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04/05/2022 | FRANCE | N°19/01553

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 04 mai 2022, 19/01553


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/01553 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MHG3



[R]

C/

Société FRIGO TRANSPORTS 69

Société HERCO [Localité 6]

Société ACTUAL [Localité 6] 393

Société MJ & ASSOCIES

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 10]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 29 Janvier 2019

RG : F17/00249

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 04 MAI 2022


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[F] [R]

née le 27 Juin 1990 à [Localité 6]

[Adresse 9]

[Localité 7]



représentée par Me Emmanuelle BONIN, avocat au barreau de LYON



(bénéficie d'une aide juridictionnelle...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/01553 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MHG3

[R]

C/

Société FRIGO TRANSPORTS 69

Société HERCO [Localité 6]

Société ACTUAL [Localité 6] 393

Société MJ & ASSOCIES

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 10]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 29 Janvier 2019

RG : F17/00249

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 04 MAI 2022

APPELANTE :

[F] [R]

née le 27 Juin 1990 à [Localité 6]

[Adresse 9]

[Localité 7]

représentée par Me Emmanuelle BONIN, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 69123/2/2019/08871 du 04/04/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMÉES :

Société FRIGO TRANSPORTS 69

[Adresse 11]

[Localité 4]

représentée par Me Cécile GUITTON de la SELARL LES CONSEILS D ENTREPRISES, avocat au barreau de QUIMPER

Société HERCO [Localité 6]

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Virginie DENIS-GUICHARD de la SELARL VDG AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Société ACTUAL [Localité 6] 393 venant aux droits de la société ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON

Société MJ & ASSOCIES représentée par Me [K] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société EVA & SENS EMPLOI

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Marianne SAUVAIGO de la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 10]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Au cours d'une période s'étendant de décembre 2013 à janvier 2017, [F] [R] a été mise à la disposition de la SASU FRIGO TRANSPORTS 69 en qualité de préparateur de commandes, suivant contrats de mission successivement conclus avec les entreprises de travail temporaire EVA & SENS EMPLOI (pour la période du 10 décembre 2013 au 1er juin 2015), HERCO [Localité 6] (du 8 juin 2015 au 9 septembre 2016) puis ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA (pour la période du 12 septembre 2016 au 6 janvier 2017).

Le 1er février 2017, [F] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de requalification de la relation de travail avec la SASU FRIGO TRANSPORT 69 ou, subsidiairement, avec les sociétés EVA & SENS EMPLOI, HERCO [Localité 6] et ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA en contrat de travail à durée indéterminée, d'une demande indemnitaire au titre de la requalification, et de demandes indemnitaires et salariales au titre de la rupture de la relation de travail.

Par jugement du 21 novembre 2017, le tribunal de commerce de Dijon a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS EVA & SENS EMPLOI et désigné la SCP [K] [B] en qualité de mandataire-liquidateur.

Par jugement en date du 29 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon ' section commerce, statuant en formation de départage, a :

DIT ET JUGÉ que la demande de requalification était prescrite ;

DÉCLARÉ [F] [R] irrecevable en toutes ses demandes, fins et prétentions ;

DÉBOUTÉ les sociétés FRIGO TRANSPORTS 69, HERCO [Localité 6] et ACTUAL [Localité 6] 393 venant aux droits de la société ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA de leurs demandes reconventionnelles présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNÉ [F] [R] aux dépens.

[F] [R] a interjeté appel de cette décision le 28 février 2019.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 17 janvier 2022 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [F] [R] sollicite de la cour de :

PROCÉDER à la réformation de la décision du conseil qui l'a intégralement déboutée de l'ensemble de ses demandes comme étant prescrites ;

En conséquence,

A titre principal,

DIRE ET JUGER qu'elle était sous le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée depuis le 10 décembre 2013 avec la société FRIGO TRANSPORT 69 sur les fondements de l'article L. 1251-40 du code du travail ;

FIXER son salaire à la somme de 1 786,65 € bruts par mois ;

DIRE ET JUGER qu'un licenciement est intervenu, licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

CONDAMNER la société FRIGO TRANSPORT 69 au paiement de la somme de 1 786,65 euros au titre de l'indemnité de requalification de contrat en l'application de l'article L. 1251-41 du code du travail ;

CONDAMNER les sociétés FRIGO TRANSPORT 69, la SCP [K] [B], HERCO [Localité 6] et ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA in solidum au paiement de :

- la somme de 536 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- la somme de 16 079,85 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la somme de 3 573,30 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 357,33 euros de congés payés,

- la somme de 2 800 euros au titre de l'article 700 du CPC, distraits au profit de Maître BONIN, avocat sur son affirmation de droit ;

