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04/05/2022 | FRANCE | N°19/00962

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 04 mai 2022, 19/00962


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/00962 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MF2I



[E]

C/

Société HANKOOK FRANCE



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Janvier 2019

RG : F 16/02159



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 04 MAI 2022







APPELANTE :



[S] [E]

née le 16 Avril 1975 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par

Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société HANKOOK FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Nicolas FANGET de la SELARL VEBER ASSOCIES, avocat au barreau d...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/00962 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MF2I

[E]

C/

Société HANKOOK FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Janvier 2019

RG : F 16/02159

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 04 MAI 2022

APPELANTE :

[S] [E]

née le 16 Avril 1975 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société HANKOOK FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Nicolas FANGET de la SELARL VEBER ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Virginie DUBOC, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

[S] [E] a été embauchée à compter du 5 septembre 2011 en qualité de « credit manager », niveau VII, 1er échelon, par la SARL HANKOOK FRANCE, suivant contrat de travail écrit à durée indéterminée du 11 juillet 2011 soumis à la convention collective nationale des commerces de gros (IDCC 573).

Le 7 octobre 2014, [S] [E] a été élue en qualité de déléguée du personnel.

[S] [E] a démissionné de son emploi par correspondance remise en main propre le 8 janvier 2016.

Le 10 juin 2016, [S] [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement nul, et de demandes indemnitaires et salariales au titre des heures supplémentaires non payées, de la prime annuelle pour l'année 2015 ainsi qu'au titre de la rupture de la relation de travail.

Par jugement en date du 10 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon ' section encadrement, a :

DÉBOUTÉ [S] [E] de sa demande de requalification de sa démission en licenciement nul ;

DÉBOUTÉ [S] [E] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires de requalification du contrat de travail, sur le versement d'une prime annuelle, sur le rappel d'heures supplémentaires et congés afférents et les indemnités de licenciement ;

DÉBOUTÉ [S] [E] de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTÉ la SARL HANKOOK FRANCE de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNÉ [S] [E] aux entiers dépens ;

DÉBOUTÉ les parties de toutes les autres demandes plus amples ou contraire.

[S] [E] a interjeté appel de cette décision le 8 février 2019.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 7 novembre 2019 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [S] [E] sollicite de la cour de :

DÉCLARER recevable et bien fondé son appel ;

INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 10 janvier 2019 en ce que :

- il l'a déboutée de sa demande requalification de sa démission en licenciement nul,

- il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires de requali'cation du contrat de travail sur le versement d'une prime annuelle, sur le rappel d'heures supplémentaires et congés afférents et les indemnités de licenciement,

- il l'a déboutée de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- il l'a condamnée entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER équivoque sa démission ;

DIRE ET JUGER que cette rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ;

CONDAMNER en conséquence la société HANKOOK à lui payer les sommes suivantes :

- 3 489,52 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 38 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 114 786,90 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur ;

CONDAMNER la société HANKOOK à lui payer les sommes suivantes :

- 1 015 euros, outre 101,50 euros de congés payés afférents à titre de rappel de prime annuelle pour l'année 2015,

- 2 000 euros, outre 200 euros de congés payés afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 1 348 euros à titre d'indemnité de congés payés résiduelle ;

DÉBOUTER la société HANKOOK de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNER la société HANKOOK à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la même aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 juillet 2019, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL HANKOOK FRANCE sollicite de la cour de :

CONFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 janvier 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon ;

DIRE ET JUGER la démission de Madame [E] claire et non équivoque ;

DÉBOUTER Madame [E] de l'intégralité de ses demandes, au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail ;

CONDAMNER Madame [E] à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 13 janvier 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 15 février 2022.

SUR CE :

- Sur les heures supplémentaires :

[S] [E] soutient notamment, à l'appui de sa demande de rappel de salaires sur heures supplémentaires, que :

- elle était soumise à l'horaire collectif de travail de 37 heures hebdomadaires, son horaire contractuel comprenant une pause méridienne quotidienne de deux heures, mais compte-tenu de sa charge de travail en 2015, elle a été contrainte de réaliser des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées ;

- elle verse aux débats des tableaux au sein desquels sont calculées les heures supplémentaires réalisées ainsi qu'un nombre important de courriels démontrant la réalité des heures réellement effectuées pendant sa pause méridienne ou après son horaire de travail, étant précisé qu'elle n'avait accès à sa boite mail professionnelle que depuis son poste de travail et que les courriels étaient envoyés directement ou en copie à ses supérieurs hiérarchiques et/ou à la direction, de sorte que la société ne peut prétendre ignorer qu'elle effectuait des heures supplémentaires.

