aménagement du poste de travail. Le médecin préconisait d'étudier les possibilités de finir les mardis à 17 h.

Mme [V] faisait l'objet d'un nouvel arrêt de travail le 30 mars 2017.

Le 21 mai 2017, Mme [V] était rappelée à l'ordre sur le respect de certaines règles à la suite de propos tenus lors d'une réunion le 17 mai 2017, et était invitée à présenter ses excuses pour réparer le trouble causé par ses propos.

Considérant qu'il s'agissait d'une sanction, Mme [V] adressait, le 29 mai 2017, un courrier de contestation à la société Voxcan .

Mme [V] était, entre temps, placée en arrêt de travail à compter du 22 mai 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 juin 2017, la société Voxcan a convoqué Mme [V] à un entretien préalable, le 23 juin 2017 en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement .

Le 23 juin 2017, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et au dernier état de la procédure, aux fins de voir la société Voxcan condamner à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ( 25 000 euros), une indemnité de préavis ( 7078,59 euros) et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement ( 2674,13 euros), un rappel de salaire de 672, 40 euros et les congés payés y afférent, un rappel d'heures supplémentaires ( 4 874, 96 euros) et les congés payés afférents, une indemnité au titre du travail dissimulé ( 14 157, 18 euros) , la somme de 3 000 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et la somme de 1 000 euros au titre de l'avertissement du 21 mai 2017, outre une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 juin 2017, la société Voxcan a notifié à Mme [V] son licenciement pour faute grave, en lui reprochant d'avoir adopté une attitude délibérément provocante et désinvolte et exprimé des remarques désobligeantes .Par jugement rendu le 2 mai 2019 , le conseil de prud'hommes a débouté Mme [V] de ses demandes à l'exception de sa demande au titre de la reclassification conventionnelle et de celle en application de l'article 700 du code de procédure civile. La société Voxcan a été condamnée en conséquence, à payer à Mme [V] les sommes suivantes:

- 256 euros brut au titre de la régularisation de sa rémunération suite à sa reclassification conventionnelle, outre la somme de 67, 24 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 1 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 31 mai 2019 par Mme [V].

Par conclusions notifiées le 30 août 2019, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, Mme [V] demande à la cour de:

- infirmer le jugement du 2 mai 2019 dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

- condamner la SARL Voxcan à lui payer la somme de 672,40 euros au titre du rappel de salaire dû à un salarié de coefficient hiérarchique au moins égal à 105 à compter du 19 août 2016, outre la somme de 67,24 euros au titre des congés payés y afférents,

- subsidiairement, confirmer le jugement du 2 mai 2019 en ce qu'il a condamné la société Voxcan à lui payer la somme de 256 euros bruts à titre de rappels de salaire, outre la somme de 67,24 euros au titre des congés payés restant dus,

- ordonner à la société Voxcan de produire ses relevés d'heure

- condamner la SARL Voxcan à lui payer la somme de 4 874,96 euros bruts au titre des heures supplémentaires accomplies depuis le 19 août 2014, outre la somme de 487,50 euros au titre des congés payés y afférents

- subsidiairement, tenant compte des jours de récupération attribués, condamner la SARL Voxcan à lui payer la somme de 3335,93 euros bruts, au titre du rappel d'heures supplémentaires depuis le 19 août 2014, outre la somme de 333,59 euros au titre des congés payés y afférents

- condamner la SARL Voxcan à lui payer la somme de 14157,18 euros au titre de l'indemnité forfaitaire due pour travail dissimulé

- condamner la SARL Voxcan à lui payer la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts venant indemniser les préjudices que ses manquements à son obligation de sécurité de résultat lui ont causés.

