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04/02/2021 | FRANCE | N°18/06352

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 04 février 2021, 18/06352


N° RG 18/06352 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L5ET









Décision du

Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond

du 25 juillet 2018



RG : 2016j00853





SA AURIS



C/



SA LA POSTE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 04 Février 2021







APPELANTE :



SA AURIS

[Adresse 6]

[Adresse 6]
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Représentée par Me Gérald POCHON de la SELARL CABINET LEX-PART AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMEE :



SA LA POSTE représentée par ses dirigeants légaux en exercice

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Michel TALLENT de la SELARL MONOD - TA...

N° RG 18/06352 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L5ET

Décision du

Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond

du 25 juillet 2018

RG : 2016j00853

SA AURIS

C/

SA LA POSTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 04 Février 2021

APPELANTE :

SA AURIS

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Gérald POCHON de la SELARL CABINET LEX-PART AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :

SA LA POSTE représentée par ses dirigeants légaux en exercice

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel TALLENT de la SELARL MONOD - TALLENT, avocat au barreau de LYON, toque : 730

******

Date de clôture de l'instruction : 18 Septembre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Décembre 2020

Date de mise à disposition : 04 Février 2021

Audience tenue par Anne-Marie ESPARBES, président, et Catherine CLERC, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Elsa MILLARY, greffierplacé

A l'audience, Catherine CLERC a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne-Marie ESPARBES, président

- Hélène HOMS, conseiller

- Catherine CLERC, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Marie ESPARBES, président, et par Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Afin d'adresser ses catalogues à sa clientèle, la SA Auris a signé avec la SA La Poste (La Poste) le 10 juillet 2008 un contrat de distribution Destinéo Intégral ayant pour objet la prise en charge, l'acheminement et la distribution de produits ou supports de campagnes publicitaires ; ce contrat était dit, dans son article 13-1, prendre fin le 31 décembre de l'année en cours et être renouvelable par tacite reconduction par année civile'; un avenant a été régularisé le 17 mars 2014 à l'effet de modifier l'article 2 du contrat relatif aux sites de dépôt des plis en définissant les zones géographiques concernées.

Le 19 novembre 2015, la société Arvato, routeur de la société Auris, a effectué deux dépôts portant respectivement sur'72 485' plis et 11 724 plis,'soit au total 84 209'plis, contenant l'exemplaire n°41 du catalogue Auris au centre de La Poste d'Arras en vue de leur distribution dans toute la France, ce dépôt ayant été réalisé sous la forme d'un conditionnement en «kubs» comme prévu au contrat.

Le 7 décembre 2015, La Poste a facturé sa prestation à la somme de 48 157,07 euros TTC à échéance du 17 décembre suivant'; les 14 et 23 décembre, elle était destinataire de courriels de la société Auris l'informant de la non réception de son catalogue par plusieurs de ses clients et de son refus de s'acquitter de la facture.

Après mise en demeure infructueuse adressée par lettre officielle de son conseil à celui de la société Auris le 12 juillet 2016, La Poste a assigné cette société devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne le 9 septembre 2016 aux fins d'obtenir paiement de sa facture, outre celui de la clause pénale et d'indemnités.

Par acte du 14 novembre 2016, la société Auris a assigné La Poste devant la même juridiction aux fins d'obtenir réparation, sur le fondement de la faute lourde, du préjudice né de la non-distribution des plis.

Les deux instances ont été jointes par jugement du 30 novembre 2016.

Par jugement du 25 juillet 2018, le tribunal de commerce a :

- dit que La Poste n'avait commis aucune faute dans l'exécution de son contrat,

- condamné la société Auris à payer à La Poste':

* la somme de 48 157,07 euros outre intérêts au taux légal majoré de 10 points à compter de la date d'échéance initiale de la facture,

* la somme de 7 223 euros à titre de clause pénale,

* la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Auris de l'ensemble de ses demandes,

- dit que les dépens dont la somme de 135,60 euros au titre des frais de greffe, sont à la charge de la société Auris,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement.

