AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 17/04548 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LC6R
[T]
C/
Société GROSFILLEX
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'OYONNAX
du 06 Juin 2017
RG : F 15/00178
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 19 FEVRIER 2021
APPELANT :
[C] [T]
né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 6] (ALGERIE)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Marie christine REMINIAC, avocat au barreau de l'AIN
INTIMÉE :
Société GROSFILLEX
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Claire DUPONT GUERINOT de la SELARL CELEV CONSEIL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIN
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 26 Novembre 2020
Présidée par Sophie NOIR, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Olivier GOURSAUD, président
- Sophie NOIR, conseiller
- Olivier MOLIN, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 19 Février 2021 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Olivier GOURSAUD, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
[C] [T] a été embauché par la SAS GROSFILLEX à compter du 8 décembre 1986 en qualité de cadre méthodes dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
La relation de travail était soumise à la convention collective nationale de la plasturgie.
Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste d'acheteur confirmé;
La SAS GROSFILLEX appliquait initialement un accord d'aménagement du temps de travail conclu le 26 novembre 1997.
Le 14 février 2000, l'employeur envoyé au salarié un courrier rédigé comme suit :
' Monsieur,
En application de la loi sur les 35 heures, du décret du 1er février 2000, et de notre accord sur l'aménagement du temps de travail du 26 novembre 1997, nous vous précisons que votre contrat de travail appartient à la catégorie des contrats exprimés en forfait annuel en jours.
Vous continuerez donc à prendre les jours de repos définis dans notre accord d'entreprise, en plus des congés payés et jour fériés.
Le décret du 1/2/2000 vous fait obligation de remplir la feuille de décompte des jours pris, feuille déjà mise en place en 1998 suite à notre accord d'entreprise.
Nous vous remercions de continuer de la faire parvenir mensuellement au service Paie.
La société devra conserver ces feuilles durant trois ans et les tenir à disposition de l'Inspecteur du travail.
Pour la bonne règle, nous vous serions obligés de bien vouloir nous retourner le second exemplaire de la présente en y portant la date et votre signature précédée de la mention manuscrite 'lue et approuvé' (...)'.
[C] [T] a retourné ce courrier signé le 28 février 2000.
Ultérieurement, et pendant 13 ans, il a été soumis à forfait annuel de 203,5 jours ultérieurement porté à 204,5 jours.
Suite à la dénonciation de l'accord collectif du 26 novembre 1997, un nouvel accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail 'Grofillex-Arban' a été conclu le 25 septembre 2013, prenant effet le 1er janvier 2014.
Sur la base de ce nouvel accord et par courrier du 9 octobre 2013, l'employeur a soumis au salarié un projet d'avenant au contrat de travail stipulant, notamment, que 'conformément à l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail GROSFILLEX-ARBAN signé le 25/09/2013, votre convention de forfait annuel en jours sera, à compter du 01/01/2014, de 218 jours travaillés au maximum pour l'année civile, journée de solidarité incluse' et que les jours de repos supplémentaires accordés pour ne pas dépasser ce forfait 'seront pris par demi-journée en tenant compte des besoins du service ou éventuellement par journée entière avec l'accord du responsable hiérarchique'.
[C] [T] a refusé de signer cet avenant.
Il a été licencié par lettre recommandée avec accusé réception du 21 janvier 2014 dans les termes suivants:
' Nous faisons suite à notre entretien du 15/01/2014 en présence de M.[V] qui vous assistait et vous notifions par la présente votre licenciement.
Notre décision est motivée par votre refus de voir modifier votre contrat de travail s'agissant de l'application du dispositif 'forfait annuel en jours'.
Nous vous rappelons en effet, qu'il vous a été proposé de substituer au précédent accord individuel, un nouveau mécanisme, tenant compte d'une part, de la dénonciation de l'accord d'entreprise du 26 novembre 1997 portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, d'autre part de la conclusion d'un nouvel accord collectif, approuvé le 25 septembre 2013 par l'ensemble des organisations syndicales représentatives au sein de notre entreprise.
Votre refus de voir modifier votre contrat de travail afin de l'adapter aux nouvelles dispositions collectives en matière de durée du travail nous contraint en conséquence à procéder à votre licenciement, celui-ci intervenant pour cause personnelle conformément aux stipulations de l'article L 1222-8 du code du travail (...)'.