- annuler l'avertissement du 21 mai 2017

- condamner la SARL Voxcan à lui payer la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts venant indemniser le préjudice moral que cette sanction injustifiée lui a causé

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Voxcan et dire qu'elle produit les effets d'un licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse à la date du 30 juin 2017

- subsidiairement, dire et juger que le licenciement du 30 juin 2017 est nul et, à tout le moins,

dépourvu de cause réelle et sérieuse

En conséquence,

- condamner la SARL Voxcan à lui payer les sommes de :

' 2674,13 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

' 7078,59 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 707,86 euros au titre des congés payés y afférents

' 35 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul ou, subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse

- assortir l'ensemble des condamnations de l'intérêt au taux légal à compter du jour de la réception par la société Voxcan de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes de Lyon

- ordonner la remise de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et de ses bulletins de paie rectifiés conformément à la décision à intervenir et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard sur une durée de trois mois, à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision à intervenir

- condamner la SARL Voxcan prise en la personne de ses représentants légaux au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Sylvain Dubray sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées le 19 novembre 2019, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Voxcan demande à la cour de:

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu en première instance par le conseil de prud'hommes de Lyon, en date du 2 mai 2019,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- ramener l'indemnisation au titre du non-respect par la société de son obligation de sécurité de résultat à de bien plus justes proportions,

- ramener le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif à de biens plus justes proportions,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- limiter les demandes de rappel de salaire formulées par Mme [V] au titre de la régularisation de sa rémunération ensuite de sa reclassification conventionnelle à la somme de 256 euros, outre 67,24 euros de congés payés,

- rejeter les demandes de rappel de salaire formulées par Mme [V] au titre de ses prétendues heures supplémentaires,

A TITRE RECONVENTIONNEL,

- condamner Mme [V] à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SELARL Laffly et Associés, Avocat, sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2022.

MOTIFS

- Sur la demande de rappels de salaire:

Mme [V] expose qu'en application de l'annexe II relatif à la classification des ingénieurs et cadres du 15 décembre 1987, un cadre débutant, titulaire du diplôme de sortie des écoles visées dans la définition des ingénieurs à l'article 2 c) de la Convention doit bénéficier d'un coefficient hiérarchique au moins égal à 100.

La salariée, titulaire d'un Master II bio expérimentation animale, délivré par l'université Lyon 1 Claude Bernard (Bac +5) soutient dés lors, qu'elle aurait dû, dès son embauche, bénéficier d'un coefficient hiérarchique au moins égal à 100, soit un salaire mensuel brut de 2021 euros minimum et qu'en application de cette même annexe II, elle aurait dû bénéficier à compter du 19 août 2016, d'un coefficient hiérarchique au moins égal à 105, alors que la société Voxcan ne lui a permis d'en bénéficier qu'à compter du 1er mai 2017.

La société Voxcan soutient que le défaut de passage du coefficient 95 au coefficient 100 relève d'un oubli, Mme [V] ayant été embauchée à l'origine, avant d'être titulaire de son diplôme de master, et que cet oubli a été régularisé en mai 2017 par l'allocation d'une prime exceptionnelle de 416,40 euros.

La société Voxcan soutient en outre que la somme de 256 euros correspondant au rappel de salaire pour la période d'août 2016 à juin 2017, n'a pas été payée en raison d'une erreur purement matérielle dans l'envoi des bulletins de paie.

****

Il en résulte que la société Voxcan acquiesce à un rappel de salaire de 672, 4 tel qu'il résulte du calcul effectué par la salariée en pièce n°7 et du courriel de M. [K] du 17 mai 2017, lequel a demandé que la différence entre le salaire brut actuel de Mme [V] et le nouveau lui soit versée en prime de manière 'pseudo rétroactive' depuis septembre 2016.

Si Mme [V] soutient que contrairement à ce qu'elle prétend, la société Voxcan n'a pas régularisé d'arriérés de salaire, puisqu'elle a donné pour instruction à son expert-comptable de payer le rappel de salaire sous forme d'une prime, ce qui la dispensait de payer à la salariée les congés payés afférents à cette régularisation (puisque les primes exceptionnelles ne rentrent pas dans l'assiette de l'indemnité de congés payés), ainsi que les cotisations sociales assises sur ceux-ci, il résulte cependant de ses propres calculs qu'elle a effectivement perçue la somme de 416 euros correspondant à la différence entre le salaire brut qu'elle a perçu et celui qu'elle aurait dû percevoir de septembre 2014 à août 2016.

Dés lors, Mme [V] n'est pas fondée à solliciter cette somme une seconde fois. En outre, la société Voxcan sera condamnée à payer à Mme [V] la somme de 41, 60 euros au titre des congés payés afférents à cette période.

