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03/12/2020 | FRANCE | N°18/03132

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 03 décembre 2020, 18/03132


N° RG 18/03132 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LVOW









Décision du :

- Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond du 21 mars 2018



RG : 2013j00819







[H]

[U]



C/



SAS SAM OUTILLAGE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 03 Décembre 2020







APPELANTS :



M. [E] [H]

[Adresse 1]

[

Adresse 1]





M. [W] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentés par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Assistés de Me Laurent VERDES, avocat au barreau de PARIS









INTIMEE :



SAS SAM OUTILLAGE

[...

N° RG 18/03132 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LVOW

Décision du :

- Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond du 21 mars 2018

RG : 2013j00819

[H]

[U]

C/

SAS SAM OUTILLAGE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 03 Décembre 2020

APPELANTS :

M. [E] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

M. [W] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Assistés de Me Laurent VERDES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SAS SAM OUTILLAGE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Béatrice DELABRE de la SELAS ERNST & YOUNG SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 28 Juin 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Octobre 2020

Date de mise à disposition : 03 Décembre 2020

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne-Marie ESPARBES, président

- Hélène HOMS, conseiller

- Catherine CLERC, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa MILLARY, greffier placé

A l'audience, [N] [M] a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Marie ESPARBES, président, et par Elsa MILLARY, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

La société SAM Outillage SAS est un fabricant français spécialisé dans l'outillage à main professionnel depuis 1906. Elle intervient sur les marchés de l'industrie, du bâtiment et de l'automobile via un réseau de distribution technique et professionnel.

M. [W] [U] et M. [E] [H] ont créé les sociétés PTS Outillage SAS (PTS) et IPS Trading SARL (IPS), spécialisées dans l'outillage pneumatique pour la maintenance automobile.

En 2011, SAM Outillage s'est intéressée à PTS dite leader national et IPS. Après une lettre d'intention du 14 mars 2011 et un protocole d'acquisition du 24 juin 2011, la cession définitive de PTS et IPS à SAM Outillage est intervenue le 28 juillet 2011.

Le prix d'un minimum de 2.700.000 € et d'un maximum de 3.300.000 €, réparti pour moitié entre les cédants, a été fixé suivant une clause dite de «'earn out'» [cession suivant un prix déterminé et un complément déterminable en fonction des résultats futurs de la société cédée] :

- un prix forfaitaire de 1.840.000 €, qui a été payé comptant lors de la cession,

- et un complément de prix au titre de la cession des titres PTS compris entre un minimum de 860.000 € et un maximum de 1.460.000 € déterminé selon les modalités de l'article 2.3,

- cet article 2.3 visant un complément de prix au titre des exercices clos au 31 décembre 2011, 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013, à calculer en fonction des objectifs de chiffres d'affaires atteints,

-étant aussi stipulé qu'une somme complémentaire de 360.000 € était payable lors du paiement du complément de prix 2011 indépendamment des conditions de versement du complément de prix.

Le complément de prix 2011 a été payé aux cédants à hauteur de 500.000 € au regard d'un chiffre d'affaires réalisé par PTS et IPS en 2011 supérieur à 5.000.000 €.

Dans le cadre de la cession, outre une garantie d'actif et de passif due par les cédants, il a été aussi convenu que MM. [U] et [H] devenaient cadres salariés de PTS, filiale de SAM Outillage, afin d'accompagner techniquement et commercialement l'acquisition et permettre une parfaite transmission de la clientèle de PTS et IPS.

Un engagement de non-concurrence et de non-rétablissement des cédants a été également stipulé au sein de l'acte de cession, une clause de non-concurrence et d'exclusivité étant aussi visée aux contrats de travail.

Alors que SAM Outillage a estimé que les objectifs de 9.000.000 € et 10.000.000 € n'avaient pas été atteints respectivement en 2012 et 2013, après de nombreux échanges entre les conseils des deux parties, MM. [U] et [H] ont saisi sur requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile le président du tribunal de commerce de Saint-Etienne.

Par ordonnance du 15 juillet 2013, ce dernier les a autorisés à saisir l'ensemble des données relatives aux chiffres d'affaires 2010 et 2012 de SAM Outillage ainsi que de PTS et IPS pour 2012, mais, sur assignation en référé d'heure à heure de la part de SAM Outillage, celle-ci en a obtenu la rétraction par une ordonnance du 6 août 2013 au motif d'un défaut de signification de la requête et de l'ordonnance aux personnes physiques visées. Par arrêt du 20 janvier 2015, la cour a confirmé l'annulation des saisies, non pas sur une question de procédure, mais en constatant son caractère illégitime au fond.

Par assignation délivrée le 24 septembre 2013, MM. [H] et [U] ont fait assigner au fond SAM Outillage pour se voir payer la somme de 300.000 € au titre du complément de prix 2012 et celle identique de 300.000 € au titre du complément de prix 2013.

La médiation proposée par le tribunal de commerce de Saint-Etienne n'a pas abouti.

MM. [U] et [H] ont sollicité une mesure d'expertise judiciaire.

SAM Outillage a formé une demande reconventionnelle du fait de la violation par les cédants de leur obligation de non-concurrence avec indemnisation de son préjudice en produisant une étude amiable de M. [A], expert judiciaire, évoquant aussi le sujet des compléments de prix, contesté par les demandeurs.

Par jugement du 17 juin 2015, le tribunal de commerce a désigné M. [J] [P] en qualité d'expert avec mission':

- de déterminer le chiffre d'affaires, suivant le périmètre défini au protocole de cession du 24 juillet 2011, pour l'exercice 2010, dans le secteur fournitures auto et centres auto, hors constructeurs et hors DOM-TOM,

- de déterminer les chiffres d'affaires de PTS et IPS pour l'exercice 2010 suivant le périmètre défini au protocole,

- de déterminer les chiffres d'affaires, suivant le périmètre défini au protocole, pour les exercices 2011/ 2012/ 2013 conformément audit protocole de cession, effectués par PTS et SAM Outillage conjointement au titre de la vente de produits SAM Outillage, PTS, IPS, Intech, MDD, dans les circuits de distribution «'Fournitures automobiles'», «'Centre automobile-service rapide'», «'Négociants pneumatiques'», «'Grands comptes'», «'Ensembles des marchés spécifiques IPS'»,

- de déterminer le chiffre d'affaires de IPS 2012 et 2013 suivant le périmètre défini au protocole,

- de déterminer en conséquence si la clause des compléments de prix stipulée dans le protocole et signée entre les parties doit être mise en 'uvre en fonction du périmètre de chiffres d'affaires défini dans ce même protocole pour les années 2012 et 2013,

- de chiffrer l'éventuel préjudice subi par SAM Outillage en déterminant notamment la perte de marge due à la perte de chiffre d'affaires avec le client Norauto pour SAM Outillage / PTS sur l'année 2013 ' 2014, et la perte de marge due à la baisse des chiffres d'affaires 2012, 2013, 2014 en les rapprochant des chiffres d'affaires prévisionnels des années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, et de chiffrer en conclusion l'indemnisation totale nette à laquelle pourrait prétendre SAM Outillage,

- de chiffrer en conclusion l'indemnisation totale nette à laquelle pourrait prétendre SAM Outillage suite aux conséquences du présent litige l'opposant à MM. [H] et [U].

L'expert a rendu son rapport en l'état le 31 mars 2017, en concluant':

- sur le premier point, que les chiffres d'affaires réalisés pour les années 2012 et 2013 ont été respectivement de 6.401.000 € et 5.659.000 € alors que les objectifs fixés dans le protocole étaient respectivement de 9.000.000 € et 10.000.000 €, et qu'en conséquence, le complément de prix au titre de 2012 et 2013 ne trouve pas à s'appliquer,

- sur le second point, relatif au préjudice de SAM Outillage, qu'il lui était impossible de se prononcer en l'absence d'obtention des informations nécessaires.