La société Auris a interjeté appel le 10 septembre 2018

Par conclusions déposées le 7 juin 2019 fondées sur les articles 1147, 1152 et 1315 anciens du code civil, la société Auris demande à la cour de':

1) à titre principal,

- recevoir son appel à l'encontre du jugement déféré,

- juger que la charge de la preuve de l'exécution contractuelle incombe à La Poste,

- juger que La Poste n'apporte pas une telle preuve,

- juger que La Poste a commis une faute lourde dans l'exécution du contrat Destineo liant les parties, en ne distribuant pas 24,68 % des plis déposés le 19 novembre 2015,

en conséquence':

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a':

* dit subsidiaire La Poste n'avait commis aucune faute dans l'exécution de son contrat,

* l'a déboutée de toutes ses demandes,

* l'a condamnée à payer à La Poste':

. la somme de 48 157,07 euros outre intérêts au taux légal majoré de 10 points à compter de la date d'échéance initiale de la facture,

. la somme de 7 223 euros à titre de clause pénale,

. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* dit que les dépens sont à sa charge,

et statuant à nouveau,

condamner La Poste en réparation de cette faute à indemniser son préjudice subi,

juger que ce préjudice consistant en une perte de chance égale à la marge brute sur les commandes non reçues s'élève à la somme de 234 204 euros,

prononcer la réfaction du prix de la prestation facturée par La Poste de la somme de 48 643, 50 euros TTC (sic) à la somme de 36 638, 28 euros TTC,

rejeter les demandes de La Poste,

condamner La Poste à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la même aux entiers dépens,

2) à titre subsidiaire,

- recevoir son appel à l'encontre du jugement déféré,

- juger qu'elle apporte la preuve de la faute lourde de La Poste dans l'exécution du contrat liant les parties,

en conséquence :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne en ce qu'il :

* a dit que la La Poste n'a commis aucune faute dans l'exécution de son contrat,

* l'a déboutée de toutes ses demandes,

* l'a condamnée à payer à La Poste':

. la somme de 48 157,07 euros outre intérêts au taux légal majoré de 10 points à compter de la date d'échéance initiale de la facture,

. la somme de 7 223 euros à titre de clause pénale,

. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* dit que les dépens sont à sa charge,

et statuant à nouveau :

- condamner La Poste en réparation de cette faute à indemniser son préjudice subi,

- juger que ce préjudice consistant en une perte de chance égale à la marge brute sur les commandes non reçues s'élève à la somme de 234 204 euros,

- prononcer la réfaction du prix de la prestation facturée par La Poste de la somme de 48 643, 50 euros TTC (sic) à la somme de 36 638,28 euros TTC,

- rejeter les demandes de La Poste,

- condamner La Poste à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et aux entiers dépens,

3) à titre infiniment subsidiaire,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à La Poste':

. la somme de 48 157,07 euros outre intérêts au taux légal majoré de 10 points à compter de la date d'échéance initiale de la facture,

. la somme de 7 223 euros à titre de clause pénale,

et statuant à nouveau :

- juger que les indemnités de retard (taux légal majoré de 10 points) constituent une clause pénale moratoire susceptible d'être réduite, même d'office, par le juge,

- juger que cette clause pénale moratoire est manifestement excessive tant au regard du montant de la dette principale que du préjudice de La Poste (ni allégué, ni démontré),

- juger que la clause pénale moratoire (taux légal majoré de 10 points) et la clause pénale contractuelle (15% du montant de la facture) forment un ensemble constituant une clause pénale manifestement excessive créant un déséquilibre significatif entre les parties,

en conséquence,

- réduire la clause pénale moratoire au simple taux d'intérêts légal,

- réduire à zéro la clause pénale contractuelle (15% de la facture).

Par conclusions déposées le 28 février 2019, au visa des articles 1134 et 1135 du code civil et des articles L.7 et R. 2-1 du code des postes et des télécommunications électroniques, La Poste demande à la cour de :

1) confirmer le jugement dont appel sauf à augmenter le montant alloué au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

- déclarer recevables, justifiées et bien fondées ses demandes,

- juger qu'elle a exécuté le contrat Destineo Intégral,

- juger qu'elle n'a commis aucune faute ou manquement dans l'exécution du contrat,

-juger que la société Auris ne rapporte pas la preuve d'une inexécution partielle du contrat, et débouter celle-ci de sa demande d'exception d'inexécution et de recherche de responsabilité,

- condamner la société Auris à lui payer la somme en principal de 48 157,07 euros, outre intérêt au taux légal majoré de 10 points,

- condamner la société Auris au paiement d'une somme de 7 223 euros à titre de clause pénale,

- débouter la société Auris de toutes ses demandes,

2) à titre subsidiaire,

- juger qu'il y a lieu de faire application des limitations légales et/ ou conventionnelles de responsabilité,

- juger que la demande indemnitaire de la société Auris ne pourra excéder une somme égale à deux fois le tarif d'affranchissement (0,76 euros en 2015 pour '20 783' plis qui n'auraient pas été distribués), comprendre 84 209 x 24,68% = 20783

3) en tout état de cause,

- condamner la société Auris au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, étant obligée de répondre à leurs seuls moyens de droit et de fait fondant chacune des prétentions.