Le jugement déféré sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a condamné la société Voxcan à payer à Mme [V] la somme de 256 euros bruts au titre du solde de rappel de salaires, outre la somme de 67, 24 euros au titre des congés payés afférents, le bien fondé de ce rappel de salaires n'étant pas contesté par la société Voxcan.

- Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail:

Mme [V] invoque à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire:

- le défaut de paiement des heures supplémentaires et majorations afférentes

- le travail dissimulé

- les manquements de la société Voxcan à ses obligations de sécurité de résultat et de prévention des risques psychosociaux

- l'avertissement du 21 mai 2017.

1°) sur les heures supplémentaires:

Mme [V] expose qu'elle a effectué, du 19 août 2014 au 31 décembre 2016, 311,68 heures majorées à 25 % et 24,75 heures majorées à 50 %, représentant un salaire de 5703,95 euros bruts.

La société Voxcan lui ayant réglé, sur cette période, la somme de 828,99 euros bruts, au titre des heures supplémentaires, la salariée demande sa condamnation à lui payer la somme de 4874,96 euros bruts au titre du rappel d'heures supplémentaires depuis le 19 août 2014, outre la somme de 487,50 euros au titre des congés payés y afférents.

A titre tout à fait subsidiaire, elle conclut à la déduction des 16,5 journées de récupération dont elle a bénéficié, soit la somme de 1539,03 euros bruts (16,5 jours x 7 heures x 13,3249 euros [2021/151,67]).

Elle expose que la société Voxcan lui a demandé, dès son embauche, de relever ses heures dans des tableurs mis à sa disposition sur l'intranet de l'entreprise, mais que le système mis en place limitait le nombre de récupérations possibles à deux demi-journées par mois,

indépendamment du nombre d'heures supplémentaires réellement accomplies, et que la société Voxcan lui faisait signer des relevés d'heure mentionnant systématiquement 35 heures par semaine et supprimait de l'intranet les tableurs qu'elle avait remplies.

Mme [V] soutient qu'elle a cependant conservé la copie de ses tableurs avant leur suppression de l'intranet.

Elle fait valoir qu'elle a dénoncé ce système dans son courrier du 29 mai 2017 en indiquant:

« vous nous imposez de contresigner des faux documents récapitulatifs des heures effectuées en, mentionnant 35 heures par semaine, alors même que nous accomplissons régulièrement des heures supplémentaires non rémunérées, pour ma part depuis mon embauche datant du 19 août 2014.

Ce stratagème organisé par vos soins permet la mise en place d'un système illicite de récupération des heures supplémentaires, nous faisant perdre le bénéfice de la majoration de ces mêmes heures » et que la société Voxcan n'a jamais sérieusement contesté cette affirmation.

Mme [V] ajoute que ce système illicite ne faisait pas apparaître les heures de récupération sur les bulletins de paie et qu'en violation de l'article L. 3121-24 du code du travail, aucun système de paiement des heures supplémentaires par des repos compensateurs de remplacement n'a jamais été mis en place, ni par convention ou accord collectif, ni par décision de la société Voxcan.

La société Voxcan conclut au rejet de la demande au titre des heures supplémentaires. Elle fait valoir en premier lieu que les salariés disposaient d'une liberté importante dans l'exercice de leur travail, et donc, de manière afférente, dans l'organisation de leur temps de travail et que la salariée ne justifie d'aucune injonction de la direction visant à la contraindre à effectuer des heures supplémentaires.

La société Voxcan expose que lorsque les salariés estimaient devoir faire des heures supplémentaires pour venir à bout de leur mission, ils en informaient la Direction, qui, dans le

seul but de favoriser ses salariés, avait décidé de leur offrir une option :

- soit les heures supplémentaires faisaient l'objet d'une récupération, dans la limite de 7 heures par mois: au-delà des 7 heures, les heures étaient obligatoirement rémunérées,

- soit les heures supplémentaires étaient directement rémunérées, et ce, dès la première heure supplémentaire effectuée.