Devant le tribunal de commerce, MM. [U] et [H] ont maintenu leur demande de complément de prix 2012 et 2013 (2 x 300.000 €) en soutenant notamment l'inopposabilité et la nullité du rapport d'expertise judiciaire, tandis que SAM Outillage a sollicité reconventionnellement l'indemnisation de ses préjudices résultant des fautes commises par ces derniers dans l'exécution du protocole consistant en la perte du client Norauto et sa perte de marge sur les années 2012 à 2016, outre subsidiairement, le remboursement de la garantie des locaux, demandes reconventionnelles auxquelles les demandeurs se sont opposés.

Par jugement du 21 mars 2018, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

dit que le complément de prix prévu dans le protocole d'acquisition du 24 juillet 2011 pour les années 2012 et 2013 n'est pas dû par SAM Outillage à MM. [H] et [U],

rejeté ces demandes,

dit que MM. [H] et [U] n'ont pas commis de faute dans l'exécution du protocole d'acquisition du 24 juillet 2011,

rejeté les demandes reconventionnelles de SAM Outillage,

rejeté la demande de SAM Outillage pour le remboursement de la garantie des loyers,

rejeté les demandes de SAM Outillage pour abus de procédure et préjudice moral,

débouté MM. [H] et [U] du surplus de leurs demandes,

condamné solidairement MM. [H] et [U] à payer à SAM Outillage la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens sont à la charge de MM. [H] et [U],

rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,

et débouté SAM Outillage du surplus de ses demandes.

MM. [H] et [U] ont interjeté appel par acte du 23 avril 2018.

Par conclusions déposées le 13 juin 2019 fondées sur les articles 1103 et 1104 (anciennement 1134) du code civil, l'article 1231-1 (anciennement 1147) du code civil,les articles 10, 16, 144, 263 et 378 du code de procédure civile, MM. [H] et [U] demandent à la cour de':

juger que SAM Outillage a refusé de communiquer, dans le cadre de l'expertise, le nom des clients permettant la détermination du périmètre du complément de prix et des chiffres d'affaires pour 2012 et 2013,

juger inopposable le rapport d'expertise aux appelants faute pour l'expert judiciaire d'avoir déterminé les périmètres du complément de prix,

juger nul le rapport d'expertise faute de respect du contradictoire,

juger que SAM Outillage n'apporte pas la preuve des chiffres d'affaires 2012 et 2013 dans le périmètre de la clause de complément de prix,

juger que SAM Outillage a modifié le périmètre du complément de prix par la création des BU [Business Units],

juger que SAM Outillage a trompé les cédants en indiquant avoir réalisé un chiffre d'affaires de 3.088.000 € dans le secteur de la clause de complément de prix pour l'année 2010 alors que son chiffre d'affaires est établi à 1.632.275 €,

juger que la baisse du chiffre d'affaires de PTS, IPS et SAM Outillage résulte du mécontentement des clients et de la désorganisation de SAM Outillage,

juger que SAM Outillage n'a pas respecté ses engagements à leur encontre au regard des postes qu'ils devaient occuper au sein de SAM Outillage,

juger que les objectifs de chiffre d'affaires pour les années 2012 et 2013 définis par la direction générale de SAM Outillage sont inférieurs aux objectifs des compléments de prix,

juger qu'ils n'ont commis aucune faute, aucun acte de nuisance ou de dénigrement, aucun acte de concurrence déloyale vis-à-vis de SAM Outillage,

en conséquence :

réformer le jugement déféré, et, statuant à nouveau, de :

condamner SAM Outillage à leur payer':

la somme de 300.000 € au titre du complément de prix 2012,

la somme de 300.000 € au titre du complément de prix 2013,

à répartir à égalité entre eux,

rejeter l'ensemble des demandes et prétentions de SAM Outillage,

condamner SAM Outillage à leur payer la somme de 95.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner SAM Outillage aux entiers dépens de l'instance, y compris aux frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit de leur conseil.

Par conclusions déposées le 24 juin 2019, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, la société SAM Outillage SAS demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté purement et simplement les demandes de MM. [U] et [H] comme étant mal fondées et ne reposant que sur de simples suppositions et allégations,

reconventionnellement sur son appel incident,

compte-tenu de la violation de la clause de non-concurrence insérée dans le protocole de cession des titres,

compte-tenu des fautes commises par MM. [U] et [H] dans l'exécution du protocole et de leurs agissements nuisibles pour elle,

compte-tenu du défaut de loyauté des cédants postérieurement à la cession et de la violation de la garantie légale de non éviction,

compte-tenu du lien de causalité entre les violations contractuelles exposées et la perte de clients historiques, tels que Norauto, la baisse de chiffre d'affaires et la non- atteinte des objectifs de vente, contractuellement consentis par les parties,

condamner solidairement MM. [U] et [H] à l'indemniser à hauteur de son entier préjudice généré par le comportement fautif et nuisible tel qu'exposé aux termes des présentes écritures, soit les sommes de':

1.100.000 € pour la perte du client Norauto,

2.784.000 € pour la perte de marge sur les années 2012 et 2013,

4.176.000 € pour la perte de marge sur les années 2014, 2015 et 2016,

condamner solidairement MM. [U] et [H] au remboursement de la garantie des locaux, s'élevant à la somme de 21.000 €, outre intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2012,

condamner MM. [U] et [H] à lui payer la somme de 70.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi que les sommes de 50.000 € pour procédure abusive,

et 50.000 € au titre du préjudice moral,

et condamner MM. [U] et [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit du cabinet Ernst & Young, société d'avocats.

En délibéré, sur sa demande, la cour a reçu des appelants le jugement avant-dire droit du 17 juin 2015 qui n'avait pas été communiqué ainsi que la convention commerciale du 12 juin 2012 (pièce 64) dont il n'avait été produit que la première page.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé':

- d'une part, que la cour statue sur les seules prétentions des parties énoncées au dispositif de leurs écritures (article 954 du code de procédure civile),

- d'autre part que, en dépit de la longueur des écritures des parties et du volume de leurs productions, la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, étant obligée de répondre à leurs seuls moyens,

- et encore, que les motivations de l'arrêt de référé du 20 janvier 2015 (cour d'appel de Lyon) et de l'ordonnance de référé du 30 mars 2018 (président du tribunal de commerce de Meaux), ne s'imposent pas dans le cadre de la présente décision.

Sur la forme, il est aussi noté que le sigle «'CA'» nomme le chiffre d'affaires.

Quant à la charge de la preuve, le présent litige n'échappe pas à la règle selon laquelle celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver tandis que, réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier si ce n'est le paiement, du moins le fait qui a produit l'extinction de son obligation (article 1315 ancien du code civil).

En l'espèce, il revient d'une part, à MM. [H] et [U] de prouver l'obligation qu'ils imputent à la cessionnaire consistant dans le paiement du complément de prix au titre des années 2012 et 2013, et à SAM Outillage de prouver que son obligation est éteinte de sorte à l'autoriser à un refus de ce paiement.

D'autre part, s'agissant de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle des cédants, il appartient à SAM Outillage de démontrer à l'encontre de MM. [U] et [H] leurs manquements fautifs en lien avec leurs missions visées aux actes de cession et aux contrats de travail, notamment l'interdiction de concurrence, les cédants étant admis à s'en défendre.

Chacune des parties fait donc erreur lorsqu'elle impute à l'autre la charge entière de la preuve en omettant de considérer la sienne propre.