Conformément aux dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations complétée par la loi du 20 avril 2018 ratifiant cette ordonnance, le contrat liant la société Auris et La Poste, qui a été régularisé avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, demeure soumis à la loi ancienne.

Sur la responsabilité de la Poste

Aux termes de l'article L.7 du code des postes et des télécommunications électroniques, dans sa rédaction applicable en la cause, la responsabilité des prestataires de services postaux au sens de l'article L.1 est engagée dans les conditions prévues par les articles 1134 et suivants, 1382 et suivants du code civil à raison des pertes et avaries survenues lors de la prestation. Toutefois, cette responsabilité tient compte des caractéristiques des envois et des tarifs d'affranchissement selon les modalités fixées par un décret en Conseil d'État qui détermine les plafonds d'indemnisation.

Ainsi la cour ne statue pas sur la thèse soutenue par La Poste selon laquelle la société Auris a opportunément contesté sa facture en raison de difficultés financières personnelles, celle-ci étant sans utilité pour la solution du litige.

Le contrat de distribution Destinéo Intégral signé entre les parties fait partie d'un ensemble de services proposé par La Poste à ses clients pour des campagnes de courrier de publicité adressées, produites de manière industrielle ; dans le cas précis du contrat Destinéo Intégral, La Poste distribue les plis dans le délai indicatif de 7 jours ouvrables, dimanches et jours fériés exclus, suivant la date de leur dépôt.

C'est en vain que la société Auris excipe de l'article 1315 du code civil pour soutenir qu'il incombe à la Poste de prouver la parfaite exécution de ses obligations contractuelles pour obtenir paiement de sa facture, soutenant par là-même que celle-ci a commis une faute lourde en n'exécutant pas le contrat Destinéo, faute exclusive de toutes dispositions limitatives de responsabilité, tant conventionnelles que légales.

En effet, dès lors que le contrat litigieux est un contrat synallagmatique, le fait pour la société Auris d'alléguer en défense à la demande en paiement de La Poste que celle-ci n'a rempli que partiellement son obligation de distribuer les catalogues, en lui reprochant, non pas un retard de distribution mais une non-distribution de 24,68 % des plis, revient à invoquer l'exception d'inexécution, de sorte qu'il lui revient d'établir cette inexécution.

L'inexécution d'une prestation contractuelle constitue un fait juridique dont la preuve est libre.

La société Auris soutient que la Poste n'a pas respecté son obligation de distribution des catalogues à leurs destinataires, obligation de résultat, et offre, à titre de preuve, un sondage réalisé par la société Sarbacane, deux procès-verbaux de constat d'huissier et des témoignages.

La Poste réplique en substance qu'elle ne peut pas garantir les délais et taux de délivrance des plis qui lui sont remis en l'absence de souscription par la société Auris de la prestation «qualité de services» prévue à l'annexe 7 du contrat, celle-ci n'ayant pas non plus fait certifier son fichier d'adresses clients par le visa Ev@ de sorte qu'il n'est pas fiable'; elle ajoute que les éléments de preuve produits par cette société ne permettent pas d'établir à son encontre des dysfonctionnements, la fiabilité du sondage n'étant pas assurée, le défaut de distribution dénoncé à hauteur de 25% résultant d'une extrapolation hypothétique moyennant des raisonnements de probabilités ou statistiques peu probants, les témoignages étant sujets à caution, comme émanant des salariés de la société Auris, voire de son président, le procédé utilisé par celle-ci étant de surcroît déloyal (recours à «7 adresses pièges»).

La Poste n'est pas fondée à opposer à la société Auris le défaut d'adhésion à la prestation «qualité de services» prévue à l'annexe 7 du contrat, dans le cadre de laquelle est réalisé le test Visa EV@ (vérification du fichier adresses clients), s'agissant d'un «service à valeur ajoutée» comme dit à l'article 2 du contrat, donc d'une prestation optionnelle non obligatoire.

Si elle n'est pas tenue de ce fait aux obligations et indemnisations renforcées prévues au titre de cette prestation particulière, elle reste cependant débitrice de l'obligation essentielle du contrat Destinéo, à savoir distribuer les catalogues qui lui ont été remis à cette fin après les avoir pris en charge et acheminés, étant précisé que n'est pas en litige la durée de distribution annoncée contractuellement à 7 jours, La Poste concluant d'ailleurs qu'il s'agit d'un délai purement indicatif, mais uniquement la distribution effective des plis à leurs destinataires.