La société Voxcan soutient que Mme [V] a largement bénéficié de cette option puisque 22 jours de récupération lui ont été accordés au cours de la relation contractuelle, alors que rien ne l'empêchait de se faire rémunérer ses heures supplémentaires.

La société Voxcan oppose par ailleurs à Mme [V] l'absence de preuve des heures accomplies et réfute l'existence des tableurs invoqués par la salariée comme modalité de déclaration des heures supplémentaires. L'employeur soutient que si la salariée a été amenée un jour à remplir des tableaux récapitulant ses heures supplémentaires, c'est à sa seule convenance, et que la société n'a jamais fait référence à un quelconque tableur.

****

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il résulte des pièces versées aux débats que si la société Voxcan réfute l'existence de tableurs pour la déclaration et le calcul des heures supplémentaires, la demande exprimée par M. [K], co-gérant de la société par courriel adressé à 'tous', le 26 décembre 2016 de 'remplir vos horaires et de me dire si vous avez ou allez travailler en week-end ce mois ci', laisse présumer l'existence d'un document de décompte des heures, même s'il n'est pas nommé par l'employeur.

En outre, lorsque Mme [V] indiquait dans son courriel du 29 novembre 2016 à

M. [K], relatif à ses horaires de travail de novembre 2016, 'j'ai rempli mon tableur', cette information ne suscitait pas la surprise de l'employeur.

Par ailleurs, le compte-rendu de l'entretien préalable rédigé par M. [E], conseiller de la salariée, indique que sur la question de la durée du travail, M. [I] , gérant de la société, a évoqué la demande qu'il a faite auprès du service comptable de modifier le contrat de travail de ses salariés pour le faire passer de 35 h à 37 h30 avec du temps de récupération et que cette modification n'ayant pu être faite, c'est à partir de ce moment que la procédure déjà en place de récupération d'un jour par mois quelque soit le nombre d'heures supplémentaires effectuées a été redéfinie auprès des salariés.

La cour observe que ces propos attribués au gérant de la société, n'ont fait l'objet d'aucune contestation et que l'augmentation du temps de travail hebdomadaire était une préoccupation partagée par Mme[V] qui, à l'issue de son entretien d'évaluation du 21 décembre 2016, préconisait 'un élargissement du contrat de travail à un temps hebdomadaire de 39 heures avec RTT afin de permettre l'accomplissement des fonctions de DE et de relais qualité'.

Compte tenu des principes rappelés ci-dessus, et plus précisément du partage de la charge de la preuve sur la question des heures supplémentaires, la production par Mme [V] de relevés d'heures pour les années 2014, 2015 et 2016, répond à l'exigence de présentation d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre par ses propres éléments, dés lors que ces décomptes mentionnent pour chaque jour l'heure d'arrivée et l'heure de départ, ainsi que le nombre total d'heures journalier, et que les jours fériés, jours de congés et de récupération au titre des heures supplémentaires sont expressément décomptés.

Mme [V] présente également des relevés horaires hebdomadaires comportant le calcul des heures supplémentaires qu'elle déclare avoir effectuées, par application des taux de majoration légaux.

Que les 'tableurs' ou relevés d'heures produits par la salariée ne portent pas la mention d'une quelconque approbation de la part de l'employeur, ni même la trace d'une quelconque communication à la société Voxcan est indifférent, dés lors que le seul critère auquel le juge doit s'attacher est celui de la précision des éléments produits afin de permettre à l'employeur de faire valoir ses propres éléments.

Or, force est de constater que la société Voxcan ne justifie d'aucun outil de contrôle du temps de travail, alors même que l 'obligation d'en assurer le suivi et le contrôle lui incombe et qu'il lui appartient de veiller à ce que les tâches et missions confiées aux salariés sont compatibles avec la durée du travail.

La société Voxcan ne saurait dés lors se contenter d'invoquer 'un système basé sur la confiance' dans lequel les heures supplémentaires étaient rémunérées ou récupérées sur les seules déclarations faites par les salariés, aux termes de mails mensuels, système qui ne l'exonère nullement de ses obligations et responsabilités relatives à la maîtrise du temps de travail.