La SARL HANKOOK FRANCE fait notamment valoir, en réponse, que :

- la charge de travail de l'intéressée ne justifiait pas l'accomplissement d'heures supplémentaires ;

- le formulaire spécifique de demande d'heures supplémentaires mis en place au sein de l'entreprise n'a ainsi jamais été rempli par la salariée au cours de la relation contractuelle et ce n'est que pendant l'exécution de son préavis que celle-ci lui a indiqué par courriel avoir été contrainte de réaliser des heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été payées, ce qui a été contesté en réponse par courriel du même jour ;

- le décompte produit par la salariée ne permet pas d'attester de l'authenticité des heures supplémentaires qu'elle revendique en l'absence de pièce relative à l'exécution de son contrat de travail corroborant cette durée du travail ;

- la salariée était soumise à l'horaire collectif de travail de sorte que la société n'avait pas l'obligation de mettre en place un système de décompte du temps de travail individualisé ;

- le relevé d'entrée et sortie du parking de la société démontre que la salariée n'a pas réalisé d'heures supplémentaires ;

- contrairement à ce qu'indique la salariée, elle pouvait accéder à sa messagerie professionnelle en dehors de son poste de travail, par le biais de son téléphone professionnel.

* * * * *

Il convient de relever à titre liminaire que le contrat de travail régularisé le 11 juillet 2011 entre [S] [E] et la SARL HANKOOK FRANCE prévoit notamment (article 4. Horaires de travail ' congés payés) : « Mme [S] [E] est soumis(e) à l'horaire collectif d'entreprise soit 37 heures hebdomadaire(s), du lundi au vendredi selon l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail conclu le 16 novembre 2004. L'acquisition d'un horaire hebdomadaire de 37 heures génère l'acquisition, au prorata du temps de travail effectif accompli, de douze jours de réduction du temps de travail. Les modalités de prise des jours de réduction du temps de travail sont établies selon un planning indicatif mensuel établi en concertation avec le responsable hiérarchique ».

L'article L. 3171-1, alinéa 1er, du code du travail prévoit à cet égard que l'employeur est tenu d'afficher les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos. Et selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur doit tenir à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

Ainsi, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par son salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme alors sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Et il ressort en l'espèce des explications convergentes des parties, étayées par le courriel transmis à la salariée le 11 juillet 2011 par la responsable des ressources humaines de l'entreprise en vue de son intégration le 5 septembre suivant, que [S] [E] a été soumise durant la relation de travail à l'horaire collectif suivant : du lundi au jeudi de 8h00 à 12h00 puis de 14h00 à 17h30, et le vendredi de 8h00 à 12h00 et de 14h00 à 17h00.

Or, [S] [E] soutient qu'elle aurait effectué de nombreuses heures de travail excédant la durée du travail contractuellement convenue, « notamment entre 12 heures et 14 heures, période en principe dévolue à la pause méridienne (') mais aussi après 17 heures ».

La salariée se limite toutefois à produire au soutien de sa demande un « Tableau récapitulatif heures supplémentaires 2015 » portant la mention globalisée, pour chacune des semaines de l'année 2015, du nombre d'heures de travail excédant prétendument la durée du travail contractuellement convenue et effectivement rémunérée par l'employeur ' à hauteur de 71,75 heures supplémentaires au total pour la période en cause.

Il apparaît ainsi que la demande dont [S] [E] saisit la cour ne repose sur aucune indication précise, dans ses écritures ou même dans les pièces qu'elle verse aux débats, quant aux heures de travail prétendument effectuées, et ne permet pas à son employeur d'établir, par la production de ses propres éléments, les heures effectivement travaillées.

Le jugement déféré, qui l'a déboutée de la demande de rappel de salaires qu'elle formait au titre des heures supplémentaires, ne peut donc qu'être confirmé.