[C] [T] a saisi le conseil de prud'hommes d'Oyonnax d'une contestation de ce licenciement le 10 décembre 2015.
Par jugement en date du 6 juin 2017, le conseil des prud'hommes d'Oyonnax en sa formation de départage a :
- rejeté les demandes de [C] [T] relative à la qualification de son licenciement et à ses conséquences
- condamné la SAS GROSFILLEX à payer à Monsieur [C] [T] la somme de 440 euros au titre du solde de la gratification annuelle 2013
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour mesure discriminative et/ou exécution déloyale du contrat de travail
- rejeté les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- partagé les dépens par moitié entre les parties.
Le salarié a régulièrement interjeté appel total de ce jugement le 21 juin 2017.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2010 [C] [T] demande à la cour :
- de réformer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société GROSFILLEX, sur le plan du principe, au titre d'un solde de gratification annuelle 2013
- de dire et juger dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à Monsieur [C] [T] le 21 janvier 2014
- de condamner la SAS GROSFILLEX à payer à Monsieur [C] [T] les sommes
suivantes, par référence à un salaire brut mensuel de 4 416.21 euros :
* Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (net) : 119 000.00 euros
* Solde de gratification annuelle 2013 (brut) : 783.00 euros
* Congés payés afférents (brut) : 78.30 euros
* Dommages et intérêts pour mesure discriminative et/ou exécution déloyale du contrat de travail: 4 400.00 euros
* Article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la première instance et de l'instance d'appel : 4 500.00 euros
- d'ordonner le remboursement, par la SAS GROSFILLEX au Pôle Emploi des ALPES, des indemnités de chômage versées à Monsieur [C] [T] du jour de son licenciement
au jour du jugement à intervenir, dans la limite de six mois d'allocation
- de condamner la SAS GROSFILLEX aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2018, la SAS GROSFILLEX demande pour sa part à la cour:
- de confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'OYONNAX le 6 juin 2017,
exception faite de la condamnation de la Société GROSFILLEX à payer à Monsieur [C] [T], la somme de 440 euros au titre du solde de la gratification annuelle 2013,
- de dire que le licenciement de Monsieur [C] [T] repose sur une cause réelle et
sérieuse
- de débouter Monsieur [C] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- de débouter Monsieur [C] [T] de l'ensemble de ses autres demandes
- de condamner Monsieur [C] [T] à verser à la Société GROSFILLEX, la somme
de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure pénale
- de le condamner en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 13 octobre 2020.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement:
Par application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.
Il résulte de l'article L1222-7 du code du travail que la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail ne constitue pas une modification du contrat de travail.
Selon les dispositions de l'article L1222-8 du même code, lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail résultant de l'application d'un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement est un licenciement qui ne repose pas sur un motif économique et qui est soumis aux dispositions relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel.
Au soutien de son appel, [C] [T] fait valoir que son refus de signer l'avenant au contrat de travail soumis par l'employeur le 9 octobre 2013 était légitime dans la mesure où:
- cet avenant constituait une modification de son contrat de travail dès lors que la convention individuelle de forfait en jours à laquelle il était soumis depuis l'année 2000 était en principe nulle car:
* formalisée dans un simple courrier du 14 février 2000 ne faisant pas référence au nombre de jours travaillés sur l'année et ne reposant pas sur un accord collectif mais sur la loi sur les 35 heures et sur l'accord d'entreprise du 26 novembre 1997 ne prévoyant aucun dispositif relatif au forfait annuel en jours
* la mention portée sur les bulletins de paye d'un forfait de 203,50 jours puis de 204,50 jours n'a jamais été contractualisée
*il n'a pas bénéficié d'un contrôle de l'amplitude de son temps de travail mis d'un entretien annuel systématique
- il a néanmoins accepté en 2000 la décision de l'employeur de le soumettre à un forfait annuel en jours et ce pendant 13 ans
- les dispositions des articles L1222-7 et L1222-8 du code du travail ne sont pas applicables en l'espèce dans la mesure où l'avenant litigieux augmentait son temps de travail
- l'augmentation du nombre de jours du forfait sans augmentation corrélative du montant de son salaire, constitue en réalité une baisse du salaire
- l'accord d'entreprise du 25 septembre 2013 sur lequel est fondé l'avenant litigieux ne comporte pas de disposition relative à l'impact du forfait de 218 jours sur le salaire des cadres concernés, cette question étant renvoyée à la négociation individuelle
- au surplus, l'avenant litigieux qui prévoit désormais l'obligation de solliciter l'accord du supérieur hiérarchique pour prendre des journées de repos, selon une certaine procédure, est 'totalement antinomique et incompatible avec son statut de cadre soumis à un forfait annuel en jours devant être totalement autonome dans la gestion de son emploi du temps', contraire à l'article 5-5-5 de la convention collective de la plasturgie et incompatible avec le principe d'autonomie du salarié dans l'organisation de ses temps de travail et de repos qui constituent l'une des conditions de validité de la convention de forfait.