Enfin, l'absence de revendication des heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle, ou encore de dénonciation d'un système supposé illégal de récupération d'heures, ne présument nullement de la renonciation de Mme [V] à faire valoir ses droits, de sorte que ces moyens opposés par la société Voxcan sont inopérants.

Compte tenu de ces éléments, la cour fait droit à la demande de paiement d'heures supplémentaires de Mme [V], après déduction de la somme de 828, 99 euros bruts versée à ce titre pour la période du 19 août 2014 au 31 décembre 2016 et après déduction des 16,5 journées de récupération accordées au titre des heures supplémentaires pour la même période.

La cour condamne par conséquent la société Voxcan, qui ne conteste pas, même à titre subsidiaire, les bases du calcul proposé par Mme [V], notamment pour l'évaluation des 16,5 jours de récupération, à payer à Mme [V] la somme de 3 335, 93 euros brut au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 333, 59 euros de congés payés afférents.

Le jugement déféré qui a débouté Mme [V] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires sera infirmé en ce sens.

2°) sur le travail dissimulé:

L'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L 8 221-5 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli.

Au terme de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle et l'élément intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l'espèce, il n'est pas démontré que la société Voxcan qui a par ailleurs réglé à Mme [V] une partie de ses heures supplémentaires et lui a accordé des journées de récupération à ce titre, aurait volontairement dissimulé une partie de ses heures, la manipulation des tableurs invoquée par la salariée ne résultant d'aucun élément objectif.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

3°) sur les manquements à l'obligation de sécurité et à la prévention des risques psycho-sociaux:

Mme [V] invoque le travail dominical, la charge de travail et ses alertes sur la dégradation de son état de santé.

Elle soutient que la société Voxcan lui a imposé de venir travailler les dimanches en violation des articles L. 3132-1 à L. 3132-3 du code du travail et que la dérogation accordée par la DIRRECTE au travail dominical est postérieure de prés d'un an à son licenciement.

La société Voxcan soutient que lorsque Mme [V] était amenée à travailler le week-end, cela correspondait à deux heures de travail dans le week-end et au respect d'une obligation réglementaire, soit la nécessité de veiller à ce que les animaux impliqués dans les études réalisées ne nécessitaient pas de soins. La société ajoute que cette intervention ponctuelle le dimanche a été mise en place sur la base du volontariat, qu'elle a été rémunérée avec majorations, de sorte que les salariés n'ont subi aucun préjudice et que la DIRRECTE a avalisé la demande de dérogation pour le travail du dimanche.

La société Voxcan conteste la charge de travail excessive et s'appuie plus particulièrement sur le 'master schedule' qui fait une présentation de la charge de travail des trois directeurs d'études de la société, dont Mme [V], entre novembre 2016 et avril 2017, période pendant laquelle Mme [V] était en charge de quatre études.

La société Voxcan fait valoir par ailleurs que les arrêts de travail de Mme [V] n'ont jamais été reconnus comme faisant suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, que Mme [V] a été déclarée apte à son poste de travail par avis du 25 février 2017 et que la société a pris le temps d'échanger sur la situation médicale de sa salariée, tout d'abord aux termes d'une réunion du 24 janvier 2017 puis au détour de conversations téléphoniques.

La société Voxcan conteste enfin avoir refusé l'aménagement préconisé par le médecin du travail le 23 février 2017, en faisant observer que le refus d'aménagement d'horaires opposé à la salariée au début du mois de février est antérieur à l'avis du médecin du travail.

****

Aux termes des dispositions des articles L. 3132-1 et suivants du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine, le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives, il est, dans l'intérêts des salariés, donné le dimanche, étant précisé que plusieurs types de dérogations sont possibles.

En l'espèce, s'il est constant que la société Voxcan a sollicité une dérogation au repos dominical par courrier du 23 avril 2018, soit postérieurement au licenciement de Mme [V], il en résulte que la société Voxcan bénéficie d'une dérogation de droit dés lors que son activité est en lien avec la surveillance, l'entretien et la nourriture d'animaux, conformément aux dispositions de l'article R. 3132-5 du code du travail qui établit les catégories d'établissement relevant de cette dérogation de droit.

