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03/06/2020 | FRANCE | N°18/00202

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 03 juin 2020, 18/00202


AFFAIRE PRUD'HOMALE









N° RG 18/00202 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LOVI





[Y]



C/

SAS CLAUGER







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 12 Décembre 2017

RG : 16/03148







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 03 JUIN 2020



APPELANT :



[E] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Me Raphaël DE PRAT, avocat au barrea

u de LYON



INTIMÉE :



SAS CLAUGER

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de LYON,

Me Joseph AGUERA, avocat plaidant au barreau de LYON



DÉCISI...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

N° RG 18/00202 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LOVI

[Y]

C/

SAS CLAUGER

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 12 Décembre 2017

RG : 16/03148

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 03 JUIN 2020

APPELANT :

[E] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Me Raphaël DE PRAT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS CLAUGER

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de LYON,

Me Joseph AGUERA, avocat plaidant au barreau de LYON

DÉCISION RENDUE SANS AUDIENCE

Vu l'état d'urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience suite à l'accord des parties et en application de l'article 8 de

l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;

La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/202030000319/FC.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Nathalie ROCCI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Juin 2020 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen ;

Signé par Joëlle DOAT, Président et par Manon FADHLAOUI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [E] [Y] a été embauché le 14 février 2011 par la société CLAUGER en qualité d'aide chargé d'études, coefficient 260, niveau IV, échelon A, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, puis à compter du 14 mars 2011 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Au dernier état de la relation de travail, soumise à la convention collective nationale des entreprises d'installation sans fabrication, y compris entretien, réparation, dépannage de matériel aéraulique, thermique, frigorifique et connexes, Monsieur [Y] occupait l'emploi de chargé d'affaires, coefficient 320, niveau V, échelon A.

Le 22 juillet 2016, Monsieur [Y] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 août 2016, avec mise à pied conservatoire jusqu'à l'issue de la procédure.

Le 26 août 2016, il a été licencié pour faute grave.

Monsieur [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON en référé le 19 septembre 2016 et au fond le 10 octobre 2016.

Par ordonnance du 2 novembre 2016, la formation de référé du conseil de prud'hommes a relevé l'existence d'une contestation sérieuse existant quant à la demande d'heures supplémentaires du salarié et a invité les parties à se pourvoir sur le fond.

Monsieur [Y] sollicitait en dernier lieu devant le conseil de prud'hommes de voir dire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse ainsi que de voir condamner la société CLAUGER à lui payer différentes sommes à titre de rappels de salaires, de dommages et intérêts et d'indemnités. Il réclamait également l'exécution provisoire de la décision à intervenir, la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée ainsi que le remboursement des allocations chômages par l'employeur.

Par jugement du 12 décembre 2017, le conseil de prud'hommes, dans sa formation paritaire, a:

-dit que le licenciement de Monsieur [Y] ne reposait pas sur une faute grave et s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-condamné la société CLAUGER à verser à Monsieur [Y] les sommes suivantes:

24.000 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

7.891,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 789,17 euros au titre des congés payés afférents,

2.893,64 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

3.032,99 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied outre 303,29 euros au titre des congés payés afférents,

7.429,29 euros au titre de rappel d'heures supplémentaires jusqu'à 41 heures pour la période de septembre 2013 à août 2016, outre 742,92 euros au titre des congés payés afférents,

718,66 euros au titre de rappel sur intéressement et participation.

1.200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société CLAUGER à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Monsieur [Y] du jour de son licenciement à celui du jugement dans la limite de 3 mois d'indemnités,

-condamné la société CLAUGER à remettre à Monsieur [E] [Y] une attestation pôle emploi dûment remplie en application du jugement et ce, sans astreinte.

-débouté la société CLAUGER de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu qu'à l'exécution provisoire de droit conformément aux dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail et fixé à la somme de 2.630,58 euros la moyenne mensuelle des salaires de Monsieur [Y],

-débouté les deux parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

-condamné la société CLAUGER aux dépens.

Par déclarations respectives des 10 et 11 janvier 2018, la société CLAUGER et Monsieur [Y] ont interjeté appel de la décision.

Suivant ordonnance du 11 octobre 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces appels, enrôlés respectivements sous les numéros 18/00167 et 18/00202 pour être suivis sous ce dernier numéro.

