La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/01/2021 | FRANCE | N°18/02458

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 14 janvier 2021, 18/02458


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 18/02458 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LT5X





SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE



C/

[Y]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 22 Mars 2018

RG : F 15/01514











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 14 JANVIER 2021







APPELANTE :



SAS KONICA MINOLTA

BUSINESS SOLUTIONS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Eric SEGOND de la SCP PIGOT SEGOND - ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Fabrice LAFFON, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉ :



[H] [Y]

[Adresse 1]

[Adres...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 18/02458 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LT5X

SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE

C/

[Y]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 22 Mars 2018

RG : F 15/01514

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 14 JANVIER 2021

APPELANTE :

SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Eric SEGOND de la SCP PIGOT SEGOND - ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Fabrice LAFFON, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

[H] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Christian DELUCCA, avocat au barreau de NICE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Novembre 2020

Présidée par Joëlle DOAT, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Janvier 2021 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

La société KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE (KMBSF) a embauché Monsieur [H] [Y] suivant contrat de travail à durée indéterminée le 19 janvier 2006, à effet du 13 février 2006, en qualité de chargé de clientèle 1, de statut employé.

Deux avenants ont été conclus entre les parties, le 5 juillet 2006 et le 19 mai 2008, en vertu desquels M. [Y] a été promu aux postes de chargé de clientèle 2 et chargé de clientèle 3.

Selon un troisième avenant en date du 20 mars 2009, l'intitulé du poste de Monsieur [Y] est devenu le suivant : ingénieur commercial 3, à compter du 1er avril 2009.

Le 24 mars 2015, Monsieur [Y] a adressé un courrier à la société KMBSF dans lequel il demandait la mise en oeuvre d'une procédure de rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Cette demande a été refusée par lettre du 1er avril 2015 de la société KMBSF.

Par requête en date du 15 avril 2015, Monsieur [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON en lui demandant de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de condamner la société KMBSF à lui verser diverses sommes à titres de rappel de salaire, congés payés afférents, dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, dommages et intérêts pour harcèlement moral, indemnité compensatrice de préavis et indemnité de congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement et dommages et intérêts consécutifs à la résiliation du contrat de travail.

Par lettre recommandée en date du 26 mai 2015, Monsieur [Y] a notifié à la société KMBSF sa volonté de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux motifs de la modification du mode de calcul du plan de rémunération variable et d'une situation de harcèlement moral.

Par lettre recommandée en date du 27 mai 2015, la société KMBSF a contesté la prise d'acte de Monsieur [Y] et considéré qu'elle produisait les effets d'une démission.

Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 16 janvier 2017.

Par jugement en date du 20 février 2018, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

-prononcé la nullité de l'article 8, dernier alinéa, du contrat de travail de Monsieur [H] [Y],

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [H] [Y] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la Société SAS KONICA MONOLTA BUSINESS SOLUTION FRANCE (KMBSF) à payer à Monsieur [H] [Y], les sommes de :

15 847, 76 € à titre de rappel de salaire,

1 584,77 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,

14 370 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1 437 € à titre de congés payés sur préavis,

6 227 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 000 € de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- rappelé que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2015, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, sauf pour les dommages et intérêts, à compter de la date du prononcé du présent jugement,

- dit que les sommes allouées par le présent jugement supporteront, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale,

- débouté chacune des parties du surplus de ses demandes principales,

- condamné la Société SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE (KMBSF) à payer à Monsieur [H] [Y] une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement dans toutes ses dispositions,

- condamné la Société SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE (KMBSF) aux entiers dépens de l'instance.

La société KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE a interjeté appel de ce jugement, le 3 avril 2018.

La société KMBSF demande à la cour :

- de la recevoir en ses demandes, fins et conclusions.

L'y disant bien fondée,

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage rendu le 22 mars 2018,

Statuant à nouveau,

- de dire et juger que les motifs allégués par Monsieur [H] [Y] à l'appui de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 26 mai 2015 ne sont ni fondés, ni établis

- de requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail initiée par Monsieur [H] [Y] en démission et de lui faire produire les effets de droit.

- de débouter Monsieur [H] [Y] de son appel incident,

- de débouter Monsieur [H] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner Monsieur [H] [Y] au paiement de la somme de

14.036, 43 € à titre d'indemnité correspondant au préavis qu'il n'a pas exécuté,

- de le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros en application des disposition de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient :

- que Monsieur [Y] ne caractérise aucun fait de harcèlement, qu'il multiplie les anecdotes injustifiées et invérifiables, qu'il produit des arrêts de travail qui ne présentent pas de caractère professionnel, ni ne justifient d'une altération de son état de santé et que cette accusation de harcèlement intervient postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes en marge du refus de la rupture conventionnelle, étant précisé que le salarié n'a jamais fait état des difficultés relationnelles alléguées auprès des instances représentatives du personnel, du médecin du travail, des syndicats de l'entreprise ou de la direction des ressources humaines

- que Monsieur [Y] a signé son contrat de travail, que les dispositions contractuelles ont été appliquées d'une année sur l'autre sans protestation ni réserve de l'intéressé, que le plan de rémunération est fondé sur des éléments objectifs indépendants de sa volonté, ne fait pas porter le risque d'entreprise sur Monsieur [Y] et n'a pas eu pour effet de faire descendre la rémunération de Monsieur [Y] en dessous des minimas conventionnels, que Monsieur [Y] n'a jamais contesté le plan au temps de sa mise en oeuvre et qu'à la supposer caractérisée, cette modification n'était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat.

Monsieur [H] [Y] demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

Prononcé la nullité de l'article 8, dernier alinéa, de son contrat de travail,

Dit que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamné la SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE à lui payer les sommes de :

15 847, 76 € à titre de rappel de salaire,

1 584,77 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,

14 370 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1 437 € à titre des congés payés y afférents,

6 227 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Rappelé que ces sommes porteraient intérêt au taux légal à compter du 21 avril 2015, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, sauf pour les dommages et intérêts, à compter de la date de jugement,

Dit que les sommes allouées par le jugement supporteront, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le Code de la Sécurité Sociale,

Et statuant de nouveau, de l'infirmer pour le surplus en condamnant la Société KMBSF à lui payer :

114.974, 16 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant précisé que les sommes allouées au-delà des 30 000 € déjà versés au titre de l'exécution provisoire porteront intérêts légaux à compter du prononcé de la décision à intervenir,

5.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- de condamner la Société KMBSF à lui payer une indemnité de 3 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les procédures de première instance et d'appel,

- de condamner la société KMBSF aux entiers dépens de l'instance.

Il soutient :

- que la société tente de faire passer son changement de plan de rémunération variable portant modification des modalités de calcul de la rémunération variable et de sa structure pour un changement d'objectifs, qu'il a refusé ce changement mais que la société est passée outre et qu'une clause du contrat ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunérationcontractuelle du salarié

- que la société s'est soustraite aux dispositions du code du travail relatives à la modification du contrat de travail pour motif économique et qu'elle a licencié les salariés récalcitrants les uns après les autres pour des motifs fallacieux

- qu'à compter du jour où il a osé émettre des réserves sur le nouveau PRV, il s'est vu appliquer un management agressif et harcelant et que ce harcèlement s'est aggravé dès lors qu'il a osé demander une rupture conventionnelle.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 Avril 2020.

La cour n'ayant pas autorisé les parties à produire une note en délibéré, les pièces remises au greffe les 9 et 11 décembre 2020 sont irrecevables.

SUR CE :

Sur la prise d'acte

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'un licenciement nul si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, ceux d'une démission.

La prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail qu'en cas de manquement de l'employeur à ses obligations revêtant une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir la réalité des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Monsieur [H] [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 26 mai 2015 dans les termes suivants :

'Vos courriers me démontrent clairement que KM n'a pas l'intention de respecter mon contrat de travail en accédant à ma demande de maintien de mon ancien PRV (2013-2014) et votre position est renforcée par le fait que le PRV 2014-2015 que j'ai refusé est maintenu sans la moindre correction ou modification pour l'exercice 2015-2016. Je ne peux donc accepter que mon activité et mes résultats commerciaux se voient appliquer le PRV 2014-2015 au lieu de celui de 2013-2014 et subir ainsi une baisse de la rémunération variable que je devrais percevoir si était appliqué monPRV2013-2014.

De plus, je constate que depuis que je me suis adressé à un avocat pour saisir le conseil de prud'hommes, les pressions que je devais supporter de mon chef des ventes et de mon directeur régional se sont accentuées de manière très sournoise, en m'ostracisant, m'isolant, m'humiliant en public. Mes collègues qui ont été informés de notre conflit (et pas par moi) m'évitent. Et ce harcèlement insupportable dégrade ma santé au point que le médecin que j'ai dû consulter une nouvelle fois, à peine quatre jours après la reprise, a dû m'arrêter à nouveau en me mettant sous traitement anti dépressif, me prescrire toute une série d'analyses biologiques tout en me conseillant de voir un médecin psychiatre. Le mieux étant selon lui que je sois extrait 'du milieu générateur du stress psychosomatique' que je supporte.

(...)

Je ne démissionnerai pas mais je n'ai plus la force de continuer comme ça. Aussi, je prends acte de la rupture de mon contrat de travail du fait du refus de KM de me maintenir mon PRV 2013-2014 en m'obligeant à subir une baisse de mes commissions et primes et en raison du harcèlement et des pressions morales que l'on m'inflige depuis maintenant des semaines et qui dégradent ma santé. D'ailleurs, c'est le but recherché par KM.

(...)'.

M. [Y] reproche en premier lieu à son employeur le changement unilatéral du plan variable de rémunération (PRV) au 1er avril 2014 pour l'exercice 2014-2015.

La société KMBSF estime que le salarié ne peut se prévaloir d'une modification du contrat de travail, puisque ce contrat contient une clause de variation de rémunération acceptée par lui, si bien qu'elle avait le droit de modifier unilatéralement sans l'accord formel de ce dernier les modalités de rémunération variable dès lors qu'elles étaient liées à de nouveaux objectifs réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.

La clause REMUNERATION de l'article 8 du contrat de travail prévoit que les principes et modalités de la partie variable de la rémunération sont définis dans le cadre du plan de rémunération dont les conditions sont adaptées à la stratégie et aux objectifs de l'entreprise et dont les modalités précises sont portées à la connaissance de chaque chargé de clientèle régulièrement par note de la hiérarchie et stipule que l'acceptation du contrat de travail comporte l'acceptation d'une remise en cause régulière du plan de rémunération variable.

Toutefois, cette 'remise en cause' ne peut s'entendre que de celle de la fixation annuelle de nouveaux objectifs et non pas des modalités selon lesquelles est déterminée la rémunération variable, sauf à modifier la structure de ladite rémunération variable, laquelle constitue un élément essentiel de la rémunération globale du salarié.

En effet, en vertu de l'avenant au contrat de travail en date du 19 mai 2008, la rémunération mensuelle forfaitaire brute fixe était de 1.650 euros payée sur douze mois, alors que le salaire mensuel moyen de M. [Y] s'élevait à 4.790 euros.

