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04/05/2022 | FRANCE | N°19/00967

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 04 mai 2022, 19/00967


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/00967 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MF3M



[H]

C/

Société HILL-ROM



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Janvier 2019

RG : F16/03502

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 04 MAI 2022





APPELANT :



[Z] [H]

né le 28 Mai 1974 à [Localité 5]

[Adresse 7]

[Localité 2]



représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SC

P JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Pascale REVEL de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Alexandra MANRY, a...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/00967 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MF3M

[H]

C/

Société HILL-ROM

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Janvier 2019

RG : F16/03502

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 04 MAI 2022

APPELANT :

[Z] [H]

né le 28 Mai 1974 à [Localité 5]

[Adresse 7]

[Localité 2]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Pascale REVEL de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Alexandra MANRY, avocat au barreau de LYON,

INTIMÉE :

Société HILL-ROM

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Christine ARTUS du PARTNERSHIPS K & L GATES LLP, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Natacha MEYER, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

[Z] [H] a été embauché à compter du 17 juin 2013 en qualité de coordinateur travaux ' qualification AF14, coefficient 425, statut non-cadre au forfait ' par la SAS HILL-ROM, suivant contrat de travail écrit à durée indéterminée du 11 juin 2013 soumis à la convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement (IDCC 1411).

Suivant avenant au contrat de travail régularisé le 23 septembre 2014, [Z] [H] a été promu au niveau de qualification cadre, position 1, échelon 1, coefficient 475 de la convention collective.

[Z] [H] a dû bénéficier d'un arrêt de travail du 24 décembre 2014 au 24 mai 2015.

A l'issue de la visite du 28 mai 2015, le médecin du travail a estimé [Z] [H] apte à la reprise de son poste, par avis rédigé dans les termes suivants : « Apte. Une étude de la charge de travail est nécessaire afin d'évaluer les risques d'épuisement professionnel et du risque routier. A revoir dans un an ou avant si nécessaire ».

Par correspondance du 8 septembre 2016, la SAS HILL-ROM a convoqué [Z] [H] à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 16 septembre suivant.

La SAS HILL-ROM a procédé au licenciement de [Z] [H] pour insuffisance professionnelle, par lettre recommandée du 3 octobre 2016.

Le 16 novembre 2016, [Z] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de demandes indemnitaires au titre du harcèlement moral dont il exposait avoir été victime au cours de la relation de travail, de l'occupation à des fins professionnelles de son domicile personnel, ainsi que d'une contestation du licenciement dont il a fait l'objet et de demandes indemnitaires et salariales afférentes à la rupture de la relation de travail.

Et, le 11 août 2017, [Z] [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de paiement de la contrepartie financière à la clause contractuelle de non-concurrence qui le liait à la SAS HILL-ROM.

Par jugement en date du 10 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon ' section encadrement, a :

ORDONNÉ dans l'intérêt d'une bonne justice la jonction des procédures inscrites sous le N° RG 16/03502 et RG 17/02500 conformément à l'article 367 du code de procédure civile ;

DIT que la procédure serait suivie sous le RG 16/03502 ;

DIT ET JUGÉ que [Z] [H] n'avait pas été victime de harcèlement moral et que la société HILL-ROM ne s'était pas rendue coupable d'exécution déloyale du contrat de travail de Monsieur [H] ;

DÉCLARÉ le licenciement de [Z] [H] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTÉ [Z] [H] de ses demandes indemnitaires au titre du harcèlement moral et de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

CONDAMNÉ la société HILL-ROM à verser à [Z] [H] la somme de 18 267,79 euros au titre de la contrepartie financière à sa clause de non-concurrence ;

CONDAMNÉ en outre la société HILL-ROM à verser à [Z] [H] la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnisation de la sujétion liée à l'utilisation d'un bureau à son domicile ;

DÉBOUTÉ Monsieur [Z] [H] de sa demande de remboursement du constat d'huissier ;

CONDAMNÉ la Société HILL-ROM à verser à [Z] [H] la somme de 2 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTÉ la société HILL-ROM de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTÉ les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

LAISSÉ à chacun la charge de ses propres dépens.

[Z] [H] a interjeté appel de cette décision le 8 février 2019.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 25 octobre 2019 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [Z] [H] sollicite de la cour de :

Au titre de l'exécution du contrat de travail :

INFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la société HILL-ROM au règlement de 20 000 euros nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité ;

En conséquence,

CONDAMNER la société HILL-ROM au règlement de 20 000 euros nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité et subsidiairement pour exécution déloyale du contrat de travail ;

INFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remboursement du constat d'huissier à une somme de 745,99 euros ;

En conséquence,

CONDAMNER la société au remboursement de 745,99 euros de constat d'huissier nécessaire à la sauvegarde de ses droits ;

CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société HILL-ROM au paiement d'une indemnité de sujétion liée à l'utilisation d'un bureau à son domicile ;

INFIRMER le jugement pour le montant alloué pour le surplus et condamner la société HILL-ROM au paiement de la somme de 8 000 euros nets aux lieu et place des 1 080 euros alloués en première instance ;

Au titre de la rupture du contrat de travail :

INFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER la société HILL-ROM au règlement de la somme de 35 000 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société HILL-ROM à verser la somme de 18 267,79 euros à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il a omis la somme de 1 826,77 euros au titre des droits à congés payés afférents à la contrepartie financière et les y ajouter ;

Dans tous les cas,

CONDAMNER la SAS HILL-ROM au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la SAS HILL-ROM aux dépens ;

A titre infiniment subsidiaire,

CONFIRMER le jugement de première instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2021, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS HILL ROM sollicite de la cour de :

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :

- À titre principal,

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon ;

DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [H] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

DÉBOUTER Monsieur [H] de sa demande d'indemnisation à ce titre à hauteur de 35 000 euros nets ;