Dans ses conclusions notifiées le 10 octobre 2018, la société CLAUGER demande à la Cour de:

-infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à payer à Monsieur [Y] un rappel d'heures supplémentaires jusqu'à 41 heures, un rappel de salaire sur intéressement et participation, un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et différentes indemnités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'en ses dispositions afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens,

-débouter Monsieur [Y] de ses demandes de ces chefs,

-confirmer le jugement pour le surplus,

-condamner Monsieur [Y] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Monsieur [Y] aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 7 juillet 2018, Monsieur [Y] demande à la Cour de:

-confirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires au delà des 41 heures, de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés selon la règle du 10ème, de dommages et intérêts pour non respect du repos et des risques sur sa santé, d'indemnité pour travail dissimulé ainsi qu'en ses dispositions relatives au montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la remise de l'attestation Assedic et aux frais irrépétibles,

-condamner la société CLAUGER à lui payer les sommes suivantes:

47.350,44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.751,58 euros à titre de rappel des heures supplémentaires au-delà de 41 heures outre 175,15 euros au titre des congés payés afférents,

969,18 euros bruts à titre de rappel du congé payé 10ème sur la période,

2.630,58 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos et de la durée maximale du travail, 2.630,58 euros à titre de dommages et intérêts pour risque sur la santé et la sécurité,

15.783,48 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

5.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société CLAUGER à lui remettre une attestation Assedic rectifiée sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt,

-condamner la société CLAUGER aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2020.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE:

sur les heures supplémentaires:

L'article L. 3171-4 du code du travail énonce en son premier alinéa qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et en son second alinéa qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La preuve des heures de travail effectuées n'incombant spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments pouvant être établis unilatéralement par ses soins, mais suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, pour permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail accomplies de répondre en fournissant ses propres éléments.

La société CLAUGER fait valoir qu'elle rémunérait le salarié à concurrence de 177,53 heures de travail mensuel, dont 13 heures de trajet, soit 41 heures de travail par semaine , que les relevés d'heures hebdomadaires étaient établis par le salarié puis validés par l'employeur, ce qui explique des distorsions entre les heures déclarées et les heures retenues, que le salarié travaillait souvent moins que 41 heures par semaine et que la rémunération versée comprenait forfaitairement 3 heures de travail pour les déplacements professionnels, de telle sorte que le salarié a été intégralement payé de ses heures de travail jusqu'à 41 heures, qu'au surplus, les pièces produites par le salarié n'étayent pas sa demande d'heures supplémentaires au delà de 41 heures.

Monsieur [Y] fait valoir qu'il travaillait habituellement 41 heures par semaine, soit au delà du forfait hebdomadaire de 38 heures de travail prévu dans le contrat de travail, que l'employeur ne conteste plus en cause d'appel sa durée hebdomadaire de travail de 41 heures mais ne démontre pas lui avoir réglé ses 3 heures supplémentaires structurelles par semaine, que les 41 heures de travail accomplies ne comprenaient pas ses heures de trajet indemnisées forfaitairement à hauteur de 3 heures par semaine, qu'il est bien fondé à réclamer le paiement de 423 heures supplémentaires au titre de ces heures supplémentaires structurelles pour la période de septembre 2013 à août 2016, qu'en outre, il a effectué 88 heures supplémentaires, en sus de ses 41 heures de travail par semaine.

quant aux heures supplémentaires accomplies jusqu'à 41 heures:

Le contrat de travail stipule:

' Article II. DUREE et ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL

La durée effective de votre temps de travail est de 38 heures hebdomadaires par semaine soit 164,67 heures par mois.

L'horaire est celui en vigueur dans l'entreprise. Il pourra être adapté en fonction des horaires propres aux clients et pourra faire l'objet de modifications en fonctions des besoins de l'entreprise.

Les temps de trajet passés entre votre domicile et les lieux d'intervention, et inversement, ne sont pas considérés comme du temps de travail effectif. Toutefois ces temps vous seront indemnisés sur la base de votre salaire horaire (cf. article IV).

(').

Article IV. REMUNERATION.

Votre salaire forfaitaire mensuel brut total s'élève à la somme de 2.100 € (Deux mille cent Euros) pour un horaire

forfaitaire hebdomadaire de 41 heures soit 177,67 heures par mois.

Votre rémunération se décomposera de la façon suivante:

salaire de base pour 164,67 heures par mois:1.949,11 € (majoration pour heures supplémentaires incluse)

indemnité pour heures de trajet (13hX11,6073):150,89 €'

Il ressort de ces dispositions que les parties avaient conclu un forfait mensuel en heures de 164,67 heures, soit 38 heures par semaine, et que les temps de trajet passés entre le lieu de domicile et les lieux d'intervention du salarié n'étaient pas considérés comme du temps de travail effectif mais indemnisés forfaitairement sur la base du salaire horaire du salarié.