En réponse, la SAS GROSFILLEX soutient:
- qu'en application des dispositions de l'article L1228-8 du code du travail le refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail résultant de l'application d'un accord de réduction de la durée du travail est soumis aux dispositions relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel
- que la convention individuelle de forfait en jours ayant cessé de recevoir application du fait de la dénonciation de l'accord collectif du 26 novembre 1997, la durée du travail de [C] [T] était désormais la durée légale
- qu'il en va de même si, comme le soutient [C] [T], la convention individuelle de forfait annuelle en jours mise en place le 24 février 2000 est nulle
- que l'accord d'entreprise du 25 septembre 2013 prévoyant l'application d'un forfait annuel en jours à l'ensemble du personnel relevant du statut de cadre, qui s'impose de ce fait à [C] [T], constitue un dispositif de réduction du temps de travail par rapport à la situation des salariés n'en bénéficiant pas, lesquels 'seraient amenés à travailler, en moyenne, 229 jours par an, selon le mode de calcul suivant : 365 jours calendaires - 104 samedis et dimanches - 25 jours de congés payés - 7 jours fériés coïncidant avec des jours ouvrés, en moyenne'
- que cet accord collectif n'a pas entraîné de diminution de la rémunération de [C] [T] dans la mesure où le salaire de celui-ci a été intégralement maintenu
- que 'le refus de [C] [T] d'appliquer l'accord collectif validé à l'unanimité par le comité d'entreprise, le CHSCT ainsi que par les organisations syndicales présentes dans l'entreprise, compte tenu du régime nécessairement collectif de l'organisation et l'aménagement du temps de travail (...)', justifie le licenciement
- qu'en application de l'article L3121-43 du code du travail et de la jurisprudence, l'obligation de solliciter l'accord du supérieur hiérarchique n'est pas incompatible avec la soumission à un forfait annuel en jours et ne constitue pas une modification du contrat de travail.
En l'espèce, il n'est pas contestable que l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 25 septembre 2013 est un accord de réduction de la durée du travail.
Il est par ailleurs constant, s'agissant de la situation individuelle de [C] [T]:
- que la mise en place de la convention de forfait en jours résulte du courrier du 14 février 2000 de l'employeur, accepté par le salarié le 28 février 2000
- que les parties n'ont jamais remis en cause la validité de cette convention individuelle, y compris dans le cadre de la présente procédure, et l'ont appliquée sur la base de 203,5 jours puis de 204,5 jours.
Ainsi que le fait justement valoir [C] [T], cette convention individuelle de forfait en jours n'est pas fondée sur l'accord collectif du 26 novembre 1997, lequel ne comporte aucune stipulation relative au forfait en jours, mais uniquement sur la loi dite Aubry II du 19 janvier 2000 ayant créé le dispositif du forfait en jours.
Il en résulte que, nonobstant la dénonciation par l'employeur de l'accord collectif du 26 novembre 1997 au profit de l'accord collectif du 25 septembre 2013 le salarié est resté soumis à la convention individuelle de forfait en jours de 204,5 jours.
En conséquence, l'avenant du 9 octobre 2013 établi sur la base de l'accord collectif du 25 septembre 2013 avait pour effet d'augmenter sa durée effective de travail de 204,5 jours à 218 jours par an et il n'est pas contesté que cette augmentation ne s'accompagnait d'aucune augmentation de salaire, de sorte qu'il entérinait également une baisse de salaire.
