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17/02/2021 | FRANCE | N°18/02970

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 17 février 2021, 18/02970


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR











N° RG 18/02970 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LVCP



SARL SECURITAS FRANCE



C/

[N]









APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Avril 2018

RG : F 17/00336





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRET DU 17 Février 2021







APPELANTE :



Société SECURITAS FRANCE

Sir

et 304 497 852 02550

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représentée par Me Franck JANIN de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON





INTIME :



[Z] [N]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté pa...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 18/02970 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LVCP

SARL SECURITAS FRANCE

C/

[N]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Avril 2018

RG : F 17/00336

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRET DU 17 Février 2021

APPELANTE :

Société SECURITAS FRANCE

Siret 304 497 852 02550

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Franck JANIN de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIME :

[Z] [N]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Murielle VANDEVELDE-PETIT de la SELARL VANDEVELDE AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Décembre 2020

Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller et Nathalie ROCCI, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nathalie PALLE, présidente

- Natacha LAVILLE, conseiller

- Nathalie ROCCI, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 17 Février 2021 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Nathalie PALLE, présidente, et par Christophe GARNAUD, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Sécuritas France a pour activité la sauvegarde et la sécurité des biens et des personnes.

Elle applique la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

M. [Z] [N] a été embauché par la société La ronde de nuit par contrat à durée indéterminée, à compter du 1er septembre 1994, en qualité de responsable de mission, statut agent de maîtrise.

Par un premier avenant du 5juin 2001 conclu entre la société Sécuritas France et M. [Z] [N], ce dernier a été nommé directeur d'agence, statut cadre, position I, coefficient 300.

Par un second avenant du 15 mars 2004, la société Sécuritas France a élargi le périmètre d'activité et de responsabilité de M. [N] à compter du 1er mars 2004 et a consacré une évolution progressive de sa rémunération. Au terme de cet avenant, M. [N] exerçait les fonctions de directeur d'agence, statut cadre, position II-B, coefficient 470 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'est élevée, au titre de ses douze derniers mois d'activité (juillet 2015 à juin 2016), à 6.583,57 euros bruts.

Le 4 février 2010, M. [N] a reçu une lettre de mission définissant son rôle et sa responsabilité dans le déploiement du projet nommé 'Orembar' proposant notamment une offre commerciale d'un agent disponible en moins d'une heure, et a été nommé, pour ce faire Directeur national activité ponctuelle.

La lettre de mission précise que M. [N] reste directeur d'agence Lyon Logistique et Ponctuelle.

A compter du 1er janvier 2015, M. [O] [U] a pris la direction de 'Sécuritas Réponse', nouvelle activité regroupant l'agence Solutions, les agences Ponctuelle et le marché de l'événementiel.

Par courriel du 30 janvier 2015 faisant suite à un entretien avec M. [N], M. [U] lui a reproché son savoir-être et son savoir faire en tant que directeur d'agence et lui a demandé de 'reprendre la situation'.

Par courrier du 16 mars 2015, M. [N] a été convoqué en vue d'une sanction disciplinaire, à un entretien préalable qui s'est déroulé le 30 mars 2015.

Le 29 avril 2015, M.[N] s'est vu notifier un premier avertissement disciplinaire au motif d'une mauvaise gestion de l'agence de [Localité 4].

Il lui a été reproché :

- des résultats non conformes aux attentes de la direction,

- un manque de rigueur sur certains points tels que le nombre d'heures supplémentaires, l'établissement de planning à 35 heures par semaines, le contrôle du travail des collaborateurs, le non respect des règles groupe sur les achats.

M. [N] a contesté cet avertissement par courrier du 26 mai 2015.

Le 22 juin 2016, l'inspection du travail de [Localité 6], à la suite d'un contrôle réalisé sur le stade de [Localité 6] durant l'EURO 2016, demandait à la société Sécuritas de justifier d'anomalies sur un échantillon de trois collaborateurs.

Invoquant des anomalies et des falsifications affectant les plannings de ces collaborateurs, la société Sécuritas a, par lettre remise en main propre à M. [N] le 8 juillet 2016, convoqué ce dernier à un entretien préalable fixé au 20 juillet suivant, avec mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réceptiondu 25 juillet 2016, la société Sécuritas France a notifié à M. [N] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

'Vous avez été convoqué le 20 juillet 2016 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement. Lors de cet entretien, vous étiez assisté par Mr [W], salarié élu, nous vous avons exposé les faits suivants :

Nous avons reçu un courrier de l'inspection du travail de [Localité 6] daté du 22 Juin 2016, suite à un contrôle réalisé sur le stade de [Localité 6]. Dans ce courrier l'inspection du travail nous a demandé de justifier des anomalies sur un échantillon de 3 collaborateurs. Nous avons donc recherché les éléments demandés, dont les plannings de ces collaborateurs qui comportaient de nombreuses anomalies.

Suite à ce constat nous avons décidé de pousser plus loin nos investigations :

Au 27 juin 2016, nous avons édité les plannings de vos salariés. A la lecture de ces plannings

nous avons constaté un certain nombre d'irrégularités comme :

- dépassement hebdomadaire du nombre d'heures de travail supérieurs à 48h : 13 cas

- plus de 6 jours de travail consécutifs : 2 cas

- des journées de travail supérieures à 12 heures : 20 cas

- une personne sans planning

Au 05 juillet, nous avons réédité les plannings des mêmes agents et qu'elle fut notre surprise :

- des heures avaient disparu

- des absences autorisées rajoutées sur des personnes qui n'avaient pas assez d'heures planifiées initialement...

Cela veut dire que vous avez volontairement falsifié les plannings de vos collaborateurs pour présenter une situation plus nette. Ces modifications de plannings concernent 12 personnes.

Malgré tous vos efforts pour faire disparaître ces faits, nous relevons sur l'état des contrôles légaux de notre logiciel de planification après la campagne de paye :

- 19 dépassements journaliers

- 30 temps de repos insuffisants entre 2 services

- 5 cas de planification de 6 services d 'affilés

- 121 cas de dépassement hebdomadaires pour les temps complets

De plus, sur ce mois de juin 2016, vous avez engagé deux CDD pour une période inférieure à 24 heures hebdomadaire sans qu'elles aient accepté au préalable des conditions. Je vous rappelle que pour établir un CDD inférieur a 24 heures hebdomadaires vous devez avoir reçu au préalable la demande expresse du salarié.

Enfin, alors que votre assistante, à plusieurs reprises, vous a alerté, vous avez réembauché un salarié qui avait été licencié pour faute alors que c'est une pratique interdite chez SECURITAS.

Je vous rappelle que votre subdélégation de pouvoir sociale en tant que directeur d'agence vous tient pénalement responsable de cette situation.

Tous ces faits démontrent que votre exploitation n'est pas maîtrisée et votre total manque d'implication dans votre travail et celui de vos collaborateurs. J'en veux pour preuve :

Alors que nous étions en plein préparatifs de l'EURO 2016, une semaine avant le démarrage de l'événement, vous vous êtes permis de partir une semaine en vacances laissant seuls vos collaborateurs.