CONDAMNER la société FRIGO TRANSPORT 69 à lui communiquer les bulletins de paye corrigés des condamnations à intervenir depuis son embauche ;

CONDAMNER la société FRIGO TRANSPORT 69 à lui délivrer un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;

FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la société EVA & SENS EMPLOI les sommes mises à sa charge ;

DIRE ET JUGER que l'AGS-CGEA de [Localité 10] sera tenu de garantir le paiement des sommes mises à la charge de la société EVA & SENS EMPLOI lui étant allouées ;

Intérêts légaux sur toutes les demandes en paiement de sommes d'argent à compter de la saisine du conseil ;

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER qu'elle était sous le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée depuis le 10 décembre 2013 avec les sociétés EVA & SENS EMPLOI, HERCO [Localité 6] et ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA sur les fondements des articles L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail ;

FIXER son salaire à la somme de 1 786,65 euros bruts par mois ;

DIRE ET JUGER qu'un licenciement est intervenu, licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

CONDAMNER les sociétés HERCO [Localité 6] et ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA et la SCP [K] [B] in solidum au paiement de :

- la somme de 536 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- la somme de 16 079,85 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la somme de 3 573,30 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 357,33 euros de congés payés,

- la somme de 2 800 euros au titre de l'article 700 du CPC, distraits au profit de Maître BONIN, avocat sur son affirmation de droit ;

FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la société EVA & SENS EMPLOI les sommes mises à sa charge ;

DIRE ET JUGER que l'AGS-CGEA de [Localité 10] sera tenu de garantir le paiement des sommes mises à la charge de la société EVA & SENS EMPLOI lui étant allouées ;

CONDAMNER la société FRIGO TRANSPORT 69 à lui communiquer les bulletins de paye corrigés des condamnations à intervenir depuis son embauche ;

CONDAMNER la société FRIGO TRANSPORT 69 à lui délivrer un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;

Intérêts légaux sur toutes les demandes en paiement de sommes d'argent à compter de la saisine du conseil.

Par conclusions transmises par lettre recommandée le 19 juillet 2019, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SASU FRIGO TRANSPORT 69, sollicite de la cour de :

DIRE ET JUGER Madame [R] irrecevable et mal fondée ;

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon ;

Dès lors,

LA DÉBOUTER de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

A titre principal,

DIRE ET JUGER prescrite l'action de Madame [R] ;

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que la demande de requalification de Madame [R] est infondée ;

Dès lors,

DÉBOUTER Madame [R] de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNER Madame [R] à lui payer la somme de 2 000 euros au fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre infiniment subsidiaire,

RAMENER le montant des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

LA CONDAMNER aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 novembre 2021 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SELARL MJ & ASSOCIES, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS EVA&SENS EMPLOI, sollicite de la cour de :

A titre principal,

DÉCLARER irrecevables les demandes de condamnation dirigées à son encontre en qualité de liquidateur judiciaire de la société EVA&SENS EMPLOI ;

A titre subsidiaire,

CONFIRMER le jugement (RG F 17/0249) rendu le 29 janvier 2019 par la section départage du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites toutes les demandes formulées par [F] [R] à son encontre ;

A titre plus subsidiaire sur le fond,

RÉFORMER ET COMPLÉTER en tant que de besoin le jugement (RG F 17/249) rendu le 29 janvier 2019 par la section départage du conseil de prud'hommes de Lyon ;

Et, statuant de nouveau,

DÉCLARER qu'en application des dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, seules les demandes de condamnation formulées à l'encontre de la société FRIGO TRANSPORTS 69, entreprise utilisatrice ' en sa qualité d'entreprise utilisatrice ' peuvent être examinées par la cour ;

DÉCLARER que la société EVA & SENS a respecté les dispositions relatives à la durée totale des contrats de mission ;

DÉCLARER que la société EVA & SENS EMPLOI a respecté le formalisme des contrats de mission ;

DÉBOUTER, en conséquence, [F] [R] de l'intégralité de ses demandes telles que formulées à son encontre ;

A titre infiniment subsidiaire sur le fond, dans l'hypothèse où la cour viendrait à accueillir l'une quelconque des demandes formulées par [F] [R] contre la société EVA & SENS EMPLOI,

DÉCLARER que les créances alléguées par [F] [R] ne peuvent donner lieu qu'à fixation au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société EVA & SENS EMPLOI ;

DÉCLARER que les sommes allouées à [F] [R] ne pourront excéder 325,29 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement et 1 506,24 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

DÉCLARER qu'[F] [R] ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle aurait subi ;

DÉBOUTER en conséquence [F] [R] de l'intégralité de ses demandes telles que formulées à son encontre ;

