AFFAIRE PRUD'HOMALE
DOUBLE RAPPORTEUR
N° RG 17/09045 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LNVN
SA ALTRAN TECHNOLOGIES
C/
[R]
FEDERATION CGT DES SOCIETES D'ETUDES, DE CONSEIL ET DE PREVENTION
UNION LOCALE DES SYNDICATS CGT [Localité 5]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 30 Novembre 2017
RG : F 15/00394
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRET DU 03 Juillet 2020
APPELANTE :
Société ALTRAN TECHNOLOGIES
[Adresse 6]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE
Ayant pour avocats plaidants Me Frédéric AKNIN et Me Laure MARQUES de la SELARL CAPSTAN LMS, avocats au barreau de PARIS
INTIMES :
[T] [R]
né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 7]
[Adresse 1]
FEDERATION CGT DES SOCIETES D'ETUDES, DE CONSEIL ET DE PREVENTION
[Adresse 4]
UNION LOCALE DES SYNDICATS CGT [Localité 5]
[Adresse 2]
Représentés par Me Véronique L'HOTE et Me Cécile ROBERT de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocats au barreau de TOULOUSE
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Décembre 2019
Présidée par Olivier GOURSAUD, président et Sophie NOIR, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Olivier GOURSAUD, président
- Natacha LAVILLE, conseiller
- Sophie NOIR, conseiller
ARRET : CONTRADICTOIRE
rendu publiquement le 03 Juillet 2020 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Gaétan PILLIE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Mr [T] [R] a été engagé à compter du 25 août 2005 en qualité d'ingénieur, statut cadre, position 2.1, coefficient hiérarchique 105 en contrat à durée indéterminée à temps plein, par la société Cogix aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Altran technologies par suite de la fusion des deux sociétés et du transfert du contrat de travail de Mr [R] .
La convention collective applicable est la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec.
Mr [R] a quitté les effectifs de la société Altran technologies le 18 septembre 2015.
Le 30 janvier 2015, Mr [R] a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon afin d'obtenir dans le dernier état de ses prétentions :
- le paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires ainsi que des congés payés afférents,
- le paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé et exécution fautive du contrat de travail,
- la requalification de la clause contractuelle de loyauté en clause de non concurrence non rémunérée et donc nulle et le paiement de dommages et intérêts au titre de la clause de non concurrence nulle.
L'Union Locale CGT [Localité 5] et la fédération CGT des sociétés d'Etudes, de Conseil et de Patrimoine sont intervenues volontairement à l'instance et ont réclamé l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour atteinte à l'intérêt collectif défendu par ce syndicat.
Par jugement rendu le 30 novembre 2017, le conseil des prud'hommes de Lyon a :
- dit et jugé que les demandes de Mr [R] ne sont pas prescrites,
- dit et jugé que la convention de forfait horaire à laquelle est soumis Mr [R] est nulle,
- dit et jugé que Mr [R] n'a pas été rempli de ses droits en matière d'heures supplémentaires,
- condamné en conséquence la société Altran technologies à payer à Mr [R] les sommes de :
- 19.251 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,
- 1.925,10 € au titre des congés payés y afférents,
- dit et jugé que le travail dissimulé n'est pas caractérisé et débouté en conséquence Mr [R] de sa demande au titre du travail dissimulé,
- dit et jugé que la clause de loyauté incluse dans le contrat de travail de Mr [R] est une clause de non-concurrence déguisée abusive,
- dit et jugé, par contre, que Mr [R] ne démontre pas le préjudice qui en résulte,
- débouté donc Mr [R] de sa demande de dommages et intérêts relative à la clause de loyauté,
- condamné la société Altran technologies à verser à Mr [R] la somme de 200,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts aux taux légal à compter de la date de la saisine et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la date du prononcé du jugement,
- ordonné à la société Altran technologies de délivrer à Mr [R] les bulletins de salaire rectifiés conformes à la présente décision,
- rappelé aux termes des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail...) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois est fixée à la somme de 3.866,30 €,
- condamné la société Altran technologies à verser à l'Union Locale CGT [Localité 5] et à la Fédération CGT des Sociétés d'Etudes, de Conseil et de Prévention les sommes de :
- 1 € à titre de dommages et intérêts,
- 100,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leur demandes,
- condamné la société Altran technologies aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 20 décembre 2017, la société Altran technologies a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 21 octobre 2019, la société Altran technologies demande à la cour de :
sur les demandes relatives aux heures supplémentaires,
- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il a déclaré recevable la demande de rappel de salaire formulé par le salarié, et en ce qu'il a dit que la convention de forfait horaire à laquelle est soumis le salarié est nulle et en ce qu'il l'a condamné à payer au salarié des sommes à titre de rappels de salaires et au titre des congés payés y afférents.