Sur la demande de complément de prix des cédants

La clause de complément de prix

La clause contractuelle de complément de prix stipule que, pour chaque année 2012 et 2013, il sera basé sur le «'chiffre d'affaire Auto'» comptabilisé sur l'exercice clos au 31 décembre tel que défini':

«'chiffre d'affaire facturé en France métropolitaine et DOM-TOM par PTS et SAM Outillage au titre de la vente de produits sous les marques SAM Outillage, PTS, INTECH et MDD dans les circuits de distribution (hors constructeurs automobiles')'», ces circuits de distribution étant précisément listés, avec la mention que les listes ne sont pas exhaustives :

«'1. Fournitures automobiles'»': 7 clients dénommés,

«'2. Centres automobiles-services rapides'»': 5 enseignes dénommées,

«'3. Négociants pneumatiques'»': 5 clients dénommés,

«'4. Grands comptes'»': 7 clients dénommés,

«'5. Ensemble des marchés spécifiques IPS y compris marché export'»': 1 client japonais nommé.

Dans la clause de complément de prix au titre de l'année 2012, il est en outre «'précisé que le chiffre d'affaires réalisé par l'Acquéreur au 31 décembre 2010 dans le secteur fournitures Auto et Centres Auto (hors constructeurs et hors DOM TOM) s'élève à 3.088K€'».

La critique du rapport d'expertise

Il ressort des productions des parties incluant le rapport d'expertise judiciaire, que, eu égard au secret des affaires que SAM Outillage était en droit d'opposer à MM. [U] et [H] avec qui cette société était en conflit non seulement dans le cadre de la clause de complément de prix mais encore en terme de manquements contractuels, même si les parties avaient précédemment échangé des documents listant des noms de clients, les conseils ont finalement -après de longs échanges- mis en place avec l'expert judiciaire une méthode permettant à ce dernier de consulter, sans présence des parties et la leur (celle des conseils), tous documents utiles à l'exercice de sa mission dans les locaux de SAM Outillage.

À défaut d'une telle méthode, dont le choix ne peut plus être critiqué, l'expertise judiciaire n'aurait pu avoir lieu, également sur ce premier point de sa mission.

Les cédants font valoir le caractère inexploitable du rapport d'expertise judiciaire, dont ils demandent tout à la fois l'inopposabilité et la nullité, en soutenant que la première mission de l'expert judiciaire était de déterminer le périmètre de clients précisément nommés, concernés par la clause de complément de prix et figurant dans chacune des 5 typologies d'activités (fournitures automobiles, centres automobiles, négociants pneumatiques, grands comptes et marchés spécifiques IPS), et ce, pour chaque société': SAM Outillage, PTS et IPS'; et qu'à défaut d'être un spécialiste de l'automobile, l'expert devait interroger contradictoirement les parties afin de décider quels clients devaient intégrer les périmètres, pour calculer ou vérifier le CA réalisé avec chacun de ces clients.

D'une part, le rapport d'expertise judiciaire est nécessairement opposable aux appelants -tout comme il l'est à l'intimée- dès lors qu'il s'agit d'une mesure d'instruction opérée à leur contradictoire et dont ils ont pu discuter le rapport, ce qu'ils ont fait.

D'autre part, aucune nullité n'est encourue. L'expert judiciaire n'a pas manqué à sa mission visant à la détermination, et non seulement la vérification, des divers chiffres d'affaires tels que visés dans les multiples points de sa mission, précitée, avec l'objectif de déterminer la mise en 'uvre ou non de la clause des compléments de prix 2012 et 2013.

En effet, les termes du rapport d'expertise ne laissent aucun doute sur le respect par l'expert judiciaire des chefs précis de sa mission, notamment quant à la détermination du périmètre de la cession, y compris au regard des «'Business Units'» «'BU'» (évoqués ultérieurement dans l'arrêt) qu'il a bien considérés.

C'est ainsi que l'expert a pris soin de préciser que ses travaux qui garantissent l'exhaustivité des données relatives à la mission confiée, se sont fondés sur les documents suivants':

- les journaux des ventes détaillées extraits de la gestion commerciale avant centralisation,

- le journal des ventes détaillées extrait de la comptabilité indiquant les codes et comptes clients, les numéros et les montants de factures, les comptes de CA et de TVA,

- les écritures d'inventaire de fin d'année pour constater des avoirs et des factures à établir,

- et les liasses fiscales des sociétés qui lui ont permis de valider les CA extraits des fichiers,

- à l'exception du grand-livre clients avec toutes les écritures lettrées et non lettrées, dont il n'a pas eu besoin, contrairement à la demande du conseil des cédants, pour reconstituer les CA litigieux objets de sa mission.

Les cédants sont infondés à critiquer l'absence de noms de clients dans le rapport, ce qui répond non seulement au principe du secret des affaires sus-visé mais aussi, au fait que, aux termes du protocole de cession, dans l'énoncé des catégories utiles à fixer le CA permettant l'application de la clause de complément de prix, les noms des clients nommés, non exhaustifs, ne venaient qu'illustrer la catégorie dont ils faisaient partie.

Les cédants sont tout aussi infondés à prétendre, sans preuve, que l'expert judiciaire s'est fondé sur des fichiers communiqués par M. [V] le directeur financier de SAM Outillage (parfois dit responsable informatique), nécessairement présent pour permettre à l'expert judiciaire de mener à bien ses opérations dans les locaux de cette société. L'expert judiciaire, technicien du chiffre, dispose, ce qu'il a rappelé dans son rapport, d'une compétence qui lui a permis d'exercer sa réflexion critique face aux documents consultés. Il a donc bien rempli sa mission.

L'expert judiciaire a précisément indiqué le déroulement des deux accédits techniques dans les locaux de SAM Outillage, qui lui ont permis de procéder aux requêtages utiles à déterminer les chiffres litigieux, en application des termes de sa mission, que les cédants n'ont d'ailleurs pas, pour une question de coût, souhaité compléter par une extension de mission, suggérée par l'expert pour aller plus avant dans ses investigations.

Particulièrement, il est établi à propos d'une prétendue erreur de l'expert judiciaire sur le CA 2010 que celui-ci a été dans un premier temps mis en possession par le conseil des appelants d'une annexe tronquée (1 page sur 2), sans preuve toutefois d'une mauvaise foi de cette partie ou d'une fraude contrairement à ce qu'évoque SAM Outillage. C'est sur la base de la liste complète finalement obtenue que l'expert a pu communiquer le chiffre définitif de 3.088K€.

Par voie de conséquence, les autres contestations de la part des appelants relevant du fond du dossier, leur demande d'inopposabilité et de nullité du rapport d'expertise judiciaire doit être rejetée.

Les conclusions de l'expert judiciaire

L'expert judiciaire a conclu après de longues investigations que les chiffres d'affaires réalisés pour les années 2012 et 2013 tels que visés au protocole de cession et servant de base au calcul de l'éventuel complément de prix, ont été respectivement de 6.401.000 € en 2012 et de 5.669.000 € en 2013.

Ils sont précisément de':

- pour 2012': IPS' (79.274,22 €), PTS' (3.175.362,22 €) et SAM Outillage (3.146.256,70 €), pour un total de 6.400.893,14 € (pour 6.562.000 € retenu par M. [A], saisi unilatéralement par SAM Outillage, étude du 27 janvier 2014),

- pour 2013': IPS (24.486,03 €), PTS (2.161.485,37 €) et SAM Outillage (3.483.197,57 €), soit un total de 5.669.168,97 € (M. [A] a établi un chiffre de 5.986.000 € pour les 11 mois de 2013 compte tenu de la date de son étude du 27 janvier 2014).

Au regard des objectifs fixés dans le protocole pour justifier un complément de prix, à savoir 9.000.000 € en 2012 et 10.000.000 € en 2013, l'expert judiciaire a conclu que le complément de prix au titre de 2012 et 2013 ne trouve pas à s'appliquer.

Selon ces conclusions expertales, il manque donc 2.599.000 € sur le CA 2012 et 4.341.000 € sur le CA de 2013, pour que le complément de prix soit exigible.

Si les cédants critiquent les CA de base au titre des années 2012 et 2013 tels que déterminés par l'expert judiciaire, encore faut-il donc, pour que leur demande de paiement puisse aboutir (complément de prix de 300.000 € pour chaque exercice), qu'ils démontrent que le CA 2012 s'élève au minimum à 9.000.000 € et que le CA 2013 se chiffre au minimum à 10.000.000 €.