En l'absence de toute diminution de la durée du travail de l'appelant, les dispositions de l'article L1222-7 invoquées par l'employeur ne sont pas applicables.
Au contraire, la modification de la durée du travail et du montant du salaire constituaient bien une modification du contrat de travail que le salarié était en droit de refuser.
En conséquence et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués par les parties, il apparaît que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
Selon les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version alors applicable, [C] [T] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement onze salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, laquelle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L1234-9.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise supérieur à 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à [C] [T] (4416.21 euros, montant non discuté), de son âge au jour de son licenciement (52 ans), de son ancienneté à cette même date (27 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur, une somme de 78 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, assortis d'intérêts légaux si à compter du présent arrêt.
Le jugement déféré sera donc infirmé sur tous ces points.
Sur le remboursement des sommes payées au salarié par Pôle Emploi:
Selon l'article L1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige: "Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées".
S'agissant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu d'ordonner, d'office et par application de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SAS GROSFILLEX à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à [C] [T] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois de prestations.
Sur la demande de rappel de gratification annuelle au titre de l'année 2013:
Au soutien de sa demande, l'appelant fait valoir:
- qu'en application du contrat de travail, il devait percevoir une gratification annuelle d'un montant minimal de 60 % de son salaire mensuel, le surplus étant soumis à l'appréciation de sa hiérarchie
- que durant toute la relation de travail, il a toujours perçu une gratification annuelle de plus de 60 % de son salaire brut
- qu'à la suite de son refus de signer l'avenant au contrat de travail proposé mois d'octobre 2013, le montant de sa gratification annuelle pour l'année 2013, payée sur le salaire du mois de décembre 2013, s'est élevé à 2200 euros soit 50 % de son salaire brut
- que tous les salariés ayant refusé de signer l'avenant à effet du 1er janvier 2014 ont vu leur prime ramenée au seuil de 50 % alors qu'elle devait être fixée selon leur efficacité
- qu'il aurait du percevoir à ce titre 67,8 % correspondant au taux moyen du montant de la gratification perçue depuis 15 ans, soit 2983 euros.
En réponse, la SAS GROSFILLEX soutient:
- qu'il résulte du contrat de travail du 25 novembre 1986 que l'attribution du montant de la gratification annuelle est discrétionnaire et susceptible de varier selon l'appréciation du responsable direct
- qu'au titre de l'année 2013, la valeur normale était de 60 % du salaire mensuel de référence, avec une modulation de plus ou -10 % appliqués en fonction des critères de jugement de valeur habituels
- qu'en 2013, 22 salariés dont [C] [T] ont perçu une gratification égale à 50 %
- que ce montant est sans lien avec son refus du forfait annuel en jours ce d'autant que le salarié avait jusqu'au 6 janvier 2014 pour se prononcer sur l'acceptation ou non de l'avenant de sorte que son supérieur hiérarchique ignorait, à la date de fixation du montant des primes - le 6 décembre 2013 - et à la date de versement de la gratification - le 23 décembre 2013 - quelle serait sa position
- que la prime versée à l'appelant au titre de l'année 2013 a été fixée 'en fonction des efforts consentis', appréciation qui relève des seules prérogatives de l'employeur
- qu'en toute hypothèse, le montant du rappel de cette prime s'élève à 440 euros correspondant à la différence entre 50 et 60 pour cent du salaire brut mensuel fixé à 4400 euros.
Le contrat de travail signé entre les parties le 25 novembre 1986 stipule qu'au salaire forfaitaire mensuel brut s'ajoute 'une gratification annuelle égale à:
- 60 % du salaire mensuel
gratification qui (...) Peut varier selon l'appréciation de votre responsable direct.'
Il n'est pas contesté que [C] [T] a toujours perçu une gratification annuelle supérieure à 60 % de son salaire brut depuis 1986 et que, pour l'année 2013, cette gratification s'est élevée à 50 %.