en conséquence,
à titre liminaire,
- dire et juger que l'action du salarié est prescrite,
à titre principal,
- dire et juger que la convention de forfait hebdomadaire en heures du salarié est parfaitement valide,
- débouter le salarié de ses demandes,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que le salarié ne démontre pas avoir réalisé des heures supplémentaires,
- débouter le salarié de ses demandes,
à titre plus subsidiaire,
- dire et juger que les heures supplémentaires éventuellement réalisées par le salarié au-delà de 35 heures et jusqu'à 38,5 heures par semaine ont d'ores et déjà été rémunérées,
- débouter le salarié de ses demandes,
subsidiairement,
- dire et juger que seules les majorations pour heures supplémentaires peuvent subsister,
en tout état de cause, en cas de nullité de la convention de forfait,
- constater que le montant du rappel de salaire sollicité par le salarié est erroné,
- débouter le salarié de ses demandes,
subsidiairement,
- limiter le montant du rappel de salaire à la somme de 18.708,87 € bruts,
en tout état de cause, en cas de nullité de la convention de forfait,
- constater que la nullité/l'inopposabilité de la convention de forfait induit la restitution des avantages conventionnels indûment perçus en contrepartie, à savoir le remboursement de la somme de 8.134,52 € nets au titre des JRTT/JNT à son bénéfice, et en ordonner la restitution,
en tout état de cause, sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice subi,
- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution fautive/ travail dissimulé,
en conséquence,
- débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution fautive/travail dissimulé.
sur la clause de loyauté,
- dire et juger que la demande, visant à caractériser l'illicéité de la clause de non concurrence/clause de loyauté, est prescrite et non recevable,
- dire et juger licite la clause de non-concurrence assortie d'une contrepartie financière figurant dans le contrat de travail,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre de la clause de loyauté irrégulière,
- débouter en tout état de cause le salarié de sa demande indemnitaire,
sur les demandes diverses,
- constater que le salarié ne formule plus de demande au titre des JNT supprimés au 1er janvier 2016 et en prendre acte,
- dire et juger que l'Union Locale CGT [Localité 5] et le Syndicat CGT Fédération nationale des Sociétés d'Etudes, de Conseil et de Prévention ne démontrent pas subir un quelconque préjudice et les débouter de leurs demandes,
- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il l'a condamnée à verser à l'Union Locale CGT [Localité 5] la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts,
- débouter le salarié, l'Union Locale CGT [Localité 5] et le Syndicat CGT Fédération nationale des Sociétés d'Etudes, de Conseil et de Prévention de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre reconventionnel,
- condamner l'Union Locale CGT [Localité 5] et le Syndicat CGT Fédération nationale des Sociétés d'Etudes, de Prévention à lui verser, chacun, la somme de 1.000 €, compte tenu du personnel monopolisé et des frais engagés pour assurer sa défense, et condamner également le salarié à lui verser la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusion en date du 2 octobre 2019, Mr [R], l'Union Locale CGT [Localité 5] et le Syndicat CGT Fédération nationale des Sociétés d'Etudes et de Patrimoine demandent à la cour de :
* pour Mr [R] :
- recevoir son appel incident
- confirmer le jugement de conseil des prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Altran technologies au paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires,
- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Altran technologies au paiement de congés payés,
- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a jugé que la clause de loyauté au contrat de travail doit être requalifiée en clause de non concurrence non rémunérée et donc nulle,
- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a débouté la société Altran technologies de sa demande de remboursement des avantages conventionnels perçus, à savoir la majoration de 15 % de la rémunération minimale,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de la prime de vacances conventionnelle,
- confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à rembourser à la société Altran technologies une somme au titre des jours de JNT/RTT,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- réformer le jugement quant au quantum des sommes allouées au salarié,
statuant à nouveau,
- condamner la société Altran technologies au paiement des sommes suivantes :
- rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 29.145,64 €
- congés payés y afférents : 2.914,56 €
- rappel de prime de vacance y afférent : 291,46 €