Le chiffre d'affaires 2010 de SAM Outillage

Les cédants critiquent le chiffre de 3.088K€ retenu par l'expert judiciaire, qui s'est expliqué sur sa méthode d'analyse, contraint de communiquer une seconde évaluation après avoir finalement obtenu une annexe fiable, complète, tel que dit précédemment.

Les appelants soutiennent dans leurs écritures que, d'après le tableau transmis par SAM Outillage à M. [U] le 17 avril 2013, le CA réalisé par SAM Outillage en 2010 était en réalité de 1.623.275 € en excluant 21 clients hors périmètre car faisant partie des clients «'Industrie'» et en ayant opéré un transfert de facturation. Ils en concluent que SAM Outillage les a trompés lors de la conclusion du protocole de cession en énonçant un CA artificiellement gonflé. Ils précisent que, dans la mesure où les objectifs de CA pour le paiement du complément de prix avaient été fixés en considération du chiffre de 3.088.000 €, si ce dernier est faux, ces objectifs devenaient impossibles à atteindre et que s'ils avaient connu le vrai CA de SAM Outillage en 2010, ils auraient négocié à la baisse les objectifs de CA à atteindre.

Ces allégations ne sont pas fondées, étant dit au préalable que SAM Outillage n'a nullement prouvé un prétendu aveu judiciaire des cédants qui leur serait opposable.

De première part, il ne résulte pas des termes du protocole de cession, ni de la lettre d'intention signée précédemment, que ce chiffre du CA réalisé par SAM Outillage en 2010 ait été dit comme déterminant du consentement des cédants dans la fixation du prix et la fixation des seuils de déclenchement des compléments de prix.

Il ne pouvait pas l'être, car ce chiffre de CA 2010 vise les seules catégories de clients 1 et 2 (fournitures automobiles et centres automobiles), et il exclut les DOM-TOM. Il n'est donc pas entièrement corrélé à la définition du chiffre d'affaires constituant la base de calcul du complément de prix, cette base incluant 3 autres catégories de clients (3, 4 et 5) et incluant également les DOM-TOM.

De seconde part, si les appelants évoquent une tromperie de la part de SAM Outillage, ils ne sollicitent pas l'annulation de la cession pour dol dans le dispositif de leurs écritures, leurs demandes étant fondés sur la responsabilité contractuelle, et n'en offrent pas la preuve.

De troisième part, l'expert [A] saisi par SAM Outillage a validé le chiffre retenu par l'expert judiciaire dans son étude du 27 janvier 2014, tandis que le commissaire aux comptes de SAM Outillage, dans son avis du 8 juillet 2013, a dit ne pas le démentir.

En conclusion, le chiffre retenu par l'expert judiciaire à hauteur de 3.088K€ pour le CA 2010 de SAM Outillage, par des considérations techniques pertinentes, la contestation des appelants est écartée.

Les chiffres d'affaires 2012 d'IPS

Les cédants indiquent que SAM Outillage a pris en compte, pour la détermination du CA de base pour 2012, un faux chiffre d'affaires IPS en 2012 (41.033 €) qui ne serait en réalité que celui du mois de janvier 2012.

SAM Outillage reconnaît que ce chiffre ne reflète que le CA de janvier 2012, mais en indiquant, ce qui est exact, qu'eu égard à la fusion entre les 2 sociétés, l'intégralité du CA de IPS se retrouve dans les comptes de SAM Outillage.

En effet, en notant que la TUP (transmission universelle de patrimoine) est intervenue le 10 mai 2012, l'expert judiciaire n'a eu aucune difficulté pour extraire des documents consultés et analysés l'entier CA de IPS au titre de 2012 pour un montant de 79.274,22 €.

Le périmètre de cession

Comme le disent les appelants, il est exact que le cessionnaire, en souscrivant à une clause de earn out, prend nécessairement l'engagement implicite vis-à-vis des cédants de conserver un périmètre sensiblement constant d'activités et de personnes y affectées pour l'exploitation jusqu'au terme fixé par la clause, afin de garantir significativement les chances des cédants de percevoir le complément de prix, et s'il manque à cette obligation, le cessionnaire a fautivement fait perdre une chance significative aux cédants de percevoir un complément de prix.

Cependant, outre que les cédants n'ont pas envisagé le débat en terme de perte de chance, ils ne font pas la preuve requise.

Ils affirment leur exigence de déterminer en 2012 et 2013 les CA dégagés par tous les clients précisément nommés dans les 5 circuits de distribution stipulés au protocole de cession qui auraient dû être déterminés individuellement.

Ils font état du fait que, en 2012, 340 clients manquaient par comparaison avec la liste des clients PTS/IPS en 2010.

Ils ajoutent que SAM Outillage a procédé à la création unilatérale des «'Business Units'» (BU) à savoir les BU Auto, BU Industrie et BU Export, qui a conduit à l'éparpillement des clients, par le fait notamment que certains clients figurant dans le champ du protocole se sont trouvés hors périmètre, pour diminuer les CA utiles au calcul des compléments de prix, à leur détriment.

Ce qui doit être écarté.

En effet, il a été déjà dit que l'expert judiciaire avait pu, par ses diligences comptables, répondre aux chefs de sa mission en considération du périmètre de cession stipulé au protocole sans nécessité de procéder à une identification client par client, l'existence des BU [centres de profit analytiques disposant et regroupant des moyens commerciaux dédiés et axés chacun sur un segment de marché précis], qu'il a intégrés dans sa discussion, ne lui ayant causé aucune difficulté pour accomplir sa mission, dans les termes qui lui avaient été assignés.

Il a spécialement noté dans son rapport que le CA retenu pour le calcul des compléments de prix est celui réalisé sur les 2 réseaux hors constructeurs («'la rechange indépendante RI'» et «'la rechange rapide RR'») pour le marché métropolitain auquel sont ajoutés les DOM-TOM et le CA de IPS, ce qui correspond au périmètre contractuel de la cession, comme l'a aussi confirmé M. [A].

SAM Outillage a affirmé à juste titre qu'il suffisait d'entrer dans une BU pour connaître le détail des clients la composant, et partant, de relever le CA afférent. Ainsi, pour asseoir le périmètre de cession':

- dans la BU Export, doivent être retenus les seuls clients des DOM-TOM à l'exclusion des autres étrangers,

- dans la BU Industrie, sont retenus les clients industrie automobile à l'exclusion des clients non automobiles,

- dans la BU Auto (automobile), doivent être exclus les constructeurs,

- ces 3 BU répartissant les clients selon leurs activités, non pas selon l'intérêt de SAM Outillage face aux clauses de compléments de prix.

Cette création de nouvelles unités, dont il n'est pas allégué par les appelants que le cessionnaire en était interdit dans le protocole de cession, n'a donc eu pour effet que de faire entrer les clients des 5 circuits de distribution nommés dans le protocole (fournitures automobiles, centres automobiles, négociants pneumatiques, grands comptes et marchés spécifiques IPS) dans une autre nomenclature.

De plus, SAM Outillage explique que le prétendu manque de 340 clients n'est dû qu'à un retraitement comptable opéré en terme de stocks et de logiciels, en soulignant que des clients export visés dans cette liste doivent plutôt être exclus comme étrangers (pour un CA avoisinant 250.000 € en 2012) et que des clients (petits clients) n'ont pas procédé à des achats en 2012 ou 2013. Il est exact que l'expert judiciaire n'a pas découvert d'anomalie à ce sujet.

Ainsi, dès lors qu'il n'est pas démontré que le cessionnaire a manqué à son obligation de conservation d'un périmètre sensiblement équivalent, même non strictement identique à celui contractuellement convenu, les cédants ne sont pas fondés à soutenir qu'il convenait de reprendre un à un chacun des clients pour les réaffecter dans les périmètres du protocole, d'autant moins en concertation avec eux (les cédants).