Le plan de rémunération variable de l'année 2013-2014 était le suivant pour un ingénieur commercial :

trimestres 1 et 2 (avec des seuils différents pour le A au trimestre 1 et au trimestre 2)

A) commission mensuelle sur marge, en fonction du cumul de réalisation trimestrielle marge et du nombre de couleurs vendus (minimum de 10%, puis 15%,20%,25 % en fonction du chiffre d'affaires)

B)commission mensuelle sur CA PTD matériel et prestations (hors marge), en fonction du cumul de réalisation trimestrielle (taux de commission 1,2%, 3,5 %, 5 %, 3,5 % suivant les paliers)

C) commission mensuelle sur solutions catalogue (hors marge), en fonction de la réalisation de CA (8 % jusqu'à 30.000 euros et 4 % au-delà)

C')commissions ITS mensuelle sur marge SERIANS, marge générée par des affaires ITS mensuelle sur la marge SERIANS (taux de commission 1 % et 5 %)

D) prime mensuelle sur les placements MFP et Printers, chaque placement est valorisé par un nombre de points KPM décrit dans la fiche 'valeur PKM par produit'. Selon la réalisation trimestrielle cumulée en nombre PKM, la valeur PKM varie : 8 euros, 16 euros, 20 euros, 8 euros

PKM prospect = 1,5 PKM

E) prime semestrielle productivité, en fonction du cumul de placements A3, A4 et PP sur le semestre (primes non cumulables) 24 placements A3 : 1.000 euros - 30 placements A3 : 2.000 euros- 33 placements A3 : 3.000 euros

F) prime annuelle production printing, en fonction du cumul de placements PP sur l'année (primes non cumulables) 2 placements : 1.000 euros ,3 placements : 3.000 euros, 4 placements : 3.000 euros

objectifs de réalisation

critères

CA pdt mat

CA pdt sol

CA ptd total

marge

total CA

dont CA PDT prospect

MFP

couleur

A4

audit ou excelsio web report

production printing: 2 placements à l'année

Le plan de rémunération variable de l'année 2014-2015 pour un ingénieur commercial 3 a été modifié ainsi qu'il suit :

I. objectifs FY : mensuel, août, trimestres T1,T3,T4, trimestre T2, annuel

CA net hard & prest

CA solution

CA net total (office)

marge solution

A3

A3couleur

A4

production priting : 4 placements

II. Feuille de mission

III. Primes et commissions

A1 prime trimestrielle et annuelle sur CA net hard &prestations hard associées sur dossiers facturés

à l'atteinte de l'objectif trimestriel et/ou annuel sur le CA net sur les dossiers facturés

objectif 100 % prime trimestrielle : 500 euros - prime annuelle : 1.000 euros

objectif 125 % prime trimestrielle : 750 euros - prime annuelle : 1.500 euros

objectif 150% prime trimestrielle :1.000 euros -prime anuelle : 2.000 euros

A2 commission mensuelle CA net hard &prestations hard associées sur dossiers facturés - taux de commission : 4,20 %

B prime mensuelle sur placements A3 couleur dossiers prise d'ordre la prime palcement est versée à compter du 1er palier placement A3 couleur en PO et d'une pondération suivant la réalisation de marge soutien en PO (plafond à 150 %)

C1 commission mensuelle sur la marge solution sur dossiers facturés; taux de commission 10 %

C2 prime mensuelle sur la marge solution dossiers prise d'ordre; la prime est versée en fonction du % d'atteinte de l'objectif marge solution réalisé en PO et son montant varie de 200 à 450 euros

D1 prime mensuelle OPS (sur audit facturé au client) sur dossiers prise d'ordre; un audit : 150 euros

E1 commission annuelle (payée mensuellement) sur placements productions printing sur dossiers facturés, commission par matériel PP : 450 euros

E2 prime annuelle (payé mensuellement) sur productivité production printing sur dossiers facturés; une prime de productivité (1.200 euros) sera ajoutée à la commission sur placement et ce à partir du deuxième placement.

Il ressort de la comparaison de ces deux plans de rémunération variable que les critères d'attribution des primes mensuelles, trimestrielles, annuelles, le nombre des commissions et leur taux, le seuil de déclenchement et le montant des primes, le nombre des commissions étaient différents et donc que les modalités de calcul de la rémunération variable et sa structure ont été modifiées entre 2013-2014 et 2014-2015.