Plus subsidiairement encore sur le fond,

RÉDUIRE dans de plus justes proportions les demandes indemnitaires d'[F] [R] à son encontre ;

En toutes hypothèses,

DÉBOUTER [F] [R] de toute autre demande ou prétention en tant qu'elle pourrait être dirigée à son encontre ;

LA METTRE hors dépens et hors article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER [F] [R], ou qui mieux le devra, à lui payer une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER [F] [R] aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 23 novembre 2021 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SASU HERCO [Localité 6], sollicite de la cour de :

A titre principal,

DIRE ET JUGER que les demandes de Madame [R] sont irrecevables puisque prescrites ;

En conséquence,

CONFIRMER le jugement du 29 janvier 2019 du conseil de prud'hommes de Lyon en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

REJETER la demande de condamnation solidaire formulée à son égard ;

REJETER la demande de requalification de Madame [R] dirigée à son encontre ;

A titre infiniment subsidiaire,

DIRE ET JUGER que la garantie de l'AGS devra intervenir en cas de condamnation solidaire ;

CONDAMNER Madame [R] à lui verser la somme de 2 394,79 euros au titre des indemnités de fin de mission perçues au cours de la collaboration ;

FIXER le salaire de référence de Madame [R] à la somme de 1 560,24 euros ;

REJETER l'intégralité des demandes de Madame [R], ou, à tout le moins, les réduire à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

CONDAMNER Madame [R] à lui verser la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNER aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 11 janvier 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SNC ACTUAL [Localité 6] 393, venant aux droits de la SNC ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA, sollicite de la cour de :

A titre principal,

CONFIRMER le jugement rendu entre les parties en ce qu'il a débouté Madame [R] de l'ensemble de ses demandes à son encontre ;

A titre subsidiaire,

LIMITER, en cas de condamnation in solidum, sa part contributive au regard de la courte durée des relations contractuelles avec Madame [R] ;

En tout état de cause,

CONDAMNER Madame [R] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la même aux entiers dépens.

Enfin, par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2021, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'UNEDIC ' DELEGATION AGS-CGEA DE CHALON-SUR-SAONE sollicite de la cour de :

DIRE ET JUGER recevable mais non fondé l'appel de Madame [R] ;

CONFIRMER purement et simplement le jugement entrepris ;

Subsidiairement,

DÉCLARER irrecevables, les demandes de condamnation solidaire visant la SCP [L] ;

En conséquence,

DÉBOUTER Madame [R] de l'intégralité de ses demandes ;

DÉBOUTER Madame [R] de sa demande de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et de l'intégralité de ses demandes afférentes ;

Subsidiairement,

RÉDUIRE l'indemnité de licenciement à la somme de 325 euros ;

RÉDUIRE l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1 560,24 euros ;

RÉDUIRE les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à une somme symbolique ;

En tout état de cause,

DIRE ET JUGER que sa garantie ne pourra intervenir qu'à titre subsidiaire et en l'absence de fonds disponibles ;

DIRE ET JUGER que l'indemnité éventuellement allouée sur le fondement de l'article 700 est hors de sa garantie ;

DIRE ET JUGER qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du code du travail et L. 3253-17 du code du travail ;

DIRE ET JUGER que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;

LA METTRE hors dépens.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 13 janvier 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 15 février 2022.

SUR CE :

- Sur la recevabilité des demandes de l'appelante :

Pour [F] [R],

- le salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission lorsque cette entreprise a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L.1251-5 à L.1251-7, L.1251-10 à L.1251-12, L.1251-30 à L.1251-35, et le délai de prescription prévu par l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, ne court qu'à compter du terme du dernier contrat de mission ;

- lorsque des CDD ou des contrats de mission sont requalifiés en CDI en raison du fait que le salarié occupait dès le début un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, le délai de prescription de deux ans ne commence à courir qu'à compter du terme du dernier CDD ou contrat de mission, soit en l'espèce à compter du 6 janvier 2017.

Pour la SASU FRIGO TRANSPORT 69, la SASU HERCO [Localité 6], et la SELARL MJ & ASSOCIES, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS EVA & SENS EMPLOI, l'appelante connaissait, ou aurait dû connaître, dès le 10 décembre 2013, selon ses propres estimations, les faits dont elle se prévaut, à savoir qu'elle aurait occupé un emploi permanent, et que ses contrats auraient été irréguliers, de sorte qu'au jour de la saisine du conseil de prud'hommes le 1er février 2017, l'intégralité de ses demandes au titre de la requalification était largement prescrite.