- Sur la prime annuelle 2015 :

[S] [E] fait valoir que son évaluation au titre de l'année 2015 constituait une mesure de rétorsion et que ses résultats lui donnaient en principe droit à une prime annuelle pour l'année 2015, au même titre que les années précédentes.

LA SARL HANKOOK FRANCE fait valoir, en réponse, que la salariée a été entièrement remplie de ses droits de ce chef.

* * * * *

Il ressort de l'examen des bulletins de salaire délivrés à [S] [E] par la SARL HANKOOK FRANCE que la salariée a perçu une « prime exceptionnelle » d'un montant de 1 148 euros bruts en décembre 2012, d'un montant de 930 euros bruts en janvier 2014, et d'un montant de 966 euros bruts en décembre 2014.

Et, tandis qu'il apparaît que le versement d'une telle prime ne ressortait d'aucune stipulation contractuelle ou conventionnelle, [S] [E] ne soutient pas que le paiement de cette « prime exceptionnelle » aurait en réalité constitué un usage d'entreprise par sa constance, sa généralité et sa fixité, que ce soit dans son montant ou dans son mode de calcul, et n'appuie d'ailleurs sa prétention sur aucune pièce probante.

Le jugement déféré, qui l'a déboutée de la demande de rappel de prime exceptionnelle qu'elle formait pour l'année 2015, ne peut donc qu'être confirmé.

- Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :

[S] [E] fait valoir en substance, au soutien de ses demandes relatives à la rupture de la relation de travail, qu'elle a été contrainte de rompre son contrat de travail en raison de mesures de rétorsion prises à son encontre par son employeur suite à son refus de témoigner dans un procès opposant la société à l'un de ses anciens salariés, rendant sa démission équivoque, et que la nécessité de rompre son contrat de travail ressort :

- des pressions exercées contre elle par l'employeur, en ce qu'elle a refusé les 18 et 19 juin 2015 de témoigner en faveur de son ancien employeur, n'ayant pas été témoin des faits évoqués puis a ensuite fait l'objet de mesures de rétorsion, en ce qu'immédiatement après ses refus, elle s'est notamment vue annuler un rendez-vous commercial prévu depuis une semaine et retirer un dossier confidentiel important, sans explication ;

- des accusations de déloyauté dont elle a fait l'objet suite à ce refus, en ce qu'elle a fait part au dirigeant de la société par courrier du 3 juillet 2015 de son mal-être mais qu'en retour de graves accusations de manipulation, déloyauté, duplicité ont été proférées à son égard, et en ce qu'elle a également saisi l'inspection du travail en sa qualité de déléguée du personnel et fait part de l'atmosphère de travail pesante à l'un de ses collègues par courriel ;

- de son évincement progressif en ce que, après ce refus de témoigner en faveur de son employeur, ce dernier a manifesté de la méfiance à son égard et, à partir de septembre 2015, ne l'a plus conviée aux réunions mensuelles du comité exécutif dont elle était membre active depuis 2013, en ce qu'après juin 2015 il lui a été demandé de remplir des autorisations de sortie sur le logiciel interne de décompte du temps de travail à défaut de quoi un jour d'absence injustifiée lui était décomptée alors que jusqu'alors elle se contentait d'envoyer un courriel à son supérieur et à la responsable des ressources humaines et un jour de congé ou RTT lui était décompté, et en ce que des reproches lui ont été adressés quant à la gestion de son management, ou encore sa présence à un événement, auquel elle participait pourtant tous les ans et dont sa présence était connue de la société ;

- de son évaluation négative et partiale, ayant généré une moindre prime annuelle, en ce qu'à la suite de son entretien d'évaluation pour l'année 2015 une notation très moyenne lui a été signifiée marquant ainsi une nette dégradation de celle-ci particulièrement par rapport à l'année 2014, sans que la société ne se soit jamais expliquée sur les raisons de ladite notation et qu'elle verse aux débats des éléments objectifs permettant de considérer que ses performances au titre de l'année 2015 ont été équivalentes voire meilleures que celles de l'année 2014, tandis que la société ne saurait par ailleurs arguer du fait qu'elle n'aurait pas rempli ses objectifs, aucun objectif chiffré n'ayant été défini en début d'année.

[S] [E] souligne, parallèlement, qu'il existait ainsi, antérieurement à sa démission, des griefs sérieux, connus de l'employeur, formalisés dans un délai très bref après la rupture et alors qu'elle était encore présente dans l'entreprise, et qui rendaient sa démission équivoque.