Durant l'EURO 2016, je vous ai fait suivre régulièrement des mails sur des process opérationnels :

- Les rendez-vous de bureau veritas pour contrôler nos installations

- Les rendez-vous HTDS pour le démontage des installations

- Un mail de la société continentale pour bien sensibiliser les agents d'arrivée à l'heure et de bien prendre en compte les modifications de consignes

Sur ces trois exemples, vous avez été le seul parmi les 10 directeurs d'agence concernés à ne pas suivre les instructions.

D'autre part, j'ai pu observer à plusieurs reprises sur les postes des centres médias, des agents qui ne portaient pas la tenue Sécuritas complète. En effet, vous avez été incapable d'anticiper la commande des tenues. Pour rappel, c'est un manquement grave aux dispositions de notre profession (Livre V1 du code de la sécurité intérieure).

Au Château de [Localité 7] alors que vous y passiez très régulièrement, vous nous écrivez à la fin de la mission, que la main courante n'est pas exploitable car les agents ont mal écrit. Vous auriez du contrôler ce document et vous vous seriez aperçu que celui-ci était mal tenu ce qui nous aurait évité bien des déboires pour le rapprochement de la facturation.

Toujours au Château de [Localité 7] la veille du démarrage alors que vous étiez rentré chez vous, votre assistante s'est aperçue avec l'aide du superviseur qu'il manquait du matériel pour le PC mobile. C'est donc elle qui a pris sa voiture personnelle pour aller faire des courses de première nécessité.

Enfin, votre assistante pour vous assurer d'un bon confort dans vos déplacements sur [Localité 6], vous avez envoyé par mail, les codes des chambres pour la nuit du 22 Juin 2016. Encore une fois, vous n'aviez pas géré et toute votre équipe a du dormir dans le hall de l 'hôtel jusqu'a l'arrivée du réceptionniste.

Ces faits d'une extrême gravité sont d'autant plus répréhensibles qu'ils surviennent après plusieurs alertes de notre part. En effet, le 30 janvier 2015, nous vous notifions par mail un premier recadrage sur votre travail. Le 29 avril 2015, nous vous avions notifié un avertissement sur la non gestion des contrôles légaux, sur le respect des règles groupe ainsi que le suivi du travail de vos collaborateurs.

Nous constatons hélas que vous n 'avez pas pris ces alertes en considération.

Aussi, compte tenu de la gravité des agissements fautifs qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Par conséquent, nous vous licencions pour faute grave ».

Le 8 février 2017, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de condamner la société Sécuritas à lui verser des dommages-intérêts au titre de :

- sa rétrogradation à des fonctions de directeur d'agence à compter du mois de janvier 2015 sans son consentement,

- l'exécution déloyale de sa convention de forfait en jours,

- l'exécution d'un travail dissimulé,

- la perte du bonus 2016,

et de condamner la société Sécuritas au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, à lui verser les sommes suivantes :

* 39 321,10 euros nets à titre d'indemnité de licenciement ;

* 19 752 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 975,20 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 3 621,20 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire du 8 au 25 juillet 2016, outre 362,12 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 145 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- condamner la société Sécuritas à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Sécuritas aux dépens.

Par jugement rendu le 5 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- rejeté la demande de sursis à statuer formulée par la société Sécuritas,

Sur le fond,

- dit que le licenciement de M.[N] est abusif,

- fixé le salaire moyen mensuel brut de M.[N] à 6 584 euros,

En conséquence,

- condamné la société au paiement des sommes suivantes :

* 5 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral du à la rétrogradation et à l'exécution déloyale du contrat de travail de M. [N],

- 20 000,00 euros au titre du rappel de la prime Bonus 2016,

- 19 752,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 975,20 euros de congés payés afférents,

- 39 321 ,10 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 621,10 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 362,10 euros de congés payés afférents,

- 100 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et

sérieuse,

- 5 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 1 600,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [N] de ses plus amples demandes,

- débouté la société Sécuritas de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le remboursement par la SARL Sécuritas aux organismes intéressés des allocations chômage versées à M. [N] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement et ce dans la limite de trois mois d'indemnités,

- condamné la SARL Sécuritas aux dépens y compris les éventuels frais d'exécution forcée.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 17 avril 2018 par la société Sécuritas France.

Par conclusions notifiées le 22 septembre 2020 , auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Sécuritas France demande à la cour de :

I/ Sur le licenciement pour faute grave :

- infirmer le jugement entrepris

et statuant à nouveau

à titre principal,

- dire que le licenciement pour faute grave de M. [N] est parfaitement fondé,

- le débouter en conséquence, de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et préjudice moral distinct,

à titre subsidiaire,

- dire que les faits reprochés constituent à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement, - débouter en conséquence M. [N] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et préjudice moral distinct,

à titre infiniment subsidiaire,

- limiter le montant des dommages-intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 6 mois de salaires soit 39.502 euros bruts,

- débouter en tout état de cause M.[N] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral,

II/ Sur la rétrogradation :

-infirmer le jugement entrepris

et statuant à nouveau

- dire que la mission confiée à M. [N] en 2011 était une mission transversale entrant dans le cadre des compétences et qualification de directeur d'agence n'entraînant pas modification du contrat de travail,

- dire en conséquence que l'arrêt prévisible de cette mission ne saurait être qualifiée de modification du contrat de travail par rétrogradation,

- débouter en conséquence M. [N] de la demande en paiement de 15.000 euros de dommages-intérêts qu'il formule à ce titre,

III/ Sur la prime de bonus 2016 :

- infirmer le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

- dire que M. [N] n'est pas fondé à solliciter le bénéfice d'une prime de bonus 2016 au regard des dispositions contractuelles librement acceptées par lui,

- le débouter en conséquence de la demande qu'il formule à ce titre,

- dire que M. [N] ne justifie nullement du quantum de sa demande et l'en débouter de plus fort,

IV/ Sur la convention de forfait en jours :

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter en conséquence M.[N] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait jours,

V/ Sur le travail dissimulé :

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter en conséquence M. [N] de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé,

VI/ Sur les frais irrépétibles :

- condamner M. [N] à payer à la société la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [N] aux dépens.

Par conclusions notifiées le 16 octobre 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [N] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement est abusif,

et statuant à nouveau,

- condamner la société Sécuritas à lui verser les sommes suivantes :

* 39 321,10 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

* 19 752 euros bruts a titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 975,20 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 621,20 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire du 8 au 25 juillet 2016, outre 362,12 euros au titre des congés payés afférent,

*145 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 60 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il a été victime d'une rétrogradation

et statuant à nouveau,

- condamner la société Sécuritas à lui verser une somme de 30 000 euros nets à titre de dommages-intérêts,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il est fondé à solliciter le bénéfice d'une prime Bonus,

et statuant à nouveau,

- condamner la société Sécuritas à lui verser la somme de 40 000 euros bruts à titre de rappel de la prime bonus 2016,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 20 000 euros pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours,

et statuant à nouveau,

- condamner la société Sécuritas à lui verser une somme de 20 000 euros nets pour exécution déloyale de la convention de forfait jours,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de la somme de 39 504 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

et statuant à nouveau,

- condamner la société Sécuritas à lui régler la somme de 39 504 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- condamner la société Sécuritas à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du 22 octobre 2020.