Est dénué de portée le moyen de défense de La Poste consistant à soutenir que l'intermédiaire de la société Auris, à savoir la société Arvato, a pu commettre des erreurs de traitement et des oublis lors la mise sous plis et en caisse kubs des catalogues'; en effet, outre le fait que cette société tierce n'est pas appelée en cause dans le cadre du présent litige, La Poste a délivré les deux fiches de dépôt le 19 novembre 2015 après avoir réalisé les modalités de contrôle prescrites par l'annexe 5 du contrat Destinéo Intégral (notamment contrôle de quantité et de la qualité), sans relever d'anomalies dépassant le seuil de tolérance inférieur ou égal à 5 %.

Son fichier clients comptabilisant à tout le moins 84 209' adresses, chiffre correspondant au nombre de plis remis à La Poste, la société Auris était dans la nécessité de procéder par sondage pour déterminer le pourcentage de catalogues qu'elle affirme avoir été non distribués'; à ce titre, le recours à une campagne de sondage par courriels auprès de 31 403'destinataires le 22 décembre 2015 n'est donc pas critiquable.

La société Auris communique en appel deux procès-verbaux de constat établis, pour le premier le 21 juin 2017 et pour le deuxième, les 25, 31 octobre et 20 novembre 2018, par Me [Y], huissier de justice, lequel était assisté de M. [H], expert informatique inscrit près la cour d'appel de Lyon, qui établissent, après analyse du fichier clients de la société Auris et de la société Arvato, celle des données informatiques recueillies par la société Sarbacane et croisement de ces dernières avec le fichier d'adresses clients envoyé à la société Arvato pour remise des plis à La Poste, que':

- les fichiers d'adresses clients de la société Auris et de la société Arvato sont identiques à 100%, (donc comprendre, pas d'erreurs d'adressage lors de la remise des plis à La Poste)

- sur les 31 403 adresses mails des destinataires du sondage réalisé par la société Sarbacane, 31 300 adresses étaient identiques entre la liste d'adresses clients établie par la société Arvato en charge d'établissement des fiches clients de la société Auris et celle utilisée par la société de sondage, soit un taux de concordance de 99,67%,

- sur les 5 993 réponses au sondage (1 491 destinataires affirmant ne pas avoir reçu le catalogue,4 502 destinataires déclarant l'avoir reçu), ne restaient que 98 clients ayant répondu «non» au sondage et ayant passé des commandes entre avril 2017 et janvier 2018 (circonstance appuyant le fait qu'il s'agissait de clients habituels), 88 clients sur les 98 ayant une adresse postale identique à celle à laquelle le catalogue de novembre 2015 leur avait été adressé, soit 89,8%, les 10 autres clients (soit 10,02%) ayant passé commande entre avril 2017 et janvier 2018 ayant changé d'adresse postale depuis l'envoi de ce catalogue.

Ce sondage qui a été analysé et commenté par des tiers, autre que la société Auris, constitue un élément de preuve parfaitement admissible contrairement aux allégations de La Poste'et ce d'autant que la méthodologie de celui-ci a été approuvée par M.[G], professeur en marketing et méthodes quantitatives, qui à partir des résultats du sondage a évalué le pourcentage de clients n'ayant pas reçu le catalogue entre 23,55'% et 25,81 %.

Certes, l'estimation de la société Auris à hauteur de 24,68 % ne trouve pas sa source dans une étude statistique dédiée et documentée sinon dans la moyenne des pourcentages proposés par M. [G] et ce sondage comporte une inconnue en raison du faible taux de réponses (5 993) sur l'ensemble des personnes questionnées (31 403)'; pour autant, La Poste n'offre pas de preuve contraire à ce pourcentage de 24, 68 % qui sera admis.

Le sondage précité ajouté aux six témoignages produits attestant de la non-réception du catalogue rédigés par des destinataires appelés «adresses pièges»-comprendre adresses témoins-destinées à suivre l'effectivité de la distribution (quatre témoins liés à la société Auris comme salariés ou président, les deux autres étant des clients qui se sont plaints directement auprès de la société Auris de l'absence du catalogue) qui, quoique critiqués par La Poste, mais non argués de faux, constituent un faisceau d'indices permettant de retenir qu'une partie des catalogues n'a effectivement pas été distribuée à ses destinataires, et ce, en violation de l'obligation de résultat de La Poste concernant sa prestation de distribution.