- dommages et intérêts pour travail dissimulé : 23.197,02 €
- fixer au nombre de 55 jours renvoyant à la somme de 8.134,52 € la somme due au titre des JNT/RTT perçus par lui sur la période,
- condamner la société Altran technologies à lui verser la somme de 20.877,32 € au titre des dommages et intérêts pour clause de non concurrence nulle,
- ordonner le paiement des sommes dues ainsi que la remise des bulletins de salaire et documents sociaux rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter d'un mois suivant la notification du prononcé,
- condamner la société Altran technologies à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
* pour l'Union Locale CGT [Localité 5] :
- confirmer le jugement en ce qu'il a reçu son intervention volontaire et a condamné la société Altran technologies au versement de dommages et intérêts,
- réformer le jugement quant au quantum des sommes allouées,
- condamner la société Altran technologies à lui verser la somme de 500 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, outre 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* pour le Syndicat CGT Fédération nationale des Sociétés d'Etudes, de Conseil et de Prévention :
- confirmer le jugement en ce qu'il a reçu son intervention volontaire et a condamné la société Altran technologies au versement de dommage et intérêts,
- réformer le jugement quant au quantum des sommes allouées,
- condamner la société Altran technologies à lui verser la somme de 500 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, outre 500 € sur le fondement de l'article de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 octobre 2019.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. sur la demande en paiement des heures supplémentaires :
* sur la prescription :
La société Altran technologies soutient que la demande au titre des heures supplémentaires est prescrite au motif que cette demande est fondée sur l'irrégularité de la convention de forfait soutenue par le salarié dés son embauche, que le salarié avait connaissance des faits lui permettant d'agir en nullité de la convention de forfait hebdomadaire dés la date de la conclusion de celle-ci laquelle constitue le point de départ du délai de prescription pour la contester, soit en l'espèce le 18 août 2005, et que la prescription était donc acquise depuis le 19 juin 2013.
Mr [R] déclare en réponse qu'en matière salariale, il convient d'appliquer les dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail telles qu'issues de la loi du 14 juin 2013 et que la prescription de l'action en paiement du salaire court à compter de la date à laquelle ce dernier est devenu exigible.
La cour constate que l'action engagée par le salarié tend au paiement de salaires qu'il estime non réglés en raison de l'exécution d'heures supplémentaires depuis le 1er janvier 2010.
En matière salariale, la prescription extinctive ne peut courir qu'à compter de la date d'exigibilité de chacune des fractions de la somme réclamée et à l'évidence, le salarié ne peut agir en paiement de salaires au titre d'heures supplémentaires tant que celles-ci n'ont pas été effectuées.
La loi n°2013-504 du 14 juin 2013 entrée en vigueur le 17 juin 2013 a réduit de cinq à trois ans le délai de la prescription applicable aux actions en paiement ou en répétition du salaire qui s'exerce à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer conformément à l'article L3245-1 du code du travail.
Il résulte des dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013 que les principes ci-dessus s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder cinq ans.
En l'espèce, Mr [R] a introduit le 30 janvier 2015 son action en paiement de rappels de salaire à compter du 1er janvier 2010.
A la date du 17 juin 2013, qui correspond à la promulgation de la loi du 14 juin 2013 réduisant le délai de prescription de 5 à 3 ans, la prescription de son action était en cours;
Il ressort de ce qui précède que l'action est recevable s'agissant de demandes en paiement des salaires exigibles à compter du mois de janvier 2010.
* sur l'application de la convention de forfait :
Il est stipulé dans le contrat de travail du 18 août 2005 liant les parties, un article 5 intitulé 'Durée du travail' et ainsi libellé :
'Conformément à l'accord d'entreprise signé en date d 16/01/04 modifié par la loi du 30/06/04 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et handicapées.
En tant qu'ingénieur dont l'horaire ne peut être systématiquement prédéterminé du fait du caractère temporaire de l'affectation sur les sites et/ou d'une certaine autonomie dans l'emploi du temps, le titulaire est concerné par un forfait annuel de 218 jours maximum de travail effectif (du 01/01 au 31/12) conformément à l'accord de branche ainsi qu'à l'accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail modifié parla loi du 30/06/04.
