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01/07/2020 | FRANCE | N°18/01207

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 01 juillet 2020, 18/01207


AFFAIRE PRUD'HOMALE









N° RG 18/01207 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LRCY





[W]



C/

SA M.A.J.







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Janvier 2018

RG : F15/02860







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 01 JUILLET 2020







APPELANT :



[O] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Me Fabien ROUMEAS, a

vocat au barreau de LYON



INTIMÉE :



SA M.A.J.

[Adresse 2]

[Localité 4]



Me Marie SAULOT, avocat postulant au barreau de LYON

Me Pauline BLANDIN, avocat plaidant avocat au barreau de PARIS



DÉCISION RENDUE SANS AUDIENCE



Vu l'état d'urgence sanitaire, la...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

N° RG 18/01207 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LRCY

[W]

C/

SA M.A.J.

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Janvier 2018

RG : F15/02860

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 01 JUILLET 2020

APPELANT :

[O] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SA M.A.J.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Me Marie SAULOT, avocat postulant au barreau de LYON

Me Pauline BLANDIN, avocat plaidant avocat au barreau de PARIS

DÉCISION RENDUE SANS AUDIENCE

Vu l'état d'urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience suite à l'accord des parties et en application de l'article 8 de

l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;

La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/202030000319/FC.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Nathalie ROCCI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 01 Juillet 2020 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen ;

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 18 mai 2004, à effet du 14 juin 2004, Monsieur [O] [W] a été embauché par la société CWS, aux droits de laquelle se trouve la société M.A.J, en qualité de technicien de maintenance, statut ouvrier, coefficient 200, en application de la convention nationale collective de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie du 17 novembre 1997.

Par avenant en date du 16 janvier 2006, M. [W] a été classé au statut employé, coefficient 200.

Par avenant du 1er avril 2008, M. [W] a été affecté au poste de responsable maintenance, statut cadre, coefficient 300. Il a été convenu qu'il serait soumis à une convention individuelle de forfait annuel en jours, moyennant une rémunération annuelle brute de base de 34.800 euros pour 216 jours de travail par année civile.

Par courrier en date du 16 juin 2015, la société MAJ a convoqué M. [W] à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 25 juin 2015 et lui a notifié sa mise à pied conservatoire immédiate.

M. [W] a été licencié pour faute grave par courrier en date du 2 juillet 2015 dans les termes suivants :

'Faisant suite à notre entretien du 25 juin 2015, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave à compter du 04 juillet 2015 au soir. Nous vous rappelons que la faute grave est privative des indemnités de préavis et de licenciement.

Nous vous rappelons ci-dessous les motifs de ce licenciement qui vous ont été exposés lors de l'entretien préalable.

Vous occupez le poste de chef maintenance depuis le 1er avril 2008.

A ce titre, vous êtes chargé d'assurer le fonctionnement optimal des outils de production tout en garantissant la sécurité des biens et la protection des personnes à leur poste de travail.

Or, nous avons constaté de graves manquements lors de votre dernière intervention sur la presse bobines.

Le vendredi 29 mai 2015, suite à une panne relevée sur la presse bobines, vous êtes intervenu sur la machine Monsieur [T] [L], technicien de maintenance.

Dans le cadre de cette intervention, il vous a été nécessaire de consigner la machine et de désactiver les systèmes de sécurité.

La sécurité permettant d'arrêter automatiquement la presse bobines en cas d'ouverture inopinée des portes ou du carénage était, de ce fait, hors d'état de fonctionner.

Votre intervention de maintenance sur la presse a pris fin le 29 mai 2015 au soir. La consignation de la presse a été levée à l'issue de cette intervention et la machine a été remise en état de fonctionnement.

Le vendredi 12 juin 2015, alors que je circulais dans l'atelier, j'ai constaté que la porte arrière de la presse était grande ouverte. En me rapprochant, j'ai vu que malgré cela, la presse était en mouvement et aucunement à l'arrêt comme cela aurait dû être le cas dans une telle situation. En effet, dès lors que la porte est ouverte le système de sécurité entraîne l'arrêt de la machine.