Une inexécution partielle du contrat Destinéo Intégral est donc établie à l'encontre de La Poste, celle-ci ne communiquant, en tout état de cause, aucune pièce en défense permettant d'établir la distribution effective de l'ensemble des 84 209 plis et n'alléguant de plus fort aucun cas de force majeure'; ainsi, ses courriers adressés à la société Auris les 30 décembre 2015 et 4 janvier 2016 dans lesquels elle exposait, tour à tour, avoir vérifié et constaté la concordance des flashages de ses contenants en arrivée en PIC (plate-forme industriel courrier) entre le 20 et le 25 novembre 2020 avec les documents de dépôt du 19 novembre 2015 , et avoir reçu confirmation de la plate-forme de traitement industriel du courrier que les plis avaient été mis en acheminement suivant les délais contractuels et que toutes les plateformes régionales avaient reçu les envois, demeurent insuffisants à établir que les plis ont été distribués par ses services une fois les contenants ouverts, la circonstance qu'ils soient parvenus en plate formes régionales de traitement n'équivalant pas à leur remise aux destinataires.

Sur le préjudice

La société Auris ne démontre pas avec pertinence que l'absence de distribution d'une partie de ses catalogues est exclusivement à l'origine du 'préjudice commercial important' qu'elle revendique.

En effet, il ne peut être affirmé que ce dernier ne trouve pas sa cause dans une défaillance des autres modes de distribution de la société Auris, celle-ci déclarant vendre ses produits aussi par internet via son site et les réseaux sociaux, par son réseau de 4 boutiques ([Localité 4], [Localité 5], [Localité 2] et [Localité 3]) et par démarchage des professionnels de santé.

Surtout, aucune pièce comptable n'est produite au titre de l'exercice 2015 pour attester d'une éventuelle baisse du chiffres d'affaires, la communication des soldes intermédiaires de gestion des exercices clos au 31 août 2014 et 31 août 2015 s'avérant être sans intérêt au regard de la date des faits (novembre 2015, dans ces conditions, l'attestation relative à la perte de marge brute réalisée par l'expert-comptable de la société Auris le 28 octobre 2016, non étayée par les pièces comptables idoines est non pertinente et ne saurait se satisfaire des seuls listings de commandes par correspondance annexés à celle-ci.

Faute d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'inexécution contractuelle de La Poste et le préjudice allégué, lequel de surcroît n'est pas caractérisé, la société Auris est déboutée de sa demande d'indemnisation de son préjudice défini comme 'perte de chance égale à la marge brute sur les commandes non reçues'.

Compte tenu de l'inexécution partielle de son obligation de distribution de la totalité des catalogues, La Poste ne peut prétendre au paiement intégral de sa facture chiffrée à 48 157,07'euros; le montant de celle-ci sera en conséquence limité à 32 361, 99 euros, déduction faite de l'indemnisation qu'elle reconnaît devoir subsidiairement à la société Auris à hauteur de 15 795, 08 euros (84 209 plis x 24,68 % = 20 783 plis x 0,76 euros, prix d'affranchissement en 2015)'; la demande de la société Auris en réduction de prix devant s'interpréter en une demande en dommages et intérêts, seule admissible en l'état du droit alors applicable au contrat signé avant le 1er octobre 2016.

Le jugement déféré est infirmé en conséquence mais confirmé en ce qu'il a fait application du taux légal majoré de 10 points à compter de la date d'échéance de la facture conformément aux termes du contrat'; la clause pénale de 15% également prévue au contrat, qui ne se confond pas avec les intérêts moratoires précités, qui est manifestement excessive par rapport au montant de la créance principale, doit être réduite non pas à 0% comme sollicité par la société Auris, mais à 8%, portant ainsi son montant à 2 588,95 euros (32 361,99 euros x 8%) sans plus ample discussion sur des moyens inopérants tirés d'un déséquilibre significatif entre les parties.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens'

La société Auris, débitrice, est condamnée aux dépens d'appel'; l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, l'indemnité de procédure allouée par le premier juge étant toutefois confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Dit que la SA La Poste n'a exécuté que partiellement le contrat Destinéo Intégral signé avec la SA Auris le 10 juillet 2008,

Condamne la SA Auris à payer à la SA La Poste la somme de 32 361, 99 euros TTC avec intérêts au taux légal majoré de 10 points à compter de la date d'échéance de la facture,

Réduit à 8% la clause pénale prévue au contrat Destinéo Intégral et condamne la SA Auris à payer à ce titre à la SA La Poste la somme de 2 588, 95 euros,

Déboute la SA Auris de sa réclamation indemnitaire au titre de la perte de chance,

Déboute les parties de leur demande d'indemnité de procédure pour l'instance d'appel,

Condamne la SA Auris aux dépens d'appel.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 18/06352
Date de la décision : 04/02/2021

Références :

Cour d'appel de Lyon 3A, arrêt n°18/06352 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-04;18.06352 ?
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