La SARL HANKOOK fait principalement valoir, en réponse, que :

- il n'existe aucun doute ou ambiguïté sur la réalité et le sérieux de la décision de la salariée de quitter la société, l'intéressée n'ayant jamais fait valoir aucun motif ni grief au soutien de sa démission, qu'elle avait au contraire justifié auprès de ses collègues par sa volonté de « voguer vers de nouveaux challenges professionnels » ; et la salariée avait d'ailleurs rapidement trouvé un nouvel emploi, raison pour laquelle elle avait souhaité écourter son préavis ;

- la salariée ne rapporte pas la preuve des menaces dont elle entend se prévaloir, ne produit aucune pièce confirmant qu'elle aurait été maltraitée par la société, alors que son refus de témoigner dans le cadre de la procédure prud'homale l'opposant à un ancien collègue de travail n'avait jamais été remis en cause ou critiqué par l'entreprise ;

- les conditions de travail et responsabilités de la salariée sont demeurées inchangées, et l'intéressée n'a jamais été exclue du comité exécutif, aucune réunion n'ayant eu lieu après celle du 6 juillet 2015 à laquelle elle avait été conviée ;

- avant le 31 août 2016, la salariée n'avait jamais fait de demande pour participer à la journée de formation ;

- elle n'a pas eu de mauvaise note à l'occasion de son entretien d'évaluation en 2015, la lettre M lui ayant été attribuée, signifiant qu'elle correspond en tout point aux attentes, sans que ses compétences aient jamais été remises en cause ;

- la salariée connaissait parfaitement la procédure applicable concernant les demandes d'autorisation d'absence, dont elle a pourtant cru à plusieurs reprises pouvoir s'affranchir, sans que rien ne justifie qu'elle soit dispensée de respecter ladite procédure.

* * * * *

L'article L. 1231-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord.

Constitue une démission l'acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non-équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Toutefois, lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission.

Il apparaît en l'espèce que [S] [E] a notifié à son employeur sa décision de rompre le contrat de travail qui les liait par correspondance du 8 janvier 2016 rédigée dans les termes suivants : « Comme je vous l'ai indiqué lors de notre entrevue de ce jour, je souhaite mettre fin à notre collaboration et vous confirme par la présente ma démission de votre entreprise. Bien que ma période de préavis normalement due me conduise à quitter l'entreprise le 8 avril 2016, je souhaiterais que ma démission soit effective à compter du 28 mars 2016 ».

Et il convient de relever que précédemment à cette correspondance, ainsi qu'il ressort des explications convergentes des parties, la responsable des ressources humaines de la SARL HANKOOK avait sollicité [S] [E], par transmission électronique du 18 juin 2015, en vue de l'établissement d'une attestation destinée à être produite en justice dans le cadre d'un litige prud'homal l'opposant à l'un de ses anciens salariés.

Si [S] [E] avait effectivement fait savoir à son employeur, par courriels des 18 juin et 3 juillet 2015, qu'elle refusait de remplir le formulaire d'attestation transmis, il convient de relever que les allégations de l'appelante quant aux mesures de rétorsion qu'elle expose avoir subies de la part de ses supérieurs ne reposent en réalité que sur des échanges avec les dirigeants de la société concernant l'exécution de son contrat de travail, qui mettent tout au plus en évidence la multiplication progressive des reproches formés par la salariée à l'encontre des décisions de son employeur, sans pour autant permettre de constater « le changement radical d'attitude de sa hiérarchie à son égard suite à son refus de témoigner » dont elle se prévaut.

Il convient de rappeler, parallèlement, que l'employeur tient de son pouvoir de direction, né du contrat de travail, le droit d'évaluer le travail de ses salariés.

[S] [E], qui ne soutient pas que l'évaluation dont elle a fait l'objet par son employeur reposerait sur la mise en 'uvre d'un dispositif d'évaluation illicite ou qui n'aurait pas été porté préalablement à sa connaissance, ne peut dès lors s'immiscer valablement dans le pouvoir de direction de son employeur pour contester l'appréciation portée par celui-ci, pour l'année 2015, sur ses compétences professionnelles.

