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15/04/2022 | FRANCE | N°22/02770

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 15 avril 2022, 22/02770


N° RG 22/02770 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OHWM



Nom du ressortissant :

[T] [E]







[E]

C/

PREFET DU PUY-DE-DOME



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 15 AVRIL 2022

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 03 janvier 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes

en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Ludwig PAWLOWSKI,...

N° RG 22/02770 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OHWM

Nom du ressortissant :

[T] [E]

[E]

C/

PREFET DU PUY-DE-DOME

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 15 AVRIL 2022

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 03 janvier 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Ludwig PAWLOWSKI, greffier,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 15 avril 2022 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [T] [E]

né le 10 avril 1972 à SHKODER

de nationalité albanaise

actuellement retenu au CRA de Lyon [Localité 4]

comparant, assisté de Maître Julie MATRICON, avocat au barreau de Lyon, commis d'office commis d'office, avec le concours de Monsieur [B] [U], interprète en langue albanaise, inscrite sur la liste du CESEDA, serment préalablement prêté à l'audience

ET

INTIME :

M. LE PREFET DU PUY DE DOME

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Laurent CORDIER de la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocat au barreau de l'AIN

Avons mis l'affaire en délibéré au 15 avril 2022 à 18 heures 45 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par arrêt de la Cour d'Appel de Riom en date du 24 juillet 2018, [T] [E] a été condamné à la peine de 3 ans d'emprisonnement pour des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants, la cour prononçant à son encontre une interdiction définitive du territoire français.

Ayant bénéficié d'une libération conditionnelle par le juge d'application des peines, l'interdiction définitive du territoire a été relevée d'office le 02 décembre 2021 selon les dispositions des articles 729 et 729-2 du code de procédure pénale.

Le 02 décembre 2021, le préfet du Puy de Dôme a pris un arrêté portant refus de séjour et obligation pour [T] [E] de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 6 mois, décision notifiée le jour même et validée par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 07 décembre 2021.

Les 13 janvier et 24 février 2022 [T] [E] était assigné à résidence et par procès-verbaux en date des 18 mars et 06 avril 2022, les services de police constataient la carence de [T] [E] à son obligation de pointage.

Le 11 avril 2022, le juge des libertés et de la détention autorisait une visite domiciliaire au domicile de [T] [E] afin de s'assurer de sa présence.

Le 12 avril 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de [T] [E] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement.

Suivant requête du 13 avril 2022, reçue le jour même à 15 heures 05, le préfet du Puy-de-Dôme a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Suivant requête du 13 avril 2022, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le jour même à 16 heures 33, [T] [E] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet du Puy-de-Dôme.

Dans son ordonnance du 14 avril 2022 à 15 heures, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la jonction des deux procédures, déclaré régulière la décision de placement en rétention et ordonné la prolongation de la rétention de [T] [E] dans les locaux du centre de rétention administrative de [3] pour une durée de vingt-huit jours.

Le 14 avril 2022 à 17 heures 50, [T] [E] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l'infirmation. Il sollicite de voir déclarer irrégulière la mesure de placement en rétention administrative prise par le préfet du Puy-de-Dôme et d'ordonner sa remise en liberté.

Il fait valoir que la décision de placement en rétention est irrégulière pour être :

- insuffisamment motivée sans examen sérieux et préalable de sa situation personnelle et de son état de vulnérabilité,

- entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de son état de vulnérabilité comme de ses garanties de représentation.

Il soutient la violation de l'article 8 de la CEDH et la disproportion de la mesure.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 15 avril 2022 à 13 heures 30.

[T] [E] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat.

Le conseil de [T] [E] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Elle souligne l'importance de la vie de famille de son client et des jumelles nées récemment d'une FIV, grandes prématurées et qui ont besoin de leurs parents. L'état de santé est incompatible avec la rétention et un certificat médical devrait l'attester prochainement.

Le préfet du Puy-de-Dôme, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. Il souligne qu'il est constant que la question de la vie privée et de famille relève d'une appréciation soumise à la critique de la juridiction administrative et n'a pas sa place au stade du placement en rétention. Concernant la santé de l'intéressé, aucun élément d'incompatibilité n'est relevé.

[T] [E] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il a pu voir le service médical qui va chercher à lui procurer la machine dont il a besoin pour freiner son apnée du sommeil et explique qu'il devrait voir le médecin cet après-midi si l'horaire de retour au centre le permet.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que l'appel de [T] [E] relevé dans les formes et délais légaux est recevable. 

Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d'examen de la situation individuelle de la personne retenue :

Attendu qu'il résulte de l'article L.741-6 du CESEDA que la décision de placement est écrite et motivée ;

Attendu que le conseil de [T] [E] prétend que l'arrêté de placement en rétention du préfet du Puy-de-Dôme ne tient pas compte de nombreux éléments essentiels à l'examen de sa situation, notamment son entrée régulière sur le territoire, ses garanties de représentation et son suivi médical sur le territoire français ;

Attendu qu'en l'espèce, l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme est motivé, notamment, par les éléments suivants :

- [T] [E] fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français validée par le tribunal administratif et n'a pas respecté les termes de l'obligation de pointage fixée dans les assignations à résidence édictées à son égard,

- [T] [E] a remis son passeport et sa carte d'identité en cours de validité et dispose d'un domicile stable,

- pour autant le 14 mars 2022, [T] [E] ne s'est pas présenté à l'embarquement du vol prévu à destination de l'Albanie alors que les coordonnées du vol lui ont été notifiés le 09 mars 2022,

