N° RG 18/08167
N° Portalis DBVX - V - B7C - MBNW
Décision du tribunal de grande instance de Lyon
Au fond du 30 octobre 2018
4ème chambre
RG : 16/10137
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 01 Octobre 2020
APPELANTS :
M. [H] [X]
né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 10]
[Adresse 8]
[Localité 9]
Mme [G] [M] épouse [X]
née le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 13] (CAP-VERT)
[Adresse 8]
[Localité 9]
Mme [L] [X], mineure représentée par son père [H] [X]
née le [Date naissance 6] 2001 à [Localité 14] (YVELINES)
[Adresse 8]
[Localité 9]
M. [O] [X], mineur, représenté par son père [H] [X].
né le [Date naissance 5] 2004 à [Localité 12] (YVELINES)
[Adresse 8]
[Localité 9]
Mme [T] [X], mineure représentée par son père [H] [X].
née le [Date naissance 1] 2005 à [Localité 11] (SEINE-ET-MARNE)
[Adresse 8]
[Localité 9]
représentés par Maître Marcelin SOME, avocat au barreau de LYON, toque : 61
INTIMEE :
SA CRÉDIT LYONNAIS
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Maître Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 140
******
Date de clôture de l'instruction : 19 novembre 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 septembre 2020
Date de mise à disposition : 01 octobre 2020
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Anne WYON, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Annick ISOLA, conseiller
assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffier
A l'audience, Anne WYON a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
Par acte sous seing privé du 24 avril 2008, M. [H] [X] a souscrit auprès de la société Le Crédit Lyonnais (ci-après la banque) un prêt personnel de 12 000 euros.
Ce prêt étant resté impayé, M. [X] a été inscrit au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) en 2013.
M. [X] avait également souscrit solidairement avec son épouse un emprunt immobilier au taux d'intérêt de 4,40 % l'an auprès de la même banque, le 12 novembre 2003, afin de financer l'acquisition de leur résidence principale.
Le 3 décembre 2014, la banque a fait délivrer à M. et Mme [X] un commandement aux fins de saisie-immobilière.
M. [X] a sollicité son nouvel employeur, la Société Générale, afin de racheter ce prêt immobilier et a obtenu un accord de principe sur un concours de 120 000 euros au taux d'intérêt de 1,41% l'an. Le 24 juin 2014, la Société Générale a refusé de lui octroyer ce prêt en raison de son inscription au FICP.
Faisant valoir que le prêt personnel avait été entièrement remboursé en mai 2014 et que la banque n'avait pas effectué en temps utile la radiation de M. [X] du FICP, les époux [X], agissant en leurs noms et en ceux de leurs trois enfants mineurs ont saisi le tribunal de grande instance de Lyon afin d'obtenir réparation de leurs préjudices. Arguant que la banque a commis une faute qui les a privés de l'obtention d'un prêt auprès de la Société Générale et que leur immeuble a été vendu à l'amiable le 23 septembre 2015 afin d'éviter la vente forcée, à un prix trop faible, et ont réclamé la condamnation de la banque à leur payer les sommes suivantes':
- préjudice financier 120 000 euros
- gain manqué lors de la vente de leur maison': 82 076,37 euros
- préjudices moraux': 45 000 euros pour chaque époux et 15 000 euros pour chaque enfant
- frais d'agence pour la location d'un logement': 980,32 euros
- frais de location d'un box pour entreposer leur mobilier': 149 euros par mois à compter du 10 août 2015
- frais de déménagement': 2 780 euros.
Par jugement du 30 octobre 2018, le tribunal a retenu qu'en n'informant pas la banque de France du paiement du solde du prêt personnel, intervenu le 5 mai 2014, dans les quatre jours afin de radiation de l'inscription au FICP, la société Le Crédit Lyonnais avait commis un manquement fautif. Il a alloué aux époux [X] une indemnité de 5 000 euros chacun au titre du préjudice moral des époux, résultant de la perte de chance d'obtenir un rachat de leur crédit immobilier, outre une indemnité de 1200 euros au titre de leurs frais de défense.
Les consorts [X] sont appelants de cette décision par déclaration du 22 novembre 2018.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 12 juillet 2019 par RPVA, ils soutiennent que le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences du maintien abusif de M. [X] au FICP en considérant que la vente du bien immobilier est la suite logique d'un défaut de paiement issu de la dégradation de leur situation financière. Ils font valoir que le concours sollicité leur aurait permis d'éviter les incidents de paiement survenus quelques mois plus tard et donc la procédure de saisie immobilière.