M. [Y] produit un calcul faisant apparaître que le nouveau plan de rémunération variable de 2014-2015 a entraîné une diminution de sa rémunération de 15.847,76 euros par rapport à 2013-2014 pour un chiffre d'affaires identique.

La société KMBSF conteste le bien-fondé de ce calcul et produit un tableau destiné à établir qu'à activité constante, le PRV 2014-2015 est plus favorable que le précédent, puisqu'il entraîne une augmentation de la rémunération de 439 euros par trimestre.

Toutefois, ce tableau global intitulé 'delta coms vs N-1" mentionnant une somme de 439,22 euros en cas d'objectif atteint à 100 % ne permet pas de contredire le tableau présenté par M.[Y] sur la base de son chiffre d'affaires mensuel, dans la mesure où il est fondé sur un seul chiffre d'affaires de 15.156,12 euros dont on ne connaît pas l'origine et sur un seul objectif et qu'on ne sait pas comment est effectué le calcul.

Il résulte du reste des termes mêmes du courriel explicatif de M. [G] du 23 octobre 2014 auquel est annexé le tableau de l'employeur qu'il est toujours délicat de comparer deux PRV qui n'ont ni la même structure de base, ni les mêmes objectifs, ni les mêmes fondements stratégiques.

Le conseil de prud'hommes a en outre justement relevé que l'employeur avait reconnu une modification de la structure du PRV, donc des modalités de calcul de la part de rémunération variable de M. [Y], dans une note d'information au comité d'entreprise sur le projet de PRV pour l'exercice 2014-2015, et que, dans le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 17 avril 2014, le directeur des ressources humaines avait affirmé que 'cette année, il ne s'agit pas d'une évolution du PRV, mais d'un changement de PRV'.

Or, nonobstant les stipulations du contrat de travail relatives à 'la remise en cause régulière du plan de rémunération variable', dont le conseil d eprud'hommes a prononcé à juste titre l'annulation, l'employeur ne pouvait pas procéder unilatéralement à une modification de la rémunération du salarié, s'agissant d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail qui devait être acceptée par lui.

Le manquement de l'employeur est dès lors établi.

A l'appui de sa prise d'acte, M. [Y] reproche en second lieu à son employeur un harcèlement moral commis à son préjudice.

Il explique dans sa lettre du 8 avril 2015 qu'il a voulu trouver avec l'entreprise une solution de départ amiable, sans faire la moindre polémique et que, ne supportant plus les pressions et le harcèlement qu'il subissait depuis plusieurs mois de la part de sa hiérarchie, il pensait sincèrement que le mieux pour lui était de trouver une solution amiable pour au moins préserver sa santé et que le rejet de cette demande le pousse à prendre une décision, qu'il a bien compris que 'votre réponse négative fait suite aux conversations que vous avez eues avec ma hiérarchie qui ne daigne même plus me dire bonjour et qui espère obtenir ma démission comme me l'a très clairement demandé mon nouveau chef des ventes lors d'un entretien cette semaine en date du 7 avril 2015".

Aux termes de l'article L1152-1du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

L'article L1154-1 dispose que 'lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

En vertu de ce dernier texte, il pèse sur le salarié l'obligation de rapporter la preuve d'éléments précis et concordants ; ce n'est qu'à cette condition que le prétendu auteur du harcèlement doit s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.

En l'espèce, M. [Y] ne produit qu'une seule pièce à l'appui de sa demande et de sa description des faits de harcèlement qu'il invoque, à savoir un courriel du chef des ventes en date du 20 mai 2015, qui lui laisse le choix de de faire son 't-day' à [Localité 4] ou de venir à [Localité 3]. Ce seul courriel ne permet pas de caractériser une mise à l'écart du salarié.

Par ailleurs, les arrêts de travail ne peuvent en eux-mêmes laisser présumer un harcèlement.

