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02/07/2020 | FRANCE | N°17/04877

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 02 juillet 2020, 17/04877


N° RG 17/04877 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LDZO









Décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE

Au fond du 18 mai 2017

1ère chambre civile



RG : 17/00813











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRÊT DU 02 Juillet 2020







APPELANTE :



Mme [H] [N] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6]
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[Localité 4]



Représentée par Me Simon LETIEVANT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMÉE :



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCI...

N° RG 17/04877 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LDZO

Décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE

Au fond du 18 mai 2017

1ère chambre civile

RG : 17/00813

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRÊT DU 02 Juillet 2020

APPELANTE :

Mme [H] [N] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Simon LETIEVANT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

Et ayant pour avocat plaidant Me Thomas NASRI, avocat au barreau de LYON, toque : 468

******

Date de clôture de l'instruction : 19 Février 2019

Date de mise à disposition : 02 Juillet 2020

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Aude RACHOU, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA , conseiller

DÉCISION RENDUE SANS AUDIENCE

Vu l'état d'urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience en application de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;

La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/202030000319/FC.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

La société Exotic BBQ, dont le gérant était M. [Y], a ouvert dans les livres de la Caisse régionale de crédit agricole Loire-Haute Loire (la Caisse) un compte de dépôt à vue professionnel.

Selon offre acceptée du 15 juillet 2015, la Caisse a consenti à la société Exotic BBQ un prêt professionnel d'un montant de 51 000 euros au taux de 2,10 % l'an, remboursable en 84 mensualités.

Ce prêt était garanti par la Banque publique d'investissement (BPI) à hauteur de 70 % ainsi que par un nantissement sur le fonds de commerce.

Au motif, selon la Caisse, que la société Exotic BBQ n'a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Etienne que le 28 juillet 2015, ce prêt n'a pas été suivi d'effet.

Selon offre acceptée le 30 juillet 2015, la Caisse a consenti à la société Exotic BBQ un prêt professionnel similaire d'un montant de 51 000 euros au taux de 2,10 % l'an, remboursable en 84 mensualités sauf à ajouter une garantie supplémentaire consistant dans le cautionnement solidaire de Mme [N], épouseTouloum, au bénéfice de la société Exotic BBC dans la limite de la somme de 25 000 euros pour une durée de108 mois.

Son époux s'est également porté caution solidaire dans les mêmes conditions.

Par jugement du 18 mai 2016, le tribunal de commerce de saint-Etienne a prononcé la liquidation judiciaire de la société Exotic BBQ.

La Caisse a régulièrement déclaré sa créance à la procédure le 8 juin 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juin 2016, la Caisse a mis en demeure, sans résultat, Mme [N] de lui payer la somme de 23 010,81 euros en exécution de son engagement de caution et l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne.

Par jugement réputé contradictoire du 18 mai 2017 revêtu de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance a condamné Mme [N] à payer à la Caisse la somme de 23 192,10 euros, rejetant le surplus des demandes.

Mme [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 3 juillet 2017.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 décembre 2018, elle demande à la cour d'infirmer la décision et, statuant à nouveau, de débouter la Caisse de ses demandes, à titre principal sur le fondement de la violence économique, à titre subsidiaire sur le fondement du dol et à titre infiniment subsidiaire sur le fondement de l'erreur.

Elle conclut reconventionnellement à la condamnation de la Caisse à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 novembre 2018, la Caisse

demande à la cour la confirmation de la décision déférée en son principe et à sa réformation sur le montant.

Elle conclut à la condamnation de Mme [Y] à lui payer la somme de 24 815,10 euros en exécution de son engagement de caution et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 20 février 2017, le premier président a fait droit à la demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement déféré.

Par arrêt du 13 septembre 2018, la cour d'appel de Lyon a considéré que le consentement de M. [Y] lors de la signature de l'engagement de caution dont l'exécution était poursuivie avait été surpris par dol et débouté la Caisse régionale du crédit agricole Loire Haute-Loire de ses demandes.

Vu les dernières conclusions ;

Vu l'ordonnance de clôture du 19 février 2019 ;

Sur ce :

Sur la violence économique :

Attendu que Mme [N] soutient, sur le fondement de la violence économique, que la Caisse a profité de l'état de dépendance économique d'elle même et de son époux ;

qu'en effet, après avoir mis en concurrence plusieurs banques, M. [Y] a retenu l'offre de prêt de la Caisse du 15 juillet 2015 qui ne comportait aucun engagement de caution comme la plus intéressante ;

mais qu'en réalité, au prétexte fallacieux qu'à la date du 15 juillet 2015, la société Exotic BBQ n'était pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés, la Caisse leur a fait à nouveau signer un contrat en exigeant que son époux et elle même se portent caution ;

qu'il s'agit d'un abus de situation de dépendance dans la mesure où ils n'avaient pas d'autres choix que de signer ce contrat, ayant mis fin aux négociations avec d'autres banques et la société Exotic BBQ ayant besoin des fonds sans délai pour exécuter les travaux d'aménagement du local et signer le bail commercial en versant le dépôt de garantie ;

que ces faits sont établis par la production des deux contrats identiques édités au 10 juillet 2015 alors que la Caisse leur a indiqué le 30 juillet 2015 que le document venait d'arriver au siège ;

que la fiche de renseignements caution produite par la Caisse ne concerne pas cet engagement mais est relative à un prêt de 13 000 euros effectivement souscrit ;

que le compte bancaire de la société Exotic BBQ a fonctionné dès le 3 juillet 2017 alors que la société n'était pas encore immatriculée au registre du commerce et des sociétés ;

qu'enfin, la Caisse avait parfaitement connaissance des recherches faites auprès d'autres banques ;

Attendu que la Caisse soutient que le contrat signé le 15 juillet 2015 avec la société Exotic BBQ était nul, en l'absence d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;

que c'est ainsi qu'elle a fait régulariser un nouveau contrat, le contrat initial étant insusceptible de régularisation ;

que la société Exotic BBQ antérieurement à son immatriculation a ouvert deux comptes bancaires, l'un étant un compte support capital qui est un compte bloqué jusqu'à l'immatriculation de la société aux fins de garantir au centre de formalités des entreprises l'existence du capital social et l'autre étant un compte courant qui n'a fonctionné que le 30 juillet 2015, soit postérieurement à l'immatriculation de la société Exotic BBQ ;

que Mme [N] est de mauvaise foi, ayant rempli une fiche de renseignement caution le 1er juin 2015, étant observé que le prêt de 13 000 euros auquel elle se réfère n'était pas assorti d'un engagement de caution ;

qu'elle ne rapporte pas la preuve de la violence économique alléguée, l'engagement de caution n'ayant pas été obtenu par violence ni le nouveau contrat de prêt conclu uniquement dans l'intérêt de la banque ;

Attendu que, sous l'empire des textes applicables à l'espèce, seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne peut vicier de violence le consentement à l'acte juridique ;

qu'il appartient à celui qui s'en prévaut d'en rapporter la preuve ;

Attendu que, s'il existe une incohérence entre les deux offres de prêts éditées le même jour sous le même numéro et proposées à deux dates différentes, il n'en reste pas moins que cette seule incohérence est insuffisante à établir une exploitation abusive d'une situation de dépendance économique non caractérisée en l'espèce, la société ayant toujours la possibilité de contacter d'autres établissements bancaires ;

que la Caisse conclut à juste titre que l'offre de prêt acceptée le 15 juillet 2015 par une société non immatriculée et sans mention de ' société en formation ' était effectivement nulle;

que Mme [N] soutient sans en rapporter la preuve que le second contrat a été signé à une autre agence que le premier contrat, à supposer que ce fait puisse avoir une incidence;

qu'elle conclut également à tort que le prêt de 13 000 euros accordé le 30 juillet 2015 était assorti de l'engagement de caution de chacun des époux et que la fiche de renseignement caution, mentionnant ses revenus, avait été remplie le 1er juin 2015 à cette fin ;

qu'en effet, il résulte du contrat de prêt de 13 000 euros que, s'il est mentionné dans le corps de l'acte la caution de chacun des époux, aucune caution n'a en définitive été régularisée, les mentions manuscrites en annexe de l'acte étant vierges ;

que les ouvertures de compte bancaire au nom de la société Exotic BBQ début juillet 2015 sont dépourvues d'incidence sur un quelconque abus de la part de la banque, s'agissant d'un compte bloqué pour garantir auprès du centre de formalité des entreprises l'existence du capital social, le dit capital ayant été versé du compte bloqué au compte courant le 30 juillet 2015, soit après l'immatriculation de la société, ce compte n'ayant pas fonctionné auparavant ;