Mme [V] n'est en conséquence pas fondée à invoquer la violation des articles

L. 3132-1 à L. 3132-3 du code du travail, ni l'obtention a posteriori de l'autorisation de la DIRRECTE pour déroger au repos dominical.

Concernant la charge de travail excessive, Mme [V] s'appuie pour l'essentiel sur les heures supplémentaires qu'elle revendique, mais aussi sur ses entretiens individuels au cours desquels elle soulignait, le 22 décembre 2015: 'une charge de travail importante sur fin d'année suite aux congés maternité de OPE' et le 21 décembre 2016: 'Des difficultés à remplir les deux fonctions dans le cadre du contrat à 35h actuellement applicable, dans la mesure où la fonction principale nécessite un travail hebdomadaire d'environ 35 h.'

Elle produit également des documents relatifs à la consultation d'une psychologue du travail entre le 23 janvier 2017 et le 29 mai 2017.

En ce qui concerne les alertes sur son état de santé, Mme [V] produit un courriel du 20 janvier 2017 relatif à son premier arrêt de travail dans lequel elle indiquait:

' (...) J'ai été arrêtée cette semaine car comme expliqué à ma direction à travers mon mail plus bas, ma situation à Voxcan ne s'est pas améliorée depuis ma visite chez vous. Ayant été particulièrement sollicitée durant les deux dernières semaines pour des raisons de rush, et face à une absence de soutien et de considération cumulée à de nombreuses critiques peu constructives de la part de ma direction en ce début de semaine, j'ai perdu pied et ne me sentais plus la force de retourner travailler cette semaine. (...)'

Mme [V] a par ailleurs sollicité une autorisation d'absence les mardis à partir de 17 heures, sauf nécessité liée à une étude, qui lui a été refusée le 3 février 2017.

****

Si l'employeur souligne que l'avis du docteur [W], médecin du travail, préconisant d'étudier les possibilités de finir les mardis à 17 heures a été rendu le 23 février 2017, soit postérieurement au refus opposé à la demande d'aménagement du temps de travail de la salariée, il résulte cependant des débats que l'employeur était expressément alerté des difficultés de Mme [V] concernant sa charge de travail, et qu'il ne pouvait par ailleurs ignorer les heures supplémentaires que la salariée était contrainte d'effectuer pour parvenir à accomplir l'ensemble de ses tâches.

En effet, en mettant en avant que Mme [V] a pu, à certains moments de la relation contractuelle, être entendue dans ses doléances sur sa charge de travail, comme le fait de l'avoir déchargée d'une étude suite à sa demande du 9 mai 2016 adressée à M. [I], l'employeur démontre, si besoin était, que les observations de la salariée quant à la charge de travail excessive étaient fondées et qu'elle obtenait aisément gain de cause.

Il apparaît par ailleurs que l'employeur à qui il appartient de justifier qu'il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires, a fait preuve d'une extrême légèreté en refusant un aménagement partiel sans incidence démontrée sur le bon fonctionnement de l'entreprise, et ce alors même que la salariée multipliait les alertes sur la charge de travail et qu'elle était dans l'attente d'un avis médical consécutif à un arrêt de travail prescrit quelques jours plus tôt.

Dans ces conditions, la société Voxcan qui ne justifie d'aucune mesure de prévention alors même qu'elle invoque sa parfaite connaissance de la situation médicale de la salariée à l'issue de la réunion du 24 janvier 2017 et qui n'explique par aucun élément pertinent son refus d'autorisation d'absence les mardis à partir de 17 heures, a manqué à son obligation de santé et de sécurité.

La cour accueille en conséquence la demande d'indemnisation de Mme [V], condamne la société Voxcan à lui payer la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice et la déboute de sa demande pour le surplus.

4°) Mme [V] conclut enfin qu'elle a fait l'objet, le 21 mai 2017 d'un avertissement déloyal portant atteinte à ses droits fondamentaux , en l'espèce sa liberté d'expression et sa dignité. La salariée conteste les propos qui lui ont été attribués, notamment d'avoir dit: ' l'avenir de Voxcan j'en ai rien à foutre; en cas de problème il y a toujours le chômage et d'autres sociétés pour travailler.'