- À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à entrer en voie de condamnation à son encontre,

RÉDUIRE significativement le montant des sommes allouées à Monsieur [H] ;

FIXER les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 22 855 euros bruts ;

Sur les demandes relatives au harcèlement moral et à l'exécution du contrat :

À titre principal,

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon ;

DIRE ET JUGER que Monsieur [H] n'a pas été victime de harcèlement moral et qu'elle s'est conformée à son obligation de sécurité ;

DIRE ET JUGER, subsidiairement, qu'elle a exécuté loyalement le contrat de travail de Monsieur [H] ;

En conséquence,

DÉBOUTER Monsieur [H] de sa demande d'indemnisation à ce titre à hauteur de 20 000 euros nets ;

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à entrer en voie de condamnation à son encontre,

REJETER les demandes disproportionnées de Monsieur [H] ou, à titre infiniment subsidiaire, réduire significativement faute de préjudice établi par Monsieur [H] ;

Sur la demande relative au remboursement des frais d'huissiers :

DIRE ET JUGER que Monsieur [H] est mal fondé à solliciter le remboursement des frais de huissier engagés ;

En conséquence,

DÉBOUTER Monsieur [H] de sa demande de remboursement à ce titre à hauteur de 745,99 euros ;

Sur l'indemnité de sujétion :

- À titre principal,

INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon ;

En conséquence,

DÉBOUTER Monsieur [H] de sa demande d'indemnisation à ce titre à hauteur de 8 000 euros ;

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à entrer en voie de condamnation à son encontre,

REJETER les demandes disproportionnées de Monsieur [H] ou, à titre infiniment subsidiaire, réduire cette indemnisation en-deçà de la somme de 1 080 euros allouée par le conseil de prud'hommes de Lyon ;

Sur la clause de non-concurrence :

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon ;

DIRE ET JUGER que la société a bien effectué le paiement de la somme de 18 267,79 euros bruts au titre de la contrepartie de la clause de non concurrence ;

CONSTATER qu'elle a également procédé à titre volontaire au paiement de l'indemnité de congés payés afférents à la contrepartie de l'indemnité de clause de non-concurrence d'un montant de 1 826,78 euros bruts ;

En conséquence,

DÉBOUTER Monsieur [H] de ses demande en ce qu'il est bien rempli de ses droits par le paiement de ces sommes ;

En toute hypothèse,

INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 2 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTER Monsieur [H] de sa demande de paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Monsieur [H] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Monsieur [H] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 13 janvier 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 15 février 2022.

SUR CE :

- Sur le harcèlement moral :

[Z] [H] soutient en substance, à l'appui de sa demande indemnitaire, qu'il a été victime d'agissements répétés de son employeur ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, caractérisés par :

- l'ajout de tâches non prévues au contrat, sans moyens associés, s'agissant du management d'une équipe pour lequel il n'a bénéficié d'aucune formation adaptée ;

- la pression constante et le ton déplacé employé par son supérieur hiérarchique, s'agissant de la répartition inéquitable des dossiers et de ses sollicitations peu rationnelles, de ses demandes d'informations alors que l'intéressé avaient l'ensemble des éléments en sa possession, voire de ses invectives ou de remarques vexatoires ;

- sa mise à l'écart de la prise en charge des chantiers TRUMPF puis du client HCL ou du chantier du site de Clairval 01 au motif invoqué de « dysfonctionnements de gestion » sur son secteur ;

- le non-respect des préconisations formulées par le médecin du travail, s'agissant plus particulièrement de l'étude de sa charge de travail.

La SAS HILL-ROM soutient principalement, en réponse, que :

- le rôle d'encadrement confié à [Z] [H] était afférent à son statut de cadre, et n'a jamais été contesté par l'intéressé au cours de la relation de travail ;

- aucun email n'est apporté par le salarié, ni aucun échange portant sur l'exercice de cette mission d'encadrement et sur une supposée charge de travail trop importante ;

- les reproches adressés à [Z] [H] rentraient dans le cadre normal de la relation entre un supérieur hiérarchique et son subordonné, au regard notamment de son absence de réactivité ;

- les seuls termes du courriel du 28 novembre 2014, d'ailleurs suivi immédiatement d'un courriel d'excuse de leur auteur, sont, à eux seuls, insuffisants à établir l'existence d'agissements répétés laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

- Monsieur [H] éprouvait de fortes difficultés à gérer l'ensemble de ses missions, plusieurs retards ayant été constatés et des plaintes clients relevées, de sorte qu'elle a procédé à des changements dans son organisation, qui ne caractérisaient pas une mise à l'écart de l'intéressé, qui continuait de travailler sur d'autres chantiers moins prenants, mais d'une réorganisation afin de lui permettre de ne pas se disperser ;

- A l'issue de la visite de reprise du 28 mai 2015, le médecin du travail n'a nullement jugé nécessaire de revoir Monsieur [H] à la suite de l'étude qu'il a conduite, et ses préconisations ne comportaient aucune obligation pour l'employeur d'organiser une visite médicale ; au demeurant, la charge de travail du salarié a été réduite à l'issue de la réorganisation à laquelle elle a procédé ;

- les arrêts de travail dont a bénéficié [Z] [H] sont sans lien établi avec ses conditions de travail.

* * * * *

L'article L. 1152-1 du code du travail rappelle qu'indépendamment de l'intention de leur auteur, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, ou susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de l'article L. 1154-1 du même code que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Et il convient de relever en l'espèce en premier lieu, s'agissant du grief tiré par l'appelant de l'ajout par son employeur de tâches non prévues au contrat, que [Z] [H] a été recruté à compter du 17 juin 2013 par la SAS HILL ROM en qualité de coordinateur de travaux, puis a été promu au statut cadre, coefficient 475, à compter du 1er septembre 2014.