Il résulte d'un courrier de l'employeur du 23 décembre 2013 (pièce 10 de l'appelant) que ce dernier était informé le 23 décembre 2013, soit le jour du versement de la gratification annuelle, du refus du salarié d'accepter de signer l'avenant au contrat de travail modifiant le montant du forfait en jours, la SAS GROSFILLEX déclarant dans ce courrier prendre bonne note de son refus.
Il résulte également d'un courriel non équivoque du supérieur hiérarchique de [C] [T], également daté du 23 décembre 2013 (pièce 24 de l'appelant), que l'employeur a décidé d'une 'application systématique de 50 % aux non signataire de l'avenant RTT', ce qui n'est pas incompatible, au moins s'agissant du montant choisi, avec les critères d'attribution de la gratification définis par note interne du 25 novembre 2013 dès lors que la décision qui a été prise concernant l'appelant reste dans les limites de la variation fixée.
En effet, selon cette note interne confidentielle produite en pièce 2 par la partie intimée, la valeur normale de gratification annuelle de l'année 2013 était de '60 % du salaire mensuel de référence août 2013 hors tout autre élément exceptionnel de régularisation sur ce mois' avec une modulation de plus ou moins 10% (soit 50% à 70% du salaire mensuel de référence) appliquée ' en fonction des critères de jugement de valeur habituels, et en particulier des efforts accomplis ou non dans l'année écoulée'.
Or, le courriel du 23 décembre 2013 du supérieur hiérarchique de [C] [T] établit que, s'agissant de [C] [T], il n'a pas été fait application des critères d'attribution définis par la note du 25 novembre 2013 et qu'il a été attribué à ce dernier le taux le plus bas de la gratification annuelle, en raison de son refus de signer l'avenant au contrat de travail soumis le 9 octobre 2013.
Enfin, dès lors que la SAS GROSFILLEX ne justifie pas de l'absence d'efforts particuliers du salarié durant l'année 2013 interdisant de porter le montant de la gratification annuelle au-delà de 60 % et que le mode d'évaluation fondé sur le taux moyen de la gratification versée au cours des 15 dernières années n'est pas spécialement critiqué, il doit être fait droit à la demande de rappel de gratification annuelle au titre de l'année 2013 en intégralité, soit la somme de 783 euros, outre 78,30 euros de congés payés dès lors qu'il résulte de la note interne du 25 novembre 2013 que cette gratification est liée à l'activité du salarié.
Ces sommes seront assorties d'intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2015.
Le jugement déféré qui a fait droit partiellement la demande et a rejeté la demande de congés payés afférents sera infirmé sur ces points.
Sur la demande de dommages et intérêts pour discrimination et/ou exécution déloyale du contrat de travail :
Au soutien de sa demande de dommages-intérêts, l'appelant fait valoir que le non paiement de la gratification annuelle au titre de l'année 2013 en représailles de son refus de signer l'avenant à son contrat de travail constitue une mesure discriminatoire et/ou déloyale.
En réponse, la SAS GROSFILLEX soutient que, 'compte tenu du caractère discrétionnaire de l'attribution de la prime, [elle] ne saurait être condamné à des dommages et intérêts pour pratiques discriminatoires correspondant à 10 fois le montant de la prime (...)'.
La décision de l'employeur de sanctionner le salarié pour son refus de signer l'avenant au contrat de travail en lui octroyant le minimum de la gratification annuelle décidée pour l'ensemble des salariés constitue une exécution déloyale du contrat de travail.
L'existence d'un préjudice moral découlant de ce manquement de l'employeur à ses obligations n'étant pas discuté, il sera fait droit à la demande de dommages et intérêts à hauteur d'une somme que la cour évalue à 300 euros, outre intérêts légaux à compter du présent arrêt.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires:
Partie perdante, la SAS GROSFILLEX supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Par ailleurs, [C] [T] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 2500 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :
DIT que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SAS GROSFILLEX à payer à [C] [T] les sommes suivantes:
- 78 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, assortis d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
- 783 euros à titre de rappel de gratification de l'année 2013 outre 78,30 euros de congés payés afférents, assortis d'intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2015 ;
- 300 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales;
ORDONNE le remboursement par la SAS GROSFILLEX à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à [C] [T] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois de prestations ;
CONDAMNE la SAS GROSFILLEX à payer à [C] [T] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la SAS GROSFILLEX aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEOlivier GOURSAUD