Ainsi, les modalités de gestion de l'horaire qui lui sont appliquées sont les modalités de réalisation des missions définies dans l'accord d'entreprise.'
Par ailleurs, le contrat de travail prévoit en son article 4 une clause rémunération qui renvoie à des modalités fixées en annexe jointe au contrat lesquelles prévoient une rémunération annuelle brute de 30.912 € sur la base de 218 jours par an, cette rémunération étant forfaitaire et indépendante du nombre d'heures de travail.
Il résulte de ces dispositions que le salarié a été soumis à une convention individuelle de forfait en heures sur une base hebdomadaire de 38 heures 30 prévoyant un décompte de la durée du travail dans la limite d'un nombre maximal de 218 jours annuels et des variations de l'horaire de travail dans la limite de 10 % de l'horaire hebdomadaire de 35 heures.
Au soutien de son appel, la société Altran technologies déclare que la convention de forfait hebdomadaire en heures du salarié est valide et elle fait valoir notamment que :
- alors que la modalité 2 de l'accord Syntec auquel se réfère le salarié prévoit un dispositif d'annualisation des heures réalisées au delà des 38,5 heures, la clause du contrat de travail discutée par le salarié ne prévoit aucune annualisation du temps de travail et il s'agit d'une convention de forfait hebdomadaire en heures,
- le salarié qui ne remplit pas la condition d'éligibilité, ne relève pas de la modalité 2 prévue par l'accord collectif de branche,
- par ailleurs, la convention de forfait hebdomadaire en heures est régulière au regard des dispositions légales applicables aux convention de forfait en heures sur la semaine, notamment en ce qu'elle respecte l'accord de volonté sur le nombre d'heures prévues au forfait et les dispositions de l'article L 3121-41 du code du travail sur la rémunération minimale,
- elle est en outre compatible avec les dispositions de la convention collective Syntec et toute application du principe de faveur entre la convention Altran et la modalité 2 Syntec est sans objet dés lors qu'il s'agit là de deux conventions de nature différentes soumises à des régimes juridiques distincts.
Mr [R] déclare en réplique que :
- l'absence de mention expresse dans le contrat de l'existence d'heures supplémentaires, tant dans leur principe que dans leur volume, doit conduire à prononcer l'inopposabilité de ces dispositions contractuelles,
- en outre, la clause ne prévoit pas une variation systématiquement positive ni systématiquement maximale alors que la systématicité d'une augmentation de 10 % a pourtant été appliquée, ni les conséquences qu'il convient d'en déduire en cas de dépassement,
- par ailleurs, il existe des carences de l'employeur en matière d'application des dispositions des conventions de forfait notamment sur le contrôle du temps de travail opéré annuellement, de la limitation annuelle de ce temps de travail à 218 jours, du temps de travail maximal ou du temps de repos minimal et de la mise en place des entretiens spécifiques,
- les dispositions de la convention de forfait du contrat de travail reprennent exactement celles de la modalité 2 telle qu'elle est établie par la convention collective et elle mentionne d'ailleurs sur les bulletins de salaire la référence à cette modalité 2,
- il a donc été contractuellement convenu que la convention litigieuse relèverait de la modalité 2 de l'accord du 22 juin 1999,
- toutefois, sa rémunération étant inférieure au plafond de la sécurité sociale, il ne peut lui être appliqué cette modalité,
- d'autre part, les salariés ne peuvent renoncer aux droits qu'ils tiennent d'une convention collective, sauf en cas de stipulations plus favorables, et c'est vainement que la société Altran technologies se prévaut de ce que la convention de forfait Altran serait plus favorable que la modalité 2 dés lors notamment qu'elle ne rémunère pas les heures supplémentaires au delà de 38,5 heures.
Il résulte des dispositions édictées par la modalité 2 telles que définies dans l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 que les modalités qu'elle définit s'appliquent aux seuls ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale.
La cour constate en l'espèce à l'examen des pièces produites que, contrairement à ce que soutient Mr [R] et de ce qui n'est pas discuté par la société Altran technologies, le montant des salaires qui lui ont été versés paraît excéder le plafond de la sécurité sociale ce qui priverait de pertinence le moyen soulevé selon lequel la convention de forfait alléguée par l'employeur lui est inopposable.