Et la fiche de poste (« job description ») établie par la SAS HILL ROM qu'il verse aux débats décrit notamment que le coordinateur de travaux aura pour responsabilités générales d'« Assurer la préparation des chantiers/installations des systèmes de lève-malade conformément aux plans validés par le Bureau d'Etudes ainsi qu'en accord avec les préconisations de montage Hill [Localité 6]/Liko tout en respectant les délais et requêtes clients. Assurer les audits de fin de chantier en accord avec les préconisations de montage Hill-Rom », ainsi que diverses responsabilité en matière de sécurité et d'environnement.

Cette fiche de poste ne prévoit pas expressément l'exercice concomitant de responsabilités managériales par le coordinateur de travaux, à l'égard de subordonnés.

Or, si l'appelant ne précise pas l'étendue des responsabilités managériales qui lui auraient été confiées au cours de la relation de travail, et ne vise aucune pièce probante à cet égard dans les conclusions dont il saisit la cour, il ressort des explications convergentes des parties ainsi que des compte-rendus des évaluations de son activité professionnelle pour les années 2013 et 2015 comme des termes de la lettre de licenciement du 3 octobre 2016 que [Z] [H] a notamment eu pour tâche, à compter de son embauche, d'assurer l'animation et la coordination d'une équipe de plusieurs techniciens, l'item afférent « Maîtrise des opérations ' Compétences de maîtrise des opérations d'un manager/superviseur » ayant d'ailleurs été successivement évalué par son employeur au niveau « 3 ' correspond aux attentes » le 15 octobre 2013 puis au niveau « 2 ' répond partiellement aux attentes » le 8 octobre 2015.

[Z] [H] étaye le grief qu'il tire, en second lieu, de la pression constante et du ton déplacé employé par son supérieur hiérarchique, par la production de :

- un courriel reçu de son supérieur hiérarchique [P] [O] le vendredi 28 novembre 2014 à 16h30 et rédigé dans les termes suivants : « [Z], C'est quoi ce bordel !!! Je viens d'avoir M. [W] qui n'a eu confirmation malgré son mail et notre conversation tél à ce sujet », suivi d'un second reçu le même jour à 17h20, rédigé dans les termes suivants : « [Z], Excuses moi pour le mail un peu sec que je viens de t'envoyer. J'ai vu que tu avais fait le nécessaire mais comme je te l'ai déjà dit à plusieurs reprises si tu me mets en copie je voie que c'est fait et je peux répondre au client. Merci » ;

- deux courriels, dont il est lui-même l'auteur, des 5 et 10 janvier 2015 par lesquels il entendait se plaindre auprès d'un délégué syndical de l'entreprise d'une répartition inéquitable des dossiers et de relances intempestives par son supérieur hiérarchique quant à la transmission d'éléments déjà en sa possession, dépourvus de réelle valeur probante ;

- un courriel reçu de son supérieur [P] [O] le 29 février 2016 pour lui demander, ainsi qu'à la chargée d'affaires de l'entreprise qui venait de le rendre destinataire d'un échange de courriels avec l'intéressé concernant les difficultés constatés sur un chantier de l'entreprise à [Localité 4] sur lequel il était intervenu, d'« arrêter de suite ces querelles de clocher » et leur rappeler qu'ils devaient « travaille(r) tous pour le même objectif » ;

- un échange de courriels le 26 mai 2016 avec la même chargée d'affaires de l'entreprise concernant la fixation par cette dernière de rendez-vous de démarrage de chantiers et d'une réception de chantier sur son agenda professionnel ;

- un courriel reçu de son supérieur [P] [O] le mardi 19 juillet 2016 à 12h41 à l'objet « es-tu au travail » par lequel celui-ci lui reprochait de n'avoir « aucune nouvelle depuis lundi matin » concernant trois chantiers en cours et de tomber directement sur sa messagerie lorsqu'il cherchait à le joindre.

Il convient de relever en troisième lieu, s'agissant du grief tiré par le salarié de sa mise à l'écart de plusieurs chantiers, que par courriel du 27 juin 2016 à l'objet « Gestion dossiers secteur Rhone/Alpes », [Z] [H] a été informé par son supérieur hiérarchique que « suite aux dysfonctionnements de gestion (constatés) sur (s)on secteur », il était déchargé avec « Mise en application immédiate » des « des dossiers Trumpf, (') du client HCL, (') du dossier ' Site de Clairval 01 ».

Il convient de relever pour autant, à cet égard, à l'examen des pièces présentées par ailleurs par [Z] [H], que :

- les difficultés constatées sur le chantier des HCL avaient donné lieu, depuis le mois de mars 2016 au moins, à plusieurs demandes d'explications et échanges entre [Z] [H], la chargée d'affaires de l'entreprise et/ou son supérieur hiérarchique ;

- les difficultés constatées dans l'organisation et le déroulement du chantier « Clairval 01 » avaient donné lieu à plusieurs transmissions électroniques de la représentante de l'hôpital nord-ouest de [Localité 8] puis à des demandes d'explications et échanges entre [Z] [H] et la chargée d'affaires concernée au cours des mois de mai et juin 2016 ;

- la nouvelle prise en charge des chantiers « Trumpf » par l'agence venait d'être annoncée, quelques heures plus tôt, par courriel de [P] [O] adressé à l'ensemble des salariés de l'établissement, parmi lesquels [Z] [H].

Il apparaît enfin, s'agissant en quatrième et dernier lieu du grief tiré par le salarié du non-respect par l'employeur des préconisations formulées par le médecin du travail, que par avis établi à l'issue de la visite de reprise du 28 mai 2015, le médecin du travail a estimé [Z] [H] apte à la reprise de son poste, tout en précisant que « Une étude de la charge de travail est nécessaire afin d'évaluer les risques d'épuisement professionnel, et de risque routier » et que le salarié était « A revoir dans 12 mois ».