Je vous ai alors immédiatement demandé des explications notamment concernant le fonctionnement de la machine alors que l'ouverture de la porte aurait dû bloquer celui-ci.

Vous avez reconnu que le système de sécurité désactivé depuis votre intervention du 29 mai dernier n'avait pas été remis en fonction.

Cependant, vous avez cherché à faire porter la responsabilité à Monsieur [J] [E], Chef d'équipe Maintenance, prétextant qu'il n'avait pas refermé la porte de la presse. Or, cet oubli a finalement permis de détecter le dysfonctionnement.

Cela signifie donc que la presse a fonctionné du vendredi 29 mai 2015 au vendredi 12 juin 2015 avec un système de sécurité désactivé.

En tant que Chef Maintenance, il est de votre responsabilité de veiller à l'application des règles de sécurité notamment. Dans le cas présent, vous auriez donc dû vous assurer que le système de sécurité avait été remis en état de fonctionnement.

Cet incident est d'autant plus grave que vous n'êtes pas sans savoir que ce type de situation peut avoir de graves conséquences pour la sécurité du personnel. De plus, un accident du travail s'est déjà produit le 18 septembre 2012 dans des conditions similaires sur cette machine.

De tels manquements aux règles élémentaires de sécurité portent gravement atteinte à la protection des salariés à leur poste de travail et ne peuvent être tolérés de la part d'un Chef Maintenance.

Par conséquent, nous sommes contraints de mettre un terme à votre contrat de travail.'

Par requête en date du 22 juillet 2015, M. [O] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON en lui demandant de condamner la société MAJ à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et indemnité de congés payés afférents, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappels de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, heures supplémentaires (mémoire) et indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Au dernier état de la procédure devant le conseil de prud'hommes, M. [W] a demandé à titre subsidiaire qu'il soit dit que, s'il y a faute, celle-ci n'est pas une faute grave mais simplement une faute sérieuse, et sollicité en outre des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

Il a chiffré sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires à la somme de 95.742,73 euros, outre l'indemnité de congés payés afférents, et sollicité en outre des dommages et intérêts pour non-respect des contreparties obligatoires en repos, une indemnité de congés payés afférents et des dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation relative aux temps de repos.

Par jugement en date du 25 janvier 2018, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Monsieur [O] [W] repose sur une faute grave,

- débouté M. [W] de ses demandes formulées au titre de la rupture du contrat de travail

- débouté M. [W] de ses demandes formulées au titre des heures supplémentaires, de la validité de la convention de forfait jours et de la violation des temps de repos,

- débouté M. [W] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné M. [W] aux dépens.

M. [W] a interjeté appel de ce jugement le 20 février 2018.

Monsieur [O] [W] demande à la cour :

- de réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- à titre principal, de dire que la convention de forfait est nulle, à titre subsidiaire, qu'elle lui est inopposable,

- de condamner en conséquence la société MAJ à lui payer les sommes suivantes:

à titre principal, 95.742,73euros pour rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et 9.574,27euros au titre des congés payés afférents, à titre subsidiaire,42.982,38euros et 4.298,24euros

à titre principal, 57.951,86euros nets à titre de dommages et intérêts pour non respect des contreparties obligatoires en repos et 5.795,18euros nets au titre des congés payés afférents, à titre subsidiaire, 21.731,24euros nets à titre de dommages et intérêts et 2.173,12euros nets au titre des congés payés afférents,

28.400euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

10.000euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles de repos hebdomadaires,

- de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- de condamner en conséquence la société MAJ à lui payer les sommes suivantes:

10.990,74euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2015, et 1.099,07euros au titre des congés payés afférents,

8.853,69euros nets à titre d'indemnité de licenciement outre intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2015,

1.466,82euros au titre de la mise à pied conservatoire outre intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2015, et 146,68euros au titre des congés payés afférents,

44.000euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire

en toute hypothèse,

- de condamner la société MAJ à lui payer la somme de 5.000euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner la société MAJ à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI rectifiés en fonction des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 100euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- de se réserver le pouvoir de liquider ladite astreinte.

La société M.A.J. demande à la cour :

- de débouter M. [W] de son appel,

En conséquence,

- de confirmer en tout point le jugement entrepris,

- de débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M. [W] à lui payer une somme de 1.000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [W] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2020.

SUR CE :

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

M. [W] fait valoir :

- que les exigences conditionnant la validité des conventions de forfait annuel en jours ne sont pas remplies dans le cadre de l'accord de branche du 28 janvier 2000 qui se contente de prévoir un système auto-déclaratif, sans aucun contrôle régulier de la charge de travail ni aucune possibilité, ni pour le salarié, ni pour l'employeur, d'user d'un 'droit d'alerte' dans l'hypothèse d'une surcharge de travail, que ne sont pas non plus valables les accords d'entreprise des 1er juin 2008 et 21 octobre 2011

- que la société MAJ n'a pas respecté les exigences posées par les différents accords, qu'elle n'a pas établi de compte précis concernant sa charge de travail, ni de fiche de suivi mensuel, que le calendrier d'activité établi en début d'année n'était pas signé et était seulement prévisionnel, et que le 'tableau des jours de récupération' mis en place et présenté par la société MAJ n'a jamais été porté à sa connaissance, et que les entretiens annuels ne comportaient aucun 'item' sur cette question

- qu'il a justifié avoir effectué depuis 2011 de nombreuses heures supplémentaires, qu'il a versé aux débats des décomptes hebdomadaires précis retraçant les heures supplémentaires effectuées, les compte-rendus annuels d'évaluation des années 2013 et 2014, ses notes de frais, ainsi que diverses attestations de collègues, amis et famille, et que les témoignages versés par la société MAJ n'ont apporté aucun élément sur la réalité de ses horaires de travail

- que la société MAJ ne l'a pas non plus informé de ses droits acquis à repos compensateur et qu'il est bien fondé à solliciter des dommages et intérêts et des congés payés afférents

- qu'en le soumettant à une convention de forfait nulle ou qui lui était à tout le moins inopposable et ce, en toute connaissance de cause, la société MAJ s'est nécessairement rendue coupable de l'infraction de travail dissimulé.

La société MAJ fait valoir :

- que les accords d'entreprise signés et conclus par elle les 20 avril 2000 et 1er juin 2008 prévoient bien des mesures fixant les modalités de prise de repos et de suivi de l'organisation du travail, que ces modalités de contrôle étaient rappelées au sein du contrat de travail de M. [W], qu'elle tenait un décompte précis des journées travaillées de chacun de ses cadres par la tenue d'un calendrier d'activité, d'un planning des jours de récupération et d'un planning de suivi des jours de RTT, qu'en conséquence, M. [W] ne saurait prétendre qu'il ignorait ces mesures ou que celles-ci n'étaient pas appliquées

- que la charge de travail a été abordée lors de plusieurs rendez-vous avec les responsables des ressources humaines, et de façon formelle, lors de l'entretien annuel avec le directeur du centre, que M. [W] n'a jamais formulé aucune remarque sur sa charge de travail au cours de ces entretiens alors que le formulaire d'entretien individuel aborde cette question

- que M. [W] ne l'a jamais informée qu'il était contraint de réaliser des heures supplémentaires, ni obtenu l'autorisation d'en réaliser, que les décomptes d'heures fournis, les notes de frais et les attestations produites par M. [W] ne suffisent pas à démontrer l'existence d'heures supplémentaires, et que, sans que cela constitue de sa part une reconnaissance de la réalisation d'heures supplémentaires, si un rappel de salaire sur ce point devait être ordonné, il ne pourrait l'être que sur la base du taux horaire prévu par la convention collective

-qu'en l'absence de toute information pendant la relation contractuelle sur l'exécution d'éventuelles heures supplémentaires par M. [W], et de l'impossibilité pour elle de constater l'exécution d'heures supplémentaires, le caractère intentionnel de l'infraction de travail dissimulé ne pourra qu'être écarté.