La cour en conséquence réserve les demandes de Mr [R] relatives au paiement des heures supplémentaires et celle fondée sur l'existence d'un travail dissimulé et la demande de la société Altran technologies en remboursement des jours non travaillés, ordonne la réouverture des débats et invite les parties à s'expliquer sur ce point.
2. Sur la demande de remboursement de la majoration de 15 % de la rémunération minimale :
La cour constate que la société Altran technologies ne sollicite rien à ce titre et l'argumentation du salarié sur ce point est donc sans objet.
3. sur la demande au titre de la clause de loyauté :
La société Altran technologies soutient que la demande à ce titre est prescrite au motif que l'action du salarié étant fondée sur le fait que cette clause est en réalité une clause de non concurrence qui serait irrégulière, que cette irrégularité serait contemporaine à sa conclusion de sorte que le salarié avait connaissance des faits lui permettant d'exercer son action dés la conclusion de cette clause, soit en l'espèce le 8 septembre 2009, et que la prescription était donc acquise depuis le 7 septembre 2014.
Mr [R] déclare en réponse que la prescription ne court pas tant que dure la relation contractuelle et que son point de départ ne peut être fixé :
- qu'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connaissance des faits lui permettant d'exercer son action,
- et surtout qu'à compter du jour où la clause a vocation à s'appliquer de manière effective, soit en l'espèce à la date de la rupture du contrat de travail, c'est à dire la date à laquelle la clause ayant contraint les salariés dans leur liberté de trouver du travail n'aura plus d'effet.
La cour constate que l'action du salarié tendant à obtenir l'indemnisation d'un préjudice du fait de l'application d'une clause contractuelle qu'il estime nulle s'analyse en une action en responsabilité civile.
En application de l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit.
En l'espèce, le préjudice allégué à savoir la restriction des possibilités du salarié de rechercher du travail du fait de l'application d'une clause dite de loyauté qui serait nulle s'est manifesté au titulaire du droit lors de la signature de son contrat de travail contenant ladite clause, date à laquelle il a eu connaissance de la clause litigieuse, et non pas à la fin de la relation contractuelle.
C'est en effet à n'importe quel moment de l'exécution du contrat que le salarié peut être amené à rechercher un nouvel emploi, recherche pouvant être limitée du fait de la clause litigieuse.
Ainsi, le point de départ du délai de prescription est fixé au 18 août 2005, date de la signature du contrat à durée indéterminée par Mr [R].
En application de l'article 2262 ancien du code civil, le salarié disposait d'un délai de 30 ans pour saisir le juge afin d'obtenir la réparation d'un préjudice né d'un manquement de l'employeur à ses obligations .
La loi N° 2008-561 du 17 juin 2008 a réformé la durée de la prescription et aux termes de l'article 2224 issu de cette loi, 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer', l'article 26 de cette loi précisant que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi (19 juin 2008), sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Par l'effet de cette loi, Mr [R] disposait d'un droit d'agir jusqu'au 19 juin 2013 et la loi du 14 juin 2013 qui a, pour sa part, réduit à deux ans la prescription quinquennale alors applicable pour toute action liée à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit (article L. 1471-1 du code du travail), n'a pas eu pour effet, en l'espèce, de modifier la durée de la prescription.
La cour constate en conséquence que l'action en responsabilité civile engagée par Mr [R] le 30 janvier 2015 est prescrite et par suite irrecevable, le jugement étant réformé de ce chef.
4. Sur les autres demandes :
Compte tenu de la décision de réouverture des débats, la cour réserve les autres demandes, y compris en ce qui concerne celles des syndicats intervenants et réserve également l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable la demande en paiement des salaires au titre des heures supplémentaires,
L'infirme en ce qu'il a dit que la demande de Mr [R] au titre de la clause de loyauté n'était pas prescrite,
statuant de nouveau et y ajoutant,
Déclare prescrite l'action indemnitaire fondée sur l'application de la clause de loyauté,
Réserve le surplus des demandes et ordonne la réouverture des débats ;
Invite les parties à faire valoir leurs observations sur le dépassement de la rémunération perçue par Mr [R] par rapport au plafond de la sécurité sociale et sur les conséquences qu'il convient d'en tirer quant à la validité de la convention de forfait insérée au contrat de travail ;
Renvoie la cause à l'audience de mise en état du 26 janvier 2021 à 09h00, date à laquelle les parties sont invitées à conclure sur le point ci-dessus.
Réserve l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEOlivier GOURSAUD