[Z] [H] relève à cet égard qu'il n'a bénéficié d'aucune étude de sa charge de travail par l'employeur ou le médecin du travail et n'a bénéficié d'aucune nouvelle visite auprès de ce dernier, tandis que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3121-46 dans leur rédaction alors applicable aux salariés soumis à une convention de forfait en jours, l'employeur s'était abstenu d'organiser le suivi de sa charge de travail.

Il convient de relever, parallèlement, que [Z] [H] a dû bénéficier d'un arrêt de travail du 24 décembre 2014 au 24 mai 2015 à raison prescrit par son médecin traitant « pour une dépression réactionnelle qui a nécessité traitement médicamenteux et suivi par une psychologue ». Et [Z] [H] justifie avoir dû bénéficier d'un traitement médicamenteux durant un mois à compter du 14 septembre 2016, puis d'un nouvel arrêt de travail pour maladie du 28 septembre au 14 octobre 2016, soit concomitamment à l'engagement et à la mise en 'uvre de la procédure de licenciement à son égard.

Il doit pourtant être relevé que les éléments médicaux ainsi recensés sont insuffisants, en tant que tels, à laisser supposer l'existence d'un lien, même partiel, entre la dégradation de l'état de santé de [Z] [H] et ses conditions de travail.

Il apparaît ainsi, au terme des énonciations qui précèdent, que les éléments de fait ponctuels, éparses, présentés par [Z] [H] dans les circonstances ci-dessus précisées, même pris dans leur ensemble, sont à eux seuls insuffisants à laisser présumer une dégradation de ses conditions de travail, une atteinte à ses droits ou à sa dignité, une altération de sa santé ou une compromission de son avenir professionnel et que, ainsi qu'il le soutient, il aurait été victime d'agissements de harcèlement moral au cours de la relation de travail.

Le jugement déféré, qui a débouté [Z] [H] de la demande indemnitaire qu'il formait au titre du harcèlement moral, doit par conséquent être confirmé.

- Sur l'exécution du contrat de travail :

[Z] [H] fait principalement valoir, au soutien de sa demande indemnitaire, que son employeur a exécuté de façon déloyale le contrat de travail en ce que :

- son employeur lui a ajouté des tâches hors contrat, sans moyens associés ;

- la SAS HILL ROM a exercé sur lui une pression constante ;

- son supérieur usait à son égard d'un ton déplacé ;

- il a fait l'objet d'une mise à l'écart ;

- son employeur n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail et n'a pas contrôlé sa charge de travail.

La SAS HILL ROM soutient principalement, en réponse, que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence des manquements qu'il invoque à son encontre dans l'exécution du contrat de travail.

* * * * *

Il ressort des dispositions de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code aux termes de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose à cet égard que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Mais il convient de constater en l'espèce que [Z] [H], qui soutient que « l'exécution déloyale du contrat de travail (') est caractérisée par :

1/ L'ajout de tâches hors contrat et sans moyens associés,

2/ La pression constante,

3/ Le ton déplacé employé par le supérieur,

4/ La mise à l'écart,

5/ Le non-respect des préconisations médicales, et le défaut de contrôle de la charge de travail du salarié », s'abstient, en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, de formuler plus avant les moyens de fait sur lesquels il entendait fonder sa prétention, et d'indiquer les pièces qu'il entendait invoquer de ce chef.

Il apparaît au demeurant que les seules pièces versées aux débats par l'appelant sont largement insuffisantes pour permettre de considérer que, ainsi que le soutient le salarié, les fonctions managériales confiées à [Z] [H] à compter de son embauche en sa qualité de conducteur de travaux, au-delà des strictes mentions de la fiche de poste applicable au sein de l'entreprise, caractériseraient de la part de l'employeur une exécution déloyale du contrat de travail.

Il apparaît par ailleurs que les griefs tirés par [Z] [H] de « la pression constante » et du « ton déplacé employé par le supérieur » ne reposent sur aucune pièce objective probante.

Et, ainsi qu'il ressort notamment des énonciations qui précèdent, la mise à l'écart de [Z] [H] de plusieurs chantiers de l'entreprise le 27 juin 2016 faisait suite à plusieurs demandes d'explications et recadrages de son supérieur concernant les difficultés d'exécution dont il avait été saisi par les sociétés clientes concernant l'avancement des chantiers en cause. Il ne peut être considéré ainsi, à l'examen des seules pièces versées aux débats à cet égard, que la SAS HILL ROM aurait alors fait un usage déloyal ou fautif de son pouvoir de direction.

Il apparaît, pour autant, que dans l'avis qu'il a été amené à rédiger à l'issue de la visite de reprise du salarié du 28 mai 2015, le médecin du travail a estimé [Z] [H] apte à la reprise de son poste de conducteur de travaux, tout en précisant qu'« Une étude de la charge de travail est nécessaire afin d'évaluer les risques d'épuisement professionnel, et de risque routier » et que le salarié était « A revoir dans 12 mois ».

Pourtant, la SAS HILL-ROM, tenue à l'égard de son salarié d'une obligation de sécurité et de prévention, ne justifie pas qu'elle aurait procédé, ou fait procéder, à une évaluation de la charge de travail de son salarié ni qu'elle aurait pris les mesures permettant d'évaluer le risque d'épuisement professionnel et le risque routier auquel pouvait être confronté l'intéressé ni, a fortiori, de l'en prémunir.

Et il ressort parallèlement des dispositions de l'article L. 3121-46, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088, que l'employeur est tenu d'organiser un entretien annuel individuel avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, cet entretien devant porter sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Pourtant, la SAS HILL-ROM, qui avait régularisé avec [Z] [H] une convention individuelle de forfait en jours à compter de son embauche, ne justifie pas qu'elle aurait procédé à l'organisation de tels entretiens au profit de son salarié, à un quelconque moment de la relation de travail. Et il peut d'ailleurs être relevé que les deux compte-rendus d'évaluation de l'activité professionnelle de l'intéressé pour les années 2013 et 2015 ne portent aucune mention relative à la charge de travail de l'intéressé ni à son éventuelle incidence sur sa vie personnelle et familiale.