M. [Y] ne rapportant la preuve d'aucun fait précis susceptible de laisser présumer un harcèlement, la prise d'acte ne peut être justifiée par un tel grief et la demande de dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral n'est pas justifiée, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

Mais la modification de la structure d'un élément de rémunération sans l'accord du salarié ayant entraîné une diminution importante de celle-ci constituait à elle seule un manquement suffisamment grave de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Par lettre en date du 8 avril 2015, M. [Y] a indiqué qu'il avait voulu faire confiance à l'entreprise qui leur avait dit que ce nouveau PRV ne leur ferait pas perdre d'argent et que, de toute façon, des correctifs seraient faits en fin de premier semestre pour corriger les pertes de rémunération mais qu'il avait eu tort d'accorder sa confiance car il constatait après un exercice complet qu'avec les résultats obtenus pendant cette période, sa rémunération variable avait baissé avec ce nouveau PRV qu'il n'avait pas accepté.

Il ne peut ainsi être fait reproche à M. [Y] d'avoir attendu la fin de l'exercice 2014-2015 et d'avoir constaté que le plan litigieux était reconduit sur l'exercice suivant pour demander, après que la société avait refusé la proposition d'une rupture conventionnelle, la résiliation judiciaire de son contrat de travail, puis pour prendre acte de la rupture de celui-ci.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sera également confirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de congés payés afférents et l'indemnité conventionnelle de licenciement dont les montants ne sont pas remis en cause devant la cour.

Au regard de l'ancienneté de M. [Y] dans l'entreprise (9 ans et 3 mois), de son âge à la date de la rupture (38 ans), du montant de son salaire mensuel moyen (4.790 euros) et en tenant compte du fait qu'il a immédiatement retrouvé un emploi, le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice causé au salarié par la perte de son emploi a été exactement apprécié par le conseil de prud'hommes et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire

La société KMBSF fait valoir que la demande ne saurait prospérer, puisque la mise en oeuvre du PRV 2014-2015 résulte de la stricte mise en oeuvre des dispositions contractuelles qui s'imposent aux parties, ce d'autant plus que, s'il était fait droit à une telle demande, cela aurait pour effet de caractériser une situation discriminatoire, une violation des dispositions de l'article L1132-1 du code du travail et une violation de la règle 'à travail égal, salaire égal', les ingénieurs commerciaux n'ayant plus les mêmes modalités de rémunération à la suite de la vente d'un même produit ou service.

Toutefois, dans la mesure où le plan de rémunération variable entraînant une diminution de sa rémunération a été imposé à M. [Y], seul concerné par le présent litige, de sorte qu'il ne peut être invoqué par l'employeur une discrimination vis à vis de salariés non identifiés dont la situation n'est pas connue, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société KONICA MINOLTA à payer à M. [Y] un rappel de salaire correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir sur la base du plan de rémunération variable 2013-2014, dernier plan accepté par lui, et une indemnité de congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et inétrêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [Y] ne démontrant pas qu'il a subi un préjudice distinct de celui qui sera réparé par l'allocation des intérêts de retard sur le rappel de salaire, la demande de dommages et intérêts fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur au motif de la modification unilatérale d'un élément de rémunération, n'est pas justifiée et sera rejetée, le jugement qui l'a accueillie étant infirmé de ce chef.

La société KMBSF, dont le recours est rejeté pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [Y] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

DECLARE irrecevables les pièces remises en cours de délibéré sans autorisation

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société KMBSF à payer à M. [H] [Y] la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

STATUANT à nouveau sur le chef infirmé,

REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par M. [H] [Y] sur le fondement de l'exécution déloyale du contrat de travail

CONDAMNE la société KMBSF aux dépens d'appel

CONDAMNE la société KMBSF à payer à M. [H] [Y] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La Greffière La Présidente

Elsa SANCHEZ Joëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 18/02458
Date de la décision : 14/01/2021

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°18/02458 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-14;18.02458 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award