A l'appui de sa demande d'heures supplémentaires, Monsieur [Y] produit:

-ses feuilles de relevés d'heures hebdomadaires sur la période de 2013 à 2016 dont il ressort qu'il travaillait le plus souvent à hauteur de 41 heures et parfois plus,

-ses bulletins de paie pour la même période,

-les écritures de l'employeur en première instance tant en référé qu'au fond,

-des échange de courriels montrant qu'un intérimaire intervenant comme cariste au sein de la société CLAUGER était soumis à une durée hebdomadaire de travail de 41 heures pour la période du 13 au 23 octobre 2015 et qu'il lui avait été demandé le 18 janvier 2016 de déclarer 41 heures sur le logiciel de gestion du temps mis en place à compter du mois de février 2015 et de comptabiliser ses heures supplémentaires sur un tableau parallèle.

Ces éléments sont suffisants pour étayer la demande d'heures supplémentaires du salarié.

Les fiches de paie de Monsieur [Y] font apparaître qu'il a été rémunéré conformément au contrat de travail, soit pour 164,67 heures de travail, dont 13 heures rémunérées à 125 %, outre 13 heures de trajet calculées sur la base du salaire horaire.

L'employeur qui affirme que le salarié travaillait souvent moins que 41 heures ne le prouve pas, les semaines citées par lui comprenant des jours de congés payés ou encore de maladie.

Par ailleurs, il ne démontre pas que les heures de travail déclarées par le salarié et rectifiées si nécessaires par le supérieur hiérarchique de celui-ci comprenaient les heures de trajet, étant observé que la notice afférente à l'utilisation de l'application 'my hebdo report', logiciel de gestion du temps de travail des salariés mis en place à compter de février 2015, indique que le nombre d'heures déclarées par le salarié correspond à celui des heures passées sur un projet, sans préciser qu'il y a lieu de rajouter pour chaque semaine les temps de trajet indemnisés par l'employeur à hauteur de 13 heures par mois.

Il ressort de ces éléments que le salarié travaillait habituellement à concurrence de 41 heures par semaine au lieu de 38 heures par semaine, soit 3 heures supplémentaires de travail par semaine non rémunérées en sus des heures de trajet indemnisées et qu'il a ainsi accompli 423 heures supplémentaires pour la période de septembre 2013 à août 2016.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a condamné la société CLAUGER à payer à Monsieur [Y] la somme de 7.429,29 euros pour les heures supplémentaires effectuées jusqu'à 41 heures outre celle de 742,92 euros au titre des congés payés afférents

quant aux heures supplémentaires accomplies au delà de 41 heures par semaine:

A l'appui de sa demande, Monsieur [Y] produit en sus des documents déjà cités,

-les horaires collectifs de travail au sein de l'entreprise, soit du lundi au vendredi, de 7 h 30 à 12 heures et de 13 heures à 18 heures et le samedi, de 8 heures à 12 heures,

-des extraits de la boîte d'envoi de sa messagerie professionnelle du 16 juillet 2014 au 21 juin 2016 montrant qu'il a parfois adressé des messages professionnels en dehors de ces horaires,

-un décompte des heures supplémentaires effectuées au delà de 41 heures adressé le 2 juillet 2016 à l'employeur,

-un courriel faisant apparaître qu'il a été autorisé à poser un jour de repos le 26 décembre 2014 à titre de récupération.

Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés par le salarié pendant les semaines où il indique avoir travaillé plus que les 41 heures mentionnées par ses relevés d'heures. Ils ne permettent donc pas à l'employeur d'y répondre et sont insuffisants pour étayer la demande d'heures supplémentaires de Monsieur [Y] au delà de la durée hebdomadaire de 41 heures de travail..

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'heures supplémentaires au delà de 41 heures par semaine.

quant au rappel de salaire sur la part d'intéressement et de participation:

Il ressort du contrat d'intéressement et de l'accord de participation applicable au sein de la société que la part d'intéressement et de participation du salarié dépend du montant de son salaire brut pour l'exercice de référence.

Aussi, le salarié pouvait prétendre à une participation et à un intéressement plus important, après réintégration des heures supplémentaires dans son salaire.

L'employeur ne critiquant pas à titre subsidiaire la somme allouée par les premiers juges au titre de l'intéressement et de la participation, le jugement sera confirmé sur ce point.

sur le travail dissimulé:

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait notamment par l'employeur:

'de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.'

