N° RG 19/08965 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYYC
Décision du
Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 18 décembre 2019
RG : 2019f2558
Société SAMSE
C/
SASU FLORIOT CONSTRUCTION
SELARL MJ SYNERGIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 14 Janvier 2021
APPELANTE :
Société SAMSE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
INTIMEES :
SASU FLORIOT CONSTRUCTION représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Nicolas BES de la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 623
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
SELARL MJ SYNERGIE Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [R] [Z] ou Maître [G] [D] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU FLORIOT CONSTRUCTION
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Nicolas BES de la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 623
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Date de clôture de l'instruction : 10 Septembre 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Novembre 2020
Date de mise à disposition : 14 Janvier 2021
Audience présidée par Anne-Marie ESPARBES, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa MILLARY, greffier placé
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Anne-Marie ESPARBES, président
- Hélène HOMS, conseiller
- Catherine CLERC, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne-Marie ESPARBES, président, et par Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SASU Floriot Construction (la société Floriot), filiale de la société TGL Group, qui exerce une activité de construction immobilière, a ouvert le 12 juillet 1999 auprès de la SA Samse (la société Samse) un compte client professionnel comprenant une clause de réserve de propriété.
La société Samse a vendu à la société Floriot des matériaux de construction de mai à octobre 2018 facturés pour un total de 86 911,77 euros.
Le Groupe TGL et la société Floriot ont été placés en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 7 novembre 2018 qui a notamment désigné':
la SELARL AJ UP, représentée par Me [T] [W], et la SELARL AJ Partenaires, représentée par Me [O] [I], en qualité d'administrateurs judiciaires,
la SELARL MJ Synergie - Mandataires Judiciaires, représentée par Me [R] [Z] et Me [Y] [J], en qualité de mandataires judiciaires.
La société Samse a déclaré au passif de cette procédure collective une créance d'un montant de 89 911,77 euros au titre de ses factures impayées de mai à octobre 2018.
Par courrier recommandé avec AR du 18 décembre 2018, la société Samse a revendiqué auprès de Me [I], ès qualités, les marchandises livrées à la société Floriot et vendues sous le bénéfice de la clause de réserve de propriété et plus précisément':
- la restitution des biens existant en nature au jour du jugement d'ouverture, en application de l'article L.624-16 du code de commerce,
- à défaut de restitution en nature, le paiement du prix de revente, non réglé à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire sur le fondement de l'article L.624-18 du code de commerce.
L'administrateur judiciaire a refusé d'acquiescer à cette demande en revendication le 27 décembre 2018 au motif que l'intégralité des stocks avait été consommée avant l'ouverture du redressement judiciaire, le 7 novembre 2018, rendant ainsi impossible toute revendication compte tenu de la transformation/incorporation ainsi effectuée.
Par requête du 31 janvier 2019, la société Samse a saisi le juge-commissaire afin qu'il lui donne acte de ce qu'elle n'a jamais cessé d'être propriétaire des biens qu'elle revendique et ordonne le paiement du prix entre ses mains des biens mis en 'uvre mais non réglés à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire.
Par jugement du 17 avril 2019, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire de la société Floriot en liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 19 juillet 2019, le juge-commissaire a accueilli la demande de la société Samse en revendication du prix, au motif que la société Floriot ne rapportait pas la preuve de la transformation des biens revendiqués pour faire obstacle à la revendication sur le prix, s'agissant de matériaux de construction.
Le 25 juillet 2019, la SELARL MJ Synergie, ès qualités, a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance.
Par jugement du 18 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon, disant bien fondée l'opposition à l'ordonnance de juge commissaire formée par la SELARL MJ Synergie ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Floriot, a':
-'«réformé» en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 juillet 2019 par le juge commissaire,
- débouté la société Samse de l'ensemble de ses demandes,
- rejeté tous autres fins, moyens et conclusions,
- condamné la société Samse à payer à la SELARL MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Floriot, la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Samse aux dépens.
Le 26 décembre 2019, la société Samse a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt avant-dire droit du 15 octobre 2020, la cour a invité les parties à conclure, avant le 12 novembre 2020, délai de rigueur, sur la date à laquelle est intervenu le paiement par le sous-acquéreur au débiteur, du prix des marchandises vendues avec réserve de propriété et sur l'effet juridique à tirer d'un paiement avant ou après le jugement d'ouverture, l'affaire et les parties étant renvoyées à l'audience du 19 novembre 2020, sans renvoi possible, les demandes et dépens étant réservés en fin de cause.
Dans ses conclusions n° 2 déposées le 5 novembre 2020, la société Samse sollicite que par réformation du jugement déféré, la cour, statuant à nouveau au visa des articles L.624-16, L.624-18 et R.624-16 du code de commerce':
-déclare recevable et bien fondée sa demande en revendication,
- en absence de marchandises encore détenues en nature par la société Floriot, dise que le prix des marchandises vendues aux sous-acquéreurs et non payées à la date du jugement d'ouverture et réglées après le jugement d'ouverture, doit être versé entre ses mains par la société Floriot et la SELARL MJ Synergie représentée par Me [Z] et Me [D] ,ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Floriot,
- en tant que de besoin, condamne la société Floriot et la SELARL MJ Synergie représentée par Me [Z] et Me [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Floriot, à lui remettre la somme de '86 911,47'euros, correspondant à la revendication du prix des marchandises vendues aux sous-acquéreurs et non payées à la date du jugement d'ouverture,
- condamne solidairement la société Floriot et la SELARL MJ Synergie représentée par Me [Z] et Me [D] ,ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Floriot, et que ne rapportant pas la preuve de la société en qualité (sic) à lui régler la somme de '5 000' euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Par conclusions n°2 déposées le 10 novembre 2020, au visa de l'article L. 624-18 du code de commerce, la SELARL MJ Synergie ' Mandataires Judiciaires, représentée par Me [R] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Floriot et la société Floriot demandent à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 18 décembre 2019,
et y ajoutant,
- condamner la société Samse à payer à la SELARL MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Floriot, la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
MOTIFS
En appel, la société Samse ne revendique plus la restitution en nature des marchandises vendues à la société Floriot sous le bénéfice d'une clause de réserve de propriété, ayant admis que celles-ci n'existaient plus en nature au jour du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Floriot, soit le 7 novembre 2018, celles-ci ayant été utilisées immédiatement pour la réalisation des marchés confiés à cette société, et donc intégrées dans les ouvrages de maçonnerie.