La désorganisation de SAM Outillage

Les cédants tentent de plaider, en substance, un bouleversement dans les conditions d'exploitation de la part de la cessionnaire faisant usage de ses prérogatives, ayant conduit à une totale désorganisation, en dépit de l'accompagnement qu'ils ont opéré, devant conduire selon eux à tenir SAM Outillage pour responsable de la faiblesse du chiffre d'affaires comme base de calcul du complément de prix.

Ils font valoir que SAM Outillage s'est révélée être une entreprise incapable d'apporter un service après-vente de qualité aux clients historiques de PTS et IPS, conduisant au départ de salariés et notamment de commerciaux voire de responsables, et qu'elle a donné à ses équipes des objectifs de chiffres d'affaires largement inférieurs au CA qui était la base de l'earn out.

Ils communiquent, en effet, de nombreux courriels ainsi que des attestations, visant une période notamment depuis mai 2012 jusqu'à mai 2013, et prouvant l'insatisfaction de clients quant au nouveau service depuis la fusion des sociétés dans le groupe SAM Outillage, dont celle des clients les plus importants (Feu Vert, Speedy, Norauto': voir notamment le courriel du 10 octobre 2013, celle-ci ayant résilié les relations commerciales avec SAM Outillage à effet au 31 décembre 2014), en dépit de leur dévouement et leur professionnalisme dans le cadre de leur nouvelle fonction d'accompagnant, aussi notés dans ces témoignages.

Ils produisent aussi les écrits d'anciens salariés de SAM Outillage-PTS visant aux mêmes fins. Ces pièces font état de façon circonstanciée d'un SAV trop long, d'absence d'intégration des équipes de PTS, des erreurs, des commandes perdues, une absence de suivi, des problèmes d'accueil clients, des ruptures de stocks, etc....

Les cédants précisent aussi qu'en réalité, SAM Outillage a concentré ses efforts sur les clients «'Constructeurs'», ne pouvant pas être comptabilisés dans le calcul du complément de prix. Ils notent qu'entre 2010 et 2012, le chiffre d'affaires sur le secteur Fourniture Automobile a considérablement chuté (passant de 4.451.572 € en 2010 à 3.190.282 € en 2012 soit une baisse de 1.261.290 €), tandis que celui du secteur Constructeurs (hors clause de earn out) a augmenté (de 1.693.383 € en 2010 à 2.558.256 € en 2012 soit une augmentation de 864.873 €), les chiffres du secteur «'Service rapide'» concerné par le comple'ment de prix restant constants, grâce, disent-ils, au travail acharné de M. [H]. Ils ont aussi calculé que le chiffre d'affaires 2012 aurait dû être de 9.304.094 €, soit un montant supérieur à l'objectif du complément de prix pour l'année 2012.

Cependant, ce dernier calcul est inexact car prenant en compte «'leur'» CA 2010 (1.632.275 €) au lieu du chiffre réel de 3.088K€, ce qui doit conduire à déduire la différence (1.455.725 €) de leur chiffre de CA global atteint (9.304.094), de sorte qu'en toute hypothèse, l'objectif de 9.000.000 € n'est pas réalisé, n'étant que de 7.848.369 € (9.304.094 ' 1.455.725).

De plus, même si SAM Outillage peine à justifier de la satisfaction de la clientèle, les tableaux émis par elle-même manquant d'objectivité, les appelants omettent de leur côté, de démontrer la causalité entre la dégradation des CA combinés en 2012 et 2013 et le manquement prétendu à l'encontre de SAM Outillage, d'autres facteurs extérieurs à la cession ayant tout aussi bien influencé la variation des chiffres d'affaires des divers secteurs.

L'accompagnement par les cédants

Les cédants font valoir qu'aux termes du protocole de cession, M. [U], anciennement directeur des achats de PTS, devait être embauché en qualité de «'Responsable sourcing et développement produits PTS / groupe SAM Outillage'» et que M. [H], anciennement directeur commercial de PTS, devait être embauché en qualité de «'Directeur des ventes PTS / groupe SAM Outillage'»'; qu'en réalité, M. [G] [S] a été placé à la fonction de directeur des ventes, devenant le supérieur hiérarchique de M. [H]'; que la politique des achats était gérée au sein de l'entreprise par au moins 6 personnes, et que les pouvoirs financiers de M. [U] ont été limités'; et, en substance, qu'ils n'ont pas eu le rôle attendu de décisionnaire, pouvant influencer la réalisation des objectifs stipulés au protocole de cession.

SAM Outillage s'en défend en soutenant que les cédants ont pu, par les fonctions qui leur ont été confiées, concourir au développement du CA de la BU Automobile.

Il est exact que ces fonctions ont été attribuées effectivement à chacun des cédants suivant leur contrat de travail du 24 juin 2011, et pour M. [U] également par son second contrat de travail à effet au 2 juillet 2012, mais il est souligné que chacun se trouvait en lien de subordination hiérarchique avec son employeur, limitant ainsi le pouvoir décisionnaire des accompagnants.

Les productions des appelants démontrent certes que leurs fonctions n'ont pas conduit à la mise en place d'outils de gestion à la hauteur de leurs espoirs, mais ce constat a résulté de l'importance de la réorganisation structurelle et fonctionnelle de l'entreprise, avec déménagement, imposée par l'opération de fusion. S'agissant de M. [H], ses arrêts de travail intermittents depuis mars 2013 pour accident du travail jusqu'à son licenciement pour inaptitude fin 2015, ont induit une réorganisation obligatoire, même si les relations avec l'employeur se sont tendues par le fait que SAM Outillage continuait illégitimement à exiger de lui un même rendu de travail.

Pour autant, les moyens développés par les cédants, dont il est rappelé qu'ils n'engagent pas la responsabilité contractuelle de SAM Outillage alors que leurs prétentions viennent en réclamation de l'application de la clause contractuelle en compléments de prix, ne conduisent pas à considérer que les seuils de déclenchement aient été atteints.

En définitive, sans plus ample discussion, il est jugé que les prétentions des cédants, pour voir considérer comme base de calcul du complément de prix des chiffres d'affaires autres que ceux établis par l'expert judiciaire, sont vouées à l'échec, en conséquence de quoi le complément de prix au titre de 2012 et 2013 ne trouve pas à s'appliquer.

Sur la responsabilité contractuelle des cédants

A noter que l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle formée par SAM Outillage, mentionnée dans les motifs des écritures des cédants, n'est pas reprise à leur dispositif de sorte que la réplique de l'intimée sur ce sujet est inutile. La cour ne statue pas sur ce point, seul le fond est examiné.

Les fautes des cédants

En plaidant que les objectifs du protocole de cession n'ont pas été remplis par le fait que les cédants n'ont pas respecté leurs missions telles qu'imposées dans le cadre de leurs obligations contractuelles stipulées dans le protocole d'accord, déterminantes de l'accord et du prix payé, y compris en termes d'objectifs de vente, SAM Outillage, en substance, stigmatise l'absence totale de loyauté des cédants pour avoir violé leur engagement de non-concurrence, en dénigrant la cessionnaire et organisant le transfert des clients des sociétés qu'ils ont cédées, tant durant la validité de la clause de non-concurrence qu'ultérieurement, ce qui lui a causé un énorme préjudice de l'ordre de 8 millions d'euros pour perte de clients historiques, baisse de chiffre d'affaires et non-atteinte des objectifs de vente, fondement de son appel incident.

Elle vise l'obligation légale de non-concurrence qu'elle qualifie de «'garantie d'éviction d'ordre public'» due par les cédants, leur obligation de loyauté demeurant après cessation de leurs fonctions de salariés à l'égard de leur ancien employeur, et l'obligation générale de loyauté dans la conduite des affaires.