Attendu qu'en définitive, Mme [N] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la violence qui aurait vicié son consentement ni d'une modification unilatérale des conditions d'octroi du prêt par la Caisse ;

Sur le dol :

Attendu que Mme [N] soutient subsidiairement que la cour retiendra le fondement du dol, la Caisse ne pouvant soutenir qu'elle a donné son consentement à l'engagement de caution tout en sachant qu'il n'était pas nécessaire ;

Attendu que la Caisse conclut au rejet de la demande sur le fondement du dol dont les conditions ne sont pas réunies, notamment sur l'élément intentionnel, faute d'élément matériel le caractérisant ;

Attendu que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ;

qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ;

Attendu que, s'il existe une incohérence entre les deux offres de prêts éditées le même jour sous le même numéro et proposées à deux dates différentes, Mme [N] échoue à établir que cette incohérence ainsi que les autres éléments sus indiqués procéderaient d'une intention dolosive de la Caisse ;

que notamment, elle soutient à tort que si la Caisse lui avait expliqué que la première offre acceptée le 15 juillet 2015 était irrévocable ou à tout le moins selon elle ferme et définitive, elle n'aurait pas signé l'engagement de caution le 30 juillet 2015 ;

qu'en effet, outre le fait que la première offre ne pouvait pas être suivie d'effet pour les motifs sus visés, cette attitude de la Caisse relèverait d'un défaut d'information et ne saurait caractériser un dol ;

Sur l'erreur :

Attendu que très subsidiairement, si la cour juge qu'il n'y avait pas de démarche intentionnelle de la part de la Caisse, Mme [N] demande à la cour de retenir le fondement de l'erreur, s'étant engagée sans contrepartie réelle ;

qu'en effet, la caisse conclut que, même en l'absence de signature du contrat, elle était dans l'obligation de débloquer les fonds ;

Attendu que la Caisse conclut au rejet de la demande fondée sur l'erreur faute d'élément matériel la caractérisant ;

Mais attendu que Mme [N] conclut à tort que son engagement était sans contrepartie réelle, soutenant que la première offre acceptée le 15 juillet 2015 était valable et faisait obligation à la Caisse de délivrer les fonds ;

que comme jugé plus avant, cette offre était dépourvue d'effet ;

que, s'il peut être reproché à la Caisse d'avoir réédité une offre au lieu de rectifier l'offre initiale, ou tout au moins de rappeler dans la seconde offre l'existence de la première, il n'en reste pas moins que l'erreur alléguée, à supposer qu'il s'agisse d'une erreur et non pas d'une absence de cause, par Mme [N] est inexistante, son engagement n'étant pas dépourvu de contrepartie

Attendu qu'en conséquence, la décision déférée sera confirmée, y compris sur le rejet de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le premier juge ayant à juste titre réduit le montant de la clause pénale, eu égard aux stipulations contractuelles régissant les relations des parties et à la situation économique de Mme [N] telle qu'elle résulte de la fiche de renseignement caution ;

Attendu que Mme [N], qui succombe à la procédure, sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts, en l'absence de faute de la banque de nature à lui ouvrir droit à dommages et intérêts ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles engagés ;

Par ces motifs

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

Confirme en sa totalité le jugement déféré

Y ajoutant,

Déboute Mme [H] [N] épouse [Y] de sa demande en dommages et intérêts

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à son profit

Condamne Mme [H] [N] épouse [Y] aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 17/04877
Date de la décision : 02/07/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°17/04877 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-02;17.04877 ?
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