Il est rappelé que la société Floriot et son liquidateur ne contestent pas l'existence et la validité de la clause de réserve de propriété dont se prévaut la société Samse.
Doivent être également rappelés les principes directeurs applicables en la matière selon lesquels':
- conformément aux articles L.624-18 du code de commerce et 2372 du code civil, un vendeur titulaire d'une clause de réserve de propriété bénéficie d'une subrogation réelle qui lui permet de reporter son droit de propriété sur la créance du débiteur'à l'égard d'un tiers,
- ce vendeur réservataire a le choix d'exercer une action réelle à l'encontre du débiteur dès lors que le sous-acquéreur n'a pas payé le prix à la date du jugement d'ouverture, ou une action personnelle à l'encontre du sous-acquéreur,
- lorsque le bien revendiqué ne se trouve pas en nature dans le patrimoine du débiteur au jour du jugement d'ouverture, comme ayant été soit vendu à un sous-acquéreur, soit transformé ou incorporé à un autre bien dont sa séparation ne peut pas être effectuée sans dommage, le créancier revendiquant, bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété, devient titulaire d'une créance équivalente au prix ou la valeur de son bien,
- si le bien revendiqué a été revendu par le débiteur, ce bien devait se trouver dans son état initial lors de sa remise entre les mains du sous-acquéreur, peu important ensuite sa transformation, la subrogation réelle de la chose au prix s'effectuant au jour de la remise de la chose au sous-acquéreur,
- l'action en revendication du prix suppose qu'au jour du jugement d'ouverture, le débiteur n'a pas été payé par le sous-acquéreur car ce paiement éteint la créance du prix et prive de support le droit du créancier revendiquant, la preuve de ce paiement incombant au débiteur ou à son liquidateur,
- si le prix a été payé au débiteur par le sous-acquéreur après le jugement d'ouverture, le créancier revendiquant doit rapporter la preuve de ce paiement'de manière à ce qu'il puisse se faire remettre par le débiteur la somme payée par le sous-acquéreur'sur laquelle il a un droit exclusif ; cette preuve étant difficile pour le créancier qui n'a pas accès à la comptabilité du débiteur et qui se trouve ainsi dans l'impossibilité fréquente de prouver la date du paiement, il est admis que si le liquidateur reconnaît avoir été payé après le jugement d'ouverture, il ne peut pas s'opposer à la revendication du prix.
En l'espèce, les matériaux vendus par la société Samse à la société Floriot étaient destinés à alimenter les chantiers de construction que cette dernière exécutait pour le compte de ses clients et ont été livrés, en nature, dans leur état initial dans le cadre de l'exécution du contrat d'entreprise liant ces parties, nonobstant leur mise en 'uvre et donc leur transformation par la société Floriot dans le cadre de l'exécution du contrat de louage d'ouvrage pour le compte de ses clients.
Est donc satisfaite la condition tenant au fait que les marchandises vendues sous réserve de propriété se trouvaient dans leur état initial lors de leur remise au tiers, peu important ensuite leur transformation, la subrogation réelle de la chose au prix s'effectuant au jour de la remise de la chose au sous-acquéreur.
La société Floriot et son liquidateur ne sont pas fondés à s'opposer à l'action en revendication du prix de revente de la société Samse dès lors qu'ils n'offrent pas la preuve que ces matériaux ont été payés à la société Floriot par ses clients avant le jugement d'ouverture du 7 novembre 2018, aucune facture ou appels de fonds n'étant communiqués à ce titre.
Pour autant, la société Samse échoue à démontrer que le prix de revente de ces matériaux a été payé par les sous-acquéreurs à la société Floriot après le jugement d'ouverture'et le liquidateur judiciaire de cette dernière ne reconnaît pas un tel paiement ; l'appelante ne peut donc pas revendiquer ce prix de revente entre les mains du liquidateur judiciaire de la société Floriot.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré qui l'a déboutée de son action en revendication.
L'équité commande d'allouer à la SELARL MJ Synergie, ès qualités, une indemnité de procédure complémentaire pour la cause d'appel, celle retenue par le premier juge étant confirmée, au paiement de laquelle la société Samse sera condamnée, cette dernière, partie succombante, étant déboutée de sa réclamation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance sont confirmés à la charge de la société Samse, partie perdante, qui supporte également les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré,
Condamne la SA Samse à verser à la SELARL MJ Synergie-Mandataires judiciaires, représentée par Me [R] [Z], ès qualités de liquidateur de la SASU Floriot Construction, une indemnité de procédure d'appel de 2 000 euros,
Déboute la SA Samse de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Samse aux dépens d'appel.
Le GreffierLe Président