Elle fait valoir que leurs doutes durant la procédure menée à Saint Etienne ont été levés par le résultat d'une procédure qu'ils ont initiée devant le tribunal de commerce de Meaux en janvier 2018 en saisie non contradictoire de pièces comptables opérée le 19 décembre 2017 aux domiciles de MM. [U] et [H], qui n'a pas fait l'objet d'appel de la part de ces derniers, et que cette procédure a révélé des aveux judiciaires de leur part quant à leur volonté de récupérer la clientèle.

SAM Outillage invoque en outre la carence de MM. [U] et [H] en dépit de la méthodologie d'intégration mise en place par le groupe incluant la gestion du déménagement':

- dans la totalité de leurs missions, dont elle donne le détail,

- dans l'intégration de PTS-IPS et de leurs équipes dans le groupe SAM Outillage, objet d'une mauvaise préparation, qu'elle détaille également, notamment dans le transfert des clients, qui leur a permis de récupérer des clients comme Feu Vert et Norauto,

- dans la satisfaction des clients, notamment de Norauto, face à qui les intérêts de SAM Outillage n'ont pas été défendus, ce qui est selon elle cause de la rupture des relations avec ce client.

Elle impute à faute aux appelants l'instigation depuis 2013, correspondant au départ de M. [U] (en mai 2013), de la création le 23 octobre 2013 par M. [K] (beau-frère de M. [H], commercial chez PTS puis, après le rachat par SAM Outillage, directeur des ventes salarié chez SAM Outillage), personne interposée (ce qui caractérise une fraude), d'une société MPS Outillage, qui a racheté le fonds de commerce de Multy Promat Services, cliente de PTS, exerçant dans le secteur de l'outillage sur les mêmes réseaux que SAM Outillage donc directement concurrente. Elle ajoute que MPS pratique des prix inférieurs aux siens et utilise des références identiques, en contractant avec les mêmes fournisseurs et avec des clients qui sont ceux de SAM Outillage, tels que Norauto, Feu Vert et Speedy. Elle affirme que M.[U] était le dirigeant de fait de MPS avant d'en être le président en 2017.

Elle développe de nombreux faits révélant à ses dires une intention de nuire de la part des cédants et leur «'pouvoir de nuisance'».

MM. [U] et [H] protestent contre ces accusations, opérées à partir d'interprétations de documents, et ils soutiennent en substance, ce qu'ils détaillent dans leurs écritures, avoir rempli leur mission selon les moyens donnés par SAM Outillage et n'avoir pas fait 'uvre de concurrence déloyale, même au regard des clauses contractuelles, dès lors que les clients de SAM Outillage peuvent être aussi fournis par d'autres sociétés et les fournisseurs pouvant être les mêmes.

La garantie d'éviction

Ce fondement invoqué par SAM Outillage n'est pas applicable en l'espèce dès lors que celle-ci, groupe important dans son secteur d'activité, est dans l'incapacité de justifier une quelconque restriction de son activité économique par le fait des activités poursuivies par MM. [U] et [H].

Les obligations de non-concurrence

Aux termes de l'article 4.1 du protocole de cession, les cédants ont souscrit un «'engagement de non-concurrence et de non-rétablissement'» pour une durée de 3 ans à compter de la date de réalisation de la cession, donc jusqu'au 28 juillet 2014.

Le protocole vise aussi le projet d'embauche de MM. [U] et [H], à titre de condition essentielle et déterminante de l'engagement du cessionnaire, suivant contrat de travail porté en annexe 1 stipulant une date d'embauche au 13 juillet 2011, les cédants étant dits obligés «'de consacrer le temps nécessaire pour permettre à l'acquéreur de prendre le contrôle opérationnel des sociétés et pour assurer le développement de leurs activités'».

Chacun des cédants a effectivement été embauché suivant un contrat de travail du 29 juillet 2011, M. [U] dans la fonction de «'Responsable sourcing et développement'» et M. [H] dans celle de «'Directeur des ventes de PTS/Groupe SAM Outillage'», comme dit précédemment.

Il est compris de la copie complète du contrat de travail concernant M. [H], communiqué par les deux parties, en dépit de celle tronquée (1 page sur 2) concernant M. [U], que les 2 cédants ont signé une clause de non-concurrence restant applicable 12 mois après la cessation des fonctions (article 14), outre l'obligation de services exclusifs (article 8).

M. [U] ayant toutefois notifié sa démission à PTS pour bénéficier de ses droits à la retraite (ce qui a été envisagé dans le protocole de cession), celui-ci et SAM Outillage ont signé un nouveau contrat de travail à compter du 2 juillet 2012 imposant toujours au salarié une obligation d'exclusivité de services, mais non plus une clause de non-concurrence.

S'agissant donc de M. [U], qui a quitté l'entreprise en mai 2013, pour prise de retraite, il était donc contractuellement tenu':

- à l'obligation de non-concurrence salariale jusqu'au 2 juillet 2012 (durant le premier contrat de travail),

- à l'obligation d'exclusivité jusqu'à mai 2013 (durant les 2 contrats de travail),

- à l'obligation de non-concurrence du cédant jusqu'au 28 juillet 2014 (protocole),

- et à l'interdiction de concurrencer SAM Outillage par des procédés déloyaux après cette date suivant les règles générales du droit des affaires.

S'agissant de M. [H], dont le contrat de travail a expiré le 28 juillet 2015 date de son licenciement pour inaptitude, il était contractuellement tenu':

- à l'obligation de non-concurrence du cédant jusqu'au 28 juillet 2014 (protocole),

- à l'obligation d'exclusivité jusqu'au 28 juillet 2015 (durant son contrat de travail),

- à l'obligation de non-concurrence salariale jusqu'au 28 juillet 2016 (durant son contrat de travail et une année ensuite),

- et à l'interdiction de concurrencer SAM Outillage par des procédés déloyaux après cette date comme dit pour M. [U].

A noter que la présente juridiction commerciale est compétente pour examiner des faits de concurrence dits commis par les salariés dès lors qu'ils se chevauchent avec les obligations aussi contractées par ces mêmes employés résultant du protocole de cession soit jusqu'au 28 juillet 2014.

La période postérieure ne peut que concerner des faits de concurrence déloyale, mais non pas l'application de clauses conventionnelles résultant du contrat de travail qui a perduré pour M. [H] jusqu'au 28 juillet 2016, ce qui est de la compétence de la juridiction sociale.

Il appartient en conséquence à SAM Outillage, qui a la charge de la preuve contrairement à ce qu'elle prétend, de démontrer au soutien de son action en concurrence':

- pour la période jusqu'au 28 juillet 2014, des actes de la part de MM. [U] et [H] qui ont contrevenu à leurs obligations de non-concurrence résultant du protocole de cession lequel a intégré celles issues de leur contrat de travail, et qui lui ont porté préjudice,

- pour la période postérieure au 28 juillet 2014, les trois conditions de la responsabilité délictuelle usuelle en la matière à savoir, une faute consistant en des man'uvres déloyales, étant corrélativement rappelé le principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui induit que tout professionnel peut attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans toutefois pouvoir user de manoeuvres déloyales, et un préjudice causal.

Les sociétés dites concurrentes

Les appelants justifient par leurs productions et notamment les pièces relatives à M. [K], l'origine de la création de la société MPS, aucune interposition alléguée par SAM Outillage n'étant établie.

MM. [U] et [H] sont fondés à affirmer n'avoir jamais été impliqués dans cette reprise, ce que la saisie judiciaire n'établit pas.

En effet, par ordonnance sur requête du 12 décembre 2017, la juridiction du président du tribunal de commerce de Meaux a autorisé une saisie non contradictoire aux domiciles de MM. [U] et de [H], en recherche de divers éléments classifiés par mots-clefs et sur diverses adresses courriels, ainsi que sur divers supports informatiques ou papier.