Il apparaît ainsi, au regard de l'ensemble des énonciations qui précèdent, et compte-tenu également de la nature itinérante des fonctions dévolues au salarié dont se prévaut par ailleurs la SAS HILL-ROM, que le non-respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail et son manquement concomitant à l'obligation de s'assurer du caractère soutenable, pour la vie personnelle et familiale de l'intéressé, de la charge de travail de son salarié, ainsi mis en évidence, ont généré un préjudice pour [Z] [H] qui peut être évalué à la somme de 3 000 euros.

La SAS HILL-ROM lui en devra réparation, par infirmation du jugement déféré.

- Sur l'indemnité d'occupation du domicile personnel :

[Z] [H] fait valoir en substance, au soutien de sa demande, qu'il n'était rattaché à aucun bureau pour l'exercice de ses fonctions, qui rendaient nécessaire des interventions quotidiennes sur les chantiers situés dans un vaste périmètre géographique, de sorte qu'il a été contraint d'aménager à son domicile personnel un bureau lui permettant de procéder aux tâches administratives induites par ses fonctions.

La SAS HILL-ROM soutient principalement, en réponse, que les fonctions de coordinateur travaux sont nécessairement et par nature itinérantes, et Monsieur [H] n'apporte pas la preuve de l'utilisation de son bureau personnel à des fins professionnelles. En tout état de cause, l'utilisation professionnelle de son domicile par le salarié ne pouvait résulter que de son choix personnel et non d'une obligation imposée par la société.

* * * * *

Il convient de rappeler que le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition par son employeur pour l'exercice de ses fonctions.

En l'espèce, le contrat de travail conclu le 11 juin 2013 entre la SAS HILL-ROM et [Z] [H] prévoit notamment (« Art. 3 - Lieu ») : « 3-1- A titre d'information, le lieu de travail est fixé dans la région Rhône-Alpes / PACA, mais le salarié est conduit à exercer ses fonctions en collaboration avec les sociétés du groupe auquel la société appartient ».

Et, ainsi que le relève d'ailleurs expressément la SAS HILL-ROM dans les explications dont elle saisit la cour, « comme décrit sans sa fiche de poste, les fonctions du Coordinateur Travaux consistent à « Assurer la préparation des chantiers/installations des systèmes de lève-malade conformément aux plans validés par le Bureau d'Études ainsi qu'en accord avec les préconisations de montage Hill Rom tout en respectant les délais et requêtes clients / Assurer les audits de fin de chantier en accord avec les préconisations de montage Hill-Rom » ».

Mais, tandis qu'il ressort notamment des échanges de courriels entre [Z] [H] et ses supérieurs versés aux débats, les fonctions de coordinateur de travaux confiées au salarié impliquaient évidemment l'accomplissement de multiples tâches administratives (animation et coordination de l'équipe de techniciens et échanges avec les collaborateurs de la société, établissement de compte-rendus d'activité et de visites, notamment par l'intermédiaire du logiciel interne Bulldozair, échanges avec les représentants des sociétés clientes ainsi qu'avec les fournisseurs, etc.).

Et la SAS HILL-ROM ne soutient et ne justifie pas qu'elle aurait effectivement mis à la disposition de son salarié un local lui permettant d'accomplir tout ou partie des tâches qui lui étaient ainsi confiées, de sorte qu'il ne peut être sérieusement soutenu par l'employeur que « si utilisation professionnelle de son domicile il y a, celle-ci résultait d'un choix personnel et non d'une obligation imposée par la Société ».

Il ressort ainsi des énonciations qui précèdent que, au regard des tâches effectivement confiées à l'intéressé et de l'importance concrète des tâches administratives qu'elles induisaient notamment, et de l'importance de la sujétion ainsi imposée à [Z] [H] du fait de l'immixtion dans sa vie privée du travail à accomplir pour l'employeur ainsi que de la nécessité pour lui de recourir à l'utilisation de son abonnement à titre personnel à un service de fourniture d'accès à internet pour les besoins de son activité professionnelle, c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce, que la cour fait sienne, que les premiers juges ont considéré que la SAS HILL-ROM devait être tenue d'indemniser à hauteur de la somme de 1 080 euros la sujétion imposée de ce chef au salarié au cours de sa période d'emploi.

- Sur la rupture du contrat de travail :

[Z] [H] fait valoir principalement, au soutien de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail, que :

- l'employeur s'étant affranchi du respect des préconisations du médecin du travail, s'agissant du suivi particulier de sa charge de travail, son licenciement pour insuffisance professionnelle est nécessairement privé de cause réelle et sérieuse ;

- l'insuffisance professionnelle invoquée par l'employeur n'est pas objectivée, alors qu'il avait fait l'objet de précédentes évaluations positives le 16 octobre 2013, le 15 octobre 2015 et le 10 octobre 2016 ;

- il n'a bénéficié d'aucun soutien ni d'aucune assistance de la part de son employeur pour améliorer ses performances ;

- les reproches formés à son encontre dans la lettre de licenciement ne reposent sur aucun fait précis ni matériellement vérifiable ;

- les griefs formés par l'employeur sont infondés et, en tout état de cause, ne lui sont pas personnellement imputables.