Ils sollicitent l'infirmation du jugement et forment les mêmes demandes qu'en première instance, réclamant en outre 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour maintien abusif au FICP et portant à 5 000 euros leur demande d'indemnité pour leurs frais de défense.
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 17 avril 2019, la banque conclut que la preuve du lien de causalité entre le maintien de l'inscription au FICP et le défaut de remboursement du prêt immobilier n'est pas établi, les revenus des époux leur permettant de payer les échéances de 1 222,10 euros et d'éviter la déchéance du terme prononcée le 28 octobre 2014.
Elle fait observer que la réclamation d'une indemnité de 15 000 euros pour maintien de l'inscription au FICP est une demande nouvelle et donc irrecevable, que la réclamation d'une somme de 120 000 euros correspondant au montant du prêt sollicité auprès de la société Générale et qu'ils auraient dû rembourser est dénuée de toute logique, que le prix de vente de leur maison a été négocié de gré à gré et correspond au prix du marché, l'évaluation du bien par le site internet Drimki n'ayant pas valeur de preuve.
Elle ajoute que les appelants ne peuvent se prévaloir d'un préjudice moral qui trouve son origine dans le défaut de remboursement du prêt, situation qui résulte de leurs propres choix, et que les sommes demandées à ce titre sont excessives.
Elle précise que les époux [X] ne forment pas de demande indemnitaire tendant à réparer une perte de chance d'obtenir un prêt de la Société Générale, de sorte que le jugement qui leur a alloué deux fois 5 000 euros de ce chef ne peut qu'être réformé.
Elle réclame la condamnation des époux [X] à lui verser 3 000 euros au titre de ses frais de défense.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 novembre 2019.
MOTIVATION
La demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [X] devant la cour au titre du préjudice moral que leur a occasionné le maintien de M. [X] au FICP tend aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, soit à la réparation du préjudice occasionné par le défaut de radiation de l'intéressé du fichier. En application de l'article 565 du code de procédure civile, elle ne constitue pas une demande nouvelle et sera déclarée recevable.
M. [X] produit le relevé de compte relatif au prêt personnel dont il ressort qu'au 3 septembre 2013, il restait devoir la somme de 29,19 euros. Il démontre avoir réglé cette dette par un courrier de la société ING Direct qui atteste que la somme a été payée le 5 mai 2014, ce que la banque ne conteste pas.
Il verse également aux débats un courrier de la Société Générale daté du 24 juin 2014 l'informant que le prêt de 120 000 euros lui est refusé en raison de son inscription au FICP, prouvant ainsi que la société Le Crédit Lyonnais n'a pas informé la banque de France du remboursement du prêt personnel dans les 4 jours suivant le 5 mai 2014 alors que cette démarche lui incombait.
Ainsi que l'ont jugé les premiers juges, ce défaut d'information de la banque de France constitue une faute commise par la société Le Crédit Lyonnais, dont celle-ci doit réparation.
Les époux [X] soutiennent que l'obtention du concours de la Société Générale leur aurait permis de régler le prêt immobilier et d'éviter la procédure de saisie immobilière et donc la vente de leur maison à un prix minoré.
Toutefois, il leur incombe de rapporter la preuve que grâce au rachat du crédit immobilier en cours ils seraient parvenus à la fois à régulariser leur situation de débiteurs défaillants à l'égard de la société Le Crédit Lyonnais et de faire face aux échéances du nouveau prêt, ce qu'ils ne font pas. Au contraire, la banque fait observer sans être contredite sur ce point que leurs revenus leur permettaient de rembourser le prêt immobilier souscrit en 2003, dont les mensualités étaient d'un montant peu différent des conditions du prêt proposé par la Société Générale, avec un écart inférieur à 150 euros. Leur défaillance avait donc une autre cause.
C'est pourquoi il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré que le seul préjudice établi par les époux [X] à la suite du défaut de radiation de M. [X] du FICP est un préjudice moral. Celui-ci résulte de la présence injustifiée de M. [X] dans ce fichier, au moment où il sollicitait un emprunt de restructuration auprès de son nouvel employeur qui a ainsi été informé des difficultés financières passées du couple.
C'est pourquoi le jugement sera confirmé.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort':
Déclare recevable la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [X] en cause d'appel';
Confirme le jugement'en toutes ses dispositions ;
Rejette les plus amples demandes et les demandes fondées de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la société Le Crédit Lyonnais aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT