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03/12/2020 | FRANCE | N°19/03306

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 03 décembre 2020, 19/03306


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/03306 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MLOB





[J]



C/

SAS ADREXO







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 11 Avril 2019

RG : F 16/02018





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2020







APPELANTE :



[S] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté

e par Me Michel NICOLAS, avocat au barreau de LYON ayant pour avocat plaidant Me Brice MULLER de la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VIENNE







INTIMÉE :



SAS ADREXO

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Pierre-...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/03306 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MLOB

[J]

C/

SAS ADREXO

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 11 Avril 2019

RG : F 16/02018

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2020

APPELANTE :

[S] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Michel NICOLAS, avocat au barreau de LYON ayant pour avocat plaidant Me Brice MULLER de la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VIENNE

INTIMÉE :

SAS ADREXO

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Pierre-luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de LYON substituée par Me Charlotte PICHELINGAT, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Octobre 2020

Présidée par Joëlle DOAT, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Décembre 2020 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Suivant contrat de travail 'à temps partiel modulé : distributeur' en date du 25 mai 2005, à effet du 27 janvier 2003, Madame [S] [J] a été embauchée par la société ADREXO, son lieu de rattachement étant fixé à [Localité 5].

La convention collective applicable est la convention collective nationale de la distribution directe.

Madame [J] a été placée en arrêt maladie du 1er janvier 2006 au 29 février 2008.

Le 29 juin 2006, la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui a attribué un taux d'incapacité de 80%.

Par décision du 14 février 2008 la caisse primaire d'assurance maladie lui a reconnu une invalidité de catégorie 2.

La société ADREXO avait souscrit deux contrats de prévoyance groupe garantissant notamment l'invalidité de ses salariés, le premier auprès de la société APICIL à partir du 1er janvier 2006, le second auprès de la société ALLIANZ du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009.

Ces deux sociétés ont refusé de prendre en charge l'invalidité de Mme [J] qui n'a reçu aucune indemnisation au titre de la prévoyance.

Par décision du 24 septembre 2014, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Lyon a, notamment, ordonné à la société ADREXO d'ouvrir un dossier d'invalidité auprès de l'organisme de prévoyance, sous astreinte, et de régulariser elle-même les arriérés de prise en charge que l'organisme de prévoyance aurait dû payer depuis l'arrêt-maladie de Mme [J] de janvier 2006 et son placement en invalidité 2ème catégorie en février 2008 jusqu'au jour de l'ordonnance .

La cour d'appel de Lyon a infirmé cette ordonnance, par arrêt en date du 27 octobre 2015, au motif qu'il existait une contestation sérieuse quant à la réalité de l'information donnée par la salariée à la société ADREXO.

Le 31 mai 2016, Madame [J] a saisi le conseil de prud'hommes au fond en lui demandant d'ordonner à la société ADREXO l'ouverture d'un dossier d'invalidité de catégorie 2 et de condamner cette société à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 9 février 2018.

Le 22 octobre 2018, Mme [J] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement en date du 11 avril 2019, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

- rejeté l'ensemble des demandes de Madame [S] [J] formées contre la société ADREXO portant sur l'absence d'ouverture d'un dossier de prévoyance à son profit,

- dit que la société ADREXO a commis un manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

- condamné la société ADREXO à payer à Madame [S] [J], la somme de 1.500 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- condamné la société ADREXO à verser à Madame [J] la somme de

1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de la société ADREXO au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de plus amples demandes contraires au présent dispositif.

- condamné la SAS ADREXO aux dépens de l'instance.

Madame [S] [J] a interjeté appel de ce jugement, le 10 mai 2019.

Madame [J] demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement

- de dire que la société ADREXO a commis une faute en n'ouvrant pas auprès de son organisme de prévoyance un dossier d'invalidité dans les délais

A TITRE PRINCIPAL :

- de condamner la société ADREXO à lui payer la somme de 52.376 € pour les 8 années impayées au titre de la prise en charge invalidité catégorie 2.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- d'ordonner à la SAS ADREXO la production du contrat de prévoyance la liant aux organismes de prévoyance ayant refusé sa prise en charge.

- d'ordonner à la SAS ADREXO l'ouverture d'un dossier d'invalidité catégorie 2, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la 'notification du jugement à intervenir'

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- de condamner la SAS ADREXO à lui verser la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

- de condamner la société ADREXO à lui verser la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner la société ADREXO aux entiers dépens des instances.