La SAS HILL-ROM soutient notamment, en réponse, que :

- le rôle d'encadrement confié à [Z] [H] était afférent à son statut de cadre, et n'a jamais été contesté par l'intéressé au cours de la relation de travail ;

- le salarié a pu bénéficier d'un accompagnement et de conseil de son supérieur dans l'accomplissement de ses missions ;

- pour autant, malgré les alertes réitérées dont il a été saisi, ses résultats étaient loin d'être satisfaisants, dans la gestion des missions et chantiers qui lui étaient confiés, comme dans l'animation de son équipe et ses relations avec ses collègues.

* * * * *

Il ressort de l'article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse et l'article L.1235-1 du même code prévoit qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste alors, il profite au salarié.

Si l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur doit toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, détaillés dans la lettre de licenciement prévue par l'article L.1232-6 du code du travail et cette lettre fixe, à cet égard, les limites du litige.

Et il apparaît en l'espèce que la SAS HILL-ROM a procédé au licenciement pour insuffisance professionnelle de [Z] [H] par correspondance du 3 octobre 2016 ainsi rédigée :

« Monsieur,

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement qui a eu lieu le 16 septembre 2016.

Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous ont conduits à envisager votre licenciement pour motif personnel. Au cours de cet entretien, les justifications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis d'envisager le maintien de nos relations contractuelles.

En conséquence, nous entendons par la présente vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants.

Vous occupez les fonctions coordinateur travaux sous la responsabilité de Monsieur [P] [O] et ce depuis le.

Lors de votre entretien de performance de mi-année intervenu le 25 avril 2016, nous vous avons fait part d'un certain nombre de griefs qui avaient déjà fait l'objet de remarques et d'un avertissement clair de la part de votre responsable qui en octobre 2015 vous avait signifié que vous n'atteigniez que partiellement vos objectifs.

Ainsi votre manager [P] [O] vous a clairement indiqué à ces deux reprises :

- Que votre planning était vide dans les outils que nous utilisons pour suivre l'activité de nos collaborateurs et des chantiers sur lesquels ils interviennent.

- Que votre implication dans les chantiers et leur préparation n'est pas au niveau de ce que nous attendions.

- Que vous manquiez clairement d'anticipation dans la préparation de ces derniers.

- Que votre rôle de management n'était pas rempli correctement et que vous laissiez trop souvent les installer dans l'expectative et sans instructions claires pour conduire leurs chantiers.

En conclusion de l'entretien votre manager vous avait indiqué que vous étiez sous les projecteurs, propos que vous n'avez pas démenti au cours de l'entretien.

Il vous a aussi été indiqué à cette occasion, que vous ferez l'objet d'un contrôle de votre activité au même titre que vos collègues et qu'il était crucial que vous respectiez impérativement les procédures et les nouveaux outils de suivi de chantier mis en place.

Il vous (a) aussi été indiqué à cette occasion que vous n'étiez pas aux attentes vis-à-vis des objectifs qui vous avez été fixés.

A savoir :

- Vous avez la responsabilité d'organiser les chantiers d'installation de manière à les réaliser dans les temps impartis.

- Vous devez remplir les formulaires informatiques dans le système à savoir dans le logiciel « Bulldozer » de manière à garder une traçabilité et une vision des chantiers en cours.

- Vous devez impérativement tenir au courant les installateurs et les chargés d'affaires des chantiers et de leurs spécificités de manière à ce que ces derniers puissent intervenir de manière efficace.

- Vous devez avoir un rôle d'encadrement claire vis-à-vis des installateurs.

Or nous avons été amenés à constater les dysfonctionnements suivants :

- En juin, votre manager vous a de nouveau demandé :

* de mieux communiquer avec les chargés d'affaire.

* de remplir vos agendas pour que l'on ait une visibilité sur votre activité.

* de remplir les informations demandées dans le logiciel BulldoZair.

- Le 27 juin votre manager vous indique par mail :

* Que la gestion des dossiers de la région Rhône Alpes présente des dysfonctionnements grave.

* Que vous n'avez pas démontré votre capacité de réaliser des visites de pré chantier pour les nouveaux produits Trumpf, alors que l'ensemble de vos collègues ont facilement appréhender cette nouvelle gamme de produits.

* Que vous aviez raté l'installation de la chambre témoin aux HCL.

* Que les enjeux financiers de ce client été tels que nous devions changer d'interlocuteur au risque de perdre un contrat d'un million d'euro.

Le 19 juillet 2016, nous avons constaté que vous ne répondiez pas aux demandes de contact de nos clients.

Le 20 juillet, suite à une plainte client du site de [Localité 8], nous avons constaté que cette réclamation du client était fondée et que l'organisation de ce chantier avait été défaillante. Les délais d'intervention ont été rallongés du fait de dysfonctionnement liés à l'absence de préparation du chantier avec des éléments manquants, de livraisons complémentaires. Le client, nous a clairement signifié qu'il avait des doutes sur la qualité de votre intervention et que nous devions mettre en place des mesures corrective si nous voulions avoir la deuxième tranche du chantier. Le coordinateur travaux qui a réalisé cette dernière a pu lui, la réaliser dans les temps en 3 semaines en ayant recourt qu'à une seule livraison.

Le 8 août 2016, après votre retour de vacances vous êtes aux abonnés absents et depuis vous ne répondez pas aux sollicitations de votre manager, vos agendas sont vides, votre chargé d'affaire n'arrive pas à vous contacter, vos rapports dans le logiciel Bulldozer sont vides.

Lors de l'évocation de ces griefs vous mentionnez le fait que vous n'aviez « rien à ajouter », « que c'est vrai », « que vous avez fait le même constat ».

Concernant vos fonctions managériales, nous avons fait le constat suivant :

* Que vous n'êtes pas joignable par vos collaborateurs,

* Qu'ils se plaigne de difficultés constantes sur les chantiers que vous avez préparés et que vous n'êtes pas joignables pour les solutionner.

* Que votre équipe est laissée en déshérence et pas managée.

Concernant vos compétences techniques, nous avons fait le constat suivant :

* Après 3 ans, vous n'avez pas acquis les connaissances de base sur nos produits historiques.