MOTIFS

- Sur le licenciement :

Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ; aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part, d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part, de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société Sécuritas France a licencié M. [N] pour faute grave en invoquant de graves infractions à la législation constatées dans la planification des salariés sous sa responsabilité, ainsi que d'autres anomalies en matière de travail à temps partiel, de respect des règles internes, associées à une certaine légèreté de comportement peu compatible avec les responsabilités d'un directeur d'agence et constitutives de graves manquements à ses obligations contractuelles.

1°) Sur les infractions relatives à la durée du travail :

La société Sécuritas France expose qu'elle a reçu le 22 juin 2016, un courrier de l'inspection du travail de [Localité 6] ayant constaté à l'occasion d'un contrôle réalisé sur le stade de [Localité 6] dans le cadre de l'Euro 2016, un échantillon de trois collaborateurs dont les plannings comportaient des anomalies au regard de la durée maximale journalière de travail et des temps de repos.

La société Sécuritas France indique qu'elle a décidé, en conséquence, de procéder à une vérification des plannings qu'elle a fait éditer une première fois le 27 juin 2016.

Elle indique qu'elle a ainsi découvert des infractions répétées aux règles relatives à la durée du travail, soit :

-13 cas de dépassement de la durée maximale hebdomadaire de 48 heures,

- 2 cas de salariés ayant travaillé 6 jours consécutifs, révélateurs, notamment, d'infractions aux règles relatives au repos hebdomadaire,

- 20 cas de salariés ayant accompli des journées de travail supérieures à la durée maximale de 12 heures.

L'employeur soutient qu'après une nouvelle édition des plannings le 5 juillet 2016, il a découvert que douze d'entr'eux avaient été falsifiés.

M. [N] fait observer que si l'administration a opéré un contrôle le 12 juin 2016, ce contrôle n'a porté que sur trois collaborateurs et un sous-traitant au sein d'une équipe de 88 agents et qu'il n'a donné lieu à aucune suite de la part de l'inspection du travail.

Il fait valoir que l'édition des plannings le 27 juin et le 5 juillet 2016 a été faite en son absence et sans qu'il soit mis en mesure de s'expliquer sur les prétendues anomalies et falsifications invoquées. Il souligne qu'il n'a pas davantage été destinataire du courrier de l'inspection du travail.

M. [N] réfute le grief tiré du non respect de la législation sociale en soutenant, d'une part, que M. [U] validait l'exécution d'heures supplémentaires et de primes et autorisait expressément le dépassement des durées hebdomadaires de travail dans la limite de 48 heures.

Il soutient, d'autre part, qu'il n'avait pas les moyens de ses responsabilités dès lors qu'il devait faire valider par M. [U] toutes ses décisions. Il conclut à l'inopposabilité de la subdélégation de pouvoirs et de moyens dont il bénéficiait.

M. [N] fait valoir, en tout état de cause, que la subdélégation de pouvoir querellée se limite au périmètre géographique et de compétence de sa direction, alors que le contrôle invoqué a été effectué à [Localité 6].

****

M. [N] qui ne conteste pas avoir été en charge de la sécurité :

- du stade 'GROUPAMA STADIUM' à [Localité 4],

- de la fan zone de la place Bellecour,

- du stade de [Localité 6],

- du Château de [Localité 7] dans le Beaujolais,

- des stades d'entraînement de l'équipe de l'Irlande du Nord à [Localité 9],

- du stade de [Localité 8], ainsi qu'il le rappelle dans ses écritures, n'est pas fondé à soutenir que le contrôle effectué sur le stade de [Localité 6] ne lui serait pas opposable dès lors qu'il n'entrerait pas dans son périmètre géographique, dont il est constant qu'il n'était pas limité à l'agglomération lyonnaise, M. [N] ayant en charge des missions à mener sur l'ensemble du territoire national.

Le fait que le courrier de l'inspection du travail de [Localité 6] n'ait pas été évoqué au cours de l'entretien est indifférent, dès lors que l'existence de ce courrier n'est pas remise en cause et que le dialogue que la phase de l'entretien préalable est destinée à instaurer entre l'employeur et le salarié, a effectivement eu lieu en l'espèce, le salarié ayant été mis en mesure de s'expliquer sur les griefs qui lui ont été reprochés.

De même, le fait qu'il a été procédé à l'édition des plannings en l'absence de M. [N] est sans conséquence, le salarié ne soutenant pas que les plannings concernés auraient été modifiés en son absence ou qu'ils ne seraient pas conformes à ce qu'il avait décidé.

M. [N] ne met par ailleurs pas en cause la subdélégation de pouvoirs en matière sociale dont il a bénéficié à la date du 1er janvier 2015, laquelle est libellée comme suit :

' Monsieur [O] [U], Directeur d'Activité, ayant reçu de Monsieur [T] [G], Directeur Général de la Société Securitas France SARL délégation de pouvoirs en matière sociale pour la gestion des effectifs et activités de la société Securitas France SARL intervenant dans le cadre des domaines et limites géographiques des responsabilités qui lui ont été confiées, conformément à la possibilité qui lui en a été donnée, subdélègue lesdits pouvoirs, de façon effective et permanente à :

- Monsieur [Z] [N], Directeur d'Agence, pour assurer, sous l'autorité du Directeur d'Activité, la direction des effectifs, des activités et établissements de la société Securitas France SARL, situés dans le périmètre géographique et de compétences de sa Direction, pour le compte et en lieu et place de tout autre représentant de cette société.

Au titre de la présente subdélégation, compte tenu de ses compétences professionnelles et responsabilités, Monsieur [Z] [N] se voit subdéléguer lesdits pouvoirs pour appliquer la législation du travail et les dispositions du code du travail ; notamment la réglementation en matière d'hygiène, de sécurité, de durée du travail, de représentation du Personnel, et présider personnellement les instances de représentation du personnel correspondant à son niveau de responsabilités, cela dans le cadre des structures actuelles et futures et des règles et modes de fonctionnement internes de ladite société.

Par ailleurs, Monsieur [Z] [N] dispose, par la présente subdélégation, des pouvoirs d'embauche, de licenciement, de gestion des effectifs, d'application, entre autres, du livre VI du Code de la Sécurité Intérieure régissant les activités de Securitas France SARL, de représentation devant les instances judiciaires et toutes autorités administratives, le tout dans le cadre des règles et procédures internes de ladite société. »

M. [N] conteste l'effectivité de la subdélégation de pouvoirs, au motif qu'il devait faire valider toutes ses décisions par M. [U] et qu'il devait en référer à ce dernier pour obtenir des moyens supplémentaires et produit, pour illustrer sa situation un courriel du 29 juin 2015 par lequel M. [U] a validé le recours aux heures supplémentaires à 48 heures, ainsi qu'un courriel du 29 juin 2016 par lequel M. [N] a sollicité la validation d'une proposition de primes pour plusieurs salariés.