L'article L. 8223-1 du même code dispose: 'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire."

Monsieur [Y] fait valoir que l'employeur a refusé de régulariser le paiement de ses heures supplémentaires malgré plusieurs demandes à cette fin, que l'employeur a minoré sciemment le nombre de ses heures supplémentaires, comme pour l'ensemble des autres salariés, qui étaient également soumis à une durée hebdomadaire de travail de 41 heures, que compte tenu du caractère intentionnel de cette dissimulation, il est bien fondé à réclamer une indemnité pour travail dissimulé, ce que conteste l'employeur.

L'employeur, qui n'a pas déféré à la sommation de communiquer les contrats de travail, les bulletins de paie et les feuilles d'heures de salariés de même niveau hiérarchique que Monsieur [Y], n'a pas régularisé les heures supplémentaires dues au salarié malgré les demandes de ce dernier des 2 juillet et 11 août 2016. Or, la société CLAUGER, qui est une grande entreprise, ne pouvait ignorer qu'elle était tenue de rémunérer les 3 heures supplémentaires de travail par semaine du salarié, en sus de l'indemnisation forfaitaire prévue par le contrat de travail au titre des heures de trajet. EIle n'a donc pas rémunéré intentionnellement ces heures supplémentaires et a mentionné en parfaite connaissance de cause un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli sur les bulletins de paie du salarié.

Les parties ne remettent pas en cause la moyenne mensuelle des salaires de Monsieur [Y] fixée à la somme de 2.630,58 euros par les premiers juges. La société CLAUGER sera condamnée à payer à Monsieur [Y] la somme de 15.783,48 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé et le jugement infirmé sur ce point.

sur le non respect du repos et de la durée du travail ainsi que le risque pour la santé et la sécurité du salarié:

Monsieur [Y] fait valoir qu'il a régulièrement travaillé au delà du maximum légal et que l'employeur n'a pas préservé sa santé et sa sécurité, de telle sorte qu'il était constamment sous pression et épuisé, ce que conteste la société CLAUGER.

Le salarié n'établissant par aucune pièce les manquements qu'il impute à l'employeur, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non respect du repos et des risques pour sa santé.

sur la rupture du contrat de travail:

Selon les termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit la prouver.

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.

En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Enfin, aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il ressort de la lettre de licenciement que la société CLAUGER reproche à Monsieur [Y] les manquements suivants:

1) un refus délibéré d'exécuter les tâches confiées le 6 mai 2016,

2) un abandon de poste injustifié du 6 mai 2016,

3) une falsification réitérée de son temps de travail effectif,

4) la réalisation de tâches non confiées au détriment de ses propres tâches,

5) des propos et actions dénigrant l'entreprise.

La société CLAUGER fait valoir que le manquement fautif reproché au salarié dans le cadre du troisième grief s'est poursuivi jusqu'au 5 juillet 2016, de telle sorte qu'il n'est pas prescrit de même que les deux premiers griefs, lesquels procèdent d'un comportement identique, qu'elle n'a pas fait preuve d'acharnement à l'encontre du salarié suite à sa réclamation en paiement d'heures supplémentaires et que le licenciement est justifié par les manquements du salarié.

Monsieur [Y] soulève la prescription des quatre premiers griefs qui remontent pour les trois premiers au 6 mai 2016 et pour le quatrième à l'année 2015. Il conteste, sur le fond, l'ensemble des fautes qui lui sont reprochées, arguant de ce qu'il a fait l'objet d'un véritable acharnement de la part de l'employeur, quand il a sollicité le paiement de ses heures supplémentaires, et que ce dernier souhaitait le faire partir, pour éviter que les autres salariés soient au courant de sa réclamation.

La falsification reprochée dans le cadre du troisième grief n'est pas une faute de même nature que l'insubordination ou l'abandon de poste imputés au salarié dans le cadre des deux premiers griefs. Par ailleurs, les deux premiers griefs sont relatifs à des faits du 6 mai 2016 et le quatrième grief est étayé par un échange de courriels professionnels de mars à août 2015 ainsi que l'entretien annuel d'évaluation du salarié du 15 avril 2016. Aussi, il convient de constater la prescription des premier, deuxième et quatrième griefs, l'employeur ayant eu connaissance des faits reprochés plus de deux mois avant le 22 juillet 2016, date de mise en oeuvre du licenciement.