Pour l'UNEDIC,

- au regard des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, Madame [R] ne peut solliciter la requalification des contrats de mission de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée pour des contrats antérieurs de plus de deux ans à la date à laquelle elle a saisi le conseil de prud'hommes le 6 janvier 2017, soit pour des contrats de mission de travail temporaire antérieurs au 6 janvier 2015 ;

- Madame [R] sollicite la condamnation solidaire des sociétés FRIGO TRANSPORT 69, HERCO [Localité 6], ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA et de la SCP [K] [B] de sorte que, au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 625-6 du code de commerce, les demandes ainsi formulées, qui ne se limitent pas à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances de la société de liquidation, sont irrecevables.

* * * * *

Il convient de rappeler que, selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Et, aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, enfin, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Il résulte ainsi de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de mission à l'égard de l'entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat, et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est fondée, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Alors que la salariée a été mise à la disposition de la SASU FRIGO TRANSPORTS 69 au cours d'une période s'étendant du 10 décembre 2013 au 6 janvier 2017, il ne peut être sérieusement soutenu en l'espèce, dès lors, que l'action d'[F] [R] aux fins de requalification de ses contrats de mission avec l'entreprise utilisatrice, fondée sur le motif du recours au contrat de mission, aurait été atteinte par la prescription à la date à laquelle elle en a saisi la juridiction prud'homale, le 1er février 2017.

Et, dès lors que la mise en cause par [F] [R] de la responsabilité solidaire des entreprises de travail temporaire est, précisément, fondée sur leur entente illicite avec l'entreprise utilisatrice quant au motif invoqué du recours au contrat de mission, il ne peut pas plus être soutenu que l'action engagée le 1er février 2017 par la salariée serait atteinte par la prescription en ce qu'elle est également dirigée à l'encontre de la SASU HERCO [Localité 6], la SNC ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA et la SAS EVA&SENS EMPLOI.

Il convient par conséquent de constater la recevabilité des demandes formées par [F] [R], par infirmation de la décision déférée.

- Sur la requalification de la relation de travail avec la SASU FRIGO TRANSPORT 69 :

[F] [R] fait principalement valoir, au soutien de ses demandes formées à l'encontre de la SASU FRIGO TRANSPORT 69, que :

- 31 contrats de mission ont été justifiés par la société utilisatrice par un accroissement temporaire d'activité, et 89 par le remplacement de salariés absents ;

- mais la société utilisatrice ne peut valablement invoquer, pour justifier le recours au personnel intérimaire, un accroissement temporaire d'activité pour deux grandes périodes de saison alors que ces périodes revenaient de façon parfaitement prévisible chaque année selon des modalités et un mode d'organisation identique, et traduisaient ainsi une activité permanente et non-occasionnelle, même si elle était intermittente et ne constituaient pas des périodes de surcroît de travail inhabituel ;

- les contrats de mise à disposition systématiquement renouvelés sans respect du délai de carence, comportent aussi des motifs frauduleux ;

- le remplacement de salariés absents invoqué par la société utilisatrice dans plusieurs contrats de mission visait en réalité des « glissements de poste », ou « une partie des tâches » objets de la mission ;

- le nombre important de contrats de mission (120 contrats et avenants), la régularité et la période cumulée du recours à ces contrats pour un même emploi de préparateur de commandes, met en évidence que son recrutement visait à répondre à un besoin structurel de main d''uvre ;

- les périodes d'interruption ont été très limitées, puisqu'en 2014, aucune interruption n'est intervenue entre le 24 février et le 31 décembre, deux interruptions sont intervenues en 2015 entre le 16 et le 20 février et entre le 24 août et le 11 septembre, et une seule en 2016, entre le 4 et le 8 juillet, soit durant 25 jours au total durant la relation de travail ;

- dès lors qu'elle s'est constamment tenue à la disposition de son employeur au cours de la totalité de la période de relation de travail, son employeur lui devra une rémunération au titre des périodes de non-emploi ;

- ce n'est que parce qu'il s'est aperçu qu'il n'avait pas respecté les règles du travail temporaire que son employeur lui a soudainement proposé un contrat de travail à durée indéterminée le 9 janvier 2017 au soir, en lui refusant tout délai de réflexion et en faisant pression sur elle afin qu'elle accepte.

La SASU FRIGO TRANSPORT 69 soutient notamment, en réponse, que :

- la requalification en contrat à durée indéterminée ne peut se déduire du seul nombre des contrats de mission qui ont pu être conclus avec un salarié intérimaire, dès lors que, comme en l'espèce, les contrats de travail temporaire étaient dûment et explicitement motivés par l'un des cas de recours légaux ;

- les contrats de mission ont été entrecoupés de plusieurs interruptions plus ou moins importantes, notamment du 1er au 26 janvier et du 11 au 23 février 2014, du 3 au 17 décembre et du 24 au 31 décembre 2016, ainsi que pour les besoins d'une formation suivie par la salariée du 2 au 6 novembre 2015, que ne nécessitait pas les missions qui lui étaient confiées au sein de la société, ou pour effectuer une mission au sein d'une entreprise de messagerie du 10 au 13 octobre 2015 ;

- en tant que telle et à elle seule, la « souplesse » prévue aux contrats de mission quant au terme de la relation de travail ne peut justifier valablement la requalification des contrats à l'égard de la société utilisatrice, de même que le défaut de signature des contrats de mission ou leur non-remise dans le délai de deux jours, le non-respect du délai de carence entre deux contrats ou l'absence de toute clause obligatoire ;

- aux termes de l'article L. 1251-40 du code du travail, le non-respect du délai de carence obligatoire entre deux contrats de mission n'est pas sanctionné par la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée ;

- Madame [R] a refusé de façon réitérée toutes les propositions de contrat de travail à durée indéterminée qui lui ont été faites par la société à compter de 2014.

Pour la SAS ACTUAL [Localité 6] 393, enfin, dès lors que les motifs de recours sont justifiés et répondent bien à des besoins ponctuels de la société utilisatrice, la seule succession de contrats de mission ne peut fonder à elle seule la demande de requalification du salarié intérimaire.

* * * * *

L'article L. 1251-5 du code du travail énonce que le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Et il résulte des dispositions des articles L. 1251-5 et L. 1251-6 que la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de missions successifs avec le même salarié intérimaire pour remplacer un ou des salariés absents ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.

Aux termes de ces dispositions, ainsi, l'entreprise utilisatrice ne peut recourir de façon systématique aux contrats intérimaires pour faire face à un besoin structurel de main-d''uvre.

Or, il convient de relever en l'espèce à l'examen des contrats de mission versés aux débats, que :

- [F] [R] a été mise à la disposition de la SASU FRIGO TRANSPORTS 69 en qualité de préparateur de commandes au cours d'une période de plus de trois années, suivant soixante-treize contrats de mission la SAS EVA & SENS EMPLOI pour la période du 6 décembre 2013 au 5 juin 2015, vingt-sept contrats de mission conclus avec la SASU HERCO [Localité 6] pour la période du 13 juin 2015 au 9 septembre 2016 puis quinze contrats de mission avec la SNC ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA pour la période du 12 septembre 2016 au 6 janvier 2017 ;

- en tenant compte des périodes de souplesse expressément prévues aux contrats de mission conclus, la mise à disposition d'[F] [R] au bénéfice de la SASU FRIGO TRANSPORT 69 n'a été interrompue au cours de cette période, que pour les périodes limitées du 1er au 26 janvier 2014, du 10 au 23 février 2014 (soit 27 jours ouvrés au total pour l'année 2014), du 18 au 22 février, du 30 juillet au 4 août, du 27 août au 25 septembre, du 8 au 16 octobre, du 26 novembre au 4 décembre, du 17 au 26 décembre 2015 (soit 50 jours ouvrés au total pour l'année 2015), et du 6 au 15 janvier, du 28 janvier au 5 février, du 18 au 26 février, du 10 au 18 mars, du 1er au 8 avril, du 20 au 27 mai, du 9 au 17 juin, du 6 au 22 juillet, du 24 août au 2 septembre et du 8 au 17 décembre 2016 (soit 76 jours ouvrés au total pour l'année 2016 ;

- les contrats de mission ainsi conclus mentionnent comme motif de recours les nécessités de procéder au remplacement de salariés absents, pour quatre-vingts-cinq d'entre eux, et de faire face à un accroissement temporaire d'activité, pour les trente autres.

Pourtant, la SASU FRIGO TRANSPORT 69 s'abstient de verser aux débats la moindre pièce probante susceptible d'objectiver la réalité des motifs de recours aux contrats d'intérim ainsi invoqués, s'agissant notamment de l'« accroissement temporaire d'activité lié aux fêtes de fin d'année » invoqué dans le premier contrat d'intérim régularisé le 10 décembre 2013.

Et, même à le supposer établi, ce que l'absence de toute pièce probante produite par la société utilisatrice à cet égard ne permet pas de considérer, le surcroît temporaire d'activité invoqué par la SASU FRIGO TRANSPORT 69 comme justifiant le recours à certaines de ces missions d'intérim tient expressément, à son sens, « soit à des périodes de vacances scolaires, notamment Pâques (avril ' mai), soit à la période des fêtes de fin d'année (décembre - janvier) ». Mais, dès lors qu'il était susceptible d'intervenir à la même fréquence, sur les mêmes périodes annuelles et suivant un mode d'organisation identique - aux termes mêmes des explications de l'entreprise utilisatrice - ce surcroît d'activité constituait en réalité pour la SASU FRIGO TRANSPORT 69 une activité permanente et non occasionnelle, quand bien même elle aurait été intermittente.