Cependant, ces éléments sont insuffisants à remettre en cause l'effectivité de la subdélégation consentie à M. [N] en matière sociale dès lors qu'ils ne caractérisent pas une immixtion de M. [U] dans le champ de la délégation de pouvoirs, M. [N] ne justifiant d'aucune directive de M. [U] en matière sociale. Il apparaît en outre que M. [N] n'a jamais remis en cause l'effectivité de cette délégation de pouvoirs jusqu'à son licenciement.

En ce qui concerne les infractions en matière de durée du travail, il est constant que le contrôle effectué par l'inspection du travail à [Localité 6] le 12 juin 2016 dans le cadre de l'Euro a révélé, pour trois salariés, des violations de la législation sur les temps de travail et de repos relatives au décompte de la durée du travail, à la contre partie au temps de déplacement professionnel, à la prise du repos compensateur, au dépassement de la durée quotidienne maximale de travail, au temps de repos entre deux services.

Il est également constant que l'inspection du travail a procédé à l'issue de ce contrôle à une demande d'explications et un rappel au respect de la législation en la matière.

Un débat s'est instauré entre les parties sur la question de savoir si M. [N] est bien l'auteur et le signataire du courrier en date du 7 juillet 2016 adressé par la société Sécuritas à l'administration, sous la signature de M. [N], pour apporter les justifications demandées par l'administration, M. [N] contestant en être le signataire en faisant observer que ce courrier est daté du jour précédant sa convocation à l'entretien préalable à son licenciement.

Aucun élément objectif ne permet d'affirmer que M. [N] n'est pas le signataire de ce courrier, étant précisé que la société Sécuritas France a fait procéder à une comparaison d'écriture par un expert graphologue qui attribue la signature du courrier du 7 juillet 2016 à M. [N].

Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de M. [N] quant à l'application de la législation du travail notamment la réglementation en matière d'hygiène, de sécurité et de durée du travail découle, tant de ses missions contractuelles, M. [N] étant responsable de la gestion du personnel dans les termes suivants : ' recrutement, licenciement, mutation, motivation, formation, information, paie etc....et, à ce titre, garant du respect des règles contractuelles et légales ( droit du travail, hygiène et sécurité)(...)', que de la délégation de pouvoirs qu'il a reçue le 1er juillet 2015, et qu'il n'a jamais contestée pendant la relation contractuelle.

Il résulte d'un compte-rendu de réunion établi par M. [N] le 21 janvier 2016 et adressé en copie à M. [U], une rubrique intitulée 'contrôles légaux décembre' laquelle répertorie les dépassements journaliers (2), les temps de repos entre 2 services non respectés (14), les dépassements de plus de 6 services d'affilés ( 2), les dépassements de + de 48h00 (0), et indique in fine: 'Rappel Permanent : Objectif 0 écart.'

La société Sécuritas France précise en outre qu'au terme de chaque campagne de paye, un état des contrôles légaux du logiciel de planification est édité automatiquement, indépendamment de toute procédure particulière d'investigation et de vérification.

Ainsi, les débats ont mis en évidence l'existence de contrôles légaux mensuels permettant de comptabiliser le nombre de dépassements journaliers et hebdomadaires, de services d'affilés supérieures à 6, de non- respect des temps de repos entre deux services ou encore de durées du travail de + de 48 h sans repos, de sorte que la société Sécuritas France n'ignorait pas les dépassements répétés de la durée maximale du travail et que le contrôle de l'inspection du travail du 12 juin 216 et l'édition des plannings n'a fait que confirmer une situation que l'employeur ne pouvait ignorer au moins, compte tenu des pièces versées aux débats, depuis le mois de décembre 2015.

Les infractions constatées à l'issue du contrôle du 12 juin 2016, si elles n'ont donné lieu à aucune suite de la part de l'administration du travail, et donc à aucune conséquence pour l'employeur, et si elles restent marginales au regard du nombre importants d'agents engagés dans les opérations de sécurité de l'Euro 2016, caractérisent cependant une exposition injustifiable des salariés à des risques psycho-sociaux et en matière de santé.

Cependant, il apparaît que des manquements en matière de contrôles légaux avaient déjà été constatés plusieurs mois auparavant, sans faire obstacle à la poursuite de la relation contractuelle, que l'avertissement du 29 avril 2015 portait notamment sur ce grief et n'avait pourtant pas empêché la société Sécuritas France d'accorder à M. [N] une large délégation de pouvoirs en matière sociale quelques semaines plus tard, soit le 1er juillet 2015.

Dans ces conditions, les manquements constatés en juin 2016, relativement circonscrits au regard de la période concernée, à savoir la sécurisation de plusieurs sites dans le cadre de l'Euro 2016, ne peuvent être considérés comme des manquements rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, et ne caractérisent pas une faute grave mais une cause réelle et sérieuse.

2°) Sur l'absence de logique dans la planification :

La société Sécuritas France soutient que certains salariés n'étaient pas planifiés à hauteur de leur horaire contractuel et que M. [N] a tenté de dissimuler les heures manquantes par le rajout 'd'absences autorisées' justifiant le non-paiement des heures correspondantes vis-à-vis du service de paie, tandis que d'autres salariés n'étaient pas planifiés du tout.

La société Sécuritas France s'appuie sur le témoignage de l'un de ses salariés, M. [C] [B], responsable des opérations, lequel déclare, le 12 septembre 2016, avoir reçu pour consigne de M. [N], de mettre des absences autorisées au personnel qui était en heures perdues afin qu'il n'y ait pas d'heures perdues.

M. [N] conteste avoir donné des injonctions en ce sens. Il ajoute que la salariée chargée d'établir les plannings de l'Euro n'était autre que Mme [I] [U], épouse de M. [O] [U].

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Compte tenu de ses missions contractuelles, en sa qualité de directeur d'agence, et des termes de la délégation de pouvoirs sus-visée, il est constant que la gestion des effectifs est l'une des attributions de M. [N] qui ne peut dès lors contester que la responsabilité de la planification du personnel lui incombe.

Dès lors l'affirmation selon laquelle Mme [I] [U] était chargée d'établir les plannings de l'euro apparaît sans objet, faute pour M. [N] d'étayer cette affirmation par des éléments objectifs, étant précisé que Mme [U] a été recrutée en qualité d'assistante, par contrat de travail à durée déterminée en raison d'un surcroît d'activité, du 25 avril 2016 au 31 mai 2016, conditions qui impliquent l'absence d'initiative ou de pouvoir décisionnel, a fortiori pour la planification.

La cour constate par ailleurs, que le témoin [C] [B] ne présente pas de garanties d'impartialité suffisantes au regard de son lien de subordination à l'une des parties, que ce témoignage n'est corroboré par aucun élément objectif et est fermement contesté par M. [N] qui fait observer que M. [B] était, à l'époque des faits, délégué du personnel et membre du CHSCT, de sorte que l'attestation de M. [C] [B] est dépourvue de toute force probante.

La société Sécuritas France verse également aux débats la réclamation d'un ex salarié, M. [R] [J], datée du 18 juillet 2016, lequel réclame notamment un rappel d'heures au titre du mois de juin 2016, ainsi que la communication de son planning réactualisé. Cette pièce est également inopérante dès lors qu'elle ne démontre nullement la volonté de dissimuler des heures travaillées.