* Vous n'êtes pas capable d'acquérir la connaissance de nouveaux produits.

Cet état de fait a pour conséquence de vous décrédibiliser tant vis-à-vis de client que de vos collaborateurs.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de prendre acte de votre incapacité à suivre les règles de l'entreprise, de votre incapacité à organiser votre travail, nous vous licencions pour cause réelle et sérieuse ».

Or, il ressort notamment des termes de la fiche de poste afférente à ces fonctions que, en sa qualité de coordinateur de travaux au sein de la SAS HILL-ROM, [Z] [H] était notamment tenu :

- en termes de responsabilités générales, d'« Assurer la préparation des chantiers/installations des systèmes de lève-malade conformément aux plans validés par le Bureau d'études ainsi qu'en accord avec les préconisations de montage Hill [Localité 6]/liko tout en respectant les délais et requêtes des clients. Assurer les audits de fin de chantier en accord avec les préconisations de montage Hill-Rom » et de participer à l'amélioration de la sécurité et du respect de l'environnement dans les activités de l'entreprise ;

- et de responsabilités spécifiques ainsi recensées : « Assure les pré-visites des chantiers de leur secteur conformément aux attentes du bureau d'études et des clients ('), Maîtrise les différentes techniques de montage de « rails » en fonction des typologies et structures des bâtiments afin d'assurer la sécurité de nos clients et patients. Représente l'entreprise en participant à des réunions ou à des visites de chantiers. Résout ou remonte les problématiques rencontrées lors des installations. Collecte les défauts rencontrés et conduit des actions d'améliorations notamment en termes de coûts. Promeut la sécurité du personnel ».

Et, tandis que [Z] [H] avait initialement été recruté en qualité de conducteur de travaux au niveau de qualification AF14, coefficient 425, statut non-cadre, l'intéressé a été promu dans les mêmes fonctions par son employeur au statut cadre, position 1, échelon 1, coefficient 475, à compter du 1er septembre 2014.

[Z] [H] a toutefois dû bénéficier d'un arrêt de travail du 24 décembre 2014 au 24 mai 2015 à raison d'une « dépression réactionnelle qui a nécessité traitement médicamenteux et suivi par une psychologue ». Et le médecin du travail, à l'issue de la visite de reprise du 28 mai 2015, a estimé [Z] [H] apte à la reprise de son poste, tout en précisant qu'« Une étude de la charge de travail (était) nécessaire afin d'évaluer les risques d'épuisement professionnel et du risque routier », et que le salarié était « A revoir dans un an ou avant si nécessaire ».

Le premier compte-rendu d'évaluation de l'activité professionnelle de [Z] [H], daté du 8 octobre 2015, porte mention de l'appréciation au niveau « 3 ' correspond aux attentes » des items « Suivi chantiers » et « suivi managérial », et au niveau « 2 ' répond partiellement aux attentes » des items « améliorer le rendement des chantiers », « Maîtrise des opérations » et « Compétences relationnelles » ainsi que d'une synthèse globale rédigée dans les termes suivants : « 3 ' Correspond aux attentes. Malgré un début d'exercice compliqué pour [Z] et une longue absence pour maladie, [Z] est revenu avec de l'envie et de l'enthousiasme. Il faut poursuivre et continuer dans la durée. Axes d'amélioration : émulation et cohésion d'équipe ; stimuler et faire évoluer certains éléments ».

Par courriel détaillé du 11 mars 2016, le supérieur hiérarchique de [Z] [H] a ensuite fait part à l'intéressé d'un certain nombre d'interrogations quant à la qualité de sa prestation de travail, s'agissant plus particulièrement du manque d'événements renseignés sur son agenda professionnel de la semaine, d'« un manque d'implication et de communication sur les chantiers à venir », d'inquiétudes « quant au déploiement du BulldoZair sur (s)on secteur », d'insuffisances dans l'exercice de ses fonctions managériales, et de difficultés récurrentes à le joindre. [P] [O] a ainsi été amené à faire savoir à [Z] [H], s'agissant des manques qui lui auraient été pointés à son retour d'arrêt de travail, que « Il y a du mieux, mais ce n'est pas encore en phase avec ce que nous attendons », et qu'il se tenait à sa disposition pour l'aider au besoin dans l'exercice de ses fonctions.

Le responsable hiérarchique de [Z] [H], a toutefois été amené à établir une « Mid-year review » le 18 avril 2016 dans les termes synthétiques suivants : « 2 ' Caution. Manque de visibilité sur le travail accompli. Manque de communication. Ce ne sont pas les LAS qui doivent servir à la préparation et anticipation des chantiers ».

Et la SAS HILL-ROM justifie, par la production de réclamations de son client et de plusieurs courriels adressés à [Z] [H], des difficultés et manques constatés dans le suivi du marché public conclu le 23 mai 2016 avec l'hôpital nord-ouest de [Localité 8], qui lui avait initialement été confié avant qu'il n'en soit déchargé par son supérieur le 9 août suivant.

Il tend ainsi à ressortir à l'examen des pièces versées aux débats que, suite à l'embauche de [Z] [H] le 17 juin 2013 en qualité de conducteur de travaux, l'exécution du contrat de travail n'a dans un premier temps donné lieu à aucune difficulté significative, et a même justifié la promotion du salarié au statut cadre à compter du 1er septembre 2014. Mais, ensuite notamment de l'arrêt de travail dont a dû bénéficier [Z] [H] du 24 décembre 2014 au 24 mai 2015, la SAS HILL-ROM a été amené à relever de façon croissante, à compter du 8 octobre 2015 mais plus particulièrement à compter du 11 mars 2016, des insuffisances et manquements du salarié dans l'accomplissement de sa prestation de travail.