Il ressort enfin des propres explications dont la SASU FRIGO TRANSPORT 69 saisit la cour, et de l'attestation de son salarié [X] [O] qu'elle verse aux débats, que dès le 3 octobre 2014 la société utilisatrice a estimé devoir proposer à [F] [R] de l'embaucher de façon pérenne en qualité de préparateur de commandes, mais que l'intéressée avait refusé à plusieurs reprises de régulariser les contrats de travail à durée indéterminée à temps plein qu'elle lui avait soumis.

Il apparaît ainsi, au terme de l'ensemble des énonciations qui précèdent, que la mise à disposition d'[F] [R] au sein de la SASU FRIGO TRANSPORT 69 sous le couvert de contrats de mission successifs s'inscrivait en réalité, dès le 10 décembre 2013, dans le cadre de l'activité normale et permanente de cette entreprise ;

Il convient par conséquent, par application des dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, de requalifier les contrats de mission conclus par [F] [R] aux fins de mise à disposition de la SASU FRIGO TRANSPORT 69, en contrat de travail à durée indéterminée la liant à cette entreprise à compter du premier jour de sa mission, soit le 10 décembre 2013.

Et il convient de façon afférente, par application des dispositions de l'article L. 1251-41, alinéa 2, du code du travail et compte-tenu des circonstances ci-dessus décrites, de condamner la SASU FRIGO TRANSPORT 69 à verser à [F] [R], conformément à sa demande, la somme de 1 786,65 euros à titre d'indemnité de requalification.

Il apparaît, enfin, que la relation de travail entre [F] [R] et la SASU FRIGO TRANSPORT 69 a pris fin le 6 janvier 2017.

Et il apparaît constant que cette rupture est intervenue hors de tout formalisme.

Pourtant, l'employeur qui prend l'initiative de la rupture du contrat de travail, le rompt ou le considère comme rompu, en dehors de toute manifestation de volonté expresse du salarié tendant à la rupture qui n'est ni alléguée ni a fortiori démontrée en l'espèce, doit engager la procédure de licenciement. A défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il conviendra par conséquent de condamner la SASU FRIGO TRANSPORT 69, par application des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail et compte-tenu de la durée de service continu de la salariée au service de son employeur, de verser à [F] [R] la somme de 3 573,30 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents.

Et il convient par ailleurs de condamner la SASU FRIGO TRANSPORT 69, par application des dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail, à verser à [F] [R] la somme de 536 euros à titre d'indemnité de licenciement.

Enfin, eu égard au montant de la rémunération mensuelle brute qu'elle percevait, de son ancienneté, des circonstances de la rupture et de sa difficulté à retrouver un emploi stable et de même niveau de rémunération, [F] [R] a subi un préjudice à raison de la perte injustifiée de son emploi qui peut être évalué à la somme de 11 000 euros, dont la SASU FRIGO TRANSPORT 69 lui devra réparation.

Et, conformément aux possibilités ouvertes par ces dispositions, il conviendra en outre de faire application d'office de l'article L.1235-4 du code du travail, et de condamner la SASU FRIGO TRANSPORT 69 à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage.

- Sur la mise en cause des entreprises de travail temporaire :

[F] [R] fait valoir en substance, au soutien de ses demandes, que :

- les sociétés FRIGO TRANSPORT 69, EVA & SENS EMPLOI, HERCO [Localité 6] et ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA ont méconnu les dispositions légales en matière de recours au travail temporaire en l'employant sous le statut de travailleur intérimaire pendant plus de 3 ans, au même poste, pour occuper un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société utilisatrice ;

- la succession de missions pour une durée totale de plus de trois années par l'intermédiaire de plusieurs agences d'intérim constitue la preuve objective de l'entente illicite des agences d'intérim qui ont permis à la société FRIGO TRANSPORT 69 de bénéficier d'une mise à disposition d'une salarié expérimentée pour un poste unique, à laquelle il a été mis fin brutalement par le non-renouvellement de la dernière mission ;

- les entreprises de travail temporaire ainsi intervenues doivent assumer in solidum les conséquences de leur entente illicite et de la rupture irrégulière de la relation contractuelle litigieuse.