Enfin, la société Sécuritas France invoque l'action judiciaire intentée contre elle par un ex salarié, M. [V], en paiement d'heures de travail en vertu d'un contrat à durée indéterminée du 26 juin 2012, mais à défaut de tout élément précis sur l'objet de ce contentieux, la société Sécuritas France ne démontre pas en quoi le cas de M. [V] serait révélateur d'une absence de planification du travail du salarié en question.

Il résulte de ces éléments que le grief tiré d'une planification incohérente et de la falsification des plannings n'est pas étayé par les éléments versés aux débats et doit être écarté, de sorte qu'il ne saurait être constitutif d'une faute grave.

3°) Sur le non respect de la législation relative au travail à temps partiel également reproché à M. [N] par la société Sécuritas France, pour avoir procédé à l'embauche, en juin 2016, de deux salariées à temps partiel sur une base hebdomadaire inférieure à 24 heures, en dehors de toute demande expresse des intéressées, et donc, en violation flagrante des dispositions légales en la matière, M. [N] soutient que les deux salariées concernées, Mmes [S] et [X], ont été proposées par M. [U], celles-ci étant par ailleurs en CDI à la station de télésurveillance de la société Sécuritas.

***

Il résulte des dispositions de l'article L. 3123-27 du code du travail qu'à défaut d'accord prévu à l'article L. 3123-19, la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à 24 heures par semaine, ou le cas échéant, à l'équivalent mensuel de cette durée ou à l'équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44.

Mme [S] a été embauchée suivant contrat à durée déterminée à temps partiel du 8 juin 2016 pour un horaire mensuel moyen de 40 heures et Mme [F] [X] a été embauchée suivant contrat à durée déterminée à temps partiel du 12 juin 2016 pour un horaire mensuel moyen de 70 heures.

Si la durée minimale légale du contrat de travail à temps partiel est de 24 heures, il est cependant possible d'y déroger par convention ou accord de branche étendu sous réserve de prévoir un certain nombre de garanties, notamment quant à la mise en oeuvre d'horaires réguliers. Il est également possible d'y déroger sur demande écrite et motivée du salarié.

Faute de toute précision sur la situation des deux salariées en question, le recrutement de ces deux salariées par contrats de travail à temps partiel pour une durée moyenne hebdomadaire inférieure à 24 heures n'est pas constitutif d'une faute grave, c'est à dire d'une faute rendant le maintien du salarié dans l'entreprise impossible même pendant la durée du préavis.

Ce grief sera en conséquence écarté.

4°) Sur l'embauche d'un salarié licencié pour faute grave quelques années plus tôt :

La société Sécuritas France indique que M. [N] a décidé seul, nonobstant l'information obtenue du service Hotline DSI sur le motif du licenciement de M. [J], à savoir la faute grave, de procéder à sa réembauche, au mépris de la règle en vigueur au sein de la société, et ce, sans avoir sollicité, et a fortiori obtenu, l'accord de sa hiérarchie.

M. [N] réfute ce grief comme lui étant imputable en faisant valoir :

- qu'il a interrogé les services compétents pour vérifier si une éventuelle réembauche était envisageable,

- qu'aucun des salariés ne connaissait M. [R] [J], licencié en 2003, soit 13 ans auparavant,

- que M. [J] a été recruté avec l'accord de M. [U] et de Mme [Y], responsable des ressources humaines Sécuritas.

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Il résulte des courriels objet de la pièce n°41 de la société Sécuritas France que M. [N] s'est interrogé sur l'existence d'un précédent licenciement de M. [J] par la société Sécuritas et sur le motif de ce licenciement.

Il est constant que Mme [H], assistante d'agence Sécuritas Surveillance a obtenu, par courriel du 31 mai 2016, la confirmation que M. [R] [J], avait été licencié pour faute grave le 2 septembre 2004.

M. [N] ne conteste pas avoir eu cette information en temps utile et avoir décidé, en toute connaissance de cause, d'embaucher M. [J] sur la demande insistante de Mme [H] qui le 3 juin 2016 lui enjoignait de lui répondre dans les termes suivants:

' Je n'ai pas de retour écrit de ta part, je fais quoi ' Il est à l'accueil pour les tenues et le planning. A te lire.'

M. [N] lui répondait: ' Ok on le prend cdt.'

Si M. [N] soutient avoir agi avec l'accord de M. [U] et de Mme [Y], il ne justifie cependant ni d'un accord exprès, ni d'un accord tacite qu'il n'était au demeurant, pas tenu de solliciter compte tenu de la délégation de pouvoirs dont il bénéficiait.

En ce qui concerne la règle interdisant de réembaucher un salarié précédemment licencié pour faute grave par le même employeur, M. [N] fait observer que la société Sécuritas ne produit pas le texte de cette interdiction.

Mais l'absence de texte édictant expressément une telle interdiction ne fait cependant pas obstacle à ce que ce principe soit invoqué par l'employeur dès lors qu'il résulte du simple bon sens et d'une gestion cohérente du recrutement du personnel par un employeur.

Le recrutement de M. [J] témoigne par conséquent d'une légèreté fautive de la part de M. [N].

5°) Sur le manque d'implication dans le cadre de l'euro 2016 :

La lettre de licenciement de M. [N] illustre son manque d'implication dans le cadre de l'Euro 2016 par plusieurs exemples :

- une semaine de congés posée une semaine avant le démarrage de l'événement,

- le non respect de process opérationnels,

- le défaut d'anticipation des commandes de tenue pour le personnel,

- des négligences sur le site du château de [Localité 7]: main courante inexploitable car illisible et manque de matériel pour le PC mobile,

- la mauvaise gestion du déplacement à [Localité 6] du 22 juin 2016 ayant conduit l'équipe à dormir dans le hall de l'hôtel en attente du réceptionniste, faute pour M. [N] d'avoir suivi les instructions de Mme [H].

M. [N] conteste le manque d'implication dans l'événement Euro 2016 et met en avant les nombreuses félicitations qui lui ont été adressées pour le succès de cet événement.

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a) La société Sécuritas confirme que M. [U] a validé, dès le début de l'année 2016, les congés accordés à M. [N], de sorte qu'elle ne saurait invoquer le manque de responsabilité de son salarié pour considérer ce départ en congés, dûment autorisé par le supérieur hiérarchique, comme fautif.

b) En ce qui concerne le non respect des process opérationnels et le défaut d'anticipation des commandes de tenues, la société Sécuritas ne produit aucune pièce à l'appui de ces griefs qui ne sont par conséquent pas établis au terme des débats.

c) Les négligences invoquées sur le site du château de [Localité 7] apparaissent insuffisamment étayées : en effet, l'employeur verse seulement aux débats une observation de M. [N] sur le caractère inexploitable de la main courante, à l'exception de tout autre élément relatif à cette difficulté ou au PC mobile, de sorte que la cour n'est pas renseignée sur la réponse apportée par M. [N] à cette difficulté et ne peut en conséquence se prononcer sur une quelconque faute.