Or, il ressort précisément des énonciations qui précèdent que la SAS HILL-ROM n'a à aucun moment estimé devoir se conformer aux préconisations du médecin du travail, dans son avis du 28 mai 2015 déjà cité, de procéder à une étude de la charge de travail de son salarié et à une évaluation du risque d'épuisement professionnel auquel il était exposé, ni même de procéder à l'organisation au profit de [Z] [H] de la visite périodique alors préconisée « dans un an ou avant si nécessaire » par le médecin du travail.

Et, tandis qu'elle avait été amenée à relever de façon croissante des insuffisances de [Z] [H] dans l'accomplissement de sa prestation au début de l'année 2016, ce dont son supérieur hiérarchique s'était notamment ému auprès de [Z] [H] les 11 mars et 18 avril 2016 dans les termes ci-dessus rappelés, la SAS HILL-ROM ne soutient pas qu'elle aurait envisagé de façon concrète de mettre en 'uvre une action d'aide, de soutien ou de formation afin de permettre à son salarié de faire face efficacement aux difficultés alors rencontrées dans l'exercice de ses missions.

Il peut être relevé à cet égard que, tandis qu'elle a fait reproche à [Z] [H] à compter de mars 2016 de sa sous-utilisation du logiciel Bulldozair, déployé au sein de la société à compter de janvier 2016, il ressort des pièces que produit la SAS HILL-ROM elle-même que ce n'est que le 18 mai suivant qu'elle a fait bénéficier ses salariés d'une formation à l'utilisation de ce logiciel.

Il ressort ainsi des énonciations qui précèdent que, au regard notamment de l'ancienneté de l'intéressé, les insuffisances et manquements de [Z] [H] dont la SAS HILL-ROM établit la réalité, dans les circonstances ci-dessus précisées, pour une période s'étendant plus particulièrement de mars à août 2016, sont insuffisants à établir l'incapacité durable du salarié à accomplir convenablement sa prestation de travail et pour permettre à l'employeur de se prévaloir loyalement de l'insuffisance professionnelle de son salarié.

Il ne peut être considéré, dès lors, que le licenciement de [Z] [H] le 3 octobre 2016 reposerait valablement sur une cause réelle et sérieuse.

Et, compte-tenu notamment de son ancienneté, du niveau de sa rémunération, des circonstances ci-dessus exposées de la rupture et de la capacité dont il justifie à retrouver un emploi stable, le préjudice subi par [Z] [H] à raison de la rupture injustifiée de son contrat de travail peut être évalué à la somme de 23 000 euros bruts.

La SAS HILL-ROM lui en devra également réparation, par infirmation du jugement déféré.

- Sur la contrepartie financière à la clause de non-concurrence :

[Z] [H] fait valoir, au soutien de sa demande, que :

- alors que son employeur l'a dispensé, dans la lettre de licenciement du 3 octobre 2016, d'exécuter son préavis de trois mois, la clause de non-concurrence fixée au contrat de travail n'a jamais été levée ;

- cette clause a été intégralement respectée, de sorte qu'il est bien fondé à solliciter le versement de sa contrepartie financière.

La SAS HILL-ROM soutient notamment, en réponse, que, conformément au jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon, elle a procédé au paiement de la contrepartie de la clause de non concurrence d'un montant de 18 267,79 euros bruts, ainsi qu'au paiement volontaire de 1 826,78 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés afférents, de sorte que Monsieur [H] n'est plus fondé à en réclamer le paiement.

* * * * *

Il convient de relever que la condamnation de la SAS HILL-ROM à verser à [Z] [H] la somme de 18 267,79 euros bruts au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence contractuellement convenue, n'a fait l'objet d'aucun appel, principal ou incident.

Or, il convient de rappeler que la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence, qui a la nature d'une indemnité compensatrice de salaires, ouvre droit à congés payés.

Il convient par conséquent, ainsi qu'en convient d'ailleurs l'employeur qui expose, sans toutefois en justifier, qu'il aurait déjà procédé spontanément au paiement de cette somme à l'appelant, de condamner la SAS HILL-ROM à payer à [Z] [H] la somme de 1 826,78 euros au titre des congés payés afférents à la contrepartie financière lui étant due, par infirmation du jugement ayant omis de statuer sur ce chef de demande.

- Sur les demandes accessoires :

La SAS HILL-ROM, partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être condamnée à supporter les dépens de l'instance.

Et il serait inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce et des situations économiques des parties, de laisser à la charge de [Z] [H] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, en première instance puis en cause d'appel, de sorte qu'il convient de condamner la SAS HILL-ROM, dans les limites de la demande dont il saisit la cour, à lui verser la somme globale de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient par ailleurs de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté [Z] [H] de sa demande de remboursement du coût du procès-verbal d'Huissier établi à sa demande, cette mesure n'apparaissant pas utile à la solution du litige.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la SAS HILL-ROM à indemniser la sujétion liée l'utilisation du domicile personnel à des fins professionnelles et à verser à son salarié la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, et en ce qu'il a débouté [Z] [H] de sa demande indemnitaire au titre du harcèlement moral et de remboursement des frais de constat d'Huissier et la SAS HILL-ROM de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

INFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS HILL-ROM à verser à [Z] [H] les sommes de :

- trois mille euros (3 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- vingt-trois mille euros bruts (23 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la rupture injustifiée du contrat de travail,

- mille huit cent vingt-six euros et soixante-dix-huit euros (1 826,78 euros) bruts au titre des congés payés afférents à la contrepartie financière à la clause de non concurrence ;

CONDAMNE la SAS HILL-ROM à payer à [Z] [H] la somme de trois mille euros (3 000 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SAS HILL-ROM de la demande qu'elle formait en cause d'appel sur le même fondement ;

CONDAMNE la SAS HILL-ROM au paiement des dépens de l'instance d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/00967
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;19.00967 ?
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