La dégradation, d'ailleurs relative, de l'appréciation portée par son employeur sur ses performances et compétences pour l'année 2015 par rapport à celles dont elle avait successivement fait l'objet pour les années 2013 et 2014 apparaît à cet égard, à elle seule, largement insuffisante à objectiver que, ainsi qu'elle le soutient, [S] [E] aurait en réalité fait l'objet à cette occasion d'une mesure de rétorsion par rapport à son refus d'attester dans le litige prud'homal auquel la SARL HANKOOK FRANCE était partie.

Il convient de relever au demeurant que, ainsi qu'il ressort notamment des constatations qui précèdent, [S] [E] ne justifie pas que l'évaluation dont elle a fait l'objet pour l'année 2015 aurait eu une incidence effective sur l'exécution ultérieure de son contrat de travail.

Il ressort ainsi de l'ensemble de ces énonciations que [S] [E] n'établit pas la réalité de manquements de son employeur à ses obligations découlant du contrat de travail qu'ils avaient conclu, a fortiori d'une gravité telle qu'elle aurait empêché la poursuite de la relation de travail.

Le jugement déféré, qui a considéré que la prise d'acte par [S] [E] de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'une démission et l'a déboutée concomitamment des demandes qu'elle formait au titre de la rupture de la relation de travail, doit donc être confirmé.

- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

La salariée fait valoir que la société n'a pas appliqué le calcul le plus favorable concernant l'indemnité compensatrice de congés payés qui lui a été versée à l'occasion de son départ, en ce que son employeur aurait dû appliquer « la méthode du dixième » prévue par l'article L. 3141-24 du code du travail.

La SARL HANKOOK FRANCE fait valoir que, pour la détermination de l'indemnité compensatrice de congés payés à laquelle pouvait prétendre sa salariée, elle a appliqué la méthode du maintien de salaire, qui lui était plus favorable.

* * * * *

Il ressort des articles L. 3141-1 et L. 3141-3, dans leur rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, que tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de son employeur à hauteur de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif.

Et il résulte des articles L. 3141-26 et L. 3141-22 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, que, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit une indemnité compensatrice de congé, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, mais qui ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Or, il ressort en l'espèce des explications convergentes des parties que confirment l'examen des bulletins de paie délivrés à l'intéressée, qu'au jour de la rupture de la relation de travail [S] [E] restait créancière à l'égard de la SARL HANKOOK FRANCE d'un droit à congés payés cumulé à hauteur de 23 jours ouvrables.

Il convient de rappeler, pour autant, que les jours de récupération, qui sont acquis par le salarié au titre d'un accord d'aménagement et de réduction de temps de travail et représentent la contrepartie des heures de travail qu'il a exécutées en sus de l'horaire légal ou de l'horaire convenu, n'ont ni la même cause ni le même objet que les congés payés auquel il a droit aux termes des dispositions précitées du code du travail.

A défaut d'accord collectif prévoyant une indemnisation, l'absence de prise des jours de congé liés à la réduction du temps de travail ne peut ouvrir droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l'employeur, circonstance dont ne se prévaut pas l'appelante.

Il apparaît ainsi, au regard des énonciations qui précèdent, que, compte-tenu notamment de la rémunération brute totale perçue par la salariée au cours des douze mois précédant la rupture de la relation de travail, à hauteur de la somme de 44 450,22 euros bruts, [S] [E] aurait dû pouvoir prétendre à cette date à une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 4 089,42 euros.

Il convient par conséquent, au regard de la somme de 3 977,67 euros qu'elle a déjà versée à [S] [E] le 25 mars 2016 de ce chef, de condamner la SARL HANKOOK FRANCE, par infirmation du jugement déféré, à verser à sa salariée la somme de 111,75 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés lui étant due.

- Sur les demandes accessoires :

La SARL HANKOOK FRANCE, qui succombe partiellement à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, devra en supporter les dépens.

Pour autant, l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement dont appel en ce qu'il a omis de statuer sur la demande de [S] [E] au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et en ce qu'il l'a condamnée au paiement des dépens de première instance ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL HANKOOK FRANCE à verser à [S] [E] la somme de cent onze euros et soixante-quinze centimes (111,75 euros) bruts à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL HANKOOK FRANCE au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/00962
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;19.00962 ?
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