Elle soutient :

- qu'elle a remis à son employeur sa notification de reconnaissance d'invalidité catégorie II dès qu'elle en a été destinataire par l'intermédiaire de l'adjoint au chef de centre de [Localité 5] dont elle dépendait alors, M. [O], conformément à la pratique au sein de l'entreprise, mais que la société ADREXO, n'a pas respecté son obligation et n'a pas procédé immédiatement à l'ouverture de son dossier de prise en charge auprès de l'organisme de prévoyance, lequel a refusé de l'indemniser, alors que la société ADREXO et elle-même cotisaient depuis janvier 2006 au titre de la prévoyance

- que la société ADREXO a accusé réception de deux décisions de la Commission des droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées faisant mention de son invalidité, ce qui montre qu'elle-même a toujours fait preuve de diligence en envoyant à son employeur tous les documents en sa possession, que la société ADREXO était informée en 2009 de son invalidité puisqu'elle lui a permis de bénéficier de la prime Défi Handicap et que, lorsqu'elle a procédé en 2012 à un nouvel envoi à son employeur de la décision lui notifiant son classement en invalidité de seconde catégorie, la société ADREXO a inscrit sur le document 'renouvellement'

- qu'elle a subi un préjudice financier important depuis 2008 résultant de la perte de chance de bénéficier de l'indemnisation qui lui est due en raison de son invalidité de seconde catégorie, causé par la carence de la Société ADREXO

- que l'opposabilité de la prescription extinctive ou forclusion biennale ne vaut qu'entre les parties, qu'elle n'a donc pas à en subir les conséquences et que la société ADREXO devra être condamnée en lieu et place d'APICIL à lui verser les sommes à lui revenir.

La société ADREXO demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

- de débouter Madame [J] de l'intégralité de ses demandes.

- de la condamner aux entiers dépens.

Elle soutient :

- qu'elle a été informée de l'invalidité de Madame [J] le 8 juin 2012 soit quatre années après qu'elle ait été placée en invalidité et que dès lors Madame [J] ne peut valablement prétendre, d'une part qu'elle n'a pas rempli ses obligations pour l'ouverture du dossier d'invalidité, d'autre part,qu'elle aurait subi un préjudice du fait de son absence de classement en invalidité

- que l'impossibilité de la prise en charge de Mme [J] est la conséquence de l'absence de diligence de cette dernière qui disposait d'un délai de deux années à compter de la notification de son invalidité par la CPAM

- que Mme [J] ne rapporte pas la preuve de ses allégations selon lesquelles en premier lieu, elle aurait informé son employeur de son classement en invalidité deuxième catégorie dès le mois de février 2008, en second lieu, celui-ci ayant connaissance de son statut de travailleur handicapé, il était nécessairement informé de cette décision de classement, alors le statut de travailleur handicapé est distinct du classement en invalidité deuxième catégorie.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2020.

SUR CE :

Mme [S] [J] a bénéficié des indemnités journalières pour maladie du 1er janvier 2006 au 29 février 2008 de manière ininterrompue.

La caisse primaire d'assurance maladie de LYON lui a notifié son classement en invalidité catégorie 2, le point de départ de la pension d'invalidité qui lui était attribuée étant fixé au 1er mars 2008, ainsi que le montant de sa pension d'invalidité.

Un avenant à la convention collective du 20 avril 2005 est venu définir les différentes garanties que les entreprises de la distribution directe devaient mettre en oeuvre au bénéfice des différentes catégories de salariés de la branche, notamment des prestations pour les salariés placés en invalidité 1ère catégorie, 2ème catégorie et 3ème catégorie.

Le salarié étant tiers au contrat d'assurance groupe, il incombe à l'employeur d'effectuer auprès de l'organisme de prévoyance les démarches en vue de le faire bénéficier de l'indemnisation, dès lors qu'il a été informé par ledit salarié de son classement en invalidité par la caisse primaire d'assurance-maladie.

Mme [J] verse aux débats à cet effet l'attestation rédigée le 4 août 2016 par M. [O], adjoint au chef de centre à l'agence de [Localité 5] de 2007 à 2010, aux termes de laquelle il certifie avoir été informé de l'invalidité de Mme [J] [S], distributrice, document transmis par son mari, M. [J] [F] également distributeur dans l'agence, en temps et en heure, et remis (illisible) ces documents à son chef de centre, M. [K] [W] qui les a transmis par navette interne à [Localité 4].