Aux termes de l'article L.3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 20 août 2008, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

Le système du forfait en jours est conforme au droit européen et à la Constitution, à condition que les accords collectifs les instituant préservent les droits des salariés à la santé et au repos. C'est pourquoi ces accords doivent contenir des mesures garantissant le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires et comporter des dispositions suffisantes en matière de suivi de la charge de travail et d'amplitude des journées d'activité des salariés, à peine de nullité des conventions de forfait jours conclues en application desdits accords.

La conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié, la convention étant établie par écrit.

La convention individuelle de forfait annuelle en jours insérée à l'avenant du 1er avril 2008 signé par M. [W] (antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008) stipule que le salarié s'engage :

- d'une part à établir chaque année, en accord avec sa hiérarchie, un planning prévisionnel présentant la répartition des 216 jours travaillés

- d'autre part, à déclarer la prise de ses jours de repos à l'aide d'un document visé par sa hiérarchie. (...)

Selon l'accord du 28 janvier 2000 de branche du 28 janvier 2000 relatif à la durée du travail dans les professions de l'entretien et de la location textile, les dispositions relatives au décompte hebdomadaire ne s'appliquent pas aux cadres exerçant une autorité hiérarchique, tels les responsables d'entretien, sous réserve que les cadres concernés bénéficient d'un repos quotidien de 11 heures consécutives et hebdomadaire de 35 heures consécutives et les entreprises tiendront un compte précis du forfait annuel de 217 jours de travail effectif, par exemple par le biais d'un calendrier indicatif annuel et d'une fiche de suivi mensuel.

Pour le surplus, l'accord de branche renvoie la fixation des modalités de mise en place du forfait en jours au niveau de l'entreprise en ce qui concerne les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées, les modalités de prise des journées et demi-journées de repos, les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail et les modalités concrètes d'application du repos quotidien et hebdomadaire.

Un accord-cadre a ainsi été signé par la société MAJ et trois délégations syndicales le 20 avril 2000. Il renvoie lui-même aux établissement la négociation concernant la réduction et l'aménagement du temps de travail des cadres tout en fixant le cadre général de cette négociation conformément à l'accord de branche.

L'accord sur la durée du travail du 1er juin 2008 modifié par avenant du 27 octobre 2011 applicable à l'établissement de DECINES de la société MAJ contient les dispositions suivantes relatives au respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires :

- les jours de repos pris font l'objet d'une auto-déclaration par chaque cadre dans le système informatique de gestion des temps et d'un suivi sous la responsabilité du directeur du centre,

- les cadres concernés doivent bénéficier d'un repos quotidien de 11 heures consécutives, d'un repos hebdomadaire d'au moins 35 heures consécutives et d'une interdiction de travailler sur plus de six jours par semaine

- le cadre en forfait jours doit par ailleurs pouvoir organiser son travail de manière à ne pas dépasser sur une semaine 48 heures de travail

- le directeur du centre et le supérieur hiérarchique s'assurent que l'amplitude des journées de travail et la charge de travail du collaborateur sont raisonnables et veillent à une bonne répartition dans le temps du travail du collaborateur

- l'exécution du forfait jours sera abordée lors de l'entretien annuel individuel organisé avec chaque cadre, conformément aux dispositions de l'article L3121-46 du code du travail.

Dès lors, d'une part, il existe bien un accord d'entreprise fixant les caractéristiques principales des conventions de forfait en jours, d'autre part, les dispositions de cet accord sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

La convention de forfait annuelle en jours est donc valable.

En ce qui concerne l'exécution de la convention, la société MAJ justifie de l'existence de modalités de contrôle du temps de travail de M. [W] et d'un décompte des journées travaillées, au moyen de la tenue d'un calendrier d'activité, d'un planning prévisionnel d'activité, d'un planning de suivi des jours de récupération, des jours de congés payés et des jours de RTT.