L'employeur qui reproche à Monsieur [Y] d'avoir triché de manière délibérée et réitérée sur ses temps de travail effectif dans le cadre du troisième grief produit deux relevés d'heures différents du salarié pour la semaine du 2 au 8 mai 2016. Un courriel de l'employeur montre que ce dernier a eu connaissance le 13 mai 2016 d'un premier relevé d'heures, aux termes duquel le salarié indiquait avoir travaillé 7 heures le vendredi 6 mai 2016 alors qu'il n'aurait effectué que 4,5 ou 5 heures le jour considéré. La tricherie reprochée dans le cadre du premier relevé remonte donc à plus de deux mois avant la mise en oeuvre du licenciement. Si l'employeur explique que le second relevé d'heures du salarié pour la semaine du 2 au 8 mai 2016 après modification ne correspondait toujours pas à la réalité des heures effectuées, ce qu'il a indiqué au salarié par courriel du 5 juillet 2016, il n'établit pas la date à laquelle il a eu connaissance de ce relevé d'heures rectificatif et ne prouve donc pas avoir eu connaissance de celui-ci moins de deux mois avant la mise en oeuvre du licenciement. Il convient donc de constater également la prescription du quatrième grief, étant observé que le courriel de l'employeur du 5 juillet 2016 a immédiatement fait suite au courrier du salarié du 2 juillet 2016 réclamant le paiement d'heures supplémentaires.

Enfin, s'il ressort de l'attestation de Monsieur [S], supérieur hiérarchique de Monsieur [Y], que le salarié lui a fait part peu de temps avant la rupture du contrat de travail de différentes revendications financières et l'a menacé de faire respecter ses droits s'il n'obtenait pas le paiement de ses heures supplémentaires, les propos du salarié relatés par cette attestation ne dénigrent pas particulièrement la société ni ne sont constitutifs d'un abus de la liberté d'expression du salarié. En l'absence d'autre pièce à l'appui du cinquième grief, celui-ci n'est pas établi.

Les quatre premiers griefs étant prescrits et le dernier n'étant pas établi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, le salarié qui a une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Monsieur [Y] avait 55 ans et une ancienneté de plus de 5 ans dans l'entreprise au moment du licenciement. Il percevait à cette date un salaire mensuel brut moyen de 2.630,58 euros.

Marié, il avait deux enfants majeurs à charge au moment du licenciement. Il indique être demandeur d'emploi depuis son licenciement mais n'en justifie par aucune pièce.

Au vu de ces éléments, il apparaît que les premiers juges ont fait une appréciation inexacte du préjudice subi par Monsieur [Y] en raison de son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. Il convient en conséquence de diminuer le montant des dommages et intérêts alloués et de condamner la société CLAUGER à payer à Monsieur [Y] la somme de 20.000 euros à ce titre. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Les sommes allouées à Monsieur [Y] à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied injustifiée, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement ne sont pas critiquées par l'employeur. Le jugement sera confirmé quant à celles-ci.

Enfin, le jugement sera confirmé quant à la condamnation de la société CLAUGER à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées, dans la limite de 3 mois en application de l'article L.1235-4 du code du travail.

sur l'indemnité compensatrice de congés payés:

Si Monsieur [Y] fait valoir qu'il aurait pu prétendre à la somme de 969,18 euros au titre des indemnités de congés payés 'sur la période litigieuse', si celles-ci avaient été calculées selon la règle du 10ème et non du maintien du salaire, il ne produit aucun décompte de nature à préciser les modalités de calcul de la somme qu'il réclame. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] de sa demande de ce chef.

sur le document de rupture:

Il convient d'ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée en fonction des condamnations dans le délai maximum de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, et passé ce délai, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, laquelle courra pendant une durée maximale de 6 mois.

La société CLAUGER dont le recours est rejeté sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à Monsieur [Y] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée par le jugement.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués au salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé;

L'INFIRME sur ces points,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société CLAUGER à payer à Monsieur [Y] les sommes suivantes:

20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

15.783,48 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales;

CONDAMNE la société CLAUGER à remettre à Monsieur [Y], dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision l'attestation Pôle Emploi, rectifiée en fonction des condamnations prononcées, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, passé ce délai, laquelle astreinte courra pendant une durée de six mois;

CONDAMNE la société CLAUGER à payer à Monsieur [Y] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

CONDAMNE la société CLAUGER aux dépens d'appel.

Le Greffier La Présidente

Manon FADHLAOUIJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 18/00202
Date de la décision : 03/06/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°18/00202 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-03;18.00202 ?
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