Mme [V] invoque son droit de s'exprimer librement dés lors que l'objet de la réunion du 17 mai 2017 était d'augmenter les roulements des salariés pendant les week-end et de modifier les contrats de travail en ce sens, et que la direction de l'entreprise s'exposait nécessairement au refus de certains salariés.

Mme [V] conclut en outre qu'en exigeant qu'elle présente ses excuses à l'ensemble du personnel, la société Voxcan a fait un usage déloyal et excessif de son pouvoir disciplinaire et a porté atteinte à sa dignité.

La société Voxcan soutient au contraire que le courrier du 21 mai 2017 ne constitue pas un avertissement ou une quelconque sanction disciplinaire, mais seulement un modeste rappel des règles à observer dans le cadre de l'exercice professionnel. La société Voxcan souligne qu'il a d'ailleurs été envoyé par mail et n'était assorti d'aucune sanction ou menace, ce qui, conformément à la jurisprudence, doit s'analyser comme un simple rappel à l'ordre, laissant le champ libre à tout licenciement pour faute.

La société Voxcan souligne que Mme [V] a elle-même reconnu avoir eu pour le moins des propos déplacés et que les salariés de la société ayant assisté à cette réunion se tiennent à la disposition de la cour pour exprimer leur ressenti sur les événements du 17 mai 2017.

****

Aux termes de la lettre du 21 mai 2017, la société Voxcan reproche à Mme [V] , des propos inadmissibles aux motifs qu'ils ont créé deux fractures majeures dans la relation contractuelle, d'une part la création d'un trouble, s'agissant de propos de nature à porter atteinte à l'esprit de groupe et à la bonne cohésion de l'entreprise, d'autre part l'altération du lien de confiance entre le salarié et l'employeur.

La lettre du 21 mai 2017 comporte ensuite le paragraphe suivant:

' Comme nous ne concevons pas de pouvoir faire croître Voxcan sans que les fondamentaux d'une relation professionnelle saine et équilibrée soient respectés ( l'absence de création de troubles et la présence de la nécessaire confiance), nous vous demandons de bien vouloir réparer le trouble provoqué par l'excès de vos propos en présentant des excuses auprès de l'ensemble des personnels qui ont pu être choqués par ces derniers, même si ceux-ci ont peut-être dépassé votre pensée (...)'

Il en résulte, qu'au delà de l'intitulé 'Rappel sur certaines règles à observer dans le cadre de l'exercice professionnel', et de l'envoi par email, le directeur général de la société précise à propos du courrier du 21 mai 2017, qu'il s'agit 'd'une lettre officielle de la Direction' lui conférant ainsi un caractère solennel; que ce courrier identifie une faute sérieuse dés lors qu'elle porte atteinte à un élément fondamental de la relation contractuelle, soit le lien de confiance et le devoir de loyauté. Il apparaît en outre qu'en sollicitant des excuses auprès de l'ensemble des personnels, la société Voxcan a dépassé le cadre d'un simple rappel à l'ordre et mis en oeuvre son pouvoir disciplinaire, de sorte que le courrier du 21 mai 2017 doit être analysé comme un avertissement et non comme un simple rappel à l'ordre.

Concernant le bien fondé de cet avertissement, force est de constater qu'alors que la teneur des propos qui lui sont imputés est contestée par la salarié, la société Voxcan ne produit aucun élément objectif de nature à établir la réalité et la virulence de ces propos.

L'aveu selon lequel: 'mon sarcasme a effectivement flirté avec les limites du respect et je m'en excuse' apparaît dans un échange de courriels entre M. [I] et Mme [V] des 29 août et 30 août 2016, soit prés d'un an avant la réunion du 17 mai 2017. Il ne saurait dés lors illustrer ni les excès supposés ayant donné lieu à l'avertissement du 21 mai 2017, ni une quelconque habitude à tenir des propos déplacés.

L'avertissement du 21 mai 2017 n'est en conséquence pas justifié par les éléments du débat. Mme [V] est donc fondée à en demander l'annulation, ainsi que l'indemnisation, compte tenu du préjudice moral qui en est résulté, étant précisé que la salariée qui se trouvait déjà en situation de fragilité psychologique depuis le premier arrêt maladie du mois de janvier 2017, a été placée en arrêt de travail dés le lendemain de cet avertissement et qu'elle n'a plus repris son poste jusqu'à son licenciement quelques jours plus tard.