- depuis le 11 mars 2022, l'intéressé ne respecte plus son obligation de pointage et ne s'est pas présenté aux services de police,

- [T] [E] déclare souffrir de problèmes cardiaques et suivre un traitement médical mais peut bénéficier de soins au sein du centre de l'unité médicale du centre de rétention et son état n'est pas incompatible avec la rétention,

- [T] [E] déclare vivre en concubinage avec Mme [M], ressortissante albanaise en situation régulière et père de 5 enfants dont trois résident en Albanie et deux en France,

- qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle et familiale telle que mentionnée à l'article 8 de la CEDH ;

Attendu et ainsi que l'a souligné le premier juge, contrairement à ce qui est affirmé par [T] [E], le Préfet indique bien que l'intéressé a remis son passeport et sa carte nationale d'identité albanaise, et dispose d'un domicile stable ; Qu'il a rappelé les éléments importants de sa vie de famille et souligné que l'obligation de pointage n'avait pas été totalement respectée ;

Que les considérations complètes et circonstanciées du préfet de Puy-de-Dôme caractérisent un examen sérieux et préalable de la situation de l'intéressé et que l'argumentation contraire est inopérante ;

Que de même, la préfecture évoque l'état de santé de [T] [E] et, ainsi que l'a relevé le premier juge, il ne peut être reproché à l'autorité préfectorale de ne pas avoir mentionné une hypertension artérielle et une apnée du sommeil dont il n'avait pas connaissance ; Que la grille de vulnérabilité est signée de l'agent de police qui a procédé à l'interrogatoire pour ce faire et que la preuve contraire de l'inexistence d'un tel entretien sur la vulnérabilité n'est pas rapportée ; Qu'en tout état de cause, aucun élément n'établit que cet état de santé est incompatible avec la rétention ;

Attendu que fondamentalement la critique de [T] [E] porte sur le principe même et la pertinence de la mesure d'éloignement, ce qui échappe à la compétence du juge judiciaire ;

Qu'en l'état, les considérations de la préfecture telles que reprises ci-dessus démontrent que l'administration a énoncé les motifs de fait et de droit qui l'ont guidé pour prendre sa décision de placement et a repris les éléments factuels liés à la situation individuelle et personnelle de [T] [E] ;

Attendu en conséquence qu'il convient de retenir que le préfet du Puy-de-Dôme a pris en considération les éléments de la situation personnelle de [T] [E] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée après un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé et de son état de vulnérabilité et que le moyen contraire ne pouvait pas prospérer ainsi que l'a retenu le premier juge.

Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation au regard de la vulnérabilité présentée par l'étranger :

Attendu que selon les dispositions de l'article L.741-1 du CESEDA, l'autorité administrative peut placer en rétention lorsque l'étranger ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision ; Que le risque de fuite est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L.612-3 ;

Que l'article L.741-4 ajoute que la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger et que le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention ;

Attendu que la régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause ;

Attendu que le conseil de [T] [E] soutient que l'autorité administrative a commis une erreur d'appréciation s'agissant de l'examen de sa vulnérabilité puisqu'il souffre d'une cardiopathie ischémique, que 4 stents coronaires ont été posés, qu'il doit dormir avec un appareil respiratoire auquel il n'a pas accès en rétention ce qui peut entraîner le risque d'arrêts respiratoires ; Qu'il se prévaut également de ses garanties de représentations et de sa vie de famille ;

Que l'intéressé dans l'évaluation faite de sa vulnérabilité a évoqué les problèmes cardiaques mais n'a pas évoqué les problèmes d'hypertension et d'apnée du sommeil et qu'il ne peut pas être reproché à la préfecture de ne pas en avoir fait état ;

Que par ailleurs, l'intéressé a accès au service médical du CRA qui lui a indiqué chercher à se procurer la machine destinée à l'aider dans son sommeil pour combattre l'apnée et que les pièces fournies n'établissent pas que son état de santé est incompatible avec la rétention administrative ; Que comme le souligne le premier juge, il lui appartiendra de saisir le médecin de l'OFII le cas échéant ;

Attendu que là encore, ce que critique l'appelant est la mesure d'éloignement qui pour autant a été validée par le tribunal administratif et qu'il n'appartient pas à l'autorité judiciaire de remettre en cause la validité de l'arrêté préfectoral qui fait obligation à [T] [E] de quitter le territoire, le reste de la critique relevant de la seule appréciation de la cour administrative d'appel saisie selon les dires de l'avocat de M. [E] ;

Que le premier juge a retenu à juste titre qu'en raison de la carence d'[T] [E] qui ne s'est pas présenté à l'embarquement du vol qui devait le ramener en Albanie alors qu'il était assigné à résidence, de son souhait exprimé de ne pas retourner en Albanie, le préfet du Puy-de-Dôme a valablement pu considérer que ce dernier n'entendait pas se soumettre à la mesure d'éloignement en dépit de ses garanties de représentation et décider de son placement en rétention administrative, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation ;

Attendu que [T] [E] ne démontre pas une atteinte disproportionnée à ses droits consécutive à son placement en rétention ;

Attendu qu'en conséquence, à défaut d'autres moyens soulevés, l'ordonnance entreprise est confirmée.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [T] [E] ;

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.

Le greffier,Le conseiller délégué,

Ludwig [Z]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 22/02770
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;22.02770 ?
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