La société MAJ produit les entretiens annuels de M. [W] des années 2012 à 2015, contenant en 2012 une rubrique bilan de l'année écoulée et mentionnant 'les propositions éventuelles pour l'organisation, la charge et le déroulement du travail', en 2013, 2014 et 2015 un paragraphe consacré spécifiquement à l'organisation du travail (moyenne en 2013, à améliorer, cf samedis, en 2014, mauvais en 2015), la charge de travail (importante en 2013, OK en 2014, importante en 2015) et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale (il est noté OK pour les trois années).

M. [W] ne peut en conséquence reprocher à la société MAJ de ne pas avoir respecté les dispositions de la convention de forfait en jours, ni celles de l'article L3121-46 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 20 août 2008 relatives à l'entretien annuel individuel.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, et, par voie de conséquence, de ses demandes au titre de la non information des droits à repos compensateur obligatoire. Il convient de rejeter la demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande fondée sur le non-respect de la règlementation relative au temps de repos

M. [W] soutient que la société MAJ n'a pas respecté la réglementation en matière de durée du travail et plus particulièrement celle relative au temps de repos et qu'elle a méconnu à de nombreuses reprises l'obligation reprise à l'accord du 28 janvier 2000 qui prévoyait un 'repos quotidien de 11h consécutives et hebdomadaire de 35h consécutives.

Il cite dans ses conclusions quatre semaines où il a travaillé 12 jours consécutifs: du 25 avril au 6 mai 2011, du 21 juillet au 1er août 2014, du 13 octobre au 24 octobre 2014, du 1er décembre au 12 décembre 2014, et deux semaines où il a travaillé 13 jours consécutifs : du 30 avril au 12 mai 2012, du 9 juin au 21 juin 2014.

M. [W] produit à cet effet une attestation d'un ancien collègue de travail, M. [C], qui déclare qu'il lui est arrivé de faire un dépannage sur une essoreuse centrifuge avec [O] ([W]) un week-end complet, le samedi 30 avril et le dimanche 1er mai 2011, sans avoir eu le droit de prendre ses congés légaux en reprenant le lundi 2 mai jusqu'au vendredi 6 mai, soit 12 jours de suite.

Or, la société MAJ verse aux débats un tableau récapitulatif des jours de récupération dont la réalité n'est pas remise en cause par M. [W], montrant ainsi qu'elle s'est acquittée de son obligation de respecter le temps de repos de son salarié.

Le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts formée de ce chef sera confirmé.

Sur le licenciement

M. [W] fait valoir :

- qu'il lui est reproché de ne pas avoir veillé à ce que le système de sécurité soit réactivé ensuite d'une intervention qu'il a réalisé sur une machine, qu'il s'agit d'une abstention consistant en un défaut de vérification sans qu'aucun élément intentionnel ne soit relevé, qu'en conséquence la société MAJ ne pouvait se placer sur le terrain disciplinaire et sanctionner, pour faute grave, une négligence constituant davantage une insuffisance professionnelle,

- qu'il a toujours donné pleine et entière satisfaction à son employeur, que son parcours professionnel exemplaire démontre la réalité de cette allégation, qu'il n'a pas fait l'objet du moindre reproche en 11 ans d'activité pour le compte de la société MAJ,

- qu'il ne conteste pas qu'à la suite de l'intervention du 29 mai 2015, le système de sécurité de la porte de la presse n'a pas été réactivé, mais qu'il est faux en revanche de prétendre que l'absence de réactivation du système de sécurité de ladite porte pouvait avoir 'de graves conséquences pour la sécurité du personnel', qu'en effet, le personnel de la société MAJ n'est pas autorisé à pénétrer dans la zone où se trouve la presse, à la seule exception du personnel en charge de la maintenance, compétent et formé pour intervenir sur ces machines, que, si le système de sécurité de la porte de la presse n'a pas été réactivé à la suite de l'intervention du 29 mai 2015, le technicien qui est intervenu le 12 juin 2015 sur la presse, M. [E], a travaillé sur cette machine en toute sécurité après l'avoir arrêtée manuellement au pupitre de commande, respectant ainsi la procédure de sécurité applicable, que c'est seulement après son intervention, au moment où il a manuellement remis la presse en route qu'il a oublié d'en refermer la porte ayant été appelé à une autre tâche urgente et que cet oubli, isolé, n'exposait pas les salariés à un danger pour leur santé ou leur sécurité contrairement à ce que soutient la société MAJ