La société Voxcan sera en conséquence condamnée à payer à Mme [V] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral résultant d'une sanction infondée et la salariée sera déboutée de sa demande pour le surplus.

****

Les termes extrêmement sévères du courrier du 21 mai 2017, lequel fait état de deux fractures majeures dans la relation contractuelle, la première résultant du trouble causé dans l'entreprise et la seconde de l'altération du lien de confiance, ainsi que de doutes et suspicions sur les initiatives et responsabilités que peut assumer un salarié tenant les propos reprochés à Mme [V], sont de nature à compromettre la poursuite de la relation contractuelle.

Il apparaît en outre que la demande d'excuses auprès de l'ensemble des personnels, qui a largement contribué au désarroi psychologique de la salariée, présente un caractère d'autant plus humiliant que les propos sont contestés et que le bien fondé d'excuses publiques est critiquable dés lors qu'à les supposer établis, les propos de Mme [V] n'étaient pas dirigés contre les salariés mais contre la société Voxcan.

Dans ces conditions, Mme[V] à qui l'employeur a expressément notifié que le lien de confiance inhérent à toute relation contractuelle était rompu, qui a accompli des heures supplémentaires sans être rémunérée et qui démontre que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité à son égard, rapporte ainsi la preuve de manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations contractuelles pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ainsi justifier la rupture à ses torts.

Il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet du 30 juin 2017, date à laquelle a été prononcé le licenciement et le jugement déféré qui l'a déboutée de toutes ses demandes, sera infirmé en ce sens.

- Sur les indemnités de rupture:

La résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité conventionnelle de licenciement.

Faute pour la société Voxcan de remettre en cause, même à titre subsidiaire, les bases sur lesquelles Mme [V] a formé ses demandes, la société Voxcan sera condamnée à payer à Mme [V] les sommes suivantes:

* 2 674,13 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 7 078,59 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 707,86 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur les dommages- intérêts:

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 anciens du code du travail, Mme [V] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [V] âgée de 25 ans lors de la rupture, de son ancienneté de deux années et dix mois, de sa capacité à retrouver un emploi de qualification et rémunération équivalentes, la cour estime que le préjudice résultant pour cette dernière de la rupture doit être indemnisé par la somme de 15 000 euros, sur la base d'un salaire moyen mensuel brut de 2 359, 53 euros.

Le jugement qui a débouté Mme [V] de sa demande à ce titre sera infirmé. La société Voxcan sera condamnée à payer à Mme [V] la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et Mme [V] sera déboutée de sa demande pour le surplus.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage:

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation.

- Sur les demandes accessoires:

La société Voxcan qui succombe en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Voxcan à payer à Mme [V] les sommes de 256 euros bruts au titre de la reclassification conventionnelle et l'indemnité de congés payés afférents, ainsi qu'en ses dispositions relatives à l'indemnité de procédure et aux dépens

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le courrier du 21 mai 2017 constitue un avertissement

PRONONCE la nullité de cet avertissement

ORDONNE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur avec effet au 30 juin 2017

CONDAMNE la société Voxcan à payer à Mme [X] [V] les sommes suivantes:

* 41,60 euros au titre des congés payés afférents à la somme de 416 euros versée à titre de rappel de salaire pour la période de septembre 2014 à août 2016 au titre du repositionnement

* 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'avertissement du 21 mai 2017 annulé

* 3 335, 93 euros brut au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 333, 59 euros de congés payés afférents

* 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité

* 2 674,13 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 7 078,59 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 707,86 euros au titre des congés payés afférents,

* 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la résiliation judiciaire du contrat de travail

ORDONNE à la société Voxcan de remettre à Mme [X] [V] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

REJETTE la demande d'astreinte

ORDONNE d'office à la société Voxcan le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [V] dans la limite de trois mois d'indemnisation

CONDAMNE la société Voxcan à payer Mme [X] [V] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la société Voxcan aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/03784
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;19.03784 ?
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