COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 03 Mai 2022
statuant en matière de soins psychiatriques
N° RG 22/03063 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OIMN
Appel contre une décision rendue le 12 avril 2022 par le Juge des libertés et de la détention de Lyon.
APPELANTE :
Mme [J] [E] épouse [F]
de nationalité française
demeurant [Adresse 2] (Allemagne)
non comparante, régulièrement convoquée, représentée par Maître Hasna LOUZE, avocat au barreau de Strasbourg, choisi
INTIMES :
PREFET DU RHÔNE - ARS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
non comparant, régulièrement convoqué, non représenté
ET
[Z] [S]
né le 02 avril 1999 à [Localité 3]
actuellement hospitalisé au centre hospitalier [4]
non comparant, régulièrement convoqué, représenté par Maître Anne CHAURAND, avocat au barreau de Lyon, commis d'office
L'ASSOCIATION ATR MANDATAIRE JUDICIAIRE A LA PROTECTION DES MAJEURS
représentée par Monsieur [R] [T], directeur de l'association ATR
En présence de Madame [U] [V], directrice stagiaire, représentant de l'établissement hospitalier.
Le dossier a été préalablement communiqué au ministère public qui a fait valoir ses observations écrites.
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Nous, Georges PEGEON, conseiller à la cour d'appel de Lyon, désigné par ordonnance de monsieur le premier président de la cour d'appel de Lyon du 15 décembre 2021 pour statuer à l'occasion des procédures ouvertes en application des articles L.3211-12 et suivants du code de la santé publique, statuant contradictoirement et en dernier ressort,
Assisté de Ludwig PAWLOWSKI, greffier, pendant les débats tenus en audience publique,
Ordonnance prononcée le 03 mai 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signée par Georges PEGEON, conseiller, et par Ludwig PAWLOWSKI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par arrêté du 1er avril 2022, M. le préfet du Rhône a décidé de l'admission de M. [Z] [S] sous le régime de l'hospitalisation complète sans consentement pour péril imminent en vertu de l'article L.3213-1 du code de la santé publique.
Par ordonnance du 12 avril 2022, le juge des libertés et de la détention de Lyon a :
- rejeté la demande de mainlevée de la mesure formée par Mme [J] [E] épouse [F], mère de M. [S],
- autorisé le maintien de l'intéressé en hospitalisation complète sans son consentement au-delà d'une période de 12 jours.
Par courrier reçu au greffe de la cour d'appel le 22 avril 2022, Mme [J] [E] épouse [F], mère de M. [S], a relevé appel motivé de cette décision.
Elle soulève l'irrégularité de la procédure aux motifs de l'absence de notification des droits du patient, l'irrégularité de l'avis médical avant audition et le caractère lacunaire du certificat initial.
À l'audience du 2 mai 2022, M. [S] ne comparaît pas, son état ne le permettant pas.
Son conseil demande l'infirmation de l'ordonnance du 12 avril 2022 et la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte de M. [S].
Le conseil de Mme [E] épouse [F] présente des observations au soutien de ses conclusions d'appel.
Monsieur [R] [T], le représentant de l'association ATR, tuteur de M. [S], expose qu'en raison de sa nomination très récente, il ne peut présenter d'observations pertinentes.
La représentante de l'hôpital du [4] expose que la restriction provisoire des visites était justifiée par l'état de santé de M. [S] et de l'agitation qu'elles auraient provoquée ; que c'est aussi son état qui explique l'impossibilité de lui notifier ses droits à son admission ; que des visites familiales ont eu lieu et que la situation clinique du patient évolue favorablement.
Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance entreprise.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que l'appel est recevable en la forme.
- Sur la régularité de la procédure :
Attendu qu'aux termes de l'article L.3211-3 du code de la santé publique (...) toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :
- le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;
- dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.
Qu'en l'espèce, il est établi au vu des certificats médicaux au dossier, dont le contenu est détaillé au paragraphe suivant (autisme et déficit intellectuel), que l'état de M. [S] ne lui permettait pas, et ne lui permet toujours pas, de recevoir une quelconque information qu'il aurait pu, ou pourrait comprendre.
En atteste le document du 4 avril 2022 de l'hôpital du [4] qui constate qu'il n'a pas été possible d'informer M. [S] de son admission en soins psychiatriques sans consentement compte tenu de son état de santé.
Qu'il s'en suit que le moyen de nullité tiré du défaut d'information sera rejeté.
Attendu qu'aux termes de l'article R.3211-12 du code de la santé publique :
Sont communiqués au juge des libertés et de la détention afin qu'il statue :
(...)