- que l'accident survenu en septembre 2012 n'a pas de lien avec l'incident de mai 2015, qu'à l'époque il n'avait pas fait l'objet de remarque ou de reproche, qu'au demeurant, il a très rapidement sollicité la mise en place de dispositifs de sécurité sur la machine à l'origine de l'accident, mais que la société MAJ n'a pas été aussi diligente puisque la sécurisation de la machine n'avait toujours pas eu lieu en novembre 2013, et que cette machine a finalement été remplacée en décembre 2014

- que la procédure de licenciement qu'il a subie a été particulièrement vexatoire, que sa convocation a été assortie d'une mise à pied conservatoire qu'il a reçue à l'issue d'une semaine au cours de laquelle il avait travaillé 70 heures, soit 14 heures par jour, compte tenu de l'absence de son chef de production, Monsieur [S].

La société MAJ fait valoir :

- qu'après l'intervention du 29 mai 2015, la porte du carénage a été laissée ouverte, que normalement la machine n'aurait pas dû redémarrer, qu'une gâche a été installée à l'endroit où se ferme habituellement la porte pour faire croire qu'elle était fermée afin que la machine redémarre, qu'il s'agit d'un acte délibéré de passer outre la sécurité et non d'un simple oubli

- que la presse bobine a fonctionné pendant 14 jours avec un système de sécurité désactivé et ainsi un accès direct à la machine, ce qui aurait pu entraîner de graves conséquences sur la sécurité des salariés (risque d'écrasement des personnes ou de leurs membres)

- qu'il appartenait à M. [W], en sa qualité de chef de maintenance, de veiller à la bonne application des règles de sécurité et de s'assurer que le système de sécurité avait bien été remis en état de fonctionnement, ce d'autant plus qu'il était lui-même à l'origine de la désactivation de ce système de sécurité, qu'en outre une ronde de vérification doit être faite régulièrement pour contrôler visuellement les machines et que pendant 14 jours M. [W] n'a pas remarqué que la presse fonctionnait quand la porte du carénage était ouverte

- qu'un accident était déjà survenu le 18 septembre 2012 dans des circonstances similaires sur cette machine, que M. [W] a exposé les salariés à un risque important, susceptible d'engager lourdement sa propre responsabilité au regard de l'obligation de sécurité, si bien qu'elle était fondée à le sanctionner eu égard à la violation des consignes élémentaires de sécurité et des directives de travail

- que la négligence d'un salarié dans l'exercice de ses fonctions peut caractériser la faute grave, même si elle n'a pas été commise de manière délibérée, que les faits en cause sont imputables personnellement à M. [W] qui ne les conteste pas, que ces faits caractérisent une violation de ses obligations contractuelles d'assurer la sécurité du matériel et des personnes et sont d'une importance telle qu'ils rendaient impossible son maintien dans l'entreprise le temps du préavis, nonobstant l'absence de sanction antérieure

- que, bien que cela soit inetrdit, des salariés qui travaillent dans l'atelier peuvent facilement franchir le ruban de sécurité et par ignorance du danger ou imprudence, se retrouver en contact avec une machine en mouvement, que le ruban de sécurité, contrairement à la porte fermée, n'est pas de nature à prévenir ce type d'incidents, que tous les salariés de l'équipe de maintenance et des prestataires externes peuvent être amenés à se rendre dans cette zone pour effectuer leurs interventions sur la presse, qu'en voyant la porte ouverte, ils auraient légitimement pu penser que la machine était arrêtée

- qu'elle n'a pas fait preuve de défaillance après l'accident de septembre 2012

- que le simple fait de mettre à pied à titre conservatoire un salarié durant la procédure de licenciement engagée à son encontre ne caractérise en rien le caractère vexatoire de ladite procédure, que s'agissant d'un licenciement pour faute grave, la mise à pied conservatoire apparaît comme une mesure classique et un droit de l'employeur.