À la demande de MM. [U] et [H] ainsi que de MPS Outillage, la juridiction des référés, qui a dit rejeter la demande de rétractation, a néanmoins substantiellement modifié la mesure par ordonnance du 30 mars 2018, en ce qu'elle l'a réduite aux seuls documents antérieurs au 24 juin 2014, dite dans l'ordonnance comme étant la date de cessation de l'engagement de non-concurrence (en réalité le 28 juillet 2014), ce qui a conduit à écarter en outre 2 données soumises au secret des affaires de la période ultérieure et les documents de nature non professionnelle.

Ces documents saisis, antérieurs à juin 2014, ne peuvent pas démontrer l'implication déloyale de la part de M. [H] qui est devenu associé de MPS en mai 2016 soit près de 2 ans plus tard.

Quant à M. [U], non associé au sein de MPS, en justifiant n'en être que le président à la date de mars 2017, son nom apparaît certes dans 2 documents saisis mais qui ne s'avèrent pas susceptibles de caractériser un acte de concurrence interdite, étant rappelé, ce qui était connu de toutes les parties à la cession et ce qui en faisait l'intérêt économique, l'évidence que tant M. [U] que M. [H] étaient connus dans le secteur d'activité qui est aussi celui de SAM Outillage, tant par les fournisseurs que par les clients, ces derniers étant en outre admis à faire des erreurs matérielles de nomination et/ou d'envois dans les écrits adressés.

Précisément, le devis d'informatique adressé par la société Eltitec le 17 février 2014, certes avant l'expiration de l'effet de la clause de non-concurrence le 28 juillet 2014, à M. [U], sous la nomination de MPS, pour un montant de 12.000 €, qui n'est pas une facture, est dit par les appelants comme étant en réalité destiné à M. [K]. M. [T] dirigeant de Eltitec en atteste, expliquant que ce courrier a été transmis pour copie à M. [U] connu pour être dirigeant de PTS, dont M. [K] était ex-salarié. Rien ne contre cet élément probant qui n'a pas été argué de faux par l'intimée.

S'agissant des deux devis de la société Himout à Taïwan, des 10 et 11 avril 2014, donc antérieurs à la cessation des effets de la clause issue du protocole, ils nomment en effet M. [U], pour estimation du faible coût de pièces à 2 $ + 1,45 $ et de 97 $, ce qui n'est nullement signifiant d'un acte concurrentiel, dès lors que les appelants exposent, ce qui correspond à l'ancienneté de PTS, que ce fournisseur était interlocuteur de celle-ci depuis plus de 40 ans. [O] [Y], dont le témoignage n'a pas non plus été argué de faux, a attesté avoir par erreur adressé ce devis à M. [U] en confondant PTS et MPS qui était à l'origine de la demande, ce qui est retenu comme probant.

SAM Outillage fait en outre état du procès-verbal d'huissier du 19 décembre 2017, intervenu à la suite des décisions précitées autorisant partiellement la saisie au domicile de MM. [U] et de [H], en ce que cette mesure a mis en avant au domicile de M. [U] des documents concernant MPS datant d'avril 2013 et des commandes de Norauto. Cependant, si la pièce est bien communiquée (99), aucune précision dans les écritures de SAM Outillage autres que «'au domicile de [U], des documents concernant MPS datant d'avril 2013 et des commandes Norauto'» (p.21) ne vise l'élément précis qui contiendrait le moyen de fait invoqué au soutien de la demande dans les 11 pages décrivant les opérations de l'huissier.

Par ailleurs, SAM Outillage énonce que, dans les systèmes d'information de MPS examinés lors de la saisie, se trouve «'la preuve que ses clients sont les clients de SAM Outillage (Norauto, Feu Vert, Speedy)'», ce qui n'est pas, là non plus, la preuve d'actes concurrentiels interdits, d'autant moins pour Norauto et Feu vert, que ces deux clients ont attesté du mauvais fonctionnement de SAM Outillage comme dit dans la première partie de cet arrêt.

Il en est de même pour les tarifs et références utilisés par MPS, prétendument identiques à ceux de SAM Outillage, car cette similarité de références n'apparaît pas dans les tableaux communiqués par l'intimée, et deux concurrents placés sur le même segment de marché sont à même de faire choix de prix en fonction de ceux pratiqués par des concurrents, sans pour autant qu'il s'agisse de procédés déloyaux.

MPS exerce une activité concurrente à celle de SAM Outillage, ayant les mêmes clients et fournisseurs, ce qui est conforté par le courriel de M. [I] s'agissant du client Norauto, par la liste de ses clients et par des documents comptables, -qui au demeurant font état d'un chiffre d'affaires sans commune mesure avec celui, élevé, de SAM Outillage-, et sans pour autant que cela constitue une activité déloyale, aucun procédé répondant à ce qualificatif n'étant avéré dans le dossier de l'intimée.

SAM Outillage n'établit pas plus une action de direction de fait, qui exige la preuve d'actes positifs de gestion, imputée à M. [U] à propos de MPS.

Quant à la société MPC, elle a été créée le 15 septembre 2015 par M. [H], soit postérieurement à la cessation de son obligation de non-concurrence, ayant une activité d'import-export, négoce, commission, transformation, selon son extrait K-bis, sans rapport avec les produits de SAM Outillage, le contraire n'étant pas justifié par SAM Outillage.

Il en est de même de la société STS Trading créée par M. [U] le 6 juillet 2015, postérieurement à la cessation de son obligation de non-concurrence.

Par ailleurs, les attestations de MM [L] et [Z] (respectivement chez Norauto et Feu Vert) dans le dossier des appelants attestent bien, contrairement à l'interprétation de la part de SAM Outillage, que c'est à partir de septembre 2015 que M. [H] a contacté ces sociétés clientes et dans le cadre non pas de SAM Outillage mais de MPC, puis plus tard de MPS.

Aucun aveu judiciaire n'est donc opposable aux cédants, qui, dans leurs conclusions devant le tribunal de commerce de Meaux, n'ont nullement admis un quelconque acte de concurrence, mais ont évoqué des relations commerciales nouées depuis fort longtemps en proposant des produits spécifiques de MPS, ils n'ont pas plus avoué avoir eu la volonté de saboter SAM Outillage.

Pareillement, si dans leur assignation, MM. [U] et [H] ont indiqué, en défense, «'il en résulte que la société MTS n'a jamais fait concurrence à SAM Outillage au moins jusqu'au 29 juillet 2014'», cette mention ne signifie nullement, comme le prétend l'intimée, que les appelants ont «'reconnu que MPS dont l'implication de MM. [U] et [H] est démontrée, a fait concurrence à SAM Outillage après le 29 juillet 2014'», comprendre concurrence déloyale, ce qui résulte d'une interprétation erronée empreinte de mauvaise foi.

SAM Outillage a aussi interprété les courriels de Feu vert et de Norauto du 22 décembre 2017, ceux-ci n'évoquant aucun manquement des appelants.

Son allégation de l'usage d'adresses courriels n'est pas plus pertinent.

En définitive, il est conclu de ces éléments conjugués que SAM Outillage n'apporte pas la preuve de manquements de la part des cédants qui auraient un caractère fautif à son égard pour faire preuve d'actes de concurrence contraires aux clauses convenues ou d'actes de concurrence déloyale.

La loyauté dans la mission d'accompagnement

Outre ses reproches en lien avec les activités concurrentielles imputées aux cédants, qui viennent d'être écartés, SAM Outillage soutient que les cédants ont reconnu leur faute par suite de la non-atteinte des objectifs alors que ceux-ci étaient intéressés personnellement aux résultats, non seulement pour l'année 2011, période de leur autonomie, mais aussi et surtout pour les années suivantes après fusion 2012 et 2013, au titre desquelles d'importants compléments de prix leur avaient été promis.

Cette allégation est inexacte, étant rappelé liminairement que chacune des parties avait intérêt à ce que les objectifs de CA soient atteints, y compris les cédants, motivés par la promesse de compléments de prix.