La SELARL MJ & ASSOCIES, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS EVA & SENS EMPLOI fait notamment valoir, en réponse, qu'aucune requalification de la relation de travail ni condamnation ne peut être prononcée à son encontre alors que :

- la durée globale de la relation de travail est restée limitée à 17 mois et 26 jours et qu'elle a refusé de poursuivre la mise à disposition de cette salariée au sein de la même société utilisatrice au-delà du seuil de 18 mois ;

- la SAS EVA & SENS EMPLOI n'a d'ailleurs conclu aucun autre contrat de mission avec cette salariée par la suite et c'est Madame [R] qui a pris l'initiative de conclure d'autres contrats de mission avec HERCO [Localité 6] puis ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA afin de poursuivre sa mise à disposition au sein de la société FRIGO TRANSPORTS 69 ;

- aucune entente illicite avec l'entreprise utilisatrice ne peut sérieusement lui être opposée ;

- les contrats de mission qu'elle a conclus avec Madame [R] était valablement justifiés et n'avaient pas pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice à qui il appartient, seule, d'objectiver la réalité des motifs invoqués ;

- tous les contrats de missions conclus avec Madame [R], datés, ont été signés par l'intéressée et comportaient l'ensemble des mentions obligatoires.

La SASU HESCO [Localité 6] soutient notamment, pour sa part, que :

- les sociétés HERCO [Localité 6], EVA&SENS EMPLOI et ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA étant trois entreprises de travail temporaire sans aucun lien juridique ou contractuel, il est inconcevable d'imaginer la moindre entente illicite entre elles ;

- en tout état de cause, l'entente illicite ne se présume pas et il appartient à la salariée qui l'invoque d'en rapporter la preuve, ce qu'elle ne fait pas ;

- seule l'entreprise utilisatrice est à même de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans les contrats de mission ;

- Madame [R] n'a jamais porté la situation qu'elle dénonce aujourd'hui à la connaissance de la société HERCO [Localité 6], ni durant toute sa période de délégation, ni durant l'année et demie qui a suivi la fin de sa délégation auprès de la société FRIGO TRANSPORTS 69 ;

- tous les contrats de mission qu'elle a proposés à [F] [R], qui portent mention de leur date de conclusion, ont été signés par cette dernière ;

- l'appelante ne démontre pas que les mentions des contrats qu'elle a ainsi signés ne seraient pas conformes aux dispositions du code du travail, et une éventuelle irrégularité ne figure pas au nombre des cas de requalification expressément visés par les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail ;

- en tout état de cause, les périodes de délégation ayant été entrecoupées de plusieurs interruptions, l'ancienneté de la salariée était inférieure à un an, aucun cumul ne pouvant s'effectuer entre les différentes entreprises de travail temporaire par lesquelles elle a été déléguée ;

- aucune rupture du contrat de travail ne lui est imputable, dès lors que la salariée a été embauchée après sa dernière délégation par une autre entreprise de travail temporaire.

Enfin, la SNC ACTUAL [Localité 6] 393, venant aux droits de la SNC ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA, soutient principalement que :

- les entreprises de travail temporaire intimées n'ayant aucun lien juridique les unes avec les autres, Madame [R] ne peut solliciter leur condamnation in solidum, alors qu'elles étaient liées à l'intéressée par des contrats de mission complètement indépendants les uns des autres ;

- la demande de requalification formulée à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, écarte, par principe, les actions contre l'entreprise de travail temporaire sur les mêmes motifs et donc sa condamnation à ce titre ;

- aucune entente illicite entre la société FRIGO TRANSPORT 69 et elle n'est démontrée par l'appelante ;

- tous les contrats de mission de Madame [R], datés et qu'elle produit elle-même aux débats, ont été signés par l'intéressée ;

- l'appelante n'effectue aucune démonstration précise des irrégularités des mentions des contrats qu'elle invoque ;

- en tout état de cause, l'appelante ne peut d'aucune façon se prévaloir envers elle d'une ancienneté acquise au sein d'autres employeurs, les sociétés HERCO [Localité 6] et EVA &SENS.

* * * * *

Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, qui sanctionnent l'inobservation, par l'entreprise utilisatrice, des dispositions des articles L. 1251-5 et suivants, L. 1251-10 et suivants, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d''uvre est interdite, n'ont pas été respectées.

Or, s'il ressort en l'espèce des énonciations qui précèdent que la mise à disposition de la SASU FRIGO TRANSPORT 69 au cours de la période du 10 décembre 2013 au 6 janvier 2017, sous couvert de multiples contrats de mission successifs, répondait en réalité à la nécessité de pourvoir un emploi permanent lié à l'activité normale de cette entreprise, les allégations d'[F] [R] selon lesquelles sa mise à disposition illicite aurait relevé d'une entente frauduleuse entre l'entreprise utilisatrice et les entreprises de travail temporaire successivement intervenues, ne reposent sur aucune pièce probante.