5° Le cas échéant :
(...)
b) L'avis d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l'objet de soins, indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition.
Attendu qu'aux termes de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Attendu que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation souverain pour caractériser le grief causé à la victime d'une irrégularité de forme touchant un acte de procédure.
Qu'en l'espèce, l'avis de 'non auditionnabilité' de M. [S] avant audience a été établi le 8 avril 2022 par le Dr [I] qui participé à sa prise en charge.
Que pour autant, il n'est pas démontré quel grief cela lui aurait causé ; en effet, M. [S] n'a été privé d'aucun de ces droits dans la procédure suivie devant le juge de la liberté et de la détention où il était représenté par un conseil qui du reste n'avait soulevé aucune irrégularité de procédure.
Qu'il en est de même pour l'avis semblable du Professeur [K] du 28 avril 2022 pour l'audience du 2 mai 2022 devant cette cour, M. [S], non appelant, étant représenté par un conseil.
Qu'il s'ensuit que ce moyen de nullité sera rejeté.
Attendu qu'en l'espèce, le certificat médical initial du 1er avril 2022 relève que le patient présente des troubles du spectre autistique et a été admis aux urgences dans un contexte d'agitation psycho-motrice s'aggravant depuis plusieurs mois ; qu'il existe une mise en danger réelle des soignants et que l'intéressé n'est pas en état d'accepter des soins urgents spécialisés.
Ce certificat caractérise suffisamment que l'état mental de M. [S] présentait un danger pour autrui et qu'il n'était pas en état d'accepter les soins nécessaires à son état, ce qui remplit les conditions pour une hospitalisation complète sans consentement pour péril imminent par un représentant de l'état en application de l'article L.3213-1 du code de la santé publique.
Attendu que la procédure est donc régulière et que l'ordonnance attaquée sera donc confirmée sur ce point.
- Sur la nécessité de la mesure de soins :
Attendu qu'il appartient au juge judiciaire de s'assurer que les restrictions à I'exercice des libertés individuelles du patient sont adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis.
Attendu que le certificat de situation de 24 heures établi le 2 avril 2022 note que le patient est agité, hétéro-agressif avec passage à l'acte violent contre des soignants ; que son état nécessite des soins urgents.
Attendu que le certificat de situation de 72 heures établi le 4 avril 2022 rappelle que le patient présente des troubles du spectre autistique avec déficience intellectuelle ; qu'il présente un comportement de défi à type d'hétéro-agressivité ; qu'il n'est pas en mesure de consentir aux soins ; qu'en raison de sa dangerosité l'hospitalisation complète doit être maintenue.
Attendu que l'avis psychiatrique du 8 avril 2022 relève que le patient présente toujours une agitation psychomotrice mettant en danger son environnement ; qu'il reste très vulnérable aux stress environnementaux qui sont sources d'angoisse et d'agitation.
Attendu que l'avis médical du 12 avril 2022 rappelle que le patient présente de très graves troubles du comportement (coups et dégradation de mobilier) ; que bien que son état s'améliore progressivement, sa prise en charge reste très difficile ; que l'hospitalisation complète doit être maintenue.
Attendu que le dernier avis du 28 avril 2022, date suffisamment proche de l'audience, rappelle que le comportement héréro-agressif de M. [S] avait mis en péril ces derniers mois son accueil au MAS ; que sa situation psychique et comportementale est extrêmement sévère et déstabilisée ; que les premiers temps de l'hospitalisation ont été marqués par une très grande violence ; qu'à ce jour, grâce aux modifications thérapeutiques, les trouble s'amendent progressivement ; que néanmoins il reste fragile ; qu'il a pu recevoir deux visites de sa famille ; que pour le moment, les troubles rendent impossible son consentement aux soins et que sa dangerosité indique la poursuite de ce mode d'hospitalisation ; qu'il lui est impossible de se rendre à son rendez-vous à la cour d'appel du 2 mai, tout déplacement incompris l'exposerait et exposerait autrui à une dangerosité imprévisible et potentiellement grave.
Attendu que l'ensemble de ces éléments caractérise suffisamment que l'intéressé souffre de troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l'ordre public et rendant impossible son consentement à des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale continue, que son état impose de façon urgente, ce qui justifie que son hospitalisation complète sans son consentement se poursuive au-delà d'une période de 12 jours.
Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Mme [E] épouse [F] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARONS l'appel recevable en la forme,
CONFIRMONS l'ordonnance entreprise,
CONDAMNONS Mme [E] épouse [F] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le conseiller délégué,