Au contraire de ce que soutient la société Sécuritas France, M. [N] produit le courriel que lui a adressé M. [A] [D], le 29 juin 2016, en sa qualité de coordonnateur Sûreté et Sécurité au sujet de l'effectif des sites de [Localité 7] et [Localité 9], ainsi libellé :

' ... comme nous l'avons déjà évoqué au téléphone, je te confirme que la prestation fournie par tes équipes était à la hauteur des exigences de sécurité et des souhaits de la délégation. J'ai apprécié la coordination locale efficace afin de gérer au mieux les différentes adaptations nécessaires au regard de l'agenda parfois capricieux de la délégation (...)'

Force est de constater que la société Sécuritas France ne verse pas aux débats d'éléments à l'encontre de l'appréciation élogieuse dont M. [N] se prévaut au sujet de sa prestation sur le site de [Localité 7].

d) En ce qui concerne la nuit du 22 juin 2016 à [Localité 6], si M. [N] confirme que son équipe et lui-même ont été contraints de patienter plusieurs heures dans le hall d'un hôtel, en attendant l'arrivée du réceptionniste, faute de pouvoir accéder aux chambres, il réfute toute responsabilité et conteste l'affirmation de l'employeur selon laquelle il avait reçu de Mme [H] les codes d'accès aux chambres.

La société Sécuritas produit à ce sujet le témoignage de Mme [H] qui indique: '(...) Je lui ai explicitement dit qu'il fallait prendre contact avec l'hôtel avant 20h00 pour qu'à son tour l'hôtel lui communique les codes d'accès aux chambres. Pour ce faire, je lui ai communiqué le n° de téléphone de l'hôtel.'

Faute de tout élément objectif de nature à corroborer le témoignage de Mme [H], laquelle se trouve dans un lien de subordination à l'employeur, les circonstances de cet incident sont équivoques et le doute doit profiter à M. [N] sur la responsabilité de ce qui apparaît comme un malentendu.

En tout état de cause, à supposer que M. [N] soit responsable de cet incident, l'employeur n'a pas caractérisé l'existence d'une faute grave.

La société Sécuritas France invoque par ailleurs des anomalies et infractions révélées après le licenciement de M. [N]. Mais, la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il n'y a pas lieu d'examiner les dites anomalies ou infractions qui ne sont pas dans le débat sur le bien-fondé du licenciement de M. [N].

Il ressort des éléments factuels du dossier que les seuls griefs établis à l'encontre de M. [N] portent sur les infractions à la législation sur le temps de travail et sur l'embauche d'un salarié licencié pour faute grave quelques années plus tôt et ont un caractère fautif en ce qu'ils portent atteinte, pour le premier, à l'obligation de santé et de sécurité dont l'employeur est redevable et pour le second, au devoir de loyauté de M. [N] à l'égard de son employeur. Les autres griefs reprochés à M. [N] dans la lettre de licenciement ne sont pas caractérisés.

Les griefs ainsi retenus justifient par conséquent le licenciement, mais ne rendent toutefois pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, de sorte qu'ils ne caractérisent pas la faute grave invoquée par la société Sécuritas France. Il s'ensuit que le licenciement de M. [N] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [N] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur les indemnités de rupture :

La faute grave ayant été écartée, M. [N] peut prétendre, en application des dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail, au paiement d'une indemnité légale de licenciement ainsi qu'à une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents.

Aucune des parties ne remet en cause, même à titre subsidiaire, les bases sur lesquelles le conseil de prud'hommes a liquidé les droits de M. [N] au titre des indemnités de rupture.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Sécuritas à payer à M. [N] les sommes de 39 321, 10 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 19 752, 00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 975, 20 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur le rappel de salaires :

En l'absence de licenciement pour faute grave, la société Sécuritas est redevable des salaires dont elle a privé M. [N] durant la période de mise à pied conservatoire du 8 juillet 2016 au 25 juillet 2016, date de réception de la lettre de licenciement pour la somme de 3 621, 20 euros.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Sécuritas à payer à M. [N] la somme de 3 621, 20 euros au titre de rappel de salaires, outre la somme de 362, 12 euros de congés payés afférents.

- Sur les dommages- intérêts :

Compte tenu de l'issue du litige, M. [N] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

M. [N] formule en outre une demande distincte de dommages-intérêts, à hauteur de 60 000 euros en réparation du préjudice moral résultant des conditions particulièrement humiliantes et vexatoires de son éviction. Il fait valoir que l'employeur l'a convoqué à l'entretien préalable au licenciement le 8 juillet 2016, soit le jour même où l'ensemble de l'équipe a été invitée au restaurant pour célébrer le bon déroulement de l'Euro.

La société Sécuritas s'oppose à cette demande en soulignant que l'indemnisation d'un préjudice moral distinct de celui lié au licenciement suppose que le salarié rapporte la preuve que son licenciement serait intervenu dans des conditions vexatoires en raison d'un comportement fautif de l'employeur.

La société Sécuritas soutient que la seule coïncidence de date entre le repas en question et la convocation à l'entretien préalable est insuffisante à établir cette preuve.

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Lorsqu'un salarié sollicite des dommages-intérêts en raison des circonstances de la rupture de son contrat de travail, les juges du fond sont tenus de rechercher si les conditions de la rupture n'ont pas été abusives ou vexatoires, et ce, que le licenciement ait été prononcé pour une cause réelle et sérieuse ou en raison d'une faute grave.

Il s'agit d'un préjudice distinct de celui causé par la perte de l'emploi, qui résulte du non respect de l'obligation pour les parties d'exécuter le contrat de bonne foi, édictée par l'article L. 1222-1 du code du travail, cette obligation s'imposant jusqu' à la rupture.

Il appartient à la cour, en application de ces principes, de caractériser les circonstances particulières de la rupture de nature à constituer une faute de l'employeur et ayant causé un préjudice distinct.

En l'espèce, la société Sécuritas admet qu'il y a eu coïncidence entre la date de convocation de M. [N] à un entretien préalable à son licenciement et l'annonce faite à l'équipe qu'elle était conviée au restaurant pour un repas de célébration du bon déroulement de l'Euro 2016.

M. [N] justifie en outre qu'une cérémonie de remerciements était organisée, trois jours plus tard, soit le 11 juillet 2016 par le préfet des Alpes-Maritimes, le Président de la Métropole [Localité 6] Côte d'Azur et le maire de [Localité 6] dans le cadre de l'UEFA Euro 2016.

Il apparaît que M. [N] a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2016 adressée à son employeur, dénoncé les conditions de son éviction, déplorant s'être vu remettre la convocation à l'entretien préalable le 8 juillet à 11h50, alors que ses collaborateurs étaient invités à déjeuner pour fêter la fin de l'Euro, d'avoir été sommé de restituer sur le champ son téléphone portable, son ordinateur et les clés du bureau et d'avoir été raccompagné à son véhicule devant l'ensemble de l'équipe.

Il résulte par ailleurs des pièces médicales produites, que M. [N] en a été particulièrement affecté dès lors qu'il justifie d'un arrêt maladie dès le 8 juillet 2016 en raison d'un 'syndrome anxieux majeur réactionnel au travail.'