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du Code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

M. [W] reconnaît qu'il a omis de réactiver le système de sécurité de la presse après son intervention du 29 mai 2015, de sorte que la machine fonctionnait, bien que la porte soit restée ouverte, alors que l'ouverture de la porte aurait dû entraîner l'arrêt de ladite machine.

La matérialité de la faute est ainsi établie.

Le fait que cette omission ne présente pas de caractère intentionnel ne permet pas de remettre en cause sa qualification de faute professionnelle susceptible d'être sanctionnée dans un cadre disciplinaire, puisqu'il incombait à M. [W] de respecter lui-même et de faire respecter au personnel qu'il encadrait, à savoir quatre techniciens de maintenance, les consignes de sécurité, et donc de vérifier que le système de sécurité avait été remis en service.

S'agissant du non-respect d'une règle de sécurité par un responsable de la maintenance de machines dangereuses, la gravité de la faute est établie, d'autant plus qu'un accident du travail s'était déjà produit trois ans auparavant, le 18 septembre 2012 ;

Il ressort de l'analyse de cet accident que le technicien de maintenance avait ouvert la porte de la presse, ce qui aurait dû avoir pour effet de stopper la machine, mais qu'il avait utilisé un moyen pour neutraliser la sécurité de la porte et permettre la remise en mouvement de la presse sur laquelle il avait effectué une opération de remplissage au cours de laquelle son avant-bras gauche s'était trouvé coincé.

A l'occasion de la reconstitution de l'accident, M. [W], responsable maintenance, avait alors rappelé que, pour toute intervention sur la presse, la machine devait être arrêtée.

Une fiche de consigne de procédure de sécurité a ainsi été rajoutée sur la presse précisant notamment qu'il fallait respecter les systèmes de sécurité mécaniques ou électriques et le document unique d'évaluation des risques a été modifié pour les évaluations relatives au lavoir et à la maintenance comme il est indiqué au compte-rendu de la réunion du CHSCT du 26 septembre 2012.

Les explications apportées par M. [E] dans une attestation datée du 20 février 2020, près de cinq années après les faits, selon laquelle 'M. [W] nous a bien dit plusieurs fois de remettre les sécurités sur la presse qui avaient été désactivées par [L] [T], un technicien, la veille, sur cette machine, seul le personnel habilité peut intervenir et doit l'arrêter sur le pupître de commande afin de pouvoir ouvrir les portes ne pouvant créer aucun mouvement de celle-ci, et le jour où le directeur a fait la remarque à [O] que la porte de la presse était ouverte en fonctionnement, c'était moi qui étais intervenu en l'arrêtant et ai oublié de reverrouiller mécaniquement la porte par précipitation (...)', au demeurant confuses, ne sont pas de nature à exonérer M. [W] de sa responsabilité.

Eu égard aux fonctions exercées, cette faute rendait impossible le maintien de M. [W] dans l'entreprise, y compris pendant la période du préavis, bien qu'il bénéficie d'une ancienneté de 11 ans et de l'absence de passé disciplinaire.

Le jugement qui a dit que le licenciement pour faute grave de M. [W] était justifié et a rejeté ses demandes en paiement d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts consécutifs au licenciement, de dommages et intérêts fondés sur le caractère vexatoire de la rupture et de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire sera confirmé.

M. [W] dont le recours est rejeté sera condamné aux dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu de mettre à sa charge les frais irrépétibles d'appel exposés par la société MAJ.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande d'indemnité pour travail dissimulé

CONDAMNE M. [O] [W] aux dépens d'appel

REJETTE la demande de la société MAJ fondée sur l'article 700 du code de proécdure civile en cause d'appel.

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 18/01207
Date de la décision : 01/07/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°18/01207 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-01;18.01207 ?
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