S'il a été précédemment considéré que, objectivement, les CA de SAM Outillage dans sa configuration après absorption de PTS et IPS, ont chuté notamment durant les années 2012 et 2013, aucun élément du dossier ne caractérise l'imputation de cette chute d'affaires aux cédants, alors qu'une mesure de rachat d'entreprise reste un processus risqué, d'autant plus lorsqu'il implique un déménagement, ce qui a été le cas dans cette fusion, et que d'autres facteurs étrangers à cette opération ont eu une influence sur la chute des CA.

A raison des différences organisationnelles et culturelles des deux entités, soit une société cotée en bourse comme SAM Outillage et des PME familiales telles que PTS et IPS, il appartenait à la première de mettre en 'uvre les moyens nécessaires pour assurer le succès de l'opération, passant notamment par le maintien des équipes commerciales et le suivi des clients, spécialement celui des clients importants comme Norauto.

S'agissant de ce client historique Norauto, qui a résilié les relations commerciales avec SAM Outillage à effet au 31 décembre 2014, les éléments développés par SAM Outillage n'apportent pas plus de preuve de l'imputation de cette rupture aux prétendues carences et fautes notamment de M. [U].

La cessionnaire n'est pas fondée à rejeter l'entière responsabilité de la chute des CA en 2012 et 2013, alors qu'elle ne dit rien des années suivantes, sur les seuls faits imputés aux cédants.

SAM Outillage pouvait, certes, s'appuyer sur l'accompagnement qu'elle a requis des cédants et que ceux-ci ont accepté en étant rémunérés à hauteur de la tâche qui leur a été demandée, mais elle ne caractérise aucune faute de ces derniers dans la réalisation de leur mission afin d'accompagner cette intégration, ni même en développant les divers postes des missions revenant tant à M. [U] responsable des ventes qu'à M. [H] responsable sourcing et développement (planification, catalogues PTS, anticipation du déménagement, stocks, communication entre les systèmes d'information, qualité des services et des stocks, etc '), points sur lesquels ces derniers opposent une défense pertinente.

Les appelants ajoutent d'ailleurs à juste titre qu'ils n'ont fait l'objet en qualité de salarié, d'aucun reproche officialisé par leur employeur, M. [U] ayant même reçu de la part du directeur général (M. [R] [B]) un courriel du 4 avril 2013 disant «'Nous sommes conscients du travail que vous avez fourni et souhaiterions que le groupe SAM puisse continuer à bénéficier de votre expérience. (Suit une proposition de prise en charge de frais). A compter du 1er juin 2013, nous vous proposons de conclure avec SAM Outillage un contrat de prestation de services techniques à raison de 5 jours par mois à votre convenance ...'».

L'interprétation erronée par la cessionnaire des témoignages communiqués par les appelants ne modifie pas l'appréciation selon laquelle est retenue sa désorganisation patente, sa difficulté à apporter un service après-vente de qualité aux clients historiques de PTS et IPS, conduisant au départ de salariés et notamment de commerciaux voire de responsables, ce qui est appuyé sur divers témoignages probants qui ont été précisés dans la première partie de l'arrêt relative aux compléments de prix (SAV trop long, erreurs et pertes de commandes, une absence de suivi, problèmes d'accueil clients, ruptures de stocks, etc.').

Sa protestation, par exemple par courriel du 12 avril 2012 de M. [B], affirmant l'amélioration constante du taux de service de PTS, la diminution du nombre de références en rupture, le double contrôle et l'identification individuelle de chaque produit PTS depuis le déménagement, ce qui réduit considérablement les erreurs de livraison, les remontées positives suite au recrutement d'une nouvelle personne affectée à l'assistance commerciale, et les félicitations de clients suite à l'implantation d'un centre à [Localité 4], subjective par nature, ne suffit pas à éluder les difficultés de l'intégration, dont la responsabilité n'incombe pas aux cédants.

Ses tableaux insérés à ses conclusions, qui émanent de ses seuls services, peinent à faire la preuve de ces améliorations.

Le dossier ne caractérise aucun manquement, eu égard aux chefs de leur mission ou en terme de loyauté, de chacun des cédants dans l'accomplissement de leur mission, contraints par les moyens mis à leur disposition par leur employeur cessionnaire, étant aussi observé, comme dit précédemment, que l'arrêt de travail (27 mars 2013) de M. [H] pour accident de travail a compliqué l'exercice de sa fonction, face aux nombreuses réclamations de la part des services de SAM Outillage dont le service RH, dont ce dernier prouve la multiplication non nécessitée par des raisons de service, frisant un harcèlement dont il s'est plaint, ce qu'il justifie par les pièces communiquées.

En définitive, sans plus ample discussion, MM. [U] et [H] sont fondés à conclure qu'ils n'ont commis aucune faute, aucun acte de nuisance ou de dénigrement, aucun acte de concurrence déloyale vis-à-vis de SAM Outillage, ce qui conduit au débouté de SAM Outillage de sa demande reconventionnelle.

Sur la garantie des loyers

Pas plus que devant le premier juge, SAM Outillage ne conforte sa demande à hauteur de 21.000 € par de quelconques motivations ou pièces.

Sa prétention n'étant pas fondée, elle doit également être rejetée.

Sur les dommages-intérêts

L'appréciation inexacte que les cédants ont fait de leurs droits ne constitue pas en soi une faute caractérisant un'abus'du droit d'agir'en'justice, et SAM Outillage ne justifie pas d'un préjudice spécifique.

La demande de SAM Outillage à hauteur de 50.000 € au titre d'un abus de procédure de la part des cédants, est rejetée.

Par ailleurs, SAM Outillage prétend à une autre somme de 50.000 € au titre d'un préjudice moral, pour s'être vue accusée d'avoir communiqué de faux chiffres voire de fausses pièces, au titre d'une perte de temps consacrée à ce litige par les dirigeants et le directeur financier, ainsi que pour les frais de représentation par ministère d'avocat.

Du premier chef, il n'est justifié d'aucun préjudice, et les autres points constituent plutôt une demande relevant des frais non répétibles de l'article 700 du code de procédure civile examinée ultérieurement.

Cette demande se voit également exclue.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Eu égard à leur succombance respective, les parties garderont chacune la charge des dépens tant de première instance que d'appel qu'elles ont personnellement engagés, ce qui conduit à écarter l'application de l'article 699 du code de procédure civile.

S'agissant du coût de l'expertise judiciaire actuellement supporté par les appelants qui en ont fait l'avance, dès lors qu'elle a été instaurée dans l'intérêt des deux parties pour évoquer tous les sujets en discussion et que l'une n'est pas moins responsable que l'autre du défaut d'obtention par l'expert des informations qui lui étaient nécessaires relativement à l'évaluation d'un préjudice de SAM Outillage qui s'avère écarté, qu'ainsi les diligences de l'expert ont surtout répondu aux demandes des cédants, il est dit que ce coût est à la charge de ces derniers pour une portion de 3/4, le surplus de 1/4 étant à charge de l'intimée qui a supporté de surcroît la charge de l'étude unilatérale de M. [A].

Enfin, quant à leur demande respective d'indemnité de procédure, sollicitée pour d'importants montants de 95.000 € pour les appelants et de 70.000 € pour l'intimée, que la cour ne peut avaliser, elle est rejetée eu égard aux dispositions finales du présent arrêt et pour des raisons d'équité.

Par conséquent, le jugement déféré, infirmé sur ces deux seuls points, est confirmé pour ses autres dispositions, par motifs partiellement substitués et ajoutés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf sur ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs et ajoutant,

Déboute chaque partie de sa demande respective d'indemnité de procédure tant pour la cause de première instance que celle d'appel,

Dit que le coût de l'expertise judiciaire est à charge de MM. [U] et [H] à hauteur de 3/4 et à celle de SAM Outillage à hauteur de 1/4,

Dit que chaque partie garde à sa charge les autres dépens tant de première instance que d'appel qu'elle a personnellement engagés, sans application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 18/03132
Date de la décision : 03/12/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon 3A, arrêt n°18/03132 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-03;18.03132 ?
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