Au terme des débats, il est établi que M. [N] a été exclu des manifestations festives qui se sont déroulées entre le 8 et le 11 juillet 2016 en raison de la notification concomitante de sa convocation à un entretien préalable à son licenciement et de sa mise à pied dès le 8 juillet 2016, et ce alors même que la société Sécuritas France a félicité l'ensemble des personnels sans exception pour le parfait déroulement de la manifestation sportive.

Cette exclusion constitue une brimade incompatible avec l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail qui s'impose à l'employeur jusqu'à la rupture de la relation contractuelle, donc a fortiori dans la phase immédiatement préalable au licenciement qui est par nature une phase de tensions et d'insécurité.

M. [N] est en conséquence fondé à invoquer les circonstances vexatoires de son licenciement et justifie d'un préjudice moral distinct, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral. Cette somme subira, le cas échéant, les prélèvements et cotisations sociales. M. [N] sera débouté de sa demande pour le surplus.

- Sur l'exécution du contrat de travail :

M. [N] formule plusieurs demandes liées à l'exécution déloyale de son contrat de travail , au titre de :

1°) son repositionnement au statut de directeur national,

2°) l'exécution déloyale de la convention de forfait en jours,

3°) du travail dissimulé,

4°) du versement du bonus 2016.

1°) M. [N] soutient que la société Sécuritas a unilatéralement modifié ses conditions de travail en le rétrogradant au poste de directeur d'agence alors qu'il occupait précédemment le poste de directeur national d'activité sécurité ponctuelle.

M. [N] expose qu'à compter du mois de janvier 2015, M. [G] était alors directeur général et M. [U], directeur Sécuritas Réponse, ce service regroupant plusieurs agences : l'agence solutions, les agences Ponctuelles et l'événementiel.

Le salarié fait valoir que dans les faits, M. [U] lui a succédé pour la gestion et le développement de l'activité ponctuelle, tandis qu'il a été rétrogradé au poste de directeur d'agence de [Localité 4] et ce alors qu'il a continué à en assumer les fonctions.

La société Sécuritas France conteste toute rétrogradation, soulignant :

- qu'aux termes de son contrat de travail, M. [N] pouvait se voir confier, en sus de sa fonction de directeur d'agence, une ou plusieurs missions complémentaires en rapport avec ses compétences, sans que cela ne constitue une modification de son contrat de travail,

- que M. [N] a notamment été chargé de développer le projet 'PC Mobile' en 2009/2010,

- que le projet 'Orembar' n'était qu'une mission transversale relevant des compétences et de la qualification de directeur d'agence ,

- que pendant l'exécution de la mission 'Orembar', M. [N] a été remplacé dans sa responsabilité de directeur de l'agence Lyon Logistique, mais qu'il a conservé en revanche sa responsabilité de directeur de l'agence Lyon Ponctuelle.

La société Sécuritas France conclut que la mission 'Orembar' a pris fin en janvier 2013, l'offre 'un agent de sécurité chez vous en une heure' objet du projet n'étant plus nouvelle, et pouvant désormais être assurée dans le cadre d'un suivi direct par la direction du développement.

****

Il résulte des pièces contractuelles versées aux débats qu'outre la responsabilité de l'administration et de la gestion de son centre de profit, la responsabilité de la mise en oeuvre et du contrôle des prestations en clientèle, la responsabilité de l'optimisation et de la bonne évolution de la valeur économique des contrats, la responsabilité de la gestion du personnel.... missions résultant de sa fonction de directeur d'agence telle qu'elle est définie dans son contrat de travail, M. [N] pouvait également se voir confier 'toutes autres missions, responsabilités et fonctions compatibles avec ses connaissances, aptitudes et connaissances acquises, sans constituer une modification substantielle' de son contrat.

C'est ainsi qu'il a accepté et mis en oeuvre la lettre de mission du 4 février 2010 lui assignant comme objectif général de dynamiser les ventes de l'activité ponctuelle des agences Sécuritas au travers de trois grands leviers :

- une offre commerciale d'un agent disponible en moins d'une heure,

- un nouvel outil commercial : le site d'e-commerce,

- un savoir-faire spécifique pour la production des prestations ponctuelles.

M. [N] soutient qu'il ne s'agissait nullement d'une mission temporaire, mais force est de constater que la lettre de mission sus-visée n'a fixé d'objectifs chiffrés que pour deux années, soit 2011 et 2012 ; qu'il est précisé que M. [N] est nommé directeur national activité ponctuelle 'pour la mission nationale' et qu'il reste directeur d'agence Lyon Logistique et Ponctuelle et complètement dédié à son agence Lyon Ponctuelle et au déploiement du projet 'dès qu'un remplaçant sera en place pour l'agence Lyon Logistique.'

Dans ces conditions, la société Sécuritas France est fondée à soutenir que la mission confiée en 2011 à M. [N], laquelle n'a occasionné ni promotion, ni modification du contrat de travail, ne saurait s'analyser en une rétrogradation, ni un déclassement hiérarchique s'accompagnant d'une perte de responsabilités et d'une baisse de rémunération, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, M. [N] ayant conservé les responsabilités résultant de son contrat de travail et s'étant vu par ailleurs confier d'autres missions telles que la mission SMUR ou la mission COIF évoquées par l'employeur, ce qu'il ne conteste pas.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a jugé que la société Sécuritas a unilatéralement modifié les conditions de travail de M. [N] en le rétrogradant au poste de directeur d'agence et en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral.

2°) Sur l'exécution déloyale de la convention de forfait en jours :

M. [N] expose que ni ses différents contrats de travail, ni les avenants conclus ne définissent avec précision la durée du travail. Il ajoute que la société Sécuritas n'a respecté aucune des conditions de validité d'une convention de forfait en jours dès lors qu'elle n'a mis en place aucun contrôle, ni aucun suivi de l'organisation du travail et qu'il n'a pas davantage bénéficié d'un entretien annuel.

M. [N] fait valoir que sa charge de travail n'était ni raisonnable, ni bien répartie ainsi qu'en attestent les nombreux mails et appels téléphoniques émis et reçus en dehors des horaires habituels de travail.

Sur l'existence de la convention de forfait en jours, la société Sécuritas se réfère aux termes du contrat de travail de M. [N] ainsi qu'à l'accord collectif d'entreprise relatif à la durée, à l'aménagement du temps de travail et aux salaires du 30 juin 1999 et de son avenant du 24 janvier 2000 ainsi que l'accord de substitution audit accord du 1er juillet 2010.

Sur la validité de la convention individuelle de forfait en jours, la société Sécuritas soutient que M. [N] n'a jamais fait état d'une charge de travail déraisonnable ou incompatible avec sa vie personnelle et fait observer qu'il ne formule aucune demande au titre des heures supplémentaires.

La société Sécuritas France oppose en tout état de cause à M. [N] le défaut de preuve de la réalité du préjudice dont il demande réparation à hauteur de 20 000 euros de dommages-intérêts.

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La loi n°2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a modifié le régime des conventions de forfait annuel en heures et en jours.