Il ajoute que pour la même raison, le chef de centre et lui-même lui ont confié des tâches moins lourdes, à savoir l'approvisionnement des journaux gratuits.

M. [O] a annexé à son attestation sa pièce d'identité.

Les indications contenues dans cette attestation sont précises et il n'y a pas lieu d'écarter cet élément de preuve au motif que l'attestation aurait été établie tardivement ou que la phrase relative aux sanctions encourues en cas de fausse attestation n'a pas été recopiée de la main de son rédacteur.

Les notifications du titre de pension d'invalidité et du montant de pension d'invalidité faites à Mme [S] [J] par la caisse primaire d'assurance-maladie de Lyon, revêtues d'un cachet 'reçu le 8 juin 2012", produites par la société ADREXO qui affirme que c'est la seule information qu'elle a reçue de Mme [J] concernant son placement en invalidité ne suffisent pas à contredire l'attestation d'autant plus qu'il est indiqué à la main 'renouvellement' sur le premier document.

Il ressort par ailleurs d'un courriel de M. [F] [J] adressé à la société ALLIANZ le 1er octobre 2012, produit par la société ADREXO, qu'en avril 2012, la société ALLIANZ a demandé à la salariée sa notification d'invalidité 'afin de régulariser son dossier qui traîne depuis août 2008" et qu'à ce jour, il n'a aucune réponse, ce qui montre que, malgré la réception de cette notification le 8 juin 2012, dont la société ADREXO prétend qu'il s'agit de la seule dont elle a eu connaissance, elle n'a effectué aucune diligence non plus auprès de la société de prévoyance et que la salariée a dû elle-même se préoccuper du sort de son dossier en écrivant directement à l'organisme.

Il a fallu que Mme [J] signale le 3 février 2013 à la société ADREXO qu'elle avait transmis en temps et en heure tous les documents relatifs à ses arrêts de travail successifs et notification d'invalidité à l'agence dont elle dépendait à l'époque, celle de [Localité 5], sous la responsabilité du chef de centre, M. [K], puis de ses successeurs auprès de qui elle se renseignait régulièrement et qu'elle avait appelé GRAS SAVOYE (courtier) qui ne lui a jamais donné d'information avant de lui annoncer qu'elle n'avait droit à rien, pour que l'employeur écrive le 27 février 2013 à l'organisme de prévoyance APICIL afin de lui soumettre le cas de Mme [J], la question posée étant celle de savoir si 'elle était éligible à la perception d'une rente d'invalidité compte-tenu de la concomitance de la prise d'effet du contrat prévoyance APICIL et son arrêt initial le 1er janvier 2006 et du délai plus que tardif pour constituer le dossier'.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il est établi que le délai plus que tardif pour constituer le dossier est imputable à la société ADREXO et non à la salariée..

Le délai de prescription de deux ans n'étant pas opposable à la salariée, la carence de la société ADREXO constitue une faute, contrairement à ce qu'a dit le conseil de prud'hommes.

Le préjudice subi par Mme [J] en lien avec cette faute est égal au montant des prestations qui devaient lui être servies, à savoir la somme de 52.376 euros dont le calcul détaillé dans les conclusions (page 21) n'est pas remis en cause par la société ADREXO.

Il convient de condamner la société ADREXO à payer à Mme [J] ladite somme de 52.376 euros, à titre de dommages et intérêts.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Mme [J] n'a pas développé dans ses conclusions d'appel de moyens à l'appui de sa demande de condamnation de la société ADREXO à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

La société ADREXO ayant demandé la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, il convient de confirmer le chef du jugement qui a condamné la société ADREXO à payer à Mme [S] [J] la somme de 1.500 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Mme [J] obtenant gain de cause en son recours, la société ADREXO sera condamnée aux dépens d'appel et à lui payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Mme [S] [J] de sa demande en paiement des prestations qui auraient dû lui être servies par la société de prévoyance au titre de son invalidité

STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la société ADREXO à payer à Mme [S] [J] la somme de 52.376 euros à titre de dommages et intérêts

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions

CONDAMNE la société ADREXO aux dépens d'appel

CONDAMNE la société ADREXO à payer à Mme [S] [J] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La greffière, La Présidente,

Elsa SANCHEZ Joëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/03306
Date de la décision : 03/12/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°19/03306 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-03;19.03306 ?
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