Il ne peut en effet être déduit de la seule circonstance que la SASU FRIGO TRANSPORT 69 a successivement eu recours à trois entreprises de travail temporaire distinctes pour poursuivre la mise à disposition continue d'[F] [R] en qualité de préparatrice de commandes que les sociétés EVA&SENS EMPLOI, HERCO [Localité 6] ou ACTUAL [Localité 6] 393 auraient eu connaissance du caractère fallacieux des motifs de recours invoqués par l'entreprise utilisatrice ni que celles-ci auraient délibérément participé à des man'uvres visant à pourvoir de façon illicite un emploi permanent lié à l'activité normale de cette entreprise.

Et il apparaît parallèlement à cet égard, à l'examen des pièces versées aux débats, que contrairement à ce que soutient fallacieusement la salariée, sans toutefois préciser ni dater les irrégularités dont elle entend se prévaloir, la mise à disposition d'[F] [R] au profit de la SASU FRIGO TRANSPORT 69 est intervenue sous couvert de contrats de mission datés du premier jour de la mission, qui précisent le motif du recours au contrat d'intérim, comportent l'ensemble des mentions obligatoires détaillées à l'article L. 1251-16 du code du travail et supportent, tous, la signature de la salariée.

[F] [R] doit par conséquent être de ses demandes en ce qu'elles tendent à la condamnation solidaire des entreprises de travail temporaire EVA&SENS EMPLOI, HERCO [Localité 6] et ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA.

- Sur les demandes accessoires :

[F] [R] est légitimement fondée à prétendre à la remise par son employeur, par application des dispositions des articles L. 3243-2 et R. 3243-1 du code du travail, d'un seul bulletin de paie rectificatif pour l'ensemble de la période en litige.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas, pour autant, d'assortir l'injonction faite en ce sens à la SASU FRIGO TRANSPORT 69 du prononcé d'une astreinte.

La SASU FRIGO TRANSPORT 69, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit toutefois être tenue d'en supporter les entiers dépens.

Et il serait particulièrement inéquitable par ailleurs de laisser à la charge d'[F] [R] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer pour la défense en justice de ses intérêts, en première instance puis en cause d'appel, de sorte qu'il convient de condamner la SASU FRIGO TRANSPORT 69 à lui verser la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la demande d'[F] [R] tendant à la distraction au profit de son conseil des sommes lui étant dues par la SASU FRIGO TRANSPORT 69 au titre des frais irrépétibles, qui ne repose sur aucune disposition légale ou réglementaire, ne peut prospérer.

PAR CES MOTIFS :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés,

DIT recevables les demandes formées par [F] [R] ;

REQUALIFIE la relation de travail entre [F] [R] et la SASU FRIGO TRANSPORTS 69 en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 décembre 2013 ;

CONDAMNE la SASU FRIGO TRANSPORTS 69 à verser à [F] [R] les sommes de :

- mille sept cent quatre-vingts-six euros et soixante-cinq centimes (1 786,65 euros) bruts à titre d'indemnité de requalification,

- trois mille cinq cent soixante-treize euros et trente centimes (3 573,30 euros) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- trois cent cinquante-sept euros et trente centimes (357,30 euros) bruts au titre des congés payés afférents,

- cinq cent trente-six euros (536 euros) à titre d'indemnité de licenciement,

- onze mille euros (11 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi ;

CONDAMNE la SASU FRIGO TRANSPORTS 69 à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à [F] [R], du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage ;

DIT que la SASU FRIGO TRANSPORTS 69 sera tenue de délivrer à [F] [R], dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision, les documents afférents à la rupture de la relation de travail (dernier bulletin de paie, certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle Emploi) conformes aux énonciations du présent arrêt ;

REJETTE la demande d'astreinte

DÉBOUTE [F] [R] du surplus de ses demandes à l'encontre de la SASU FRIGO TRANSPORTS 69 ainsi que de ses demandes formées à l'encontre de la SASU HERCO [Localité 6], de la SNC ACTUAL [Localité 6] 393, venant aux droits de la SNC ACTUAL [Localité 6] GAMBETTA, et de Maître [K] [B], en son nom personnel et en qualité de mandataire-liquidateur de la SAS EVA&SENS EMPLOI ;

CONDAMNE la SASU FRIGO TRANSPORTS 69 à verser à [F] [R] la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SASU HERCO [Localité 6], la SNC ACTUAL [Localité 6] 393 et la SELARL MJ & ASSOCIES, en qualité de mandataire-liquidateur de la SAS EVA&SENS EMPLOI, de leurs demandes formées sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

CONDAMNE la SASU FRIGO TRANSPORT 69 aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/01553
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;19.01553 ?
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