En l'espèce, la société Sécuritas France et les organisations syndicales ont conclu, à la date du 1er juillet 2010, un accord de substitution à l'accord relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail du 30 juin 1999 et à ses avenants, dans le cadre de l'application des dispositions de la loi du 20 août 2008 précitée.

S'il est constant que les accords conclus en application des dispositions antérieures au 22 août 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 sus-visée, restent en vigueur, ils doivent prévoir les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés au forfait en jours, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail en résultant.

Or, il apparaît que ni l'accord collectif du 30 juin 1999, ni l'accord de substitution du 1er juillet 2010 ne prévoient ces modalités de contrôle et d'évaluation de la charge de travail, qui seules permettent de veiller à ce que la charge de travail du salarié soit raisonnable, qu'elle soit compatible avec les temps de repos quotidiens et hebdomadaires, et qu'elle permette l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle.

Dans ces conditions, la société Sécuritas France qui ne justifie pas de la mise en oeuvre d'un contrôle de la charge de travail, n'est pas fondée à opposer à M. [N] l'absence de toute revendication ou observation sur la durée du travail pendant la relation contractuelle.

Le défaut de contrôle de la charge de travail entraîne par conséquent la nullité de la convention individuelle de forfait qui résulte des avenants rémunération signés par M. [N] en 2001 et en 2002, ainsi libellés :

' Le salaire annuel brut de base de M. [N] s'établit à 174 000 frs/an (en 2001) ou 31 913 euros/a, ( en 2002) payable en douze mensualités égales.

Cette rémunération annuelle forfaitaire, qui prend effet rétroactivement au 1er janvier (2000),

s'entend pour une durée effective de travail, forfaitaire et maximum de 215 jours, dans le cadre des dispositions de l'Accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail et de son avenant du 24 janvier 2000. (Cette durée maximum de 215 jours est égale à : 365 jours-104 samedi et dimanche-25 jours ouvrés de congés -9 jours fériés-12 jours de RTT)'.

Le jugement déféré qui a rejeté la demande tendant à l'annulation de la convention de forfait en jours de M. [N] sera donc infirmé en ce sens.

L'annulation de la convention de forfait en jours de M. [N] a pour effet de permettre le décompte de la durée du travail du salarié en heures ainsi que le paiement d'heures supplémentaires.

Mais, en l'espèce, M. [N] ne formule aucune demande au titre des heures supplémentaires et sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 20 000 euros n'est justifiée par aucun préjudice, de sorte que le jugement déféré sera confirmé sur le rejet de la demande de dommages-intérêts au titre de l'annulation de la convention de forfait.

3°) Sur la demande au titre du travail dissimulé :

M. [N] demande la somme de 39 504 euros d'indemnité pour travail dissimulé en invoquant l'exécution déloyale de la convention de forfait, mais ne produit aucune pièce à l'appui de cette demande.

M. [N] qui ne démontre pas que la société Sécuritas France aurait, de manière intentionnelle, mentionné sur ses bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, n'établit pas l'existence d'un travail dissimulé.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité de M. [N] au titre du travail dissimulé.

4°) Sur le paiement du bonus 2016 :

M. [N] expose que la partie variable de sa rémunération était notamment composée d'un bonus sur croissance de 0 à 75% du salaire annuel fixe pour une croissance de résultat de 0 à 5%, plafonné à 40% du montant de la croissance du centre de profit de Sécuritas Réponse.

Il soutient que son licenciement abusif l'a privé du bénéfice du bonus de l'année 2016 qui aurait dû s'élever à une somme de 40 000 euros brut, soit 75% de son salaire annuel, en soulignant que la société Sécuritas a généré un résultat exceptionnel en 2016 en raison de l'Euro 2016.

La société Sécuritas France oppose à M. [N] les modalités de versement du bonus telles qu'elles résultent de l'avenant rémunération régularisé en février 2016, aux termes duquel 'en cas de cessation effective d'activité, quelle qu'en soit la cause, avant le 31 décembre de l'année N, le bonus qui, par hypothèse, est assis sur un résultat final annuel, ne sera pas dû.'

La société Sécuritas France fait valoir, quant au quantum de la demande, que le bonus de M. [N], qui est un bonus individuel, basé sur son activité personnelle et plus particulièrement sur la croissance annuelle du résultat de l'agence placée sous sa direction, n'est en l'espèce étayé par aucun élément chiffré.

****

L'avenant rémunération 2016 de M.[N] prévoit que sa rémunération comporte une partie variable composée d'un bonus sur croissance de résultat attaché à la performance individuelle du salarié, calculé selon les modalités suivantes :

- de 0 à 75 % de son salaire annuel fixe pour une croissance de résultat de 0 à 5%, laquelle sera calculée à partir du résultat 2015 du 'Branc Result Sécuritas Réponse', soit 4 200 KE,

- plafonnement du bonus à 40% du montant de la croissance du centre de profit de Sécuritas Réponse, réalisée en euros.

Il est stipulé qu'en cas de cessation effective d'activité, quelle qu'en soit la cause, avant le 31 décembre de l'année N, le bonus qui, par hypothèse, est assis sur un résultat final annuel, ne sera pas dû.

L'ouverture du droit à un élément de la rémunération afférent à une période travaillée peut être soumis à une condition de présence à la date de son échéance.

En l'espèce, il est constant que la période travaillée de référence pour le paiement du bonus est l'année civile, de sorte que la condition de présence dans l'entreprise au 31 décembre de l'année écoulée conditionne le droit au paiement de la rémunération variable.

En outre, aucune disposition contractuelle ne prévoit que le calcul du bonus de croissance de résultat s'effectue en prorata du temps effectivement travaillé au cours de l'année.

Enfin, la cour considérant que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, M. [N] n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pu remplir la condition de présence contractuelle au versement du bonus de croissance en raison d'un licenciement abusif.

Il en résulte que M. [N] qui avait quitté l'entreprise au 31 décembre 2016, n'est pas fondé en sa demande de paiement d'un rappel de bonus pour l'année 2016, à hauteur de 40 000 euros.

Le jugement déféré qui lui a accordé la somme de 20 000 euros à ce titre sera donc infirmé en ce sens.

- Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Sécuritas France les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à M. [N] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Sécuritas France sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Sécuritas France à payer à M. [N] les sommes suivantes :

- 19 752,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 975,20 euros de congés payés afférents,

- 39 321 ,10 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 621,10 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 362,10 euros de congés payés afférents,

- 5 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 1 600,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a fixé la salaire moyen mensuel brut de M. [N] à la somme de 6 584 euros,

CONFIRME le jugement déféré sur la charge des dépens,

INFIRME le jugement déféré pour le surplus,

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement notifié à M. [N] par la société Sécuritas France repose sur une cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE M. [N] de ses demandes de dommages-intérêts :

- au titre du licenciement abusif,

- au titre de sa rétrogradation,

DÉBOUTE M. [N] de sa demande de rappel de bonus au titre de l'année 2016,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la société Sécuritas France à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la société Sécuritas France aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 18/02970
Date de la décision : 17/02/2021

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°18/02